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Apprendre et surmonter : soutenir les élèves pour leur bien-être

De bonnes compétences langagières soutiennent la réussite scolaire des élèves et façonnent leurs interactions sociales ainsi que leur bien-être émotionnel. Dans les classes d’aujourd’hui, le bien-être des élèves et des enseignants est souvent mis à l’épreuve par un enjeu majeur mais trop souvent négligé : répondre aux besoins variés des élèves en matière de langage, qu’il s’agisse de difficultés de langage, de l’apprentissage d’une nouvelle langue, ou des deux à la fois. 

Les enseignants investissent une grande énergie émotionnelle et physique pour répondre à ces besoins tout en suivant les exigences du programme d’étude. L’incertitude entourant la cause, la sévérité et l’impact des difficultés langagières rend l’intervention complexe. Ce qui mène à l’épuisement et au stress n’est pas tant les besoins des élèves eux-mêmes, mais plutôt le manque de ressources et de stratégies pour y répondre. 

Lorsque les enseignants n’ont pas les outils et les ressources nécessaires pour soutenir les élèves rencontrant des difficultés langagières, les défis se multiplient rapidement. Les élèves peuvent avoir du mal à suivre les consignes, à participer aux discussions ou à réaliser leurs travaux, ce qui peut entraîner de la frustration, du désengagement et des difficultés comportementales qui s’aggravent avec le temps. Pourtant, il existe des moyens d’aborder ces complexités qui favorisent à la fois le bien-être des élèves et celui des enseignants, tout en contribuant à créer des classes plus inclusives.  

L’impact étendu des difficultés langagières 

Les difficultés langagières ne se limitent pas à la capacité de communiquer avec aisance. C’est particulièrement vrai pour les deux élèves en moyenne par classe vivant avec un trouble développemental du langage (TDL), un trouble de communication « invisible » et permanent qui rend la compréhension et/ou l’expression orale difficiles. Bien que sa prévalence soit comparable à celle de la dyslexie, le TDL demeure largement méconnu chez de nombreux enseignants au Canada. Ce qui complique la situation, c’est que la majorité des élèves ayant un TDL ne sont pas identifiés. 

Une identification précoce permet pourtant aux élèves d’accéder à des interventions et à des soutiens essentiels, autant en classe qu’à l’extérieur ; pour les enseignants, elle fournit des balises claires et des stratégies efficaces, réduisant ainsi le stress et renforçant leur sentiment de compétence professionnelle.  

Les élèves avec un TDL peuvent aussi présenter de la dyslexie, un TDAH ou d’autres troubles du développement. La recherche montre que les difficultés liées au langage et à la littératie influencent la réussite scolaire, le développement socio émotionnel et la santé mentale. Ces élèves peuvent avoir du mal à exprimer leurs besoins ou à comprendre les consignes, ce qui mène à la frustration et à l’isolement. Hollo et collègues (2014) ont constaté que 81 % des élèves présentant des difficultés émotionnelles et comportementales ont aussi un déficit langagier. Sans conscience de ce facteur sous-jacent, certains comportements peuvent être pris à tort pour des problèmes de discipline, et on risque alors de passer à côté d’occasions précieuses d’intervention ciblée. 

Des pistes pour l’apprentissage et le bien-être 

Réduire les écarts langagiers améliore non seulement les résultats scolaires, mais crée aussi une boucle positive pour le bien-être. Les élèves qui réussissent dans leurs apprentissages langagiers se sentent plus confiants et engagés. Les enseignants, en voyant leurs élèves progresser, se sentent compétents, valorisés et motivés dans leur rôle. 

1. Identification précoce et soutien ciblé

L’identification et l’intervention précoces comptent parmi les moyens les plus efficaces pour réduire les écarts. Détectées tôt par les orthophonistes, les orthopédagogues, les enseignants-ressources ou les psychologues scolaires, les difficultés peuvent être soutenues avant de s’aggraver.  

L’identification et l’intervention précoces des difficultés langagières ou d’apprentissage comptent parmi les moyens les plus efficaces pour réduire les écarts. Par exemple, lorsqu’un élève ayant du mal à comprendre ou à s’exprimer est repéré rapidement, il peut bénéficier d’un accompagnement adapté (comme l’utilisation d’outils visuels ou des séances de remédiation ciblées) avant que ses défis n’affectent son estime de soi ou sa progression scolaire. Détectées tôt par les orthophonistes, orthopédagogues, enseignants-ressources ou psychologues scolaires, ces difficultés peuvent ainsi être soutenues avant de s’aggraver et d’entraîner d’autres conséquences sur l’apprentissage ou le comportement. 

Ces soutiens consistent généralement en des activités axées sur le langage, dont l’objectif est de renforcer le vocabulaire, la compréhension et les compétences d’expression. Ces activités peuvent favoriser la progression des élèves présentant des difficultés d’apprentissage du langage ainsi que celle des élèves au développement typique. 

Dans les classes où la langue d’enseignement diffère de la langue ou de la culture familiale, il est parfois difficile de distinguer un apprentissage normal d’une langue seconde d’un TDL potentiel. L’évaluation du potentiel d’apprentissage, c’est-à-dire la capacité d’un élève à apprendre lorsqu’il bénéficie de soutien, constitue alors une mesure plus valide et plus précise pour identifier les besoins langagiers des élèves issus de milieux culturels et linguistiques divers. C’est le cœur de l’Évaluation dynamique basée sur les programmes d’études (ÉDPÉ), développée et validée au Canada.  

L’évaluation dynamique basée sur les programmes d’études (ÉDPÉ) 

L’évaluation dynamique basée sur les programmes d’études (ÉDPÉ) permet de voir comment un élève apprend lorsqu’on lui donne du soutien, plutôt que de juger uniquement sa performance à un moment précis. Cette approche utilise le récit oral et l’enseignement interactif pour mieux comprendre ses capacités. Elle est particulièrement utile pour les élèves issus de milieux culturels et linguistiques variés, car elle réduit les biais et montre non seulement le potentiel d’apprentissage de l’élève, mais aussi le type et le niveau d’aide dont il a besoin. Contrairement aux tests standardisés, l’ÉDPÉ ne compare pas l’élève à une norme quelconque, mais s’intéresse à sa façon d’apprendre. 

Selon le contexte, l’ÉDPÉ peut être administrée par des orthophonistes, des enseignants-ressources ou d’autres professionnels travaillant en éducation spécialisée et en évaluation. Le rapport d’évaluation de l’élève fournit : un indicateur du risque de TDL, une description de ces habiletés narratives actuelles, et des observations sur l’élève comme apprenant, avec des idées pratiques d’intervention. Ces informations, claires et utilisables, guident les enseignants pour adapter leur enseignement aux besoins uniques de chaque élève. De plus, l’ÉDPÉ propose des stratégies concrètes pour accompagner l’élève en attendant qu’il puisse recevoir des services plus spécialisés, comme ceux d’un orthophoniste ou d’un psychologue scolaire. 

2. Des équipes éducatives collaboratives

La constitution d’une équipe éducative collaborative peut garantir que les informations fournies aux enseignants sont directement pertinentes pour l’apprentissage en classe. L’implication, autant que possible, de spécialistes tels que des orthophonistes, des orthopédagogues, des enseignants-ressources ou des enseignants en français langue additionnelle permet d’aligner les évaluations sur les objectifs du programme et de guider des interventions ciblées. 

Par exemple, les compétences du récit oral mesurées par l’ÉDPÉ ont été conçues en tenant compte des programmes d’études et des recherches sur les habiletés narratives essentielles à l’apprentissage ; elles s’intègrent ainsi facilement dans les cours de langue et fournissent des cibles concrètes. Cette collaboration allège la charge des enseignants et rend les interventions plus pertinentes. 

3. Intégrer une variété de soutiens langagiers en classe

Les pratiques d’enseignement qui intègrent du soutien au langage profitent à tous les élèves. Chaque élève est différent. Quand les enseignants repèrent tôt les forces et les besoins en langage – qu’il s’agisse d’un élève ayant un trouble développemental du langage (TDL), d’un élève qui apprend le français comme langue additionnelle, ou des deux – ils peuvent mettre en place des stratégies variées pour favoriser les apprentissages.  

Parmi ces stratégies, on peut utiliser des supports visuels, encourager le travail en équipe entre élèves ou encore recourir à des outils comme la synthèse vocale et les livres audio. Ces approches contribuent à créer un climat inclusif qui facilite la participation de tous. Les mises en scène et les jeux de rôle, par exemple, aident les élèves à s’exprimer à l’oral, à mieux comprendre les récits, à collaborer avec leurs pairs et à rendre les apprentissages plus concrets et motivants. 

4. Formation continue menée par des experts

Il est important de fournir aux enseignants les connaissances et compétences nécessaires pour gérer les enjeux liés au langage. Les programmes de développement professionnel, qui traitent des difficultés langagières telles que le TDL, du multilinguisme, des outils d’évaluation dynamique et des interventions fondées sur des données probantes, peuvent améliorer la préparation et l’efficacité des enseignants. Lorsque les enseignants disposent des ressources appropriées pour faire face aux défis en classe, leur sentiment de compétence et leur bien-être sont soutenus. Par ailleurs, les communautés d’apprentissage professionnel continues, encadrées par des spécialistes, facilitent l’échange de stratégies et le partage d’expériences entre enseignants. Les directions d’école sont encouragées à investir dans des formations développées et animées par des experts, afin de s’assurer qu’elles reposent sur la recherche et répondent aux besoins spécifiques de chaque contexte scolaire.  

Avec environ deux élèves par classe touchés par le TDL, un trouble invisible, qu’ils parlent une seule langue ou plusieurs, le moment d’agir est venu. 

Conclusion 

Les enseignants sont au cœur du soutien aux élèves rencontrant des difficultés langagières ou apprenant une langue additionnelle, mais ils ont besoin d’une équipe derrière eux. Les directions d’école doivent s’assurer que des ressources existent : dépistages, accès à des spécialistes, temps consacré à la formation continue, et partenariats avec des orthophonistes. 

Quand on accorde de l’importance au langage, tout le monde en profite. Les élèves gagnent en confiance et en engagement. Les enseignants se sentent compétents et soutenus. Les classes deviennent des milieux inclusifs où les besoins langagiers de chaque élève sont reconnus et pris en compte. 

Les réalités en classe aujourd’hui sont complexes. Mais avec des outils d’évaluation efficaces, un travail d’équipe solide et une formation continue, les enseignants peuvent réellement transformer le parcours de leurs élèves, soutenir ceux ayant un trouble développemental du langage (TDL) ou des besoins langagiers supplémentaires, préserver leur bien-être professionnel et contribuer à des communautés scolaires plus fortes et inclusives. 

 

Question de réflexion 

Alors que vous réfléchissez à votre propre pratique pédagogique, comment avez-vous observé les difficultés linguistiques se manifester en classe ? Quelles stratégies avez-vous utilisées pour soutenir ces élèves ? Quels autres ressources sont disponibles ? 

  

References 

Adlof, S. M., & Hogan, T. P. (2018). Understanding dyslexia in the context of developmental language disorders. Language, Speech, and Hearing Services in Schools, 49(4), 762-773. 

Day, S. L., Connor, C. M., & McClelland, M. M. (2015). Children’s behavioral regulation and literacy: The impact of the first grade classroom environment. Journal of School Psychology, 53(5), 409–428. https://doi.org/10.1016/j.jsp.2015.07.004 

Hammer, C. S., Hoff, E., Uchikoshi, Y., Gillanders, C., Castro, D., & Sandilos, L. E. (2014). The Language and Literacy Development of Young Dual Language Learners: A Critical Review. Early Childhood Research Quarterly, 29(4), 715–733. https://doi.org/10.1016/j.ecresq.2014.05.008 

Haywood, H. C., & Lidz, C. S. (2007). Dynamic assessment in practice: Clinical and educational applications. Cambridge University Press. 

Hollo, A., Wehby, J. H., & Oliver, R. M. (2014). Unidentified language deficits in children with emotional and behavioral disorders: A meta-analysis. Exceptional children, 80(2), 169-186. 

Laurie, A., & Pesco, D. (2023). Curriculum-based dynamic assessments of narratives for bilingual Filipino children. Language, Speech, and Hearing Services in Schools, 54(2), 489–503. https://doi.org/10.1044/2022_LSHSS-22-00117 

Laurie, A. & Pesco, D. (2024). Dynamic assessment of narratives: Case studies of bilingual Filipino kindergarteners with language difficulties. Child Language Teaching and Therapy, 40(1), 24-38 https://doi.org/10.1177/02656590241228420  

Law, J., McKean, C., Murphy, C. A., & Thordardottir, E. (Eds.). (2019). Managing children with developmental language disorder: Theory and practice across Europe and beyond. Routledge. 

Peña, E. D. (2000). Measurement of modifiability in children from culturally and linguistically diverse backgrounds. Communication Disorders Quarterly, 21(2), 87-97. 

 

Apprenez-en plus sur

Anne Laurie

Researcher, TRICOAST Education, Concordia University

Anne Laurie, PhD, is a postdoctoral fellow at Concordia University whose research focuses on narrative and language development in children, with a particular emphasis on Developmental Language Disorder (DLD) and multilingualism. She developed the Curriculum-Based Dynamic Assessment (CBDA), a validated tool that helps identify children’s language learning needs as early as possible.

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