La COVID-19 et les mesures mises en place afin d’en limiter la propagation ont affecté la quantité et la qualité des enseignements et des services offerts par les écoles. Ces mesures incluent la fermeture complète des écoles canadiennes dès la mi-mars 2020, l’enseignement et le soutien à distance en mode urgence, la création de bulles-classes et la fermeture temporaire de classes pour contrôler les éclosions. Selon le Conseil supérieur de l’éducation du Québec (2021), les perturbations scolaires pourraient mener à un appauvrissement des connaissances et compétences acquises par les enfants, notamment chez les plus vulnérables. D’un point de vue économique, des retards d’apprentissage chez les enfants des écoles primaires et secondaires au Canada pourrait entraîner des pertes s’élevant à près de 2 500 milliards de PIB sur 80 ans, soit des pertes de PIB de 1,5 % jusqu’à la fin du siècle (Hanushek et Woessmann, 2022). Plus récemment, le Fonds monétaire international a estimé à 3 % du PIB l’impact des fermetures d’écoles sur l’économie des pays du G20.
Un nombre croissant de données concernant les effets des perturbations scolaires sur les apprentissages sont devenues disponibles au cours des années 2021-2023. Une revue systématique pré-enregistrée sur le sujet indique que les résultats varient en fonction du contexte social et scolaire dans lequel les perturbations ont eu lieu, et de la façon dont elles ont été gérées. Selon cette méta-analyse de 42 études dans 15 pays, un déficit d’apprentissage global substantiel (d = −0,14 de Cohen, intervalle de confiance à 95 % −0,17 à −0,10) est apparu au début de la pandémie et persiste dans le temps. Les déficits d’apprentissage sont particulièrement importants chez les enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés. Ils sont également plus importants en mathématiques qu’en lecture et dans les pays à revenu moyen par rapport aux pays à revenu élevé.
Bien que les effets de la COVID-19 sur les apprentissages préoccupent le gouvernement canadien, il semble que peu de données nationales soient disponibles. Au Québec, l’Observatoire pour l’Éducation et la Santé des enfants (OPES), en collaboration avec le ministère de l’Éducation, a réalisé une collecte de données afin de mesurer les apprentissages en lecture des enfants québécois terminant leur 4e année du primaire en 2021. Ces enfants ont été exposés, entre mars 2020 et mai 2022, à 15 mois de perturbations scolaires découlant des mesures sanitaires pour contrer la propagation de la COVID-19.
L’objectif était de comparer le niveau d’apprentissage des enfants en 2021 à celui des enfants de 4e année de 2019 (non exposés à la pandémie). Nous avons testé la possibilité que les écarts d’apprentissage entre les cohortes varient selon le sexe de l’enfant, son statut de risque en lecture et son milieu socio-économique et selon le nombre de journées de fermeture des classes.
Méthodologie
En avril 2021, tous les centres de services scolaires francophones et publics (n=60) de la province ont été invités à participer à une étude visant à comprendre l’effet des fermetures scolaires sur la performance en lecture en 4e année. La participation des écoles était volontaire.
Les analyses ont porté sur les 10 317 élèves en 2021 et 13 669 élèves en 2019 des mêmes écoles, pour un total de 23 986 élèves.
Les variables étudiées
Les apprentissages ont été mesurés à partir de l’épreuve obligatoire de français, langue d’enseignement. L’épreuve était la même que celle administrée avant la pandémie de COVID-19 : l’épreuve de juin 2019.
L’évaluation de la lecture en 4e année comporte deux tâches, soit celle sur le texte littéraire et celle sur le texte courant. Une seule des deux épreuves a été administrée dans cette étude : celle portant sur le texte courant. Il s’agit d’une épreuve d’une durée de 2 h 30 durant laquelle les élèves doivent lire un texte courant de 1 000 mots et répondre à 12 questions par des réponses courtes. La correction de l’épreuve s’est faite de manière centralisée, chaque copie ayant été corrigée deux fois par des employés de la Direction de la sanction des études (DSE) du MÉQ.
Le sexe de l’enfant et l’indice de Milieu socioéconomique1 (IMSE) de l’école ont servi de variables indépendantes.
Le nombre de jours où les classes ont été fermées au cours de l’année scolaire 2020-2021, moins de 15 jours de fermeture ou plus de 15 jours a été utilisée dans les analyses.
Calcul des écarts d’apprentissage
Pour estimer les écarts d’apprentissage entre 2019 et 2021, nous utilisons un modèle linéaire incluant des effets fixes concernant l’école. Le modèle prend la forme suivante :
Yiet=ɑ +β Cohortt2021 + γBoyi + θe + εiet
où Yiet est le résultat de l’élève i dans l’école e lors de l’année t. Le terme Cohortt2021 est une variable indicatrice égale à un en 2021 et zéro en 2019. Les effets fixes d’écoles sont captés par θe. Le sexe de l’élève est contrôlé via Garçoni and εiet iest le terme d’erreur. Les écarts-types sont calculés pour tenir compte de la plus forte corrélation dans les résultats des enfants d’une même école (analyse par grappes). Ainsi, le coefficient β permet de capter les effets des perturbations scolaires selon certaines hypothèses. La possibilité d’interactions entre l’IMSE, la performance et le sexe de l’enfant a été investiguée.
Nos résultats
On observe une baisse de 8,4 points de pourcentage en moyenne en lecture entre juin 2019 et juin 2021. La taille de cet écart varie en fonction de la performance des enfants à l’épreuve : elle est élevée pour le décile inférieur de performance (c.-à-d. 20 pp); moyenne pour les déciles intermédiaires (p. ex., 10 pp au 4e décile); et nulle pour les 2 déciles supérieurs de performance. Les garçons ont des pertes légèrement plus prononcées que les filles (1,4 point de percentile).
Le personnel scolaire et la promotion de l’égalité des chances
Nous avons comparé les apprentissages en lecture mesurés par le biais d’une épreuve ministérielle (n=10 880 élèves de 9-10 ans) avec ceux des enfants des mêmes écoles (n=13 669) ayant fait la même épreuve en 2019. Les résultats indiquent une différence de 8,4 % entre la note en lecture des élèves de 2019 (prépandémie) et celle des élèves de 2021 (exposés à la pandémie depuis 15 mois). Ainsi, alors que la moyenne était de 77,7 % en 2019, elle était de 69,3 % en 2021. La taille de cet écart varie en fonction de la performance des enfants à l’épreuve. Elle est élevée pour le décile inférieur de performance (c.-à-d. 20 pp2), moyenne pour les déciles intermédiaires (p. ex., 10 pp au 4e décile), et nulle pour les 2 déciles supérieurs de performance. Ces résultats suggèrent que les enfants forts en lecture, ceux ayant des notes dans les 20 % supérieurs, n’ont pas subi pas de perte d’apprentissage 15 mois après le début de la pandémie. Par ailleurs, les enfants faibles en lecture, ceux ayant des notes dans les 20 % inférieurs, ont subi des pertes d’apprentissage importantes (c.-à-d, 15-20 pp). Les écarts de performance sont plus importants (de 1,3 pp) chez les garçons.
Les résultats suggèrent que les élèves qui ont des difficultés scolaires ont particulièrement besoin de l’environnement spécialisé et structuré qu’est l’école pour les soutenir dans leurs apprentissages. Ils mettent en lumière le rôle crucial du personnel enseignant et des professionnels scolaires en tant que promoteurs de l’égalité des chances. Par ailleurs, les études sur les pratiques de gestion de classe en contexte d’incertitude (comme c’est le cas en temps de pandémie) suggèrent que les clientèles vulnérables sont moins une préoccupation de premier plan alors que tous vivent un faible sentiment de sécurité. Les années 2020-2021 ayant sollicité de manière inhabituelle le personnel scolaire, il est possible d’anticiper que le retour à une plus grande normalité en 2022 aura permis d’offrir le soutien nécessaire à la réussite de tous.
Les résultats de Betthauser et al. (2023) indiquent des pertes plus importantes pour les enfants de milieux défavorisés. Bien que nos résultats montrent que les enfants des écoles défavorisées aient des scores plus faibles que les autres, autant en 2019 qu’en 2021, nous n’avons pas détecté que les pertes d’apprentissages étaient plus importantes pour les enfants d’école défavorisées, mais bien pour les enfants qui avaient des niveaux plus faibles en lecture. Notons que puisque l’indice de défavorisation est corrélé avec la performance, il est plausible que les résultats différentiels en fonction de la performance occultent la différence quant à l’indice de défavorisation.
Il est possible que l’absence de différence pour la défavorisation puisse également être expliquée par le fait que l’indice auquel nous avons accès est mesuré au niveau de l’école et non pas de l’enfant/famille. La composition des écoles est dans les faits très hétérogène en termes de défavorisation des familles. Ainsi, même dans les quartiers défavorisés, il se peut que la variable ne capte pas les différences individuelles dans le niveau de défavorisation, alors que la variable sur la performance le fait. Cette explication s’applique également au seuil de revenu, qui est une variable au niveau de l’école.
Considérations particulières et suivis recommandés
Cette étude comporte des forces méthodologiques importantes, notamment le caractère standardisé de l’épreuve, la grande taille d’échantillon (n=23 986), la diversité et la représentativité de statut socioéconomique des écoles participantes, et la comparaison des enfants des mêmes écoles en 2019 et 2021. Le type de comparaison intra école permet de contrôler un nombre important de variables confondantes incluant la gestion de l’école, son personnel, ainsi que les enfants qui les fréquentent.
Les résultats captent l’ensemble des effets directs et indirects des perturbations pandémiques sur les apprentissages en lecture, et non pas seulement les effets des perturbations scolaires. À noter que le contexte de passation des épreuves a pu influencer les résultats : l’épreuve en 2021 n’était pas obligatoire et n’était pas comptabilisée au bulletin. Bien que les personnes enseignantes aient été invitées à préparer leurs élèves à l’épreuve en suivant les pratiques habituelles, la motivation et le niveau de stress des enfants ont peut-être été différents en 2021 par rapport à 2019. Par exemple, le niveau moindre de stress a peut-être eu un effet favorable sur la performance de certains enfants. Chez d’autres, le fait que les notes ne soient pas rapportées au bulletin a peut-être diminué la motivation.
Les résultats soulignent l’importance de réaliser un examen à long terme des trajectoires d’apprentissage des élèves canadiens à la suite des perturbations scolaires de 2019-2021. Des chercheurs ont montré qu’une augmentation des résultats scolaires de 0,2 écart type est associée à des revenus plus élevé (2,6 % au cours de la vie) et à une meilleure participation au marché du travail (Chetty, Friedman et Rockoff, 2014a, 2014b). Rappelons que cette étude montre des effets plus grands pour les élèves les plus vulnérables, ce qui laisse supposer un accroissement des inégalités sociales en ce qui a trait à la performance scolaire. Un suivi des notes aux épreuves standardisées des prochaines années est nécessaire afin de quantifier l’évolution des écarts, s’il y a lieu, et d’identifier des stratégies pour les diminuer.
Remerciements à nos collaborateurs : Karine Trudeau, Ph.D., William Sauvé
Chetty, R., Friedman, J. N. et Rockoff, J. E. (2014a). Measuring the impacts of teachers I: Evaluating bias in teacher value-added estimates. American economic review, 104(9), 2593-2632.
Chetty, R., Friedman, J. N. et Rockoff, J. E. (2014b). Measuring the impacts of teachers II: Teacher value-added and student outcomes in adulthood. American economic review, 104(9), 2633-2679.
Engzell, P., Frey, A. et Verhagen, M. D. (2021). Learning loss due to school closures during the COVID-19 pandemic. Proceedings of the National Academy of Sciences, 118(17), e2022376118.
Goldhaber, D., Imberman, S. A., Strunk, K. O., Hopkins, B. G., Brown, N., Harbatkin, E. et Kilbride, T. (2022). To what extent does in-person schooling contribute to the spread of Covid-19? Evidence from Michigan and Washington. Journal of Policy Analysis and Management, 41(1), 318-349.
Haelermans, C., Jacobs, M. et coll. (2021). A full year COVID-19 crisis with interrupted learning and two school closures: The effects on learning growth and inequality in primary education.
Hanushek, E. et Woessmann, L. (2020). The economic impacts of learning losses. Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, 225, Éditions OCDE, Paris.
Blainey, K. et Hannay, T. (2020). The impact of lockdown on children’s education: a nationwide analysis. RS Assessment, School Dash. extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://www.risingstars-uk.com/media/Rising-Stars/Assessment/Whitepapers/RS_Assessment_white_paper_1.pdf
Maldonado, J. E. et De Witte, K. (2022). The effect of school closures on standardized student test outcomes. British Educational Research Journal, 48(1), 49-94.
Milanovic, K. et Blainey, K. (2022). The residual impact of educational disruption on primary school attainment by spring 2022. RS Assessment, School Dash. https://risingstars-uk.com/media/Rising-Stars/Assessment/Whitepapers/Spring22_RS_Assessment_white_paper.pdf
Québec, É. (2021). GDUNO. Article consulté sur le site https://prod.education.gouv.qc.ca/gdunojrecherche/rechercheOrganisme.do;jsessionid=3sZe_Q8EMu68DHnFStbDpDDcFQszamaRzuTZLx4hSeKmIfn7AGRh!1100596104!-1697553619?methode=recherche
Québec, M. d. l. é. d. (2021). Indice de milieu socio-économique (IMSE). Article consulté sur le site
http://www.education.gouv.qc.ca/enseignants/aide-et-soutien/milieux-defavorises/agir-autrement/indice-de-milieu-socio-economique-imse/
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 L’Indice de Milieu Socioéconomique (IMSE) de l’école : Il s’agit d’un indice composé de deux variables, soit la sous-scolarisation de la mère et l’inactivité des parents, lesquelles ressortent comme les variables familiales explicatives les plus fortes de la non-réussite scolaire de l’enfant. L’IMSE d’un élève correspond à celui de l’unité de population d’où il provient, tandis que celui de l’école correspond à la moyenne de tous les IMSE des élèves.
2 Point pourcentage
Il est aujourd’hui de plus en plus connu que les fermetures d’écoles survenues à partir du printemps 2020 en raison de la pandémie de COVID-19 ont eu et continuent d’avoir des effets importants sur les milieux scolaires et toutes les personnes qui en font partie. L’UNESCO (2022) estime que plus d’un milliard et demi de jeunes ont été affectés par la crise de l’éducation liée à la COVID-19. Cette crise aurait fragilisé encore davantage des systèmes d’éducation déjà vulnérables, entre autres en raison des pénuries de personnel, de la qualité non optimale de l’enseignement-apprentissage, ou encore d’inégalités liées au genre, à l’origine ethnique, à la langue, au statut socioéconomique ou à des handicaps, notamment (UNICEF, 2015). Bien que l’on commence à prendre la mesure des effets de cette crise, davantage de recherche et de données de terrain sont nécessaires afin de mieux les comprendre et pour mieux guider les efforts de reconstruction (Donnelly et Patrinos, 2022).
Notre étude
L’objectif général de notre étude, menée par la Chaire UNESCO de développement curriculaire (CUDC) en partenariat avec le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ), est de mieux comprendre les effets de la crise de la COVID-19 sur les milieux scolaires au Québec. Plus spécifiquement, le projet vise à décrire l’incidence de la COVID-19 sur : 1) l’organisation et les établissements scolaires; 2) les élèves; et 3) le personnel enseignant. Dans le cadre du présent article, nous nous concentrerons sur les perceptions du personnel enseignant des effets négatifs de la COVID-19 sur leurs élèves.
D’où proviennent nos données?
Notre étude, de nature mixte, a été menée en deux temps auprès du personnel enseignant du primaire et du secondaire de trois centres de services scolaires (CSS), afin de mesurer l’évolution des effets de la COVID-19 sur différentes dimensions. Près de 500 enseignantes et enseignants ont répondu à un questionnaire en ligne à l’automne 2020, et près de 350 l’ont fait au printemps 2021. Parmi ces répondantes et répondants, des volontaires ont également participé à des entretiens semi-dirigés au printemps 2021 afin d’approfondir certains aspects abordés dans les questionnaires.
Dans les questionnaires, il a été demandé au personnel enseignant d’évaluer la situation à leur école, d’abord pour le début de l’année scolaire (pour la collecte de données à l’automne), puis pour la deuxième moitié de l’année scolaire (pour la collecte de données au printemps). À ces deux temps, les enseignantes et enseignants ont notamment évalué, de manière quantitative, dans quelle mesure la COVID-19 a eu des effets négatifs sur leurs élèves, plus précisément sur leurs apprentissages, leur autonomie, leur collaboration, leur capacité de résolution de problèmes, leur attention et leur capacité d’organisation.
Les résultats quantitatifs ainsi obtenus sont étayés par des données de nature qualitative. Pour l’automne 2020, il s’agit des réponses à une question ouverte dans le questionnaire en ligne, où il était demandé au personnel enseignant de nommer les trois aspects les plus importants sur lesquels la COVID-19 a eu des effets négatifs sur leurs élèves. Pour le printemps 2021, il s’agit des points soulevés par le personnel enseignant participant aux entretiens.
Les principaux effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves selon le personnel enseignant
De manière générale, on constate que les enseignantes et enseignants du primaire perçoivent davantage d’effets sur les compétences disciplinaires (les compétences spécifiques à une discipline : français, mathématiques, sciences, etc.), alors que celles et ceux du secondaire perçoivent plus les effets négatifs sur les habiletés scolaires (les habiletés relatives au rôle d’élève : attention, organisation, résolution de problèmes, etc.). Quand il leur est demandé de nommer, dans une question ouverte, les aspects les plus touchés par la COVID-19, ce sont l’aspect social, puis l’attention et la lecture qui sont les plus mentionnés pour le primaire, alors que ce sont plutôt la motivation, la participation, l’attention et l’aspect social qui sont surtout soulevés au secondaire.
Au primaire
Au primaire, à l’automne, les trois domaines d’apprentissage les plus touchés par la COVID-19 étaient le niveau des élèves en grammaire, en écriture, en éducation physique et en santé (figure 1). Il semblerait, selon les perceptions du personnel enseignant, que l’écart entre les élèves les plus forts et les élèves ayant déjà certaines difficultés au préalable s’est accru entre la fermeture des écoles et la reprise à l’automne 2020. En lien avec les effets sur le niveau des élèves en grammaire et en écriture, des enseignantes et enseignants ont souligné, en réponse à la question ouverte du questionnaire, que ces difficultés étaient particulièrement importantes chez plusieurs élèves allophones ayant potentiellement manqué d’occasions de développer leurs compétences en français durant le confinement. Pour ce qui est des difficultés en éducation physique et de la santé, chez les tout-petits, certaines difficultés en lien avec la motricité fine ont pu être observées.
Au printemps, les trois principaux domaines d’apprentissage les plus touchés par la COVID-19 selon le personnel enseignant du primaire étaient les suivants : la capacité d’attention, la capacité à résoudre des problèmes et le niveau en grammaire des élèves (figure 2). Concernant la capacité d’attention des élèves, des enseignantes et enseignants ont mentionné que les élèves semblaient rencontrer des difficultés avec leur rôle en tant qu’élèves, dont notamment la capacité à demeurer attentifs, tant en classe qu’à distance, et la capacité à résoudre des problèmes d’ordre scolaire ou d’ordre socioémotionnel. Pour ce qui est des difficultés en grammaire, comme dans les réponses à la question ouverte du questionnaire de l’automne, des enseignantes et enseignants du primaire ont mentionné aux entretiens du printemps que les difficultés en français étaient particulièrement importantes chez les élèves allophones.
Au secondaire
Au secondaire, à l’automne, les enseignantes et enseignants ont souligné des effets négatifs surtout sur les capacités d’attention, d’organisation et de résolution de problèmes de leurs élèves (figure 3). Il est intéressant de noter que les effets sur les apprentissages dans la discipline enseignée par les répondantes et répondants étaient relativement faibles (il ne s’agissait alors que du 7e domaine d’apprentissage le plus nommé). Concernant l’attention et l’organisation, selon les réponses à la question ouverte du questionnaire, ces difficultés ont surtout été vécues en enseignement à distance, puisque les interventions étaient plus difficiles en ligne qu’en présentiel, mais elles se sont aussi manifestées à l’école. En ligne, davantage de distractions faisaient en sorte que conserver l’attention des élèves était perçu comme un défi par le personnel enseignant. En présentiel, l’organisation scolaire irrégulière (horaires, bulles-classes, déplacements, matériel scolaire, plateformes et outils d’apprentissage numériques, etc.) dans le respect des mesures sanitaires en vigueur s’est avérée difficile à suivre pour plusieurs élèves. Pour ce qui est de la résolution de problèmes, les enseignantes et enseignants ont souligné qu’il s’agissait d’une importante difficulté des élèves en mathématiques.
Au printemps, les deux premiers effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves perçus par le personnel enseignant touchaient toujours les capacités d’attention et d’organisation des élèves, suivies par leur autonomie et leur niveau dans la discipline enseignée (figure 4). Comme leurs collègues du primaire, les enseignantes et enseignants du secondaire ont souligné en entretien avoir remarqué un effet plus important de la COVID-19 sur les élèves déjà en difficulté au préalable, ainsi que des grands écarts d’adaptation au retour à l’école entre les élèves les plus forts et les élèves en difficulté. Des enseignantes et enseignants du secondaire ont mentionné en entretien que plusieurs élèves avaient peu de soutien à la maison, et que l’enseignement hybride1 contribuerait très probablement à creuser encore davantage les écarts entre les élèves forts, qui réussiraient de toute manière, et les élèves plus à risque d’échec, pour qui le risque augmenterait. On note également que le niveau des élèves dans la discipline enseignée est monté au 4e rang des principaux effets négatifs de la COVID-19. On peut supposer que le retard accumulé tant durant la fermeture des écoles que durant l’année scolaire où les contenus enseignés ont dû être ramenés « à l’essentiel »2 a fini par se faire sentir chez les élèves comme chez le personnel enseignant.
Quelques mises en garde
Avant de conclure, il est nécessaire de mentionner que, comme toute étude, celle-ci comporte ses limites. D’abord, comme dans la grande majorité des études sur les effets de la COVID-19, tant en éducation que dans d’autres domaines, il est impossible d’établir un portrait prépandémique de la population étudiée. Il est donc difficile de déterminer ce qui relève spécifiquement des impacts de la COVID-19 et ce qui relève de situations ou d’influences préalables. Ensuite, bien que notre échantillon comporte plusieurs centaines d’élèves et d’enseignantes et enseignants, il ne représente qu’une petite proportion de la population étudiée. Par ailleurs, il se peut que le personnel enseignant ayant répondu aux questionnaires et s’étant porté volontaire pour les entretiens corresponde à celles et ceux qui avaient le plus de choses à dire sur la situation ou qui avaient vécu plus difficilement que les autres cette année scolaire particulière.
Une école à reconstruire, des élèves à ne pas perdre de vue
Bien que les effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves perçus par le personnel enseignant sont relativement importants, on constate, tant dans les questionnaires que dans les entretiens, que la totalité du personnel enseignant participant a souligné la grande résilience des élèves durant l’année scolaire 2020-2021. Plusieurs ont également mentionné que les mesures d’aide aux élèves (Conseil supérieur de l’éducation, 2021) avaient été très aidantes. Par ailleurs, il est intéressant de mentionner que les élèves, de leur côté, ont déclaré que les effets de la COVID-19 sur leurs apprentissages étaient plutôt faibles, alors que, comme nous l’avons montré, les enseignantes et enseignants les perçoivent de leur côté comme assez importants. Il est alors permis de se demander si les élèves sous-estiment les effets de la COVID-19 ou si les enseignantes et enseignants les surestiment : la réalité se trouve probablement quelque part entre les deux. Concernant les perceptions du personnel enseignant, soulignons que le stress usuel lié à la profession enseignante (Eblie Trudel et al., 2021), en plus du stress lié à la pandémie, aux mesures sanitaires et aux bouleversements de l’organisation scolaire durant l’année 2020-2021 peut avoir influencé leur représentation des effets de la COVID-19 sur leurs élèves.
Puisqu’on ne connait pas les effets à long terme de la COVID-19 sur les élèves, il importe de continuer la recherche sur les milieux scolaires québécois pour les accompagner et les outiller dans leur reconstruction. De plus, il est primordial que le personnel enseignant et tout personnel scolaire travaillant auprès des élèves soient adéquatement formés pour soutenir et aider les élèves à court, moyen et long terme, par exemple à l’égard de l’accompagnement dans le deuil, le stress et le trauma, de la collaboration entre l’école et la famille, ou encore de l’accompagnement des élèves présentant diverses difficultés (Müller et Goldenberg, 2020).
Ce projet a été financé par le Conseil de recherche du Canada en sciences humaines (CRSH) et le ministère de l’Éducation du Québec, dans le cadre du programme Engagement partenarial – initiative spéciale COVID-19.
Remerciements
Ce texte a été rédigé par Marion Deslandes Martineau, Patrick Charland, Yannick Skelling-Desmeules, Olivier Arvisais et Marie-Hélène Bruyère. Les auteurs et auteures tiennent à remercier les partenaires du ministère de l’Éducation et des centres de services scolaires concernés, de même que les collègues, cochercheurs et cochercheuses, collaborateurs et collaboratrices à l’étude : Jonathan Bluteau, Isabelle Plante, Isabelle Gauvin, Stéphane Cyr, Tegwen Gadais, Éric Dion, Joanna Trees Merckx et Jay S. Kaufman.
Conseil supérieur de l’éducation. (2021). Revenir à la normale? Surmonter les vulnérabilités du système éducatif face à la pandémie de COVID-19. Le Conseil. https:// cse.gouv.qc.ca/rebe20-21-covid/
Donnelly, R. et Patrinos, H. A. (2022). Learning loss during Covid-19: An early systematic review. PROSPECTS, 51(4), 601–609. doi.org/10.1007/s11125-021-09582-6
Eblie Trudel, L., Sokal, L. et Babb, J. (2021). Teachers’ Voices: Pandemic Lessons for the Future of Education. Journal of Teaching and Learning, 15(1), 4–19. doi.org/10.22329/jtl.v15i1.6486
Müller, L.-M. et Goldenberg, G. (2020, 5 juillet). Education in times of crisis: The potential implications of school closures for teachers and students. Chartered College of Teaching. https://my.chartered.college/wp-content/uploads/2020/05/CCTReport070520_FINAL.pdf?fbclid=IwAR0t62tROapzSQv28ofnIVc3AhE44UuFTP19dg6_V0-o7y8NqAFkEawAWZ8
UNESCO. (2022). Education : from school closure to recovery. UNESCO. https:// unesco.org/en/covid-19/education-response
UNICEF. (2015, 19 janvier). The Investment Case for Education and Equity. UNICEF, Education Section. https:// unicef.org/reports/investment-case-education-and-equity
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 L’enseignement hybride consiste en un enseignement qui se fait parfois à distance et parfois en présentiel. Pour une bonne partie de l’année scolaire 2020-2021, c’est l’horaire qui a été imposé aux élèves du 2e cycle du secondaire (soit des élèves de 14 à 17 ans).
2 Le ministère de l’Éducation a rendu disponibles des listes de savoirs essentiels sur lesquels se concentrer dans chaque discipline, au détriment d’autres notions faisant normalement partie des programmes d’enseignement.
Bien que les statistiques varient d’une province à l’autre, les écoles du Canada ont été fermées en moyenne pendant un total de 51 semaines durant la pandémie – ce qui place le pays dans la tranche la plus élevée à l’échelle mondiale quant aux fermetures d’écoles (UNESCO, s.d.). Il n’est donc pas étonnant que les décideurs provinciaux au Canada continuent d’être préoccupés par les impacts négatifs à court et à long terme des perturbations attribuables à ces fermetures sur l’apprentissage des élèves et se concentrent sur l’amélioration de la réussite dans les matières classiques comme la lecture, l’écriture, les mathématiques et la science. Selon le discours politique et médiatique dominant, les élèves ont pris du retard et doivent faire du « rattrapage » dans ces matières de base. La recherche internationale laisse certainement entendre que cette préoccupation est légitime et que l’apprentissage a été considérablement perturbé durant la pandémie.
Perte d’apprentissage au Canada et à l’étranger
Des chercheurs de plusieurs pays commencent à documenter les pertes d’apprentissage ayant touché la population étudiante en raison de la fermeture des écoles, du passage à l’apprentissage en ligne et hybride ainsi que des autres impacts associés aux vagues successives de la pandémie. Bien que les études sur le sujet soient relativement peu nombreuses, quelques nations occidentales comme les Pays-Bas (Engzell et coll., 2021), l’Allemagne (Depping et coll., 2021), la Belgique (Maldonato et De Witte, 2021) et les États-Unis (Bailey et coll., 2021) laissent entendre que l’apprentissage a essentiellement été mis sur pause pendant la pandémie. Ces études donnent également à penser que la pandémie a exacerbé des inégalités existantes, car les apprenants ayant un faible statut socioéconomique accusent un retard encore plus important par rapport à leurs pairs plus fortunés. Dans l’ensemble, la littérature émergente donne à penser que l’apprentissage et la résilience scolaires des apprenants dans le monde entier ont été particulièrement menacés durant la pandémie (Volante et Klinger, 2022a).
Malheureusement, la recherche dans le domaine de l’évaluation à large échelle au Canada, qui sert à élaborer des mesures fiables et comparables de la réussite des apprenants et des évaluations dans tout le système, a été particulièrement restreinte durant la pandémie. En fait, l’administration des évaluations aux niveaux international, national et provincial a été touchée, bon nombre d’entre elles ayant été annulées au cours des premières vagues de la pandémie. De plus, les programmes d’évaluation qui sont allés de l’avant ont présenté des taux élevés de non-participation, ce qui a eu un effet sur les plans d’échantillonnage. Ces défis ont rendu difficile la comparaison de la réussite des élèves dans les différentes provinces. En outre, les études déjà publiées sont propres à des contextes géographiques particuliers, comme Toronto (Conseil scolaire de district de Toronto, 2021), ou présentent des pertes anticipées extrapolées d’une étude sur l’apprentissage estival (Aurini et Davies, 2021). Collectivement, les études accessibles au Canada n’ont pas été en mesure de quantifier, avec un certain degré de certitude, l’impact de la pandémie sur la réussite des apprenants.
Néanmoins, les systèmes d’éducation canadiens, y compris les établissements d’enseignement supérieur, font état d’importantes lacunes sur le plan de l’apprentissage des jeunes à l’école, ce qui donne à penser que les pertes d’apprentissage ont touché les élèves de la maternelle à la 12e année et au-delà. Des organismes internationaux comme l’Organisation de coopération et du développement économiques (OCDE) (2020) et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (2022) ont également révélé que les apprenants ayant un statut socioéconomique plus faible et leurs familles n’ont pas pu obtenir les ressources nécessaires pour réussir dans un environnement en ligne ou hybride dans le contexte de la crise générée par la pandémie. Ces défis sont également bien documentés dans les reportages des médias grand public au Canada et sont pris en compte dans les interventions stratégiques mises en œuvre par divers gouvernements provinciaux pour essayer de soutenir nos groupes d’apprenants les plus vulnérables. Cependant, le succès relatif de ces efforts et interventions n’a pas été mesuré.
Tendances sur le plan des politiques au Canada
Une de nos récentes études offre une analyse pancanadienne de l’élaboration, entre janvier 2020 et décembre 2021, de politiques en matière d’éducation spécifiquement liées à la résilience scolaire dans la foulée des premières vagues de la pandémie. Sans surprise, nos observations portent à croire qu’on a consacré davantage d’attention aux enjeux scolaires – plus précisément, les résultats d’apprentissage dans des domaines cognitifs – alors qu’un nombre relativement modeste de politiques et ressources visaient à favoriser la santé mentale et le bienêtre physique en général (Volante et coll., 2022c). Notre analyse laisse aussi entrevoir un manque de différenciation généralisé en ce qui a trait aux politiques touchant l’allocation des ressources et des mesures de soutien spécifiques au sein des instances provinciales responsables de l’éducation pour aider les apprenants à risque. Nous avançons que, sans une telle différenciation, les ressources élaborées ne seront pas pleinement mises à profit et ne parviendront assurément pas à enrayer la croissance des inégalités entre les apprenants à statut socioéconomique faible et ceux à statut socioéconomique élevé, inégalités qui ont été amplifiées par la pandémie.
Dans l’ensemble, notre étude sur les politiques fait également ressortir l’importance de revoir ce que font les systèmes d’éducation provinciaux pour obtenir des résultats positifs pour les élèves et de quelle façon ces résultats peuvent être « mesurés » et évalués. Bien que les autorités provinciales responsables des évaluations aient déjà entrepris d’importants travaux à cet égard, les mesures d’évaluation à large échelle ne fournissent actuellement pas un portrait multidimensionnel du développement des apprenants. À l’inverse, les mesures de réussite internationales comme celles administrées par l’OCDE ou l’Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire comportent des questionnaires de base visant à dégager les facteurs à l’échelle de l’apprenant, de l’école et du système qui peuvent être liés aux résultats scolaires. Par exemple, ces mesures internationales incluent de plus en plus des facteurs et résultats qui pourraient être classés dans la catégorie des compétences non cognitives, ce qui attire l’attention sur l’importance des résultats sur le plan non cognitif et du bienêtre mental et physique.
Remettre en question le discours dominant
Il serait difficile de trouver un groupe d’intervenants du domaine de l’éducation qui ne reconnaît pas l’importance de la réussite dans les matières traditionnelles comme la lecture, l’écriture, les mathématiques et la science. Toutefois, la pandémie a montré que la réussite dans les domaines cognitifs traditionnels brosse un portrait nécessaire, mais incomplet, des défis urgents que doivent surmonter les jeunes du Canada. Comme l’ont mentionné Volante, Klinger et Barrett (2021) dans un article précédemment paru dans la revue Éducation Canada, les enfants canadiens font l’objet de tendances inquiétantes en matière de santé mentale et de bienêtre en général. De la même façon, la promotion de compétences non cognitives, comme un état d’esprit évolutif, représente un cadre de plus en plus important d’attributs clés qui contribuent à la résilience des apprenants, des établissements scolaires et des systèmes d’éducation en général (Volante et Klinger, 2022b).
Ainsi, les décideurs provinciaux font face à un important dilemme. Ils doivent élaborer une vision exhaustive de l’apprentissage et du bienêtre des apprenants qui met l’accent sur les compétences cognitives (c.-à-d., réussite en lecture, écriture, mathématiques et science) et non cognitives (c.-à-d. habitudes d’apprentissage, croyances personnelles, état d’esprit évolutif) et le bienêtre en général, face aux idéologies historiques et politiques dominantes tournées presque exclusivement vers une réforme de l’éducation fondée sur des normes. En fait, les changements fondés sur des normes et la réussite dans les trois matières de base (lecture, écriture, arithmétique) orientent en grande partie les programmes de réforme d’envergure dans la majorité du monde occidental depuis plus d’un demi-siècle (Volante et coll., 2022d). Malgré les préoccupations qui ont été soulevées et les éléments de preuve qui ont été dégagés à propos de l’impact de la pandémie, chaque province et territoire au Canada continue d’adhérer à un modèle de réforme axé sur des normes qui établit une hiérarchie des matières et des résultats liés à la réussite. L’importance des autres facteurs et résultats critiques peut être reconnue, mais ceux-ci reçoivent très peu d’attention formelle, et peu d’efforts sont consacrés à tirer profit de l’information recueillie lors d’évaluations internationales qui comportent désormais de telles mesures.
Repenser la réforme à vaste échelle
On a souvent écrit que l’adversité est un catalyseur de la croissance et du changement. Il est évident que les dernières années ont généré la plus intense adversité à laquelle feront face bon nombre d’apprenants, de familles et d’enseignants au cours de leur vie. Plutôt que de revenir au statu quo qui met de l’avant un ensemble étroit de résultats liés à la réussite, la présente ère de notre histoire collective offre une occasion de revoir nos approches concernant la réforme de l’éducation à vaste échelle pour mettre en place une reconnaissance plus nuancée des compétences et attributs requis pour surmonter les défis que nous réserve l’avenir. Bien sûr, tout apprenant, parent ou enseignant vous dira que la pandémie a entraîné des pertes allant au-delà du contenu scolaire. Pour comprendre la complexité multidimensionnelle de cette « perte » et y répondre, nous avons besoin d’une nouvelle conception de ce à quoi ressemble une éducation de qualité dans un monde post-COVID. Faute de quoi, les élèves pourront sans doute rattraper leur retard scolaire mais, en contrepartie, ils risquent d’être à la traîne sur le plan des compétences non cognitives dont ils ont besoin pour leur réussite future. Il est maintenant temps de chercher des moyens de lier les évaluations et les enquêtes à l’échelle provinciale, territoriale, nationale et internationale afin d’obtenir les données dont nous avons besoin pour examiner la complexité de l’apprentissage qui soutient l’enfant dans son ensemble.
Cette étude est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).
Aurini, J. et Davies, S. (2020). « COVID-19 school closures and educational achievement gaps in Canada: Lessons from Ontario summer learning research », Canadian Review of Sociology, 58(2), 165-185. doi.org/10.1111/cars.12334
Bailey, D. H., Duncan, G. J., Murnane R. J. et Yeung N. A. (2021). « Achievement gaps in the wake of COVID-19 », Educational Researcher, 50(5), 266-275. doi.org/10.3102%2F0013189X211011237
Depping, D., Lücken, M.et coll. (2021). « KompetenzständeHamburger Schülerinnen vor und während der Corona-Pandemie [Autres mesures des compétences des élèves à Hambourg durant la pandémie de coronavirus] », DDS – Die Deutsche Schule, Beiheft, 17, 51-79. www.pedocs.de/volltexte/2021/21514/pdf/DDS_Beiheft_17_2021_Depping_et_al_Kompetenzstaende_Hamburger.pdf
Engzell, P., Frey, A. et Verhagen, M. D. (2021). « Learning loss due to school closures during the COVID-19 pandemic », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 118(17), 1-7.
www.pnas.org/content/pnas/118/17/e2022376118.full.pdf
Maldonato, J. E. et C. De Witte, C. (2021). « The effect of school closures on standardised student test outcomes », British Educational Research Journal, 18(1), 49-94. doi.org/10.1002/berj.3754
Organisation de coopération et de développement économiques. (2020). The impact of COVID-19 on student equity and inclusion: supporting vulnerable students during school closures and school re-openings. Éditions OCDE. https://oecd.org/education/strength-through-diversity/OECD%20COVID-19%20Brief%20Vulnerable%20Students.pdf
UNESCO. (s.d.). Dashboards on the Global Monitoring of School Closures Caused by the COVID-19 Pandemic. https://covid19.uis.unesco.org/global-monitoring-school-closures-covid19
Volante, L. et Klinger, D. A.(2022a). « PISA, global reference societies, and policy borrowing: The promises and pitfalls of academic resilience », Policy Futures in Education. https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14782103211069002
Volante, L. et Klinger, D. A. Assessing non-cognitive skills to promote equity and academic resilience (exposé), Advancing Assessment and Evaluation Virtual Conference. (2022b, 27-28 janvier). https://aaec2022.netlify.app/_main.pdf
Volante, L., Klinger, D. A. et Barrett, J. (2021). « Academic resilience in a post-COVID world: a multi-level approach to capacity building », Éducation Canada, 61(3), 32-34.
Volante, L., Lara, C., Klinger, D. A. et Siegel, M. (2022c). « Academic resilience during the COVID-19 pandemic: a triarchic analysis of education policy developments across Canada », Revue canadienne de l’éducation, 45(4), 1112-1140.
Volante, L., S. Schnepf et D. A. Klinger (éd.). Cross-national achievement surveys for monitoring educational outcomes: policies, practices, and political reforms within the European Union, Office des publications de l’Union européenne, 2022d. https://data.europa.eu/doi/10.2760/406165
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
« Des problèmes constants de dotation, un personnel laissé sans soutien quotidien pour endosser la reprise postpandémique, des annulations quotidiennes d’autobus, des familles qui n’ont pas l’aide des services sociaux et ne savent pas se retrouver dans les méandres du système. On met l’accent sur le « rattrapage » alors que d’énormes enjeux structurels posent encore des défis de taille. L’idée prédominante veut que nous soyons de retour à la normale, mais tous les jours amènent des défis pour le personnel et les familles. Le tout exerce une pression incroyable sur les gestionnaires et le personnel qui demeurent à leur poste et finit par épuiser des membres du personnel essentiel. Étant donné les problèmes prédominants de main-d’œuvre et la possibilité de grève, on se demande combien de temps le système pourra encore tenir. » – La direction d’une école primaire du Nord de l’Ontario.
Le début de l’année scolaire 2022-2023 a été le plus normal qu’aient connu les élèves, les familles et les éducateurs depuis septembre 2019. Mais comment se portent vraiment les écoles, les éducateurs et les élèves? Trois ans après le début de la pandémie, les nouvelles constatations du sondage annuel réalisé par l’organisme People for Education dans les écoles ontariennes fournissent de précieuses indications. Le présent article se penchera surtout sur les données recueillies par ce sondage1,auquel ont répondu 1 044 directions représentant la totalité des 72 conseils scolaires d’écoles publiques de la province.
Quand les écoles ont fermé en mars 2020, les défis surgissaient les uns à la suite des autres. Un important corpus de recherche documente à présent combien le passage constant de la fermeture des écoles, au distanciel, au système hybride, puis au présentiel a déclenché une réaction en chaîne d’enjeux multiples pour les familles qui devaient faire du dépannage technologique, jongler avec le distanciel et le travail et tous ceux et celles qui tâchaient de s’y retrouver dans les changements apportés aux protocoles de santé et de sécurité. Personne n’ayant encore jamais vécu de pandémie mondiale, il était normal de fixer notre attention sur la logistique de la COVID-19 : le suivi des nombreux cas positifs, les outils de dépistage, la distanciation sociale, le masque obligatoire en quittant la maison, ou non. Et pendant ce temps, notre santé et notre bienêtre s’effritaient sous l’effet de l’anxiété, de l’isolement, de la dépression, pour ne nommer que ceux-là (Vaillancourt et coll., 2021).
Le premier sondage de cet organisme mené après l’arrivée de la COVID-19 a immédiatement dévoilé le fardeau qu’avait fait peser la pandémie, surtout sur le bienêtre des directions d’écoles. Plus de la moitié des 1 173 répondants de l’année scolaire 2021-2021 étaient en désaccord ou entièrement en désaccord que leur niveau de stress leur semblait gérable (People for Education, 2021b). La même constatation est survenue lors de l’année scolaire suivante, celle de 2021-2022, tout comme ont transparu leurs inquiétudes au sujet de la santé et du bienêtre du personnel et des élèves (People for Education, 2022). Les directions avaient alors des perceptions mitigées sur l’accessibilité de ressources scolaires pour soutenir la santé mentale et le bienêtre du personnel et des élèves :
Cependant, quand on leur a demandé, en octobre 2022, d’indiquer le niveau de soutien dont elles avaient besoin de la part des conseils scolaires et du ministère de l’Éducation pour se remettre de la COVID-19, la grande majorité des écoles (91 %) signalaient qu’elles avaient besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien à la santé mentale et au bienêtre, alors que près de la moitié (46 %) signalaient avoir besoin de beaucoup de soutien.
Au début de la pandémie, les écoles se concentraient surtout sur la sécurité liée à la COVID-19 et sur la logistique de l’enseignement à distance. Après trois ans de pandémie, la santé mentale et le bienêtre sont devenus les grandes priorités. De nombreuses directions nous ont fait part des défis particuliers qu’elles devaient relever au cours de la présente année scolaire.
« Les enfants sont excités d’être de retour à l’école et l’énergie fuse de partout. Cela dit, plusieurs enfants n’ont jamais connu l’école avant la COVID-19 et ont besoin de soutien quant aux attentes fondamentales sur le comportement à adopter à l’école. Nous remarquons de grands défis d’autodiscipline au primaire, de l’anxiété et la peur de venir à l’école au premier cycle du secondaire, et beaucoup de jurons, de langage inapproprié ou à caractère sexuel chez les élèves du secondaire intermédiaire. Les élèves de tous les niveaux ont des difficultés à résoudre des conflits. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto.
« Les besoins des jeunes ont augmenté considérablement en raison de la COVID-19 : en matière d’autodiscipline, de littératie, de numératie, de bienêtre mental. Les répercussions de la pandémie ont entraîné un plus grand nombre de défis chez les élèves. Nous nous y attaquons du mieux que nous pouvons avec les ressources dont nous disposons. Les ressources humaines sont la ressource la plus importante. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto
Même si la santé mentale et le bienêtre ont été signalés comme les domaines où les écoles ont davantage besoin de soutien, la dotation du personnel s’est aussi dégagée comme un enjeu prédominant. Cette constatation n’a rien d’étonnant, puisque :
« Le fait de soutenir les besoins croissants en santé mentale chez les enfants, sans disposer de plus de ressources, stresse le personnel et fait augmenter l’absentéisme. Et le manque de personnel substitut (surtout chez les assistants en éducation et les éducateurs de la petite enfance) a un effet boule de neige sur la situation. » – La direction d’une école primaire, Sud-Ouest de l’Ontario.
Au cours des trois dernières années, on a régulièrement fait ressortir l’insuffisance de personnel (People for Education, 2021a, 2022). Au début de 2022, une vague du variant Omicron très transmissible a déclenché une enquête sur les absences de personnel dans bon nombre de conseils scolaires, qui a révélé que le nombre de postes vacants quotidiens dans l’enseignement connaissait, en moyenne, une hausse graduelle (Teotonio et Rushowy, 2022). Les conseils scolaires ont eu recours à diverses stratégies pour compenser les pénuries de personnel, comme retirer le plafond de jours de travail imposé aux enseignants retraités, permettre aux stagiaires en enseignement de travailler, attribuer aux enseignants du temps de classe pendant leur temps de planification et réaffecter les directions au travail en classe.
Il y a eu, cependant, un prix à payer pour ces tactiques de survie, celui de la santé mentale et du bienêtre du personnel et des élèves. Quand on lui a demandé si elle composait avec les défis, jusqu’à maintenant, au cours de l’année scolaire, la direction d’une école primaire du Nord de l’Ontario a écrit :
« Les gens tombent en épuisement beaucoup plus rapidement depuis la COVID-19, en partie en raison des pénuries de personnel. Les besoins des élèves en matière d’apprentissage et de santé mentale ont été exacerbés après la pandémie. La pénurie de personnel a une répercussion sur le triage quotidien des besoins des enfants en raison de la maladie et du manque de personnel suppléant. On s’attend à ce que ce soit une année parfaitement normale, sans donner aux éducateurs le répit salutaire dont ils ont besoin avant de replonger et de donner tout ce qu’ils ont. »
La constatation selon laquelle 91 % des écoles de l’Ontario ont besoin d’un certain soutien, ou de plus de soutien sur le plan de la santé mentale et de bienêtre est étroitement liée à la constatation voulant que 82 % des écoles ontariennes ont signalé avoir besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien en matière de personnel de soutien. Après tout, l’une des premières façons de s’occuper de la santé mentale et du bienêtre est de disposer de plus de personnel spécialisé dans le domaine. Comme l’expliquait la direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario, « On a besoin d’intervenants en santé mentale à temps plein dans les écoles pour qu’ils soient sur place et disponibles pour soutenir les besoins des élèves et des familles de façon QUOTIDIENNE et pour aider les membres du personnel qui doivent se battre avec des dynamiques de classe qui éclatent en raison de problèmes de santé mentale. »
Quoique 78 % des écoles ont déclaré avoir besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien pour le personnel enseignant, seulement 19 % ont signalé avoir besoin de beaucoup de soutien, ce qui est nettement inférieur aux 35 % des écoles qui ont exprimé avoir besoin de beaucoup de soutien pour le personnel de soutien (soit les assistants en éducation, les administrateurs, les gardiens d’école, etc.) (voir la figure 2). Cette constatation est importante, étant donné les moyens de pression et les négociations syndicales des travailleurs de l’éducation survenus récemment dans la province (McKenzie-Sutter, 2022). Même s’il y a une réelle pénurie d’enseignants, on assiste actuellement à une demande encore plus forte pour des travailleurs de soutien en éducation. Comme le décrivait la direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario, « Les pénuries de personnel mènent actuellement à une crise en éducation. Le gouvernement doit avoir comme priorité de résoudre ces pénuries chez tous les groupes d’employés. »
Si l’on se tourne vers le reste de l’année scolaire 2022-2023, il est essentiel de songer aux actions qui seront nécessaires pour répondre aux besoins des écoles publiques de l’Ontario. Voici quelques idées mises de l’avant par les directions d’école :
Les trois années de pandémie ont mis en évidence à quel point la santé mentale et le bienêtre sont importants, tout autant que l’immense rôle que l’école joue dans nos vies. Si l’école publique est à la base de notre société et renferme la solution à plusieurs de ses problèmes actuels, il est essentiel que nous tirions des leçons des défis qui sont survenus ces dernières années et que nous fixions les bonnes priorités en préparant un avenir plus heureux, plus sain et plus optimiste.
« Un plan de reprise pour une pandémie mondiale, oui… Je crois que c’est l’occasion de repenser certains aspects de l’école publique. Ce pourrait être une occasion extraordinaire. » – La direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario
Mckenzie-Sutter, H. « What you need to know about the Ontario education workers’ strike », Global News, 4 novembre 2022. https://globalnews.ca/news/9253376/ontario-cupe-education-worker-strike-explained
People For Education. (2021a), « Challenges and innovations: 2021-20 annual report on Ontario schools ». https ://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2021/10/2020-21-AOSS-Final-Report-Published-110721.pdf
People For Education. (2021b), « Ontario principals’ challenges and well-being: Annual Ontario School Survey 2021 ». https://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2021/02/People-for-Educations-report-on-Ontario-Principals-Challenges-and-Wellbeing-AOSS2021.pdf
People For Education. (2022), « A perfect storm of stress: Ontario’s publicly funded schools in year two of the COVID-19 pandemic ». https://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2022/05/People-for-Education_A-Perfect-Storm-of-Stress_May-2022.pdf
Teotonio, I. et Rushowy, K. « ‘Really severe challenges’: Ontario school boards struggle with unprecedented staff absences », The Toronto Star, 7 février 2022. www.thestar.com/news/gta/2022/02/07/really-severe-challenges-ontario-school-boards-struggle-with-unprecedented-staff-absences.html
Vaillancourt, T., Szatmari, P., et al. « The impact of COVID-19 on the mental health of Canadian children and youth », FACETS, 6 (1), 1628–1648. doi.org/10.1139/FACETS-2021-0078
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 Ce sondage de 2022-2023 est le 26e réalisé dans les écoles primaires de l’Ontario et le 23e mené dans les écoles secondaires de la province.
Voilà près de trois ans, les gouvernements du monde annonçaient la fermeture des écoles pour protéger les élèves et les enseignants contre la COVID-19. Selon l’UNESCO (2020), plus de 1,5 milliard d’enfants de plus de 190 pays ont été renvoyés à la maison en mars 2020 pour recevoir, tout au plus, un enseignement à distance. Depuis, les éducateurs, les parents et les décideurs politiques cherchent à savoir quels effets ces perturbations ont eus sur les compétences en lecture des enfants. Dans le présent article, nous approfondissons un rapport déjà présenté sur les résultats de lecture des enfants au cours des six premiers mois de la pandémie (Georgiou, 2021) pour intégrer de nouvelles informations provenant d’élèves de vingt écoles albertaines allant de la maternelle à la neuvième année, à partir de septembre 2019 jusqu’au retour à l’enseignement régulier en classe, en septembre 2022.
Constatations dans le reste du monde
La plupart des études publiées dans différents endroits du monde indiquent que la COVID-19 a entraîné des répercussions importantes sur les compétences de lecture des enfants, surtout dans les premières années d’enseignement. Ainsi, dans une récente étude portant sur cinq millions d’élèves de la troisième à la huitième année aux États-Unis, Kuhfeld et coll. (2023) ont signalé que les résultats moyens de lecture à l’automne 2021, évalués selon une mesure normalisée, étaient de 0,09 à 0,17 écarts-types plus faibles que les résultats des mêmes niveaux à l’automne 2019. Si on les compare à la progression que connaissait un élève type à ces niveaux scolaires (avant la pandémie), ces baisses dans les notes d’examen représentent environ le tiers de la progression qui survient en une année. De même, en se fondant sur un échantillon d’enfants finlandais, Lerkkanen et coll. (2022) ont rapporté que la progression de la lecture, de la première à la quatrième année, était plus lente dans la cohorte qu’ils avaient suivie pendant la COVID-19 que dans la cohorte d’avant la pandémie.
Le même corpus de recherche a également dévoilé que les répercussions de la COVID-19 n’ont pas été les mêmes chez différents groupes d’élèves. Par exemple, les élèves de milieux socio-économiques moins favorisés (ou ceux d’écoles très défavorisées) semblent avoir été plus touchés que ceux issus de milieux socio-économiques plus favorisés. Certaines données sembleraient indiquer que les élèves aux prises avec des difficultés de lecture ont été plus touchés que ceux qui n’en avaient pas. Enfin, Kuhfeld et coll. (2022) ont trouvé qu’aux États-Unis, les répercussions de la COVID-19 ont été plus importantes chez les élèves hispaniques, noirs et autochtones (y compris ceux de l’Alaska) que chez les élèves blancs ou de souche asiatique1.
Constatations au Canada
Les données sur l’incidence de la COVID-19 chez les élèves canadiens sont encore lacunaires, et nous ne connaissons que deux études ayant porté sur le sujet, l’une menée en Alberta et l’autre, au Québec.
L’étude albertaine : Georgiou (2021) a comparé les résultats d’environ 4 000 élèves anglophones de la deuxième à la neuvième année en septembre 2020 (immédiatement après la réouverture des écoles) aux résultats d’élèves de mêmes niveaux lors des trois années précédant la fermeture. Il a trouvé que seuls les résultats des élèves plus jeunes (de deuxième et troisième années) avaient baissé, par rapport aux années précédentes. Il est intéressant de constater que les résultats des enfants plus âgés (de la quatrième à la neuvième année) sont restés les mêmes ou se sont améliorés pendant la pandémie. S’inspirant de ces constatations, le ministère de l’Éducation en Alberta a invité les écoles à évaluer la lecture chez tous leurs élèves de la première à la troisième année et a injecté un financement supplémentaire pour aider les établissements scolaires à effectuer des interventions en lecture auprès des enfants des premiers niveaux les plus touchés.
L’étude québécoise : Côté et Haeck (communication personnelle, 3 juin 2022) ont comparé les résultats d’élèves francophones de la quatrième année au Québec en se fondant sur les résultats des examens de lecture du ministère de juin 2019 (avant la pandémie) et ceux de juin 2021 (un an après le début de la pandémie). Ils ont trouvé une baisse significative des résultats moyens des élèves entre les deux points de mesure (77,3 % en 2019, par rapport à 69 % en 2021).
De retour sur les rails?
Nous étudions depuis vingt ans la progression et les difficultés en lecture en Alberta. C’est pourquoi nous disposions de mesures dans de multiples écoles pour nous pencher sur les répercussions de la COVID-19. Aux fins du présent article, nous avons évalué :
Pour mieux comprendre l’incidence de la COVID-19, il faut diviser sa durée en trois périodes distinctes. La première s’étend de septembre 2019 à septembre 2020, c’est le moment où les écoles ont fermé pour une durée indéterminée après l’éclosion de la COVID-19, et que les enfants avaient seulement accès à l’enseignement à distance. La deuxième période (de septembre 2020 à septembre 2021) est l’année scolaire de la réouverture des écoles, où les enfants devaient rester de 10 à 14 jours en quarantaine s’ils avaient la COVID-19, et que des classes entières passaient du présentiel à l’enseignement à distance selon le nombre de cas positifs qu’elles renfermaient. Enfin, la troisième période (de septembre 2021 à septembre 2022) est celle où l’enseignement se déroulait surtout en présentiel, couplé d’interruptions relativement moins fréquentes.
Ces constatations suggèrent qu’après trois ans de pandémie, les élèves de ces 20 écoles sont de retour sur la bonne voie.
Quatre clés pour le rattrapage
Quatre facteurs ont, à notre avis, aidé les élèves de cet échantillon à se remettre sur les rails. Ils sont résumés ci-dessous.
Des pratiques fondées sur des données probantes dans les écoles participantes
De toute évidence, nous n’aurions pas de données à présenter dans le présent document si ces écoles ne les recueillaient pas chaque année au moyen d’évaluations normatives. En outre, le personnel enseignant de ses écoles participe à nos séminaires continus de perfectionnement professionnel portant sur les meilleures pratiques d’enseignement de la lecture et nous a fait part de son expérience lors d’essais sur le terrain menés dans le cadre des communautés de pratique (voir Georgiou et coll., 2020, pour plus de précisions). Les directions d’école se sont réunies régulièrement pour discuter des résultats de leurs évaluations et repérer les domaines dans lesquels le personnel enseignant gagnerait à se perfectionner davantage. Précisons que les pratiques fondées sur les données probantes étaient en place dans ces écoles bien avant la COVID-19. Aussi, quand le ministère de l’Éducation en Alberta a invité les enseignantes et enseignants de la province à concentrer leur formation sur les capacités de base en apprentissage de la lecture (c.-à-d. la conscience phonologique, la phonétique, la fluidité en lecture), ceux de ces écoles n’ont pas eu à changer ce qu’ils pratiquaient déjà avec succès. Ces pratiques ont sans aucun doute eu un effet positif sur les capacités de lecture des élèves et a contribué à la rapidité de leur retour sur la bonne voie.
Dépistage précoce et intervention
Le ministère de l’Éducation en Alberta a exigé un dépistage auprès d’élèves de la première à la troisième année en pratiquant des évaluations fiables et valides de leurs capacités de base en lecture. Normalement, la plupart des divisions scolaires de la province se servaient de diverses évaluations comparatives pour dépister les élèves éprouvant des difficultés de lecture, en dépit de recherches démontrant qu’elles n’étaient ni fiables ni précises (Burns et coll., 2015; Parker et coll., 2015). Le ministère n’approuvait pas ces évaluations comme critère de financement supplémentaire. De plus, il a transmis un programme d’intervention en lecture à toutes les écoles de la province, comprenant 80 leçons de conscience phonologique et de phonétique, et il a invité les écoles à signaler la progression des élèves au fil du temps. À notre connaissance, il s’agit de la première instance où une province a mandaté toutes les écoles à procéder à un dépistage précoce en littéracie et leur a fourni du matériel d’intervention pour le faire. Ces deux politiques devraient se poursuivre à l’avenir.
Financement
Le ministère de l’Éducation en Alberta a fourni aux écoles un financement supplémentaire de 45 millions de dollars pour remédier aux pertes des acquis. À ce que nous sachions, il s’agit là de la plus grande aide financière au pays qui, si elle a servi aux fins proposées (des interventions), pourrait expliquer pourquoi les élèves des écoles que nous avons échantillonnées se sont rattrapés facilement. Le ministère a aussi subventionné des projets de recherche sur les interventions précoces, qui ont fourni de l’information utile sur les façons de remédier aux pertes des acquis. Dans l’un de ces projets, nous avons effectué des interventions auprès de 365 élèves de deuxième et troisième année éprouvant des difficultés en lecture. Au bout de 4 mois et demi, 80 % des élèves participants avaient progressé d’environ un an et demi en lecture. Certains de ces enfants fréquentaient les écoles ayant fait l’objet de l’étude signalée précédemment. Le financement d’interventions fondées sur les données probantes, jumelé à un contrôle fréquent du progrès des élèves au moyen de mesures fiables et précises, devrait se poursuivre à l’avenir.
Discussions sur les pratiques fondées sur des données probantes
Les discussions menées au pays sur les façons de remédier aux pertes des acquis ont attiré l’attention des enseignantes et enseignants sur les pratiques fondées sur les données probantes pour l’apprentissage de la lecture. Ainsi, l’une des recommandations données sur divers médias répondait à ce que souhaitent depuis longtemps les chercheurs en lecture : fournir un enseignement systémique et explicite de la phonétique dès les premières années scolaires. Cette recommandation fait désormais partie, elle aussi, du nouveau programme d’apprentissage de la langue anglaise en Alberta pour les premières années du primaire.
Les bons résultats de rattrapage proviennent d’écoles qui emploient des pratiques d’enseignement précoce de la littéracie fondées sur les données probantes et qui fournissent à leur personnel enseignant du perfectionnement professionnel sur ces pratiques qui ne sont peut-être pas abordées dans les programmes de formation. À l’heure actuelle, nous ne disposons pas de renseignements fiables sur le rattrapage postpandémique des écoles qui tardent à adopter des programmes de littéracie précoce fondés sur des données probantes. En dernier lieu, les résultats encourageants dont témoignent nos écoles en Alberta rejaillissent positivement sur la politique mise en œuvre par le ministère de l’Éducation de la province. En instaurant le dépistage précoce, en finançant des interventions supplémentaires, en donnant aux écoles un accès à des évaluations fiables et à des programmes d’intervention efficaces, le ministère albertain a essentiellement donné suite au rapport de la Commission ontarienne des droits de la personne intitulé Le droit de lire.
Burns, M. K, Pulles, S. M. et coll. (2015). « Accuracy of student performance while reading leveled books rated at their instructional level by a reading inventory », Journal of School Psychology, 53, 437-445.
Georgiou, G. (2021). « Has COVID-19 impacted children’s reading scores? », The Reading League Journal, (2), 34–39.
Georgiou, G., Kushnir, G. et Parrila, R. (2020). « Moving the needle on literacy: Lessons learned from a school where literacy rates have improved over time », Alberta Journal of Educational Research, 66 (3), 347-359. doi.org/10.11575/ajer.v66i3.56988
Kuhfeld, M., Lewis, K. et Peltier, T. (2023). « Reading achievement declines during the COVID-19 pandemic: Evidence from 5 million U.S. students in Grades 3–8. », Reading and Writing, 36, 245-261. doi.org/10.1007/s11145-022-10345-8
Lerkkanen, M. K., Pakarinen, E. et coll. (2022). « Reading and math skills development among Finnish primary school children before and after COVID-19 school closure », Reading and Writing. https://link.springer.com/article/10.1007/s11145-022-10358-3
Parker, D. C., Zaslofsky, A. F. et coll. (2015). « A brief report of the diagnostic accuracy of oral reading fluency and reading inventory levels for reading failure risk among second- and third-grade students. », Reading & Writing Quarterly, 31(1), 56-67.
UNESCO. Éducation : de la fermeture des écoles à la reprise, 2020 https:// unesco.org/fr/covid-19/education-response
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 Ce sont les descriptions employées dans l’étude.
Je m’appelle Marius, je suis un fier Franco-Ontarien et j’œuvre en éducation francophone depuis 21 ans. Ça fait drôle d’être obligé de préciser que je travaille en français, parce que je vis, je pense et je ressens en français. Mais je suis minoritaire au Canada. Peut-être l’êtes-vous aussi. En effet, les effectifs francophones sont faibles et malgré bien des efforts, ils sont en déclin dans plusieurs milieux. En écrivant cette phrase, j’ai l’impression de citer ma professeure à la Faculté d’éducation en 1999.
Mes expériences d’enseignant de français au secondaire et de directeur adjoint m’ont fait vivre de près les enjeux liés à notre réalité. Qui n’a jamais employé l’expression « Nos élèves sont les meilleurs! » ou encore « Notre école est la meilleure! » afin d’inciter les familles à inscrire leurs enfants dans son école? D’ailleurs, les parents nous envoient, eux aussi, leurs meilleurs enfants, comme disait notre collègue à la direction d’écoles anglophones, Wayne Hulley.
Quelle que soit la langue d’enseignement (français ou anglais au Canada), nous (les professionnels de l’éducation) voulons offrir la meilleure éducation possible aux enfants qui nous sont confiés. C’est-à-dire que nous voulons naturellement agir pour assurer des apprentissages pertinents, durables et stimulants ainsi que pour protéger le bienêtre des élèves et du personnel. C’est le mandat en éducation, quelle que soit la langue d’enseignement.
Lorsque j’étais coordonnateur responsable de la construction identitaire dans mon conseil scolaire, j’ai constaté, et vous avez possiblement fait le même constat, que les activités destinées à faire vivre aux élèves des émotions positives en français (construction identitaire) avaient souvent la saveur d’un combat. Comme s’il fallait prendre notre place…, pour un avenir meilleur. Tsé. Ça sentait le courage.
Face aux enjeux et aux défis liés au contexte minoritaire actuel du monde de l’éducation francophone, la même saveur revient. Certains vous suggéreraient probablement de fermer des écoles. Ce serait l’opposé du courage. Abandonner n’a rien de courageux. Ça prend du courage pour exister, pour continuer en tant que francophones. Avons-nous le courage de continuer?
Je ne connais pas votre réalité bien unique à vous, alors je vous propose humblement cinq questions qui servent de point de départ pour ouvrir le dialogue avec les gens dans votre milieu afin de trouver de réelles pistes d’action.
Si vous œuvrez dans un milieu francophone minoritaire, un appel au courage est lancé. Personne ne viendra cogner à notre porte pour nous offrir sur un plateau d’argent la solution à notre problème de vitalité institutionnelle. Qui sait quelle forme le courage prendra-t-il dans votre milieu?
Photo : Gracieuseté de Carrefour Communautaire Beausoleil, Miramichi, Nouveau-Brunswick
Première publication dans Éducation Canada, janvier 2023
Au printemps 2020, c’est plus d’un milliard et demi d’élèves dans le monde qui ont vu leur scolarisation interrompue en raison des mesures sanitaires liées à la crise de la COVID-19 . Dès le début de la crise, l’UNESCO (2020) observait d’ailleurs déjà plusieurs conséquences majeures : réduction du filet de protection des enfants, exacerbation des inégalités sociales et éducatives, accès insuffisant aux technologies, stress sur les familles, etc. À ce jour, alors que la majorité des élèves ont pu retourner sur les bancs d’école, il demeure certain que l’année scolaire 2020-2021 s’est accompagnée de nombreux défis, et qu’on ne connait pas encore la mesure des effets de la situation sur les acteurs de l’éducation.
C’est pourquoi la Chaire UNESCO de développement curriculaire (CUDC), en partenariat avec le ministère de l’Éducation du Québec, a lancé une étude visant à mieux comprendre les retombées potentielles de la crise de la COVID-19 sur les milieux scolaires au Québec. Plus spécifiquement, le projet vise à décrire les impacts de la COVID-19 sur : 1) l’organisation et les établissements scolaires; 2) les élèves; et 3) le personnel enseignant, ainsi qu’à croiser les données éducationnelles et épidémiologiques en cas d’éclosion dans les milieux scolaires.
Les résultats préliminaires présentés dans cet article concernent l’objectif 2 et proviennent des données recueillis par questionnaire en décembre 2020 et janvier 2021 auprès de 743 élèves du premier cycle du primaire au deuxième cycle du secondaire de trois Centres de services scolaires (CSS) de la grande région de Montréal. Il est à noter que l’article se termine par des éléments de mesures qui pourraient être mises en place dans les milieux scolaires, à la lumière des résultats préliminaires d’abord présentés.
Bien que l’étude soit toujours en cours, à la lueur des résultats préliminaires, des observations peuvent d’ores et déjà exprimer des tendances au sujet de certaines catégories d’élèves. Notamment, les élèves du deuxième cycle du secondaire et les élèves en situation de handicap ou avec des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA) semblent particulièrement vulnérables aux impacts de la COVID-19, alors que les filles et les garçons semblent vivre différemment ces impacts.
Les résultats préliminaires montrent que les élèves du deuxième cycle du secondaire (environ 15-17 ans) sont particulièrement vulnérables en cette année scolaire singulière. De manière générale, ils sont les plus inquiets par rapport à la COVID-19, et le sont significativement plus que les élèves du troisième cycle du primaire (10-12 ans) et du premier cycle du secondaire (12-15 ans). De plus, alors que tous les élèves du secondaire ressentent généralement moins de bienêtre que ceux du primaire, ce sont encore ceux du deuxième cycle qui se distinguent négativement. Ils rapportent le plus faible niveau de bienêtre, en plus de rapporter de plus hauts niveaux d’anxiété et de dépression que tous les autres élèves. Finalement, les résultats préliminaires indiquent une tendance à la démotivation au secondaire en général et au deuxième cycle en particulier : ces élèves tendent donc à accorder moins de valeur à toutes les matières évaluées et à avoir moins d’attentes de succès.
Près d’un quart des participants vivent avec un trouble d’apprentissage ou une situation de handicap. Depuis le début de l’année, ils ont reçu diverses formes d’aide pour les soutenir dans leurs apprentissages (plan d’intervention adapté ou services d’un(e) spécialiste : orthopédagogue, enseignant(e)-ressource, psychologue, psychoéducateur, éducateur spécialisé, etc.). Les résultats préliminaires laissent entendre que les élèves en situation de HDAA ressentent systématiquement plus d’impacts négatifs que les élèves sans besoins particuliers, et ce, pour toutes les dimensions évaluées. Ils sont plus inquiets en lien avec la COVID-19 que leurs camarades, ressentent plus d’anxiété et de dépression, et moins de bienêtre. Par ailleurs, ils sont moins motivés que les autres élèves tant en mathématiques qu’en français et en sciences. Ils constituent ainsi un deuxième groupe vulnérable (avec les élèves du deuxième cycle du secondaire) en raison des impacts de la pandémie sur les milieux scolaires. Considérant que ces élèves présentent davantage de besoins particuliers, il sera important de surveiller de près leur réponse et leur adaptation à la situation.
On compte parmi les élèves participants 52,6 % de filles et 45,8 % de garçons, et on note qu’ils ressentent différemment les impacts de la COVID-19 (sauf pour ce qui est du bienêtre scolaire, où il n’y a pas de différence significative liée au genre). Alors que les filles sont plus inquiètes et présentent plus de manifestations d’anxiété et de dépression que leurs camarades masculins, ceux-ci tendent à être moins motivés qu’elles en français et à accorder moins de valeur qu’elles aux mathématiques et aux sciences. Ces résultats ne sont guère surprenants : plusieurs études menées avant la pandémie dénotent une moins grande motivation chez les garçons et plus de difficultés d’adaptation intériorisées chez les filles (Graber, 2004; Bergeron, Valla, Smolla, Piché, Berthiaume et St-Georges, 2007; Réseau réussite Montréal, 2021).
Puisque cette étude s’inscrit dans une perspective annuelle, une deuxième collecte de données par questionnaire a eu lieu en mai-juin 2021. Il est donc important de noter que ces résultats préliminaires doivent être considérés comme étant un point de comparaison pour les données subséquentes. De plus, pour permettre une perspective plus large et plus approfondie des impacts de la COVID-19 sur les milieux scolaires, les données de questionnaires (des élèves et des enseignants) issues des deux passations doivent être mises en relation avec des données tirées d’entretiens et de groupes de discussion avec des membres de l’administration, des directions d’écoles et des enseignant(e)s des CSS participants, ainsi qu’avec les résultats scolaires des élèves pour les années scolaires 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021. L’étude pourrait également se poursuivre dans les années scolaires subséquentes pour vérifier les impacts à plus long terme.
Quoi qu’il en soit, les élèves sont là et pour plusieurs leurs besoins sont criants, maintenant. À l’issue de l’étude, nous espérons que les résultats participeront à la mise en place de mesures d’aide adaptées pour les élèves, particulièrement pour les groupes les plus vulnérables. En effet, il existe déjà des initiatives qualifiées comme probantes pouvant être implantées sans réserve et sans délai. Ces mesures très concrètes peuvent aider l’ensemble des élèves sur les dimensions du bienêtre, de la gestion du stress et du sentiment d’appartenance, et elles prédisent une meilleure adaptation socioémotionnelle. Par exemple, certaines mesures pourraient déjà s’insérer à l’intérieur du programme École en santé du ministère de l’Éducation au Québec. Premièrement, mettre en place une offre hautement bonifiée des activités parascolaires (sports, arts et culture) dites structurées dans l’ensemble des écoles (Archambault et coll., 2019; Brière, Imbeault, Goldfield et Pagani, 2020). Ensuite, favoriser autant que possible les activités physiques extérieures, en commençant par une simple marche de 10 minutes (Brière, Yale-Soulière, Gonzalez-Sicilia, et al. 2018; Hunter, Gillespie et Yu-Pu Chen, 2019). Puis, pour favoriser la persévérance et la réussite scolaire des jeunes garçons du secondaire scolarisés en milieux défavorisés, des initiatives s’inspirant du programme Bien dans mes baskets semblent pertinentes (CREMIS, 2021). À cet égard, il faut cependant demeurer très prudents et rappeler les risques de stéréotypes en ce qui concerne les interventions éducatives ciblant un genre en particulier.
Enfin, comme toute étude, celle-ci comporte ses limites. D’abord, le contexte de recherche difficile d’une situation de crise globale et sans précédent a rendu impossible l’établissement d’un portrait préalable de la population étudiée sur le plan des dimensions spécifiques évaluées. Ensuite, bien que des centaines d’élèves (et autres acteurs éducatifs) aient participé à l’étude, il n’en demeure pas moins qu’ils représentent un très faible pourcentage, non représentatif, de la population totale d’élèves québécois. Finalement, l’enquête ayant été transmise par courriel, il est permis de croire que parmi les participants potentiels, ceux qui ont répondu à l’appel ont un profil commun : majoritairement francophones, ils font partie de familles organisées possédant une bonne connexion Internet. Nous posons alors l’hypothèse que le profil des participants ait pu biaiser les résultats. Ainsi, il est difficile de généraliser nos constats, et il demeure possible que la situation soit pire que ce que nous avons pu observer.
Ce projet a été financé par le Conseil de recherche du Canada en sciences humaines (CRSH) et le ministère de l’Éducation du Québec, dans le cadre du programme Engagement partenarial – initiative spéciale COVID19.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2021
1 REMERCIEMENTS : Ce texte a été rédigé par Marion Deslandes-Martineau, Patrick Charland, Olivier Arvisais, Marie-Hélène Bruyère, Yannick Skelling-Desmeules, Jonathan Bluteau et Isabelle Plante. Les auteur.e.s tiennent à remercier les partenaires du ministère de l’Éducation et des centres de services scolaires concernés, de même que les collègues, cochercheur.euse.s, collaborat.eur.trice.s à l’étude : Isabelle Gauvin, Stéphane Cyr, Tegwen Gadais, Éric Dion, Joanna Trees Merckx et Jay S. Kaufman.
2 Le 2ᵉ cycle du secondaire dure trois ans et comprend la 3ᵉ, la 4ᵉ et la 5ᵉ année du secondaire.
Archambault, I., Eccles, J. S., et Vida, M. N. (2010). Ability self-concepts and subjective value in literacy: Joint trajectories from grades 1 through 12. Journal of Educational Psychology, 102(4), 804.
Archambault, I., Janosz, M., Goulet, M., Dupéré, V., et Gilbert-Blanchard, O. (2019). Promoting student engagement from childhood to adolescence as a way to improve positive youth development and school completion. Dans J. Fredricks, A. Reschly et S. Christenson (dir.). Handbook of Student Engagement Interventions: Working with Disengaged Youth. New York: Wiley. 13-29
Bergeron, L., Valla, J.-P., Smolla, N., Piché, G., Berthiaume, C. et St.-Georges, M. (2007). Correlates of depressive disorders in the Québec general population 6 to 14 years of age. Journal of Abnormal Child Psychology, 35(3), 459-474. doi: 10.1007/s10802-007-9103-x
Brière, F. N., Imbeault, A., Goldfield, G. S. et Pagani, L. S. (2020). Consistent participation in organized physical activity predicts emotional adjustment in children. Pediatric Research, 88(1), 125-130. doi: 10.1038/s41390-019-0417-5
Brière, F. N., Yale-Soulière, G., Gonzalez-Sicilia, D., Harbec, M. J., Morizot, J., Janosz, M. et Pagani, L. S. (2018). Prospective associations between sport participation and psychological adjustment in adolescents. Journal of Epidemiological Community Health, 72(7), 575-581.
CREMIS (2021). Les impacts du programme Bien dans mes baskets. Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté. https://cremis.ca/publications/dossiers/bdmb-2/les-impacts-du-programme/
Eccles, J. S. et Wigfield, A. (1995). In the mind of the actor: The structure of adolescents’ achievement task values and expectancy-related beliefs. Personality and Social Psychology Bulletin, 21, 215–225. doi: 10.1177/0146167295213003
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Gresham, F. M., Elliott, S. N., Vance, M. J. et Cook, C. R. (2011). Comparability of the social skills rating system to the social skills improvement system: Content and psychometric comparisons across elementary and secondary age levels. School Psychology Quarterly, 26(1), 27.
Hunter, M. R., Gillespie, B. W. et Chen, S. Y. P. (2019). Urban nature experiences reduce stress in the context of daily life based on salivary biomarkers. Frontiers in psychology, 10, 722.
Liddle, I. et Carter, G. F. (2015). Emotional and psychological well-being in children: the development and validation of the Stirling Children’s Well-being Scale. Educational Psychology in Practice, 31(2), 174-185.
Réseau réussite Montréal (2021). Motivation et engagement (Dossier thématique). Réseau réussite Montréal. https://reseaureussitemontreal.ca/dossiers-thematiques/motivation-engagement/
UNESCO. (2020). Conséquences de la fermeture des écoles. https://fr.unesco.org/Covid19/educationresponse
Dès la fermeture des écoles en mars 2020, les parents d’élèves ont été aux premières loges, souvent désemparés, pour constater les effets de la pandémie et des changements dans la fréquentation scolaire sur leurs enfants. Dans ces circonstances exceptionnelles, les parents ont entre autres observé un manque de motivation des jeunes, des difficultés d’adaptation à l’école à distance et une baisse des résultats scolaires après la réception du premier bulletin, selon les résultats de sondages réalisés par la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ) depuis le début de l’année scolaire 2020-2021. À titre d’exemple, des parents dont les enfants réussissent bien à l’école en temps normal ont constaté une baisse des résultats scolaires de leurs jeunes, qui ont souffert du manque de socialisation et d’activités motivantes. Ces parents, sans offre de soutien supplémentaire pendant plusieurs mois, se sont sentis isolés et impuissants pour accompagner leurs enfants vers la réussite.
Dès mai 2020, 63 % des 43 000 parents ayant participé à un sondage de la FCPQ indiquaient ne pas pouvoir offrir un encadrement et un soutien adéquats à leurs enfants dans un contexte d’école à distance. Les parents ont rapidement tiré la sonnette d’alarme pour demander du soutien au milieu scolaire et au gouvernement.
Nous devons toutefois souligner que, malgré les difficultés et les choix effectués dans le reste du pays, le gouvernement québécois a pris la décision de rouvrir les écoles primaires à l’extérieur du Grand Montréal au printemps et a priorisé de garder toutes les écoles ouvertes depuis la rentrée 2020-2021, sauf en cas d’éclosions. Pour les parents, l’école en présence est garante d’une plus grande réussite des élèves, notamment des élèves en difficulté ou ayant des besoins particuliers. En effet, le personnel scolaire est davantage en mesure de remarquer les difficultés et d’offrir du soutien et des services lorsque les élèves sont physiquement à l’école. L’école assure aussi un filet social pour les élèves vulnérables qu’il est primordial de garder en place. Lorsque les écoles ont fermé au printemps 2020, de nombreux élèves bénéficiant de services éducatifs et de soutien personnalisés se sont retrouvés sans cet accompagnement.
Les élèves de 3e à 5e secondaire (10e et 12e année) qui n’étaient physiquement à l’école qu’un jour sur deux ont été particulièrement touchés par les baisses de résultats et le manque de motivation. L’école à distance a chamboulé les modes d’apprentissage et la concentration, ce qui a eu un effet sur les résultats scolaires et le bienêtre des élèves.
La perspective du retour à la « normale », pour nos écoles et l’ensemble de la société, est donc accueillie avec soulagement par plusieurs. Elle est cependant vue avec appréhension par d’autres. La normale ne signifie pas le meilleur dans tous les domaines et pour tout le monde.
La pandémie a exacerbé des problèmes qui existaient déjà. Nous pouvons penser à la pénurie de personnel scolaire et à la désuétude de bâtiments, qui sont discutées dans l’espace public et qui méritent l’attention des décideurs. Le retour à la « normale » ramène ces défis et plusieurs autres sur la table.
Les comités de parents mettent de l’avant un autre enjeu qui a été mis en lumière pendant la pandémie : les communications entre l’école et les familles. Dans l’impossibilité de se rendre à l’école pour rencontrer les enseignantes et enseignants, beaucoup de parents ont constaté que les communications bidirectionnelles entre l’école et la maison peuvent être difficiles. Il s’agit parfois d’un manque de volonté de communiquer d’un côté ou de l’autre, mais d’autres facteurs peuvent aussi expliquer ces difficultés, tels que le manque de temps, le choix du moyen de communication ou le manque d’information sur l’importance de ces communications.
Pourtant, l’implication et la collaboration de tous les adultes entourant l’enfant est un facteur clé de sa réussite. Chacun a son rôle à jouer pour accompagner les élèves, c’est ce qu’on appelle la coéducation. La compréhension de son rôle et du rôle des autres est primordiale pour mener à bien cette mission. C’est pourquoi il faut défaire les silos entre l’école et la maison, pour le bénéfice des élèves.
Pourquoi la participation des parents est-elle importante? De nombreuses études montrent l’importance de l’engagement parental dans la réussite éducative et une des formes que peut prendre cet engagement est la communication avec l’école (Beauchesne, 2021).
La pandémie est un obstacle qui a perturbé nos façons de faire, mais nous pouvons aussi la voir comme une occasion de cibler des problèmes et d’améliorer les processus dans le milieu scolaire.
Les parents ont leur mot à dire et ont leur place à l’école, en tant que premiers responsables de l’éducation de leurs enfants, mais aussi parce que leur engagement est porteur de réussite pour les élèves. Ce fait démontré est cependant méconnu, non seulement des équipes-écoles, mais aussi des parents eux-mêmes.
Un grand nombre de parents ont toutefois réalisé pendant la pandémie que leur implication dans l’éducation de leurs jeunes et dans le milieu scolaire était nécessaire et que leurs expériences et expertises pouvaient apporter beaucoup.
En conclusion, les parents « après-COVID » voudront faire partie des discussions et des solutions et n’accepteront plus d’être des spectateurs du milieu scolaire. Nous entamons dès maintenant une réflexion sur le retour à la normale de l’école et sur les façons d’améliorer cette normalité en réfléchissant à ces questions :
Les parents veulent et doivent faire partie de cette conversation. La FCPQ consulte les comités de parents qu’elle représente pour préparer le retour à la normale, tirer des leçons de la pandémie et de l’école à distance et ainsi proposer des améliorations au milieu scolaire, pour le bienêtre et la réussite de nos jeunes.
La Fédération des comités de parents du Québec a pour mission, depuis près de 50 ans, la défense et la promotion des droits et des intérêts des parents et des élèves des écoles publiques primaires et secondaire du Québec, en vue d’assurer la qualité des services éducatifs et la réussite de tous les élèves. La FCPQ représente les comités de parents de la forte majorité des centres de services scolaires, dans toutes les régions du Québec.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
Résultats de quatre sondages réalisés par la FCPQ depuis le début de l’année scolaire 2020-2021 auprès des parents d’élèves, https://www.fcpq.qc.ca/sites/24577/%c3%89tat%20des%20lieux%20-%204%20sondages(1).pdf
Résultats d’un sondage réalisé du 22 au 25 mai 2020 par la FCPQ, https://www.fcpq.qc.ca/sites/24577/CG_30mai2020_Re%cc%81ponses_Sondage-e%cc%81clair.pdf
Beauchesne, R. (mars 2021). Vivre la démocratie comme collaborateur de la gestion de son école. Revue Action Parents, p.4-5. https://www.fcpq.qc.ca/fr/archives/2021/action-parents-volume-44-numero-3
Contexte administratif scolaire de l’Ontario
Comme les autres provinces et territoires, l’Ontario est responsable de l’éducation publique de ses résidents. Cependant, l’administration scolaire varie sur le territoire canadien. Par exemple, en Ontario, il y a quatre systèmes d’éducation financés publiquement :
Ces systèmes trouvent leur origine dans la législation qui a façonné le système d’éducation d’aujourd’hui au Canada. Les droits des minorités, y compris les langues et la religion, étaient inscrits dans la législation initiale comme principes gouverneurs. Par conséquent, du côté francophone, les deux systèmes d’éducation de la maternelle à la 12e année qui coexistent aujourd’hui à la suite d’une longue lutte pour un financement et des ressources équitables, ont dans les faits, été traités de manière inégale (pour plus d’information, voir Gidney1, 1999)
En 2018, notre équipe de recherche, soutenue par l’ADFO, a conduit une étude sur la nature changeante du travail des directions d’écoles de langue française. Du fait de l’importance culturelle et linguistique des systèmes publics et catholiques d’éducation de langue française, cette étude exhaustive a exploré ce que font les directions d’écoles publiques et catholiques de langue française et ce qui motive leur action. Cette étude s’est également inspirée de la Politique d’aménagement linguistique (PAL) qui a été créée et mise en œuvre pour améliorer le rôle vital que les écoles de langue française jouent au sein de la communauté minoritaire francophone. Le but de la PAL est d’augmenter la capacité et la responsabilité des écoles de langue française à préserver la langue et la culture françaises, à soutenir les élèves dans l’acquisition de la langue française et à développer de manière durable les communautés francophones. Notre étude s’est également inspirée du rapport de 2017 de l’Institut pour le leadership en éducation de Marie-Josée Berger2. À cet égard, nous avons :
Dans cet article, nous nous sommes concentrés particulièrement sur les défis particuliers auxquels les directions d’écoles francophones font face en Ontario.
L’intensification du travail et les défis dans le contexte francophone public et catholique
À l’intensification du travail (journées plus longues, augmentation du rythme de travail, diminution des ressources, mêmes tâches qu’avant, mais plus de travail et du travail supplémentaires)3 des directions d’école, s’ajoute pour les directions des écoles de langue française le mandat linguistique et culturel qui représente une couche supplémentaire de responsabilité. En plus de l’intensification des tâches et responsabilités que les directions d’écoles de langue française ont en commun avec leurs collègues travaillant dans les écoles de langue anglaise³, les directions d’écoles de langue française doivent « garantir la reproduction linguistique et culturelle, la réussite scolaire, la construction identitaire des élèves et l’épanouissement de la communauté francophone »4. La réalisation de ce mandat pose des défis pour les directions d’écoles de langue française5. Sur 188 directions d’école participantes après le nettoyage des données, 97,9 % travaillent régulièrement au-delà des 40 heures par semaine normales, passant en moyenne 57,5 heures au travail par semaine. Nos résultats montrent que les directions d’écoles ont tendance à passer principalement leur temps dans sept domaines :
Ces sept domaines représentent 63,2 % de toute l’activité reliée au travail à laquelle les directions d’écoles se livrent. En plus des longues heures de travail, les directions d’écoles de langue française font face à de multiples défis au bureau qui se manifestent dans cinq domaines : (a) la santé mentale et le soutien externe, (b) les facteurs de stress reliés au travail, (c) les directives et politiques, (d) le climat communautaire et (e) les enjeux liés à l’enseignement.
À la base de ces défis se trouve le fait que l’augmentation des responsabilités au travail ne s’accompagne pas d’un sens du contrôle, comme l’a observé cette direction d’école :
J’œuvre à titre de direction depuis 20 ans. Durant cette période, la charge de travail d’une direction d’école a presque triplé. En début de carrière, je gérais une école de 420 élèves seule et j’arrivais à compléter mon travail en travaillant de 8 h à 17 h. Actuellement, j’ai une école de 430 avec une direction adjointe. Je travaille de plus longues heures (8 h à 19 h, selon le jour) et je ne réussis plus à gérer tous mes dossiers. En surcroît, je gère des courriels en soirée et en fin de semaine. Parmi les éléments qui ajoutent exponentiellement à notre tâches : – La redevabilité que nous avons face aux parents qui ne se gênent plus pour revendiquer de plus en plus de services personnalisés pour eux ou leurs enfants. – Les attentes des conseils en termes de marketing de l’école, de la mise en place de concentrations ou programmes pour attirer de la clientèle. – Les suivis auprès des employés qui sont mal préparés pour bien répondre aux défis liés à l’enseignement. – Le manque de ressources humaines qualifiées pour assurer la relève lors des congés de maternité, maladie à long terme et à court terme (suppléants pour les différentes catégories de poste : enseignant, enseignant ressource, secrétaire et concierge). Il devient quasi impossible de composer avec les attentes des diverses sources (Conseil scolaire, parents, Conseil d’école, enseignants, organisme communautaire, élèves, ministère de l’Éducation de l’Ontario, …). Constat : Peu de pouvoir et toute la responsabilité!
Les exigences conflictuelles et les défis qui augmentent ont une incidence sur la santé et le bienêtre des directions d’écoles francophones et la façon dont elles perçoivent leur travail. Environ 80 % des directions d’école sondées ont déclaré que leur travail les mettait souvent ou toujours dans des situations émotionnellement épuisantes. Près d’une direction francophone sur trois (30,6 %) est d’accord ou complètement d’accord avec le fait que si elle devait recommencer, elle resterait enseignante ou enseignant plutôt que de devenir direction d’école. Un pourcentage similaire de directions (35 %) est d’accord ou complètement d’accord avec le fait que si elles avaient le choix, elles travailleraient dans un autre secteur ou une autre industrie que l’éducation.
Bien que la PAL soit un outil essentiel pour promouvoir la langue et la culture françaises, les directions d’écoles francophones soulignent que cette politique crée des tâches supplémentaires que les écoles de langue anglaise n’ont pas. Par exemple, une direction d’école a commenté que :
Un grand ajout dans les écoles de langue française relève de cette politique et de ses cinq paliers. La construction identitaire étant un élément qui ne se travaille par du jour au lendemain, elle requiert beaucoup d’interventions de la part de tout le personnel de l’école. Les paliers communautaires et les parents exigent beaucoup de temps, temps qui malheureusement nous manque souvent trop.
Beaucoup de directions d’école ont exprimé leur engagement à créer un environnement linguistique riche et sûr, mais la politique ajoute simplement une tâche supplémentaire à leur rôle et elles n’ont pas toujours le temps ou les ressources adéquates pour la mettre en œuvre. Lorsqu’on lui a demandé ce qui manquait dans la PAL, une direction a résumé de la manière suivante :
École francophone, milieu minoritaire, manque de ressources, ayant droit et non ayant droit et leur accessibilité à l’école de langue française, effectifs de l’école, financement des activités.
Il existe d’autres défis uniques aux contextes des écoles de langue française publiques et catholiques. Par exemple, le personnel n’a pas assez de connaissances ou de compétences pour mettre en œuvre la PAL, et les directions d’écoles ont rapporté avoir souvent (29,8 %) ou toujours (58,5 %) des difficultés à trouver du personnel enseignant suppléant qualifié. Parfois, les besoins de leurs clients ont changé (par ex., les personnes qui considèrent le français comme un outil et non comme un mode de vie), ce qui devrait, selon certains, être tenu en considération dans une mise à jour de la PAL. La PAL met également de la pression sur les directions d’école pour le recrutement et le maintien des effectifs (nombre d’élèves).
Malgré des conditions de travail qui s’intensifient et des défis uniques auxquels font face les directions d’écoles francophones, 79,2 % des directions d’école sondées ont indiqué être satisfaites de leur travail la plupart du temps et 94 % d’entre elles conviennent qu’elles savent comment faire leur travail6.
Conclusion
À grandes responsabilités, grands pouvoirs! Cela ne semble pas être le cas pour les directions d’école francophones qui assument des obligations et responsabilités grandissantes tout en ayant un pouvoir et un contrôle limités. De plus, les politiques ayant pour but d’engendrer des effets positifs viennent sans suffisamment de ressources ou de soutien. Ainsi, leurs conséquences ou effets secondaires peuvent potentiellement surpasser les résultats voulus et causer plus de mal que de bien. Il est urgent d’arrimer les politiques, les rôles et les responsabilités des directions d’école francophones afin de mieux refléter leurs réalités de travail et de répondre à leurs besoins.
Illustration : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Gidney, R. (1999). From Hope to Harris: The reshaping of Ontario’s schools. Toronto, Ontario: University of Toronto Press.
2 Ministère de l’Éducation de l’Ontario. L’aménagement linguistique – Une politique au service des écoles et de la communauté de langue française de l’Ontario, 2004. [En ligne]. http://www.edu.gov.on.ca/fre/document/policy/linguistique/guide/index.html
3 Berger, M. J. (2017). Éducation en langue française de l’Ontario : Regards croisés sur les pratiques de leadership, Toronto, Ontario: l’Institut de leadership en éducation de l’Ontario et le Ministère de l’Éducation de l’Ontario ; Pollock, K., Wang, F. et Hauseman, D. (2014). The changing nature of principals’ work, Final Report for the Ontario Principals’ Council, Toronto, ON, Canada. [En ligne]. OPC Principals’ Report ; Pollock, K., Wang, F. et Hauseman, D. (2017). The changing nature of vice-principals’ work. Final Report. Ontario Principals’ Council, Toronto, ON., Canada. [En ligne]. OPC Vice-Principals’ Report.
4 Gidney, R. (1999).
5 Wang, F. & Pollock, K. (2019). Quels sont les défis particuliers des directions d’écoles francophones hors Québec (DÉFHQ)? EdCan Network. [En ligne]. https://www.edcan.ca/articles/des-directions-decoles-francophones/?lang=fr
6 Wang, F. & Pollock, K. (2019). Le travail des directions d’école au sein des systèmes d’éducation de langue française en Ontario. https://www.edu.uwo.ca/faculty-profiles/docs/other/pollock/pollock-ADFO-Report-Revised-Final.pdf
Au Canada, le système d’éducation a un rôle clé à jouer dans l’élaboration de stratégies visant à favoriser la santé mentale et le bien-être des élèves et du personnel enseignant. Il est vrai que des programmes indépendants ont aidé le personnel à aborder la question de la santé mentale et du bienêtre. Toutefois, afin d’aborder cette question à plus long terme, il est de plus en plus reconnu que les solutions doivent être mises en oeuvre de manière systémique.
Le présent document s’inspire de discussions qui ont eu lieu lors de deux tables rondes nationales. Il souligne pourquoi et comment les leaders du système de l’éducation, de la maternelle à l’école secondaire, et leurs partenaires, doivent aller plus loin que des interventions et des programmes ponctuels pour adopter une approche qui permettra d’intégrer la santé mentale et le bien-être au coeur même du mandat de l’éducation publique.
Milieu de vie, d’apprentissage, de travail et de devenir sociétal, l’école mérite mieux qu’une boîte vétuste et sombre entourée de bitume clôturé. L’architecte Marc-André Carignan ne mâche pas ses mots pour décrire l’état lamentable des écoles primaires et la nécessité d’une révolution esthétique et fonctionnelle. Car la réussite scolaire passe aussi par un environnement inspirant, moderne et ouvert.
À l’aide d’exemples ciblés, de documents iconographiques et de thématiques spécifiques, l’auteur identifie les principaux éléments pouvant guider une réflexion en profondeur des besoins de l’école : les valeurs, le rôle communautaire, l’importance de la cour d’école et des espaces communs, la beauté et la convivialité comme moteurs de réussite. D’ailleurs, les chapitres traitant des cours d’école et de l’ouverture à la communauté s’avèrent des plus intéressants et invitent à rêver à mieux. Une place enviable est accordée aux enjeux environnementaux et à l’importance de verdir les lieux d’apprentissage.
Toutefois, autant les exemples de rénovation et de réaménagement architectural fournis par l’auteur font miroiter tous les possibles, autant l’aspect financier reste le talon d’Achille de cette présentation étoffée. Les projets emballants qui y sont décrits ne sont accompagnés d’aucune indication budgétaire, le chapitre intitulé Le nerf de la guerre : l’argent se bornant tout au plus à répéter qu’il faudrait diversifier la provenance de l’aide financière nécessaire à ce type de travaux.
Le principal mérite de cet ouvrage réside en la conviction de l’auteur qu’il est pertinent et efficace d’investir dans ce milieu de vie qu’est l’école, tant pour les élèves que pour les membres du personnel. Les établissements ayant servi d’exemples, qu’ils soient québécois, états-uniens ou européens, débordent de créativité et dynamiseront à coup sûr les penseurs de la réussite scolaire. Le dosage adéquat entre diagnostic des problèmes et suggestion de solutions facilite un rythme de lecture soutenu et constant pour cet essai accessible à tous.
Première publication dans Éducation Canada, mars 2020
CARIGNAN, Marc-André (2018). Les écoles qu’il nous faut. Montréal, Éditions MultiMondes, 215 pages.
ISBN : 9782897730956 (2897730951)
Au nom de la gestion comptable, l’essentiel du travail des enseignants est mis de côté. Prendre le temps de s’informer, de réfléchir, d’analyser ou de discuter nous semblent maintenant des pertes de temps.
La nouvelle gestion publique (NGP) a fait son apparition à la fin des années 90. Elle promet alors une profonde modernisation de la fonction publique qui mettrait l’accent sur la qualité des services aux citoyens et sur l’atteinte de résultats mesurables.
Le dictionnaire du gestionnaire à la mode contient dorénavant une panoplie d’expressions bienheureuses : écoute des citoyens, qualité des services, recherche de la performance, transparence, résultats, responsabilisation et imputabilité. Évidemment, l’éducation n’échappe pas à ce tsunami.
Au printemps 2000, la Loi sur l’administration publique instaure un cadre de gestion axé sur les résultats (GAR) : une approche fondée sur des résultats mesurables répondant aux objectifs et aux cibles définis préalablement en fonction des services à fournir. Au cours des années subséquentes, nous assistons à l’apparition du plan stratégique, du plan de réussite, de la convention de partenariat, de la convention de gestion et de réussite éducative, etc. Les résultats des élèves aux examens régionaux ou provinciaux et les taux de diplomation dans les temps constituent les indicateurs principaux de la qualité de l’enseignement, de la gestion de l’école et du système d’éducation.
La GAR semble ainsi répondre à des impératifs politiques très éloignés de la mission institutionnelle de l’École et des besoins des élèves.
« L’enseignant est un bénévole dans l’âme qui fait preuve de patience. »
Quelle est la grande mission d’une commission scolaire? Veiller à la gestion efficace et efficiente des ressources humaines, matérielles et financières dont elle dispose. Son nouveau credo? Faire plus avec moins.
Cette vision comptable de l’éducation a creusé une énorme tranchée entre la mission de l’école et sa gestion. En effet, les outils d’évaluation de la qualité ne permettent pas d’apprécier une formation intellectuelle, culturelle et citoyenne. Ni le bien-être à l’école des élèves et des enseignants, d’ailleurs.
La GAR comporte donc un grand risque pour les enseignants : une perte du sens de notre travail causée par le sacrifice d’une formation émancipatrice sur l’autel de la réussite à tout prix. Un non-sens pour le pédagogue. Car, ne l’oublions pas, l’enseignement n’est pas une affaire de chiffres. Il s’agit d’une profession « humaine ».
L’enseignant doit être empathique, généreux et à l’écoute. Il doit avoir une main de fer dans un gant de velours. C’est un bénévole dans l’âme qui fait preuve de patience. Il doit être un motivateur, un communicateur, un organisateur, un rassembleur et un modèle. Il sait vulgariser et convaincre. Son noble but? Faire « avancer » chacun de ses élèves, peu importe « l’endroit » où il se trouve. Et si nous sommes dépossédés de ce qui constitue notre raison d’être, la GAR risque de nous aliéner. Que faire?
Depuis des années déjà, les enseignants québécois ont l’obligation d’inscrire à leur horaire des minutes de temps de présence à l’école : minutes de surveillance à la pause, 30 minutes pour des rencontres sur l’heure du dîner ou le matin. À tout calculer, on oublie l’essentiel. Comme l’écrit si bien mon collègue Mathieu Bernière :
Notre travail est incommensurable. Au sens propre. Il ne peut être mesuré. Il ne peut être compartimenté. Encore moins sur les prémisses de notre mauvaise foi, c’est-à-dire en imposant un horaire si rempli, serré et étouffant de crainte que l’on soit payé à ne rien faire.
« Les outils d’évaluation de la qualité ne permettent pas d’apprécier une formation intellectuelle, culturelle et citoyenne. »
Ce minutage ridicule de notre tâche est contradictoire avec notre professionnalisation. Mais, dans un système d’éducation contaminé par la GAR, nous devons faire la démonstration de notre efficacité. Prendre le temps de s’informer, de réfléchir, d’analyser ou de discuter semble maintenant être une perte de temps.
Dans ce contexte, celui qui ose simplement lire à son bureau devient un ennemi de la GAR. Il s’agit pourtant de l’essence même de ce que devrait être l’enseignement. Il s’agit d’actions essentielles à notre bien-être psychologique qui feront de nous de meilleurs enseignants pour mieux éduquer nos élèves.
Dans ce monde d’apparence créé par cette gestion comptable, nous oublions la nécessaire culture générale propre à l’enseignement. Dans ce tourbillon insensé de productivité visible, nous négligeons le côté infiniment humain de notre métier. En somme, nous omettons de nourrir notre cerveau et notre âme. Il n’est même pas encore question de penser au bien-être.
Résistons. Comment? Par la bienveillance. Une disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui. S’il est tout naturel d’être bienveillant envers nos élèves, soyons également bienveillants envers nos collègues et nous-mêmes. Prenons le temps de nous réapproprier le sens profond de notre métier : offrir une formation intellectuelle, culturelle, citoyenne et émancipatrice.
Pour le bien-être de tous.
Merci à Stéphanie Demers, professeure à l’UQO, de sa très grande générosité.
Photo : iStock et Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2019
Les auteures de cet article présentent comment le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance de la Nouvelle-Écosse, en collaboration avec le Youth Project, ont, au cours de la courante décennie, a fait preuve de leadeurship en instaurant de nouvelles lignes directrices qui ont de profondes répercussions sur la configuration des écoles, sur l’enseignement et sur les systèmes d’information sur les élèves afin d’assurer la sécurité et l’inclusion dans le milieu scolaire pour tous les apprenants, et en particulier, pour les individus qui se sentent marginalisés, comme les lesbiennes, les gais, les personnes bisexuelles, les personnes transgenres, les personnes queer, les personnes bispirituelles et les autres membres de minorités sur le plan de la sexualité ou de l’identité de genre (LGBTQ2+).
Si l’on veut que tous les apprenants se sentent concernés et puissent connaitre la réussite dans leur apprentissage, il est essentiel de proposer des écoles favorisant l’inclusion de tous et où tout le monde est en sécurité. Pour que les enfants et les jeunes puissent connaitre le bienêtre et progresser sur le plan scolaire, il est essentiel qu’ils aient le sentiment d’être en sécurité, d’être acceptés tels qu’ils sont et d’avoir leur place au sein de l’école. La sécurité et l’inclusion dans le milieu scolaire sont d’une importance cruciale pour tous les apprenants et en particulier pour les individus qui se sentent marginalisés, comme les lesbiennes, les gais, les personnes bisexuelles, les personnes transgenres, les personnes queer, les personnes bispirituelles et les autres membres de minorités sur le plan de la sexualité ou de l’identité de genre (LGBTQ2+).
Dans cet article, nous évoquons le chemin parcouru par le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance de la Nouvelle-Écosse (MEDPE), en partenariat avec la communauté LGBTQ2+, pour transformer les écoles en des lieux où tous les enfants et les jeunes sont inclus de façon équitable et où l’on valide et met en valeur leur identité. Pour valider et mettre en valeur l’identité des apprenants, il faut savoir et respecter ce qu’ils sont et leur apporter un appui, dans le cadre d’approches axées sur les relations et la sensibilité culturelle. En vue de permettre aux gens de vivre de façon authentique et d’exprimer leur identité, nous sommes en train d’apporter délibérément des changements importants aux milieux scolaires, au système d’information sur les élèves (PowerSchool), aux programmes d’études, aux politiques et lignes directrices et aux ressources dans les écoles. Même s’il y a eu des changements significatifs en vue d’offrir un meilleur appui aux apprenants LGBTQ2+ dans leur expérience éducative, nous maintenons notre engagement à prendre des mesures touchant toutes les salles de classe, dans toutes les écoles.
Les jeunes queer ne sont pas simplement des jeunes qui sont en train d’attendre que nous rattrapions notre retard. Ce sont des jeunes qui sont devenus eux-mêmes des agents de transformation au sein même du système éducatif. Alors que c’était à peine imaginable il y a une décennie, la question de l’identité de genre, de l’expression du genre et de la sexualité fait désormais indéniablement partie du paysage dans les écoles aujourd’hui. Les jeunes sont en train d’effacer les frontières traditionnelles divisant les gens en deux catégories selon des attentes relatives au sexe, à l’expression du genre et à une vision hétéronormée du monde. Les jeunes, leurs alliés et les parents demandent au système éducatif d’examiner les changements à apporter aux écoles pour que tous les apprenants y trouvent leur place, quelle que soit leur identité, et pour garantir qu’ils bénéficient tous d’un accès équitable à la vie scolaire sous tous ses aspects. D’après un rapport d’Égale Canada, intitulé Every Class in Every School (2011), il est recommandé d’accorder de l’importance aux consultations appropriées quand on s’intéresse aux groupes vulnérables, aux alliances des identités de genre et des sexualités (AIGS), à la préparation des enseignants, au programme d’études et au travail d’élaboration des politiques.
En Nouvelle-Écosse, au cours des dernières années, de solides liens de partenariat en collaboration se sont tissés entre le MEDPE et le Youth Project, qui est un organisme à but non lucratif dont la mission est de « faire de la Nouvelle-Écosse un lieu plus sûr, plus sain et plus heureux pour la jeunesse lesbienne, gaie, bisexuelle et transgenre, grâce à des mesures de soutien, de sensibilisation, d’élargissement des ressources et de développement communautaire ». Le Youth Project, qui assume à la fois un rôle de direction et de premier interlocuteur, remplit de plus l’essentielle mission d’offrir un soutien aux écoles et au MEDPE, avec des ateliers pour les élèves, des activités de perfectionnement professionnel pour le personnel enseignant et le personnel administratif, du soutien aux AIGS, des consultations pour les programmes d’études et les ressources et des contributions relatives à l’aménagement des installations. Grâce à notre collaboration avec le Youth Project, le système éducatif est en train de devenir un système mieux informé, plus inclusif et plus délibéré dans sa conception et ses façons de faire.
« Notre travail dans les écoles a pour but de lancer une conversation sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, de réduire la stigmatisation et de normaliser les différences, tout en veillant à ce que les élèves queer et transgenres se sentent validés et se reconnaissent dans le système. Notre partenariat avec le MEDPE a renforcé la capacité qu’a le Youth Project de toucher un plus grand nombre de jeunes dans les centres urbains et dans les communautés rurales partout dans la province. »
— Kate Shewan, directrice générale du Youth Project
En décembre 2012, la loi sur les droits de la personne de la Nouvelle-Écosse (Nova Scotia Human Rights Act) a été modifiée en vue d’interdire les discriminations fondées sur l’identité de genre et l’expression du genre. En 2014, en réaction aux changements apportés à la loi, le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance (MEDPE) a publié ses Lignes directrices pour le soutien aux élèves transgenres et non-conformistes de genre. Ce document a été préparé en concertation avec des jeunes et des organismes représentant la communauté LGBTQ2+ et il aborde des sujets comme le soutien aux élèves et à leurs démarches individuelles, les noms et pronoms préférés, les dossiers scolaires, l’expression du genre, les activités dans l’école et l’accès aux toilettes et aux vestiaires. Les lignes directrices ont aidé les éducateurs à mieux comprendre la terminologie actuelle et les problèmes auxquels font face les enfants et les jeunes transgenres ou ayant diverses identités de genre dans les écoles. Ces lignes directrices ont également contribué à une prise de conscience du caractère non inclusif ou des partis pris sur les sexes qui marquent bon nombre des croyances, des processus et des pratiques dans le système éducatif et des changements nécessaires dans le système.
Les données du MEDPE pour 2016–2017 indiquent que 65 % environ des écoles de la province ayant des élèves de la 7e à la 12e année ont une alliance des identités de genre et des sexualités (AIGS). Depuis cette époque, le nombre d’AIGS continue de grimper et plusieurs écoles élémentaires participent désormais au mouvement. Les jeunes queer nous disent que, quand il y a une AIGS dans l’école, ils se sentent plus en sécurité, mieux acceptés et mieux soutenus. En outre, ils sont en mesure de s’identifier et d’exprimer leur genre ou leur sexualité plus librement et avec fierté. Le MEDPE continue, avec ses partenaires, de s’efforcer de faire augmenter le nombre d’AIGS dans les écoles et de veiller à ce qu’elles constituent un système actif et utile de structures de soutien pour les apprenants dans les écoles. Notre but est d’avoir une AIGS dans chaque école, dont la présence est célébrée et qui est reconnue comme jouant un rôle important en vue de faire évoluer la culture de l’école.
Le document Lignes directrices pour le soutien aux élèves transgenres et non-conformistes de genre contient une recommandation en vue d’offrir un accès en toute sécurité aux toilettes et aux vestiaires aux élèves selon leur identité de genre. Les lignes directrices contiennent le passage suivant :
« Tous les élèves ont le droit d’utiliser les toilettes et les vestiaires en toute sécurité et le droit d’utiliser les installations dans lesquelles ils se sentent à l’aise et qui correspondent à leur identité de genre, quel que soit le sexe qui leur a été attribué à la naissance. Les élèves transgenres et non-conformistes de genre ont droit à la mise en place de structures de soutien qui répondent le mieux à leurs besoins particuliers1. »
En réaction à ce passage, l’équipe de la Division de la gestion des installations a commencé à changer sa façon de penser pour ce qui est de l’aménagement des toilettes et des vestiaires. Elle a commencé à explorer les changements qu’on pourrait apporter à ces installations pour aider les élèves transgenres ou ayant diverses identités de genre. Cette réflexion a débouché sur un processus de consultation approfondie faisant intervenir des éducateurs, des administrateurs scolaires, des membres du personnel du MEDPE, des architectes, des ingénieurs, des membres du personnel du Youth Project et des élèves, notamment des élèves LGBTQ2+. Grâce à ce processus approfondi, il est apparu clairement que la prise en compte des droits relatifs au sexe et à l’identité de genre de la personne menait en fait à une prise en compte des droits universels de toutes et de tous. Le résultat est que nous avons adopté, pour les constructions de nouvelles écoles et pour les rénovations des écoles existantes, des aménagements innovants pour les toilettes et les vestiaires, en éliminant les distinctions entre les sexes et en favorisant l’inclusion de tous, tout en tenant compte des préoccupations relatives à la sécurité et à la vie privée de tous les élèves. À ce sujet, Darrell MacDonald, directeur actuel des Services pour les projets d’installations éducatives du ministère des Transports et du Renouvèlement de l’infrastructure de la Nouvelle-Écosse, mentionne :
« Le point d’ancrage de la réussite de ces initiatives est que nous nous sommes concentrés sur le caractère universel des dispositifs. Les deux éléments fondamentaux sont le respect de la vie privée et la sécurité. Ces concepts ne se limitent pas à certains segments particuliers de la société, mais sont véritablement universels et ils nous ont permis de surmonter les aspects stigmatisants sur le plan social. »
En 2017, le MEDPE a lancé le programme de prématernelle dans plusieurs écoles de la Nouvelle-Écosse, en prenant l’engagement de rendre ce programme disponible dans toutes ses écoles d’ici à 2020. Cette initiative propose un programme éducatif gratuit pour les jeunes enfants âgés de quatre ans. Le Youth Project (YP) a été consulté par le MEDPE lors de l’élaboration du document Capable, confiant et curieux — Cadre pédagogique pour l’apprentissage des jeunes enfants de la Nouvelle-Écosse. Cette collaboration a permis d’inclure des pratiques souples relatives au sexe des individus et elle a offert l’occasion de mettre un terme aux comportements et aux attentes traditionnelles relatives au sexe des individus dans les milieux d’apprentissage à la petite enfance. Il faut que nous cherchions délibérément à aider les enfants originaux sur le plan de leur identité de genre à s’affirmer conformément à ce qu’ils ressentent et que nous leur permettions d’explorer leur propre identité.
En offrant aux enfants et aux jeunes la possibilité d’indiquer leur nom, leur identité de genre et leurs pronoms préférés en toute sécurité, on leur permet de s’affirmer tels qu’ils sont et de sentir qu’ils ont vraiment leur place. Nous sommes en train de modifier le programme et de créer des espaces, dans PowerSchool, notre système d’information sur les élèves, et dans le processus d’inscription, où les apprenants ou leurs parents peuvent indiquer leur véritable identité en toute équité. Ceci nous permet d’inscrire les apprenants sans leur faire de tort et sans susciter de stress inutile et en évitant de révéler l’identité de genre des personnes par inadvertance.
Même s’il y avait déjà un processus permettant aux élèves d’indiquer leur nom préféré pour les enseignants et les membres du personnel de l’école, ce processus n’était pas visible partout dans PowerSchool. Les listes produites par le système d’information sur les élèves, par exemple, comme les listes d’appel pour les suppléants, les palmarès pour les prix, les listes pour les frais et même les images pour l’annuaire affichaient encore le nom légal de la personne et non son nom préféré. Pour remédier à ce problème, en 2018, nous avons fait une mise à jour de PowerSchool, qui affiche désormais le nom préféré dans tous les documents scolaires, y compris les bulletins scolaires, et dans tous les volets du système. Même si le nom légal de la personne reste bel et bien présent dans PowerSchool, il ne figure que dans les documents officiels, comme les relevés de notes et les diplômes d’études secondaires de la province.
En 2019, la loi sur l’état civil de la Nouvelle-Écosse (Nova Scotia Vital Statistics Act) a été modifiée pour inclure le sexe « X », en plus des sexes « M » (masculin) et « F » (féminin), tout comme dans le changement qui a été apporté par le gouvernement fédéral pour les passeports canadiens. Ceci a entrainé des mises à jour supplémentaires dans PowerSchool et dans le processus d’inscription. Le système note désormais l’identité de genre de la personne, au lieu du sexe qui lui a été attribué à la naissance, avec le code « X » pour les personnes non binaires et les autres identités de genre. Il n’est plus nécessaire, aujourd’hui, de faire une démarche officielle de changement de sexe auprès de l’état civil pour pouvoir définir son identité de genre dans les écoles. Pour la majorité des élèves, l’identité de genre coïncide avec le sexe attribué à la naissance et aucun changement n’est donc nécessaire. En ce qui concerne les apprenants transgenres ou ayant diverses identités de genre, ce changement leur permettra de s’identifier tels qu’ils sont en toute sécurité, sans craindre d’être stigmatisés. Toutes ces modifications continueront de remettre en cause les frontières strictes imposées par la tradition et d’élargir notre compréhension de la diversité des identités.
Nous nous sommes concentrés, plus récemment, sur la complexité des intersections entre les différentes catégories, par exemple les catégories raciales et socioéconomiques, et notre travail sur le sexe, l’identité de genre et la sexualité. En outre, nous nous efforçons de faire le lien avec d’autres initiatives, comme l’inclusion scolaire, la pédagogie sensible à la culture et à la langue, puis les approches relationnelles. Il est plus que jamais nécessaire d’aider les éducateurs, avec des activités de formation, des ressources et des programmes d’études pertinents et un leadeurship innovant. Dans toutes ces activités, nous avons l’obligation d’instaurer une culture scolaire qui respecte tous les apprenants et leurs familles et qui reconnait leur identité telle qu’ils la définissent. Notre expérience nous montre que cet objectif ne peut se réaliser sans la mise en place de liens de partenariats avec la communauté qui sont marqués du sceau de la sécurité, de la confiance et de l’authenticité.
Tout au long de ce parcours et pour les orientations à venir, nous continuons de nous concentrer sur ce que disent nos apprenants LGBTQ2+ ainsi que sur la validation et la mise en valeur de leur identité dans tous les domaines de leur existence. Avec la poursuite de la mise à jour des programmes d’études, des programmes et des politiques, en plus de la mise au point de nouveaux programmes et de nouvelles politiques, comme la politique sur l’inclusion scolaire, il est indispensable que les questions d’équité continuent de se situer au cœur même de notre vision pour l’éducation. Que ce soit en salle de classe, dans les écoles ou au gouvernement, nous nous devons de nous instruire, de remettre en question nos partis pris tout comme nos croyances et de réaménager nos processus, puis nos pratiques, afin de veiller à ce que tout le monde puisse vivre l’éducation en toute sécurité et en se sentant inclus dans le groupe.
Taylor, C. et T. Peter. Every class in every school: Final report on the first national climate survey on homophobia, biphobia, and transphobia in Canadian schools, Fonds Égale Canada pour les droits de la personne, 2011. Sur Internet : https://egale.ca/wp-content/uploads/2011/05/egalefinalreport-web.pdf
Ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance. Lignes directrices pour le soutien aux élèves transgenres et non conformistes de genre, 2014. Sur Internet : https://studentservices.ednet.ns.ca/sites/default/files/Guidelines%20for%20Supporting%20Transgender%20Students_FR_0.pdf
Notes
1 Ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance. Lignes directrices pour le soutien aux élèves transgenres et non conformistes de genre, 2014, p.17. Sur Internet : https://studentservices.ednet.ns.ca/sites/default/files/Guidelines%20for%20Supporting%20Transgender%20Students_FR_0.pdf
Alors que le suicide est un important problème de santé publique, les éducateurs et les décideurs politiques s’intéressent de plus en plus à la prévention dans les écoles pour tenter de réduire le nombre de décès par suicide des jeunes. Même s’il n’existe pas de preuves scientifiques solides de l’efficacité et de l’innocuité des programmes de prévention du suicide à l’école, ceux-ci sont devenus une source fructueuse de revenus pour certains organismes et entreprises.
La recherche ne permet pas de déterminer ce qui empêche le suicide auprès des jeunes. La première étude à démontrer des résultats positifs de ces programmes a été publiée en février 2019, mais portait sur les jeunes patients d’un hôpital psychiatrique et non sur des élèves en général. De plus, certains programmes en milieu scolaire soi-disant efficaces sont en réalité nuisibles. Par exemple, une étude a montré que le programme Signs of Suicide (SOS) avait causé une augmentation des tentatives de suicide parmi les participants. Quant au programme SafeTALK, s’il a permis aux participants d’améliorer leur confiance en soi auto-déclarée à parler de suicide, la moitié d’entre eux ont par la suite été sélectionnés pour évaluation professionnelle. Une récente étude canadienne a également permis d’établir un lien entre l’augmentation de l’utilisation de programmes de prévention du suicide et celle du taux de suicide chez les très jeunes filles.
Au mieux, la plupart des études évaluent les connaissances auto-déclarées des élèves sur le suicide et la confiance en soi à parler du suicide, ou fait état des tentatives de suicide ou d’idéation suicidaires auto-déclarées. Aucune de ces mesures ne peut déterminer l’efficacité d’un programme à prévenir le suicide.
Le suicide chez les jeunes est un sujet chargé d’émotivité qui exige une action réfléchie, rationnelle et appuyée par la recherche. Alors que les écoles sont parfois prises entre le désir d’agir et le marketing sophistiqué de programmes qui tirent parti de cette intention, le personnel scolaire doit faire preuve d’esprit critique dans l’application éventuelle d’intervention de prévention du suicide.
Statistique Canada : Les taux de suicide : un aperçu
TeenMentalHealth.org:
Knightsmith P. Youth suicide prevention research needs a shake-up: lives depend on it. 2018. Repéré à https://www.nationalelfservice.net/mental-health/suicide/youth-suicide-prevention-research-needs-a-shake-up-lives-depend-on-it/
Kutcher S., Wei Y. The vexing challenge of suicide prevention: a research informed perspective on a recent systematic review. 2016. Repéré à https://www.nationalelfservice.net/mental-health/suicide/vexing-challenge-suicide-prevention-research-informed-perspective-recent-systematic-review/
King CA., Arango A., Kramer A., et., al. Association of the Youth-Nominated Support Team Intervention for Suicidal Adolescents With 11- to 14-Year Mortality Outcomes. Secondary Analysis of a Randomized Clinical Trial. JAMA Psychiatry. 2019. doi:10.1001/jamapsychiatry.2018.4358
Schilling EA, Lawless M, Buchanan L, et al. Signs of Suicide shows promise as a middle school suicide prevention program. Suicide Life Threat Behav. 2014; 44(6): 653-67.
Bailey E, et al. Universal Suicide Prevention in Young People: An evaluation of the safeTALK Program in Australian High Schools. Crisis. 2017; 38(5), 300-308.
Kutcher S., et al. School-and Community-Based Youth Suicide Prevention Interventions: Hot Idea, Hot Air, or Sham? The Canadian Journal of Psychiatry. (2016): 1-7.
À noter : Cette fiche est conforme à la nouvelle orthographe. Le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d’alléger le texte.
Cet article présente les résultats d’une étude portant sur les différents programmes d’évaluations à échelle provinciale au Canada et comment les ministères d’Éducation se questionnent sur les objectifs de ces évaluations et comment elles doivent évoluer afin de mieux refléter l’apprentissage des élèves de leur province.
Toutes les provinces canadiennes élaborent et font passer des programmes d’évaluation à grande échelle dans le cadre de leurs systèmes éducatifs. Divers facteurs doivent être pris en considération lorsque les provinces en sont à la phase d’élaboration de ces programmes puisqu’elles doivent alors considérer quelles données sont requises, comment les recueillir et pour quelles raisons. On retrouve de nombreux points communs entre les différents programmes d’évaluation à grande échelle dans les diverses provinces canadiennes. Toutefois, elles ont récemment choisi d’employer des approches fort dissemblables en ce qui concerne les modifications qu’elles ont effectuées ou qu’elles désirent apporter à ces programmes. Ces changements témoignent des discussions qui se tiennent actuellement au sujet des objectifs des évaluations à échelle provinciale.
En règle générale, les élèves canadiens font l’objet d’évaluations en numératie et en littératie aux premières et aux dernières années du primaire ainsi qu’à l’école secondaire. On retrouve sur les sites Web des différents ministères de l’Éducation diverses explications concernant la passation de ces évaluations. On analyse les données recueillies afin de déterminer les besoins à tous les niveaux, qu’il s’agisse de l’ensemble de la province, des conseils scolaires, des écoles, des salles de classe ou de chaque élève en particulier. À l’école secondaire, dans certaines provinces, on utilise les notes basées sur les examens à grande échelle afin de déterminer la note finale du cours, alors que pour d’autres provinces, les tests de numératie ou de littératie déterminent si les élèves recevront leur diplôme. On rend aussi parfois ces données publiques afin de démontrer l’efficacité du système d’éducation.
L’existence de certains de ces programmes date de plusieurs décennies et ils partagent tous de nombreuses similarités à bien des égards. Les résultats agrégés obtenus sont mis à la disposition des conseils ou régions scolaires et sont aussi souvent affichés publiquement alors que les résultats des élèves sont, quant à eux, communiqués aux écoles, aux élèves ou aux parents.
Au cours des dernières années, de nombreuses provinces ont mis en place ou ont annoncé publiquement leur intention d’instaurer d’importants changements en ce qui concerne leurs programmes d’évaluation à grande échelle. Bien que les changements proposés soient essentiellement différents, ils représentent tous le même désir de clarifier l’objet de ces évaluations et d’en accroitre la valeur dans le contexte d’initiatives liées à des réformes éducatives.
À titre d’exemple au niveau élémentaire, on retrouve en Alberta, depuis 2015, l’Évaluation de l’apprentissage des élèves (EAE) de 3e année que les enseignants peuvent faire passer à leurs élèves, et cela à leur discrétion, durant l’année scolaire ; toutefois, ses résultats ne sont pas pris en compte dans le Pilier de responsabilisation du ministère de l’Éducation de l’Alberta. Cependant, on fait toujours passer les Tests de rendement provinciaux de 6e année et de 9e année à la fin de l’année scolaire et les données correspondantes servent à « communiquer aux Albertains les résultats des élèves en ce qui a trait aux normes provinciales à des moments précis au cours de leur apprentissage scolaire1. » Depuis 2018, l’Évaluation des habiletés de base (ÉHB) de la Colombie-Britannique inclut dans ses évaluations des activités de collaboration et d’autoréflexion en plus de questions écrites plus traditionnelles2.
Au niveau secondaire, le programme d’examens de fin de cours de la Colombie-Britannique sera supprimé progressivement et remplacé par une évaluation en littératie et en numératie qui répondra aux exigences relatives à l’obtention du diplôme3. En Nouvelle-Écosse, les examens de fin de cours en littératie et en numératie de la 12e année se déroulent maintenant à la fin de la 10e année4.
L’Ontario a récemment rendu public un document livrant les résultats d’une étude indépendante portant sur les pratiques d’évaluation et de communication du rendement des élèves de la province. Cette étude avait pour but d’analyser de près le travail de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE), l’organisme responsable de l’élaboration des évaluations à échelle de la province. Le comité d’examen indépendant de l’évaluation résume ainsi ses conclusions dans une lettre incluse en introduction de son rapport : « Nous proposons un système d’évaluation qui privilégie les évaluations en classe pour soutenir l’apprentissage et le développement de chaque élève, susciter la participation des parents et tuteurs ou tutrices de manière significative en leur faisant part des réalisations et du progrès de leur enfant et permettre aux enseignantes et enseignants de perfectionner et de partager leurs méthodes5. » Le rapport recommande d’accorder une attention accrue à l’égard des pratiques d’évaluation diagnostique, formative et sommative de haut niveau afin de mieux fournir de l’information portant sur chaque élève. On y suggère aussi que les écoles et les enseignants ne se réfèrent plus aux données basées sur les évaluations à grande échelle se trouvant sur les rapports individuels des élèves, et cela à des fins diagnostiques : « […] les rapports concernant les élèves devraient clairement indiquer qu’il s’agit d’un aperçu [un “instantané”] du rendement à l’échelle du système et que les données ne devraient pas être employées aux fins de diagnostic ou d’évaluation. » On y propose, de plus, la cessation du programme d’évaluation à grande échelle en 3e année ainsi que l’élaboration d’un nouveau test au niveau secondaire qui ne contribuerait plus à l’obtention de leur diplôme pour les élèves. D’autres recommandations proposent que l’on poursuive la collecte de données basées sur les évaluations à grande échelle de tous les élèves afin de reconnaitre les besoins de certains groupes d’élèves qui requièrent un appui plus important et, de plus, que l’on communique de l’information aux citoyens sur le rendement du système. Un changement fondamental est aussi recommandé en ce qui concerne le rôle des évaluations à grande échelle en Ontario : « Nous proposons des évaluations provinciales à grande échelle qui offrent de l’information d’ordre public sur le rendement du système d’éducation ontarien en général et qui permettent d’orienter des améliorations futures pour favoriser la réussite de tous les élèves, y compris l’identification des iniquités en matière de résultats pour les groupes d’élèves dont les expériences et besoins divers nécessitent davantage d’attention. »
Bien qu’ils présentent des différences, ces exemples de changements dans diverses provinces montrent tous un désir de préciser le rôle des évaluations à grandes échelles et d’appliquer de nouvelles stratégies efficaces, au service du développement cognitif des élèves et des approches pédagogiques, dans le cadre des évaluations des élèves à grande échelle.
« S’il est vrai que de nombreux Canadiens confèrent une valeur aux évaluations provinciales à grande échelle, ils apprécient tout autant le travail des enseignants. »
Deux points de vue différents deviennent apparents lorsqu’on considère la fréquence des discussions portant sur la valeur des évaluations à grande échelle ainsi que les projets de réformes pédagogiques que contemplent les gouvernements provinciaux.
D’une part, on retrouve les partisans des évaluations provinciales qui estiment qu’elles offrent des avantages importants puisqu’elles permettent de responsabiliser les systèmes scolaires et qu’elles offrent des pistes d’appui pédagogique servant à améliorer l’apprentissage des élèves. Les plans d’affaires des divers ministères de l’Éducation présentent les données basées sur les évaluations provinciales comme une importante mesure du succès de leurs principaux projets éducatifs. Ces données servent aussi à mesurer l’amélioration scolaire. De plus, le public peut être informé à propos des résultats des efforts des systèmes éducatifs à l’aide de rapports provinciaux de données agrégées. Finalement, les tests provinciaux fournissent des données spécifiques expliquant comment chaque élève répond aux objectifs pédagogiques provinciaux.
D’autre part, on retrouve ceux qui considèrent que ce sont les enseignants qui connaissement le mieux leurs élèves, et que les données basées sur les évaluations à grande échelle n’offrent qu’une représentation ponctuelle qui ne reflète pas nécessairement le rendement individuel de chaque élève. De plus, certains jugent aussi que les évaluations à grande échelle restreignent l’attention et le temps requis à la véritable tâche d’enseignement en classe puisque les enseignants doivent consacrer trop de temps à préparer leurs classes et à faire passer ces tests, ce qui ne reflète pas nécessairement les meilleures pratiques pédagogiques. Finalement, les enseignants se sentent poussés d’améliorer les résultats des élèves à ces évaluations et ils ne perçoivent pas nécessairement une corrélation évidente entre l’amélioration de ces résultats et l’enrichissement de l’apprentissage des élèves.
Il ressort de deux sondages portant sur les attitudes du public envers l’éducation que ces deux points de vue démontrent une inutile polarisation. On apprend dans L’éducation publique au Canada — faits, tendances et attitudes, le rapport d’une enquête nationale portant sur les attitudes envers l’éducation, que 77 pour cent des Canadiens croient que les compétences des élèves au niveau secondaire doivent être évaluées à l’aide d’évaluations à échelle provinciale6. Dans une enquête plus récente portant sur l’attitude de la population ontarienne envers l’éducation, soit Public Attitudes Towards Education in Ontario, on apprend que 66 pour cent de la population appuie la décision d’évaluer chaque élève du secondaire à l’aide d’un test à échelle provinciale7. En ce qui concerne ces évaluations, cette enquête démontre toutefois moins d’appui au niveau élémentaire qu’au niveau secondaire, bien que la majorité de la population appuie toujours le maintien des évaluations au niveau élémentaire puisque 49 pour cent croient que « tous les élèves doivent être évalués » et 19 pour cent croient « qu’un échantillon de la population étudiante doit être testé ».
S’il est vrai que de nombreux Canadiens confèrent une valeur aux évaluations provinciales à grande échelle, ils apprécient tout autant le travail des enseignants. 70 pour cent des Canadiens sont satisfaits du travail accompli par les enseignants. 60 pour cent croient que les notes au niveau secondaire devraient refléter les évaluations des enseignants. 58 pour cent des Ontariens sont plutôt satisfaits ou satisfaits du travail accompli par les enseignants au niveau élémentaire alors que 50 pour cent sont plutôt satisfaits ou satisfaits du travail que font les enseignants au niveau secondaire. Il est intéressant de noter que 20 pour cent des répondants au sondage ont indiqué qu’ils ne sont ni satisfaits ni insatisfaits du travail accompli par les enseignants. 55 pour cent des Ontariens croient que les notes finales des élèves au niveau secondaire devraient principalement refléter les évaluations d’enseignants et non les résultats basés sur les évaluations à échelle provinciale. Une fois de plus, 20 pour cent des répondants ne sont ni d’accord ni en désaccord.
En règle générale, les Canadiens confèrent une valeur aux évaluations à grande échelle et en même temps, ils acceptent le jugement professionnel des enseignants lorsqu’ils apprécient les compétences des élèves. Chacune de ces approches a un rôle important à jouer et elles ne sont pas nécessairement incompatibles. C’est précisément le rôle des évaluations à grande échelle de fournir des données provinciales uniformes qui peuvent être analysées au fil du temps ; de plus, au niveau secondaire, elles permettent de mesurer le niveau de rendement de chaque élève dans les matières de base pour l’ensemble de la province. En ce qui concerne l’importance des pratiques d’évaluation en classe par les enseignants, elles fournissent, quant à elles, de l’information détaillée sur les résultats scolaires qui leur permettra de concevoir des stratégies pédagogiques pour chacun de leurs élèves au cours de l’ensemble d’une année ou d’un terme scolaires. « Tant les évaluations à grande échelle que les évaluations en classe faites par les enseignants contribuent puissamment à l’amélioration continue en éducation. Il est important que nous continuions d’appuyer les deux approches et que nous nous assurions que les deux formes d’évaluation fournissent des renseignements de qualité fiables que le public valorisera à titre de justes représentations des apprentissages des élèves », écrit Lorna Earl. Ce sentiment est aussi manifeste dans l’étude ontarienne : « Bien que la majorité préfère que l’on préserve les évaluations de l’OQRE comme outil de mesure des apprentissages, il semble y avoir peu d’appui pour les enjeux très élevés représentés par les évaluations à échelle provinciale requises pour l’obtention de diplôme pour chaque élève. Autrement dit, les évaluations à échelle provinciale et celles faites en classe par les enseignants sont toutes deux valorisées, mais pour différentes raisons [Traduction libre]. »
Les diverses instances pédagogiques canadiennes tentent de relever le défi de clarifier l’objet des évaluations à grande échelle de diverses façons. Les modifications proposées à ces programmes varient selon les provinces. D’une part, certaines provinces mettent en exécution de nouveaux programmes d’évaluation à grande échelle servant à l’obtention du diplôme, tandis que d’autres envisagent l’abandon progressif d’évaluations de longue date ayant le même objectif. Et lorsqu’une province met en œuvre des modifications majeures à son programme d’évaluation en 3e année, une autre envisage plutôt l’élimination totale de son programme d’évaluation en 3e année en place depuis vingt ans. Il est plus que probable que la plupart des provinces s’entretiennent de façon interne au sujet des objectifs de leurs programmes et explorent ensemble des avenues de changement. Comme les provinces envisagent d’apporter des changements, il faut se rappeler qu’au fil des années s’accroit la valeur des données basées sur les évaluations à grande échelle. En effet, les données recueillies au cours d’une vingtaine d’années recèlent une richesse d’informations puisque des tendances ne peuvent se dégager, être vérifiées et mener à des plans d’action que lorsqu’on dispose de données à la suite de nombreuses années. C’est la raison pour laquelle les modifications à un programme d’évaluation à grande échelle doivent faire l’objet d’une planification soignée et doivent tenir compte de sa valeur à long terme.
Il est aussi important de souligner que les couts associés à l’élaboration d’évaluations à grande échelle ne correspondent pas à la quantité d’élèves qui passent les tests. Les ressources requises à l’élaboration d’outils d’évaluation de qualité sont les mêmes pour toutes les provinces, sans égard à leur taille. Ces exigences comprennent bien sûr les matières visées, mais aussi de l’expertise psychométrique ainsi qu’une solide mise en place de procédures de production de banques de questions, de mises à l’essai sur le terrain et d’établissement de normes. Plus de deux années sont requises afin de produire une évaluation de qualité, qu’elle vise 10 000 élèves ou 130 000 élèves. Qui plus est, ces procédures doivent être mises à jour régulièrement afin de créer de nouvelles questions pour chaque nouvelle passation d’un test.
Puisque les provinces envisagent d’apporter des changements, il vaudrait la peine de relever les pratiques exemplaires associées aux évaluations à grande échelle afin que tous les élèves canadiens puissent tirer profit de pratiques novatrices d’évaluation adaptées à leurs besoins particuliers et de façon que les citoyens de chaque province puissent miser sur des données de grande qualité portant sur leurs systèmes d’éducation. Comme les systèmes éducatifs canadiens envisagent de mesurer de manière fiable et valide l’apprentissage qui a lieu dans les salles de classe de nature de plus en plus complexe et diversifiée de leurs provinces, il importe qu’un partage et une étude des idées, des expériences, des connaissances et des recherches issues de toutes les régions du pays puissent avoir lieu.
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2019
1 https://education.alberta.ca/tests-de-rendement-provinciaux/
2 www2.gov.bc.ca/gov/content/education-training/administration/kindergarten-to-grade-12/assessment/foundation-skills-assessment
3 https://curriculum.gov.bc.ca/provincial-assessment/graduation/literacy
4 https://plans.ednet.ns.ca/
5 L’Ontario : Une province en apprentissage : Constats et recommandations de l’Examen indépendant de l’évaluation et de la communication du rendement des élèves. Carol Campbell, Jean Clinton, Michael Fullan, Andy Hargreaves, Carl James, Kahontakwas Diane Longboat, Mars 2018, pages 3 et 79.
6 L’éducation publique au Canada – faits, tendances et attitudes 2007, Le Réseau ÉdCan, www.edcan.ca/articles/leducation-publique-au-canada-faits-tendances-et-attitudes-2007/?lang=fr, pages 7 et 8
7 Public Attitudes Towards Education in Ontario 2018: The 20th OISE Survey of Educational Issues: 40 Years of the OISE Surveys, Hart, Doug and Kempf, Arlo. www.oise.utoronto.ca/oise/UserFiles/Media/Media_Relations/OISE-Public-Attitudes-Report-2018_final.pdf, pages 9, 30 et 31.
La postvention du suicide désigne des activités qui soutiennent le processus de deuil et aident à prévenir la contagion suicidaire, au sein de la famille, des amis et des camarades de classe, d’un élève ou d’un enseignant décédé par suicide. Les membres du personnel scolaire doivent être préparés de manière à éviter d’agir sur le coup de l’émotion face à cette situation difficile qui affecte l’ensemble d’une communauté scolaire.
Pour être efficace, la postvention du suicide doit être adaptée aux besoins, aux situations et aux réalités uniques de l’école et de la communauté touchées. Alors que le suicide bouleverse un réseau entier d’individus, notamment les parents, frères et sœurs, amis et connaissances, camarades de classe, fournisseurs de soins de santé et autres proches du défunt, une estimation prudente indique que six d’entre eux s’en trouveront davantage affectés.
Bien qu’il existe de nombreux programmes de postvention du suicide visant à prévenir le suicide et à soutenir les personnes endeuillées, les directions scolaires ont la responsabilité de choisir des stratégies fondées sur des données probantes susceptibles d’être efficaces, et d’éviter celles qui manquent de preuves solides et qui risquent de faire plus de mal que de bien.
* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
Kutcher, S. (2018). Suicide Postvention in Schools: Addressing an emotional issue using best available information and critical thought. CAP Journal.
Szumilas, M. & Kutcher, S. (2011). Post-suicide Intervention Programs: A Systematic Review. Can J Public Health, 102 (1), 18-29.
À noter : Cette fiche est conforme à la nouvelle orthographe. Le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d’alléger le texte.
Alors que se déploie le numérique dans les différentes sphères d’activités humaines, les politiques publiques se consacrant à l’éducation aux médias se développent à un rythme accéléré sur la scène internationale1. Ces politiques ambitionnent de développer chez des apprenants des ensembles de compétences, de savoirs et d’attitudes jugés essentiels au sein de nos sociétés hypermédiatisées2. Elles ciblent principalement des enfants et des adolescents et se concentrent principalement sur les milieux scolaires. L’école est considérée comme étant un site incontournable d’éducation aux médias numériques. Les politiques publiques diffèrent néanmoins quant aux objectifs qu’elles priorisent, aux méthodes, ressources et acteurs qu’elles mobilisent et aux courants intellectuels qu’elles privilégient3. Cette diversité se reflète au Canada, où chaque province et territoire déterminent librement de l’organisation de son système scolaire, de la nature des programmes d’études en cours et des politiques éducatives.
Dans ce contexte, il devient difficile de baliser les paramètres, les mandats et les spécificités des politiques en éducation aux médias numériques. Nous proposons ici d’établir des principes généraux devant servir de fondations à leur élaboration.
• La clarté des objectifs poursuivis par les politiques d’une part;
• Et leur mise en concordance avec des ensembles de compétences que des acteurs préalablement identifiés devront concourir à développer d’autre part.
• L’exercice éclairé et responsable de la citoyenneté;
• Le développement et l’accomplissement personnel des individus et des communautés;
• L’intégration sociale et économique des apprenants;
• Et la participation à la vie culturelle et artistique de la communauté4.
1. Des compétences informationnelles indispensables à la recherche, à l’analyse et à l’évaluation critique de l’information;
2. Des compétences expressives et artistiques;
3. Des compétences de types éthiques, morales, comportementales et introspectives.
Toutes politiques en éducation aux médias numériques devraient faire de la lutte aux inégalités numériques une priorité5 et cibler les groupes marginalisés, discriminés et défavorisés en premier lieu.
Ces compétences devront, à leur tour, être développées par le biais de pratiques éducatives et pédagogiques déployées par des acteurs des milieux scolaires, communautaires et familiaux. Ces pratiques ne peuvent se développer et se généraliser que si ces trois milieux disposent de ressources et d’un support conséquents pour ce faire. Ainsi, les professionnels des milieux de l’éducation doivent tout à la fois disposer d’une formation initiale adéquate, de services de formation continue – une exigence alors que se transforment nos environnements médiatiques – et d’une reconnaissance formelle de leur expertise. Ils doivent également pouvoir compter sur la disponibilité d’équipements adéquats et fonctionnels ainsi que sur des programmes de maintenance et de renouvellement de ces appareils. Cela n’est toujours pas acquis au Canada. Ces questions des dotations en équipement et en formation prennent une importance accrue en milieu défavorisé. Toutes politiques en éducation aux médias numériques devraient faire de la lutte aux inégalités numériques une priorité5 et cibler les groupes marginalisés, discriminés et défavorisés en premier lieu.
L’expérience démontre également clairement que les pratiques en éducation aux médias ne peuvent se généraliser en milieu scolaire que si elles font l’objet d’une inscription curriculaire formelle. Cette inscription doit, idéalement, être effectuée dans le cadre de disciplines clairement identifiées et donc, comporter des responsabilités particulières pour des professionnels ciblés et disposer de mesures évaluatives claires, balisées, et progressives6.
Il est bien établi que la production médiatique associative, alternative et communautaire joue un rôle important en éducation aux médias numériques7. Ces formes médiatiques constituent de véritables sites d’initiation au monde médiatique, des lieux privilégiés de socialisation et de participation à la vie culturelle. Elles devraient conséquemment être intégrées aux politiques en éducation aux médias numériques en tant que secteur spécifique et faire l’objet d’un financement conséquent.
Finalement, l’éducation aux médias numériques touche à des questions sensibles qui appellent à l’intervention parentale8. Une politique qui s’y consacre doit conséquemment prévoir des ressources qui s’adressent spécifiquement aux parents et qui répondent à leurs besoins. La situation actuelle est celle d’une multiplication de ressources de qualité variable dispersées dans une multitude d’environnements numériques. Une politique en éducation aux médias numériques doit répondre adéquatement à la fragmentation et à la dispersion des ressources parentales, et offrir des services d’accompagnement parental basés sur les savoirs. Les avenues pouvant être entreprises afin de répondre à cette situation sont nombreuses. Un financement plus adéquat des organismes qui se consacrent à l’éducation aux médias numériques, tels que HabiloMédias9, est une piste à considérer en priorité.
En somme, les orientations générales suivantes devraient accompagner le développement de politiques en éducation aux médias numériques : l’établissement d’objectifs clairs auxquels correspondent des compétences correctement identifiées; l’insertion adéquate de ces compétences dans les programmes scolaires; l’octroi de moyens appropriés en formation, ressources humaines, financières et en équipements pour les milieux éducatifs et communautaires; le renforcement des offres de services répondant aux besoins des parents et des éducateurs.
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2018
1 FRAU-MEIGS D., I. VELEZ et J. FLORES MICHEL (dir.), 2017, Public policies in media and information literacy in Europe. Cross-country comparisons, New York, Routledge; HARTAI L., 2014, Report on formal media education in Europe 2014, Hungarian Institute for Education Research and Development; UNESCO et al., 2013, Global media and information literacy (mil). Assessment framework: Country readiness and competencies, Paris, Unesco.
2 HOBBS R., 2010, Digital and media literacy: A plan of action, Washington, The Aspen Institute.
3 FRAU-MEIGS D. et J. TORRENT (dir.), 2009, Mapping media education policies in the world: Visions, programmes and challenges, New York, UN-Alliance of Civilizations.
4 LANDRY N. et S. LEFEBVRE. 2016, « Éducation aux médias : que faut-il savoir ? » Le Tableau vol .5, n°6. http://pedagogie.uquebec.ca/portail/system/files/documents/membres/letableau_vol5_no6_educationmedias_0.pdf
5 Sur cette question, voir VAN DEURSEN A. et J. VAN DIJK, 2011, « Internet skills and the digital divide », », New Media and Society, vol. 13, n° 6, pp. 893-911.
6 Plusieurs programmes de formation font de l’éducation aux médias un objet transdisciplinaire, distillée au sein de plusieurs disciplines. Une telle approche complique sensiblement la prise en charge des responsabilités relatives à cette éducation entre éducateurs et pose la question de leur formation. Il apparait préférable s’assoir les fondations de cette éducation au sein d’une ou quelques disciplines clairement identifiées.
7 LANDRY N., A.-M. PILOTE et A.-M. BRUNELLE, 2017, « L’éducation aux médias en tant que pratique militante : luttes et résistances au sein des espaces médiatiques et de gouvernance », dans M. BONENFANT, F. DUMAIS et G. TRÉPANIER-JOBIN (dir.), Les pratiques transformatrices de l’espace socionumérique : appropriation, résistance et expérimentation, p. 119-139.
8 Notamment, la cyberintimidation, la sexualité, la représentation des genres, des groupes éthiques et des classes sociales, les comportements immoraux et illégaux dans les environnements numériques.
9 Voir le site Web de l’organisme à cette adresse : https://habilomedias.ca
Le présent ouvrage, écrit par différents auteurs et éducateurs émérites, sous la direction de Normand Landry et Anne-Sophie Letellier, dévoile une initiation de l’éducation aux médias sous différents points de vue.
Les thèmes abordés confrontent le lecteur à prendre conscience de l’ampleur que la littératie numérique a dans le milieu scolaire. La première partie du livre, « Entre théorie et pratiques », dresse un panorama historique de l’éducation aux médias au Canada, s’intéresse aux fondements théoriques de l’éducation aux médias, introduit le concept de littératie médiatique multimodale afin d’amener le milieu de l’éducation à prendre des mesures concrètes pour relever les défis que le monde numérique soulève. Ils se penchent sur les ancrages curriculaires de l’éducation aux médias du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) en y démontrant les faiblesses importantes de l’information dans le programme.
Cet ouvrage impose aux éducateurs une réflexion sur le type d’intervention pédagogique à choisir auprès de la génération actuelle d’élèves qui favoriserait le développement de la littératie médiatique en tenant compte des données probantes. De plus, les auteurs mentionnent l’urgence d’outiller les jeunes d’aujourd’hui aux médias numériques afin de les soutenir à développer leurs connaissances, renforcer leurs valeurs, posséder toute une gamme d’aptitudes adaptées au numérique, allant de la pensée critique à la gestion de l’information et des communications. Finalement, ils démontrent que les interventions actuelles ainsi que les décisions prises politiquement peinent à suivre le rythme accéléré des changements dans l’environnement pédagogique du 21e siècle.
La seconde section du livre, « Perspectives et enjeux », initie le lecteur aux problématiques relatives aux médias. Les auteurs y donnent leurs points de vue sur des sujets complexes et controversés tels que la notion de citoyenneté numérique, les pouvoirs des médias d’information, la notion de littératie technologique, la notion de vie privée et finalement la question de l’éducation aux médias sous l’angle de la déontologie journalistique.
Cet ouvrage permet au lecteur d’être conscient que l’éducation aux médias s’inscrit dans une démarche de première participation à la vie citoyenne et que l’école a un rôle indispensable à jouer à cet égard.
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2018
PUM, 2016 ISBN : 978-2-7606-3678-1
J’aborde dans ce texte deux dimensions importantes de la gouvernance scolaire, soit l’autonomie de l’établissement et son lien avec la commission scolaire (CS), d’une part, et la difficile conciliation de la différentiation curriculaire et pédagogique et l’objectif d’égalité et d’équité sociale et scolaire, d’autre part. Je voudrais insister sur le fait que ces deux dimensions sont interreliées et qu’il est même dangereux de les séparer.
La question de l’autonomie de l’établissement est, depuis plusieurs décennies, objet de polémiques et de luttes entre divers acteurs qui exercent du pouvoir au sein du système éducatif. En gros, les directions et les parents réclament des écoles plus « autonomes », alors que les cadres scolaires et les commissaires insistent pour le maintien d’une entité administrative et politiqueintermédiaire intégrant les établissements dans une planification des services éducatifs assurant l’équité sur tout le territoire.
Pour mémoire, la loi 180 du Parti québécois avait tenté en 1997 d’accroître les pouvoirs de l’établissement, désormais pensé comme maître de son projet éducatif et « pivot » du système, et réduisait quelque peu ceux de la commission scolaire, de plus en plus conçue comme pourvoyeuse de services communs et en soutien aux établissements. En 2008, la loi 88 avait rééquilibré le jeu – un retour en arrière, selon plusieurs – en exigeant que les écoles insèrent leur projet dans celui de la CS, celle-ci redevenant l’entité politique forte énonciatrice d’une vision éducative valable pour tous les établissements sous sa gouverne. Les conventions de partenariat et de gestion sont venues par la suite couler cette intégration plus forte dans le moule de la gestion axée sur les résultats. Certains ont pu dire que les établissements redevenaient des « succursales » de la CS.
Les lois récentes et les conventions ont eu pour effet d’aligner les CS et les établissements sur les priorités ministérielles, dans l’esprit de la gestion axée sur les résultats, comme cela avait été fait pour les universités et les cégeps au tournant du millénaire. Dans cette évolution, les rapports entre le ministère d’une part, et les CS et les établissements d’autre part, n’ont pas été interrogés. Pourtant, ces rapports sont à la fois très structurants et contradictoires, et ce au moins de deux manières.
Premièrement, d’un côté, suivant la logique de la gestion axée sur les résultats, le ministère fixe les grandes orientations et les cibles de réussite pour le système; il exige que les CS contribuent à l’atteinte de ces cibles, à partir de leur réalité propre; en théorie, celles-ci seraient maîtresses des moyens et processus requis pour atteindre les cibles prescrites; pourtant, en même temps qu’il définit les résultats souhaités, en réponse à des demandes fortement médiatisées, le ministère multiplie les interventions spécifiques et les budgets dédiés, limitant d’autant la marge de manœuvre des CS. Les récents incidents sur l’achat de livres ou sur l’aide aux devoirs, sur les colloques des DG de CS ou sur les voyages à l’étranger de commissaires, les rapports tendus avec la Commission scolaire de Montréal, illustrent cette réalité d’un ministre qui est amené à se comporter comme un président de commission scolaire et qui, pour des raisons politiques, est poussé à faire de la microgestion. À la fin, les CS sont soumises à la fois aux cibles et aussi aux moyens et processus imposés par Québec. C’est le pouvoir ministériel qui s’en trouve renforcé même si, ainsi que les incidents le révèlent, ce pouvoir est incapable de voir à tout.
Deuxièmement, les multiples redditions de compte imposées depuis quelques décennies semblent coûteuses et inutiles. Elles s’empilent les unes sur les autres et accaparent beaucoup d’énergie et de temps. Elles génèrent la « bureaucratie » tant dénoncée et elles semblent de peu d’effets. Les CS produisent chaque année un rapport annuel sur leurs activités; sauf erreur, ces rapports sont archivés, sans plus, à Québec; personne ne les lit, ne les analyse et ne donne un quelconque feedback aux CS. C’est un exemple parmi d’autres.
Pour éliminer cette double contradiction ou cette incapacité à respecter l’autonomie des moyens et des processus des CS, le comité « Champoux-Lesage » estimait nécessaire de desserrer l’étau des conventions de partenariat et de gestion et de laisser aux CS et aux écoles une réelle liberté de manœuvre. À cet égard, une simplification des demandes et des redditions de comptes – sur le projet éducatif, la planification stratégique, le plan d’amélioration, les conventions, le plan de lutte contre le harcèlement, etc. – s’avère nécessaire. L’idée étant qu’ainsi seraient libérés du temps précieux et des énergies pouvant être consacrées à des activités autres que celles qui consistent à se mettre en règle avec des exigences bureaucratiques qui peuvent être comprises comme des rituels de soumission à l’autorité ministérielle bien davantage que comme des instruments coconstruits et partagés de pilotage efficace.
Mais il ne suffit pas de libérer les établissements de contraintes excessives, que celles-ci viennent de la CS ou du ministère, il faut leur donner de réelles capacités d’action. Et c’est là que les choses se compliquent! Une école est autonome si elle peut se doter d’une mission qui lui est propre et faire des choix curriculaires et para ou périscolaires en conformité avec cette mission – et ce, bien évidemment, dans l’esprit des grands encadrements nationaux – si elle peut exercer du pouvoir dans le choix de ses enseignants et de son personnel professionnel et administratif, ainsi que dans la gestion de ses ressources financières et matérielles. (J’exclus en principe le choix des élèves comme pouvoir de l’école, incompatible avec la nature publique de l’école – car choisir c’est inévitablement refuser et exclure). Moins une école a de pouvoir en ces matières (mission et curriculum, personnel et gestion des ressources), plus l’établissement est du type « succursale », identique aux autres unités d’un système uniforme et centralisé. Plus on a de marge de manœuvre, plus l’établissement peut être perçu comme le « pivot » du système et il peut se doter d’une identité propre. À ce propos, des évolutions internationales méritent d’être analysées tant dans leur potentiel bienfait que dans leurs inconvénients ou conséquences inattendues: par exemple, la loi anglaise oblige les Local Education Authorities (LEA) à verser l’essentiel de leur budget aux établissements (plus de 85 %); aussi, et peut-être plus perturbant pour la gouverne actuelle du Québec, les « governors » des établissements sélectionnent la direction et participent au choix des enseignants; idem pour les charter schools américaines et nos écoles privées. Je ne propose pas de suivre le chemin britannique ou américain, mais peut-on penser que le Québec puisse évoluer dans cette direction, au sein du réseau public, et que les établissements aient un réel pouvoir dans le choix des services et des professionnels dont ils estiment avoir besoin, que ceux-ci viennent de la CS ou d’ailleurs, du moins en matière éducative et pédagogique? Peut-on envisager qu’une école dotée d’un projet éducatif propre, puisse avoir un mot à dire dans la constitution de l’équipe d’enseignants censés mettre en œuvre ce projet? Que le conseil d’établissement ait un mot à dire dans le choix de la direction et dans l’évaluation de son travail?
L’autonomisation des établissements n’est pas sans risques. Si l’on peut souhaiter des établissements dynamiques et maîtres de leur devenir, cela ne peut qu’engendrer des différences entre les établissements; il faut par conséquent faire attention à ce que celles-ci ne se transforment en inégalités socioéducatives, creusant les écarts déjà existants entre milieux socioéconomiques face à l’école. La multiplication des projets particuliers, la concurrence vive dans les grands centres urbains entre le réseau public et le réseau privé et aussi au sein même du réseau public, est inquiétante, donnant à penser que notre système fonctionne déjà à deux ou trois vitesses. On peut penser que l’austérité actuelle ne sera pas sans effet sur cette dimension de l’égalité des chances en éducation.
À l’inverse, se soucier de ce que des différences légitimes entre établissements ne se transforment en injustices socioéducatives ne doit pas justifier une plus grande centralisation et uniformisation de système. Il faut trouver un chemin entre une centralisation uniformisante et une différentiation inégalitaire. Cela passe vraisemblablement par une régulation des flux d’élèves et des dispositifs permettant d’assurer une réelle mixité sociale et scolaire, ainsi que par l’abandon de pratiques sélectives au sein des projets particuliers.
À cet égard, les assemblées de commissaires actuelles ont des choix proprement politiques à faire, dans la répartition des ressources, surtout si elles diminuent, dans l’établissement de priorités, dans le choix des projets, et ce en fonction de critères proprement politiques : les besoins des jeunes, l’égalisation des chances, la réponse aux demandes de parents pour des projets particuliers, la rétention de clientèles tentées par le réseau privé, etc. La démocratie scolaire trouve ici sa légitimité. Ce ne sont pas des questions « administratives » que des gestionnaires, si compétents soient-ils, pourraient d’eux-mêmes trancher.
L’enjeu de la centralisation/décentralisation des pouvoirs, des rapports entre l’autorité ministérielle et les CS et les établissements, celui de l’autonomie des écoles n’est donc pas « technique », comme s’il était possible de définir une administration parfaitement équilibrée et efficiente. Il traduit des enjeux sociaux et politiques importants qu’en régime démocratique, on souhaite objet de délibération et de décision citoyenne. On aura compris que pour ma part, je souhaite que la discussion actuelle n’aboutisse pas à une centralisation plus forte du système et qu’au contraire, elle permette d’évoluer vers des établissements plus autonomes (c.-à-d. à la fois libérés de certaines contraintes et libres d’agir selon des choix démocratiquement élaborés et décidés). Mais il importe que cette autonomisation ne génère pas davantage d’inégalités et d’iniquités et que nous trouvions un chemin permettant des différences inter et intra établissements qui ne soient objets d’hiérarchisation et qui n’aient pas des effets scolaires et sociaux inégalitaires.
On peut penser que dans le contexte actuel, la commission scolaire puisse être protectrice d’une certaine égalité. Car, l’élimination des commissions scolaires autonomisera les établissements probablement seulement en apparence, dans la mesure où elle les positionnera désormais seuls face au ministère, à sa gestion axée sur les résultats et sur la concurrence. Dans ce cadre administratif et idéologique très structurant pour les établissements et sans modification au régime actuel de relations de travail, l’essentiel des paramètres administratifs et pédagogiques demeurerait objet de négociation entre le ministère et les grandes centrales syndicales d’enseignants. Une fois les commissions scolaires éliminées ou vidées de leurs pouvoirs, nous nous retrouverions avec non pas des acteurs locaux plus forts, mais plutôt dans un système plus centralisé où le ministre et les syndicats exerceraient davantage de pouvoir. En quelque sorte, le Québec aurait évolué vers une gouvernance à la française! Un étonnant revirement. Est-cela que nous voulons?
Recap: The author presents two important aspects of school governance: a school’s autonomy and its relationship with the school board, and the difficulty of reconciling differentiated curricula and differentiated learning with the goals of social and school equality and equity. After briefly reviewing recent changes in Quebec’s education system, he discusses the connections between the top and the bottom of the educational pyramid, which are both formative and contradictory. He salutes the current government’s desire to simplify the numerous demands for accountability, that is, traditional submissions to ministerial authority, to leave more time and space for effective management instruments that are co-developed and shared. However, he expresses serious doubts regarding the autonomy of schools that have no authority to select their own teachers or professional and administrative staff, or to manage their financial and material resources.
Première publication dans Éducation Canada, mars 2016
Dans Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, la Reine rouge dit à Alice : « Dorénavant, cela prendra toutes tes forces pour conserver la même place sur l’échiquier. Si tu veux te déplacer et aller ailleurs, tu devras au moins déployer deux fois plus d’efforts que tu ne l’as déjà fait ». Dans le contexte général des réformes continues imposées aux systèmes éducatifs à la recherche d’une nouvelle gouvernance, bien des dirigeants ont à vivre, au quotidien, la médecine prônée par la Reine rouge. En fait, au cours des dernières décennies, rares sont les systèmes éducatifs qui n’ont pas vécu des changements majeurs, notamment au niveau de leur gouvernance avec une multiplication de parties prenantes parfois conflictuelles dans leur administration[1].
En court rappel historique, la plupart des pays occidentaux, mais pas uniquement, ont vécu des refondations majeures de leurs appareils publics, notamment en éducation. Cela fut aussi le cas des pays qui venaient d’accéder à leur indépendance. Dès les années 1960, des ressources importantes furent engagées dans la planification des investissements pour le développement de l’éducation. À cet effet, il est très significatif que l’UNESCO créât à cette époque l’Institut international de planification de l’éducation (IIPE) en 1963. D’une certaine manière la notion de planification couvrait la réalité de l’ensemble du processus de conception et de gestion d’un système éducatif et ce dernier ne pouvait guère se réaliser sans un pilotage fort assumé par un État organisateur et responsable, d’autant plus responsable étant donné l’ampleur sans précédent des sommes investies en éducation. Au début des années 80, l’arrivée de nouvelles orientations politiques soutenues par Margaret Thatcher au Royaume-Uni et Ronald Reagan aux États-Unis allaient changer la donne, et pas uniquement dans leurs pays. Ces deux pays se retirèrent de l’UNESCO et ils eurent des effets structurants majeurs sur les orientations d’organismes internationaux comme la Banque Mondiale et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Suivant l’anathème de cette période, le « problème de l’État était l’État ». En conséquence, ce dernier devait se retirer progressivement de l’organisation et de la prestation des services publics dont ceux de l’éducation, réduire tant au niveau central que territorial les efforts consentis à cet effet, et favoriser la mise en place d’écoles plus « autonomes » qui seront en « concurrences compétitives » donc, suivant la croyance prônée, moins « coûteuses et plus efficaces » dans un marché « d’offres de services ». Il est probablement encore aujourd’hui hasardeux et délicat d’évaluer certaines des conséquences de ces orientations de politiques éducatives. Paradoxalement, il faudra attendre les résultats des enquêtes internationales comme le PISA sous l’égide de l’OCDE pour se rendre compte qu’il y avait peut-être quelque chose, comme le disait Hamlet, de « pourri au Royaume du Danemark ». En bref, les pays qui avaient opté pour cette conception des services éducatifs se classaient très mal aux épreuves internationales dans leur ensemble et, encore plus gênant, ces politiques étaient associées très souvent à un accroissement des inégalités d’accès et de réussite des élèves.
Une certaine pensée magique d’une grande autonomie de l’établissement scolaire comme source d’efficacité de réussite et d’efficience financière s’est progressivement enrhumée alors que celle de directions d’établissement comme des « leaders entrepreneurs productifs et omniscients » s’est complètement grippée.
Au cours des années, de plus en plus de recherches ont révélé que la réussite scolaire était un phénomène composite qui ne relevait pas d’un seul acteur ou d’une seule composante. L’une des recherches actuelles – qui est une quête en soi – est la contribution des structures d’encadrement et de régulation intermédiaire comme celles des conseils/commissions scolaires du Canada. Les enquêtes internationales ont mis en lumière l’importance de leur fonction profondément affaiblie au Royaume-Uni et au sein des pays sous son influence. Les systèmes éducatifs historiquement centralisés pour assurer leur développement se décentralisent de plus en plus au regard d’instances territoriales alors que ceux très décentralisés cherchent à mettre en place des mécanismes renforcés de concertation et de coopération entre des établissements scolaires isolés. À cet effet, on peut comprendre pourquoi l’OCDE a réalisé une publication sur le « systemic leadership » — traduit par « direction systémique » — où l’on invite les directions d’école à travailler en réseau coopératif d’entraide et non concurrentiel, conséquence prévisible de politiques éducatives conçues et valorisées il y a un quart de siècle.
Toutefois, comme les politiques éducatives ont tendance à se développer par couches sédimentaires successives, on se retrouve souvent avec un cumul d’orientations et de pratiques contradictoires, voire empoisonnées. On valorise l’autonomie de la base, mais celle-ci est de plus en plus « encadrée » par des politiques ministérielles prescriptives qui répondent plus souvent à des événements médiatiques qu’à une réflexion engagée. On salue la montée et l’apport des fondations privées en éducation, mais on réalise tardivement que bien de leurs interventions ne s’inscrivent pas dans les orientations privilégiées. On prône des formes de privatisation endogène de gestion éducative, comme celle des programmes sélectifs au sein des écoles publiques, mais on est surpris qu’elles aient pour effet de contribuer à la ségrégation scolaire. Enfin, il n’est pas très clair où se situe le niveau de gouvernance le plus adéquat au sein d’un système éducatif afin d’assurer une équité de services et de réussites éducatives, est-ce que c’est tout au niveau de l’État ou tout au niveau de l’école?
Une certaine pensée magique d’une grande autonomie de l’établissement scolaire comme source d’efficacité de réussite et d’efficience financière s’est progressivement enrhumée.
La multiplicité des acteurs, de leurs projets, de leurs enjeux et de leurs agendas crée d’importantes tensions dans le pilotage des systèmes publics à grande valeur ajoutée comme c’est le cas pour l’éducation. La situation est d’autant plus complexe si les nouvelles politiques éducatives ont été promulguées sous le couvert d’un discours idéologisé prônant la décentralisation/déconcentration afin d’alléger l’appareil administratif et ses coûts. Certes, s’il y a des gains potentiels et réels à la mise en place d’une approche circonspecte en décentralisation, dans ce domaine comme dans d’autres il faut éviter la pensée magique. Sans faire l’apologie des politiques éducatives centralisées ou centralisatrices en éducation, il faut savoir reconnaître que ces dernières permettent des économies de développement, des capacités de pilotage et d’arbitrage qui achoppent souvent à certains intérêts locaux peu sensibles à ce que l’éducation soit un bien public.
L’éducation a toujours été une question politique comme le définit Aristote. Toutefois, la « gouverne de la cité » s’est hautement complexifiée et la multiplication accélérée des paliers de pouvoir et des acteurs décisionnels en éducation a conduit à des formes multiples de politisation rendant la gestion scolaire de plus en plus complexe. En conséquence, bien des dirigeants scolaires, qu’ils soient au niveau de l’école ou du territoire, ont trop souvent à vivre les observations de la Reine rouge.
Recap: Governance refers to the management of an organization, particularly one with multiple stakeholders involved in defining policies and implementing practices. Education systems in particular are the work of combined governance structures, and this is especially true in the case of public schools, whose mission is to provide an education that is considered and valued as a public good. This article examines the major trends of the last few decades in educational policy development and some of the consequences on administrative practices at the regional and local levels. The large number of players, projects, issues and agendas creates major tension in the management of high-value-added public systems like education. The situation is even more complex if new educational policies have been enacted under the guise of an ideologized discourse advocating decentralization/devolution to simplify administration and reduce costs.
Illustration: John Tenniel
Première publication dans Éducation Canada, mars 2016
1 Une analyse élaborée sur le sujet au sein de plusieurs pays est présentée dans l’ouvrage G. Pelletier (dir.) (2009). La gouvernance en éducation. Bruxelles : Éditions De Boeck.