Récemment encore, elles avaient été de proches collègues et amies. Et voilà que Morgan, Ashley, et Mackenzie se retrouvaient sur le seuil de la porte de leurs classes, à une distance physique qui leur rappelait brutalement la frontière émotionnelle les séparant désormais. Dans un élan de compassion après plus d’un an de conditions pandémiques, Ashley s’est exclamée : « J’aimerais tellement que les administrateurs sachent ce que nous ressentons actuellement. Je ne me suis jamais sentie aussi découragée ni isolée. Une autre journée pédagogique sur les méthodes du distanciel est bien la DERNIÈRE chose dont j’ai besoin. » Morgan acquiesça : « Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’écoute et de respect – et d’une pause. Ouais, une pause serait bienvenue. J’en ai assez! ». Mackenzie, elle, ne disait rien. Elle avait attendu avec hâte cette journée pédagogique. L’enseignement à distance lui avait semblé une interruption souhaitable du statu quo, et après un peu de difficultés, elle s’y était adonnée entièrement, avec un sentiment de réussite. Elles se sont regardées toutes les trois, dans un silence prolongé. Puis la cloche a sonné. Le travail reprenait.
En avril 2020, quand est survenue la pandémie de COVID-19, la fermeture des écoles à l’échelle planétaire a déclenché une période de bouleversement historique. Au Canada, cette fermeture, prévue pour quelques semaines, a finalement duré plusieurs mois, alors que les écoles composaient avec les vagues déferlantes de la pandémie et que le personnel enseignant a dû se repositionner pour passer du présentiel au distanciel et adopter constamment de nouvelles pédagogies. Le présent article se penche sur une étude financée par le CRSH (Babb et coll., 2022) que notre équipe de recherche a lancée en avril 2020 et qui est toujours en cours. Nous avons interrogé 2 000 enseignants canadiens pendant près de trois années de pandémie afin de comprendre plus profondément leurs expériences, à la lumière des exigences auxquelles ils devaient alors se conformer et des ressources qu’on leur offrait comme soutien.
L’enseignement au cours des premiers mois de la COVID-19
Les premières données d’entrevues recueillies auprès des enseignants canadiens au début de la pandémie ont démontré que l’équilibre était difficile à maintenir (Eblie Trudel et coll.). Bien des élèves n’avaient pas un accès adéquat à la technologie, manquaient de soutien à la maison dans leur langue d’enseignement et recevaient moins d’aide pour relever les défis liés à de nouveaux besoins d’apprentissage. Bon nombre de parents, déjà débordés sous le poids du travail et de la garde de leurs enfants, étaient dépassés ou incapables d’appuyer leurs jeunes dans leur éducation. De surcroît, les enseignants se débattaient pour prioriser les besoins de base des élèves, tisser des partenariats essentiels entre l’école et les familles, et puiser la confiance qui leur était nécessaire pour stimuler les jeunes avec de nouveaux modes d’enseignement.
Au fil de notre recherche, nous avons constaté que les enseignants répondaient de façon prévisible aux critères des deux modèles d’épuisement professionnel généralement reconnus qui balisaient notre étude, et qu’ils exprimaient de façon fort diversifiée leur appréciation de l’enseignement en temps de pandémie. Le modèle des exigences et des ressources en matière d’emploi (Bakker et Demerouti, 2007) nous a permis de prendre conscience que les expériences variées, mais uniques qu’ils vivaient menaient certains enseignants à l’épuisement professionnel, en raison d’exigences accrues et de ressources de soutien inadéquates. Un modèle établi par Maslach et Jackson (1981) nous a permis d’estimer l’évolution de l’épuisement le long d’un spectre associé à des périodes de stress professionnel, en notant les dimensions d’épuisement, de dépersonnalisation, ou de cynisme, et d’accomplissement réduit sur le plan professionnel. Nous avons observé que l’épuisement pouvait être attribuable à des exigences particulières que la personne associait à un rôle précis, et que la perte d’efficacité pouvait résulter du manque de ressources pour répondre à ces exigences. Certains enseignants épuisés se sont isolés des élèves et de leurs collègues, ou évitaient complètement le travail, des comportements associés à la dépersonnalisation (un sentiment de perte de sens de soi-même) ou au cynisme dans la documentation sur l’épuisement professionnel. Compte tenu de l’influence potentielle de cet isolement sur la réussite et le bienêtre des élèves, il est apparu que de nouvelles solutions pour réduire le stress des enseignants et améliorer leur adaptation seraient vitales pour assurer un enseignement de qualité et éviter l’épuisement professionnel.
Un casse-tête insoluble en lui-même
Parce qu’elle supposait que le processus de recherche se comparait à l’assemblage d’un grand casse-tête, notre équipe a tenté de recourir aux méthodes statistiques traditionnelles pour brosser un portrait concis de l’adaptation des enseignants tout au long de la pandémie. Mais il s’est révélé difficile de peindre une image claire de l’expérience des enseignants. Au moment même où nous pensions avoir compris les tendances, de nouvelles données nous parvenaient, incongrues, tout comme si l’on cherchait à résoudre un casse-tête avec des pièces provenant d’autres casse-tête, pièces qui ne s’inséraient pas dans l’ensemble. En passant à un nouveau type d’analyse statistique, nous avons découvert qu’il s’agissait, en fait, de cinq casse-tête différents à examiner. Nos constatations ont révélé cinq profils (ou modèles) distincts de réactions à l’enseignement en temps de pandémie, chacun étant relié à différentes combinaisons d’exigences selon les rôles ainsi qu’à l’accès à des ressources personnelles ou fournies par l’employeur (voir la figure 1).
Cinq casse-têtes
Plus précisément, nous avons isolé deux groupes d’enseignants qui s’épanouissaient, que nous avons nommés « mobilisés » et « impliqués ». Même s’ils éprouvaient des niveaux d’épuisement modérés et percevaient que les exigences étaient élevées, les enseignants de ces deux groupes accédaient à un plus grand nombre de ressources et affichaient des niveaux d’accomplissement personnel plus grands que les autres sujets de l’étude. Tout comme Mackenzie dans notre scénario de départ, ces enseignants bénéficiaient de soutien pour répondre aux exigences de leur travail en période de pandémie, même si les enseignants « impliqués » étaient légèrement plus repliés sur eux-mêmes que les enseignants « mobilisés ».
Un troisième groupe d’enseignants frôlaient l’épuisement professionnel et ont été reconnus comme étant « surchargés ». Comme Morgan, ils faisaient face à un certain manque de ressources pour répondre aux exigences de leur travail et se trouvaient à un seuil critique avant les symptômes d’épuisement. Ils éprouvaient les niveaux d’épuisement presque les plus marqués et se repliaient modérément sur eux-mêmes, mais affichaient encore de hauts niveaux d’accomplissement personnel. Enfin, nous avons isolé deux autres catégories d’enseignants qui éprouvaient des niveaux d’épuisement allant de modérés à élevés et se sentaient nettement repliés sur eux-mêmes. Tout comme Morgan, les enseignants de ces groupes dépérissaient et présentaient des symptômes d’épuisement professionnel. Nous les avons désignés comme étant « détachés » et « inefficaces », ces derniers ayant affiché les plus faibles niveaux d’accomplissement personnel. Nos partenaires du Réseau ÉdCan ont communiqué ces résultats au moyen d’un article et d’un document infographique (tous deux en anglais).
De façon plus significative, nous avons trouvé que, dans chaque groupe, ce n’était pas le nombre d’exigences ou de ressources qui prédisait l’épuisement professionnel, mais plutôt le ratio des ressources par rapport aux exigences qui prédisait le niveau de stress et d’épuisement perçu par les enseignants. Ce constat a renversé la pensée voulant que tous les enseignants étaient dans « le même bateau » pendant la pandémie. Certains filaient dans des yachts tandis que d’autres flottaient sur des radeaux. Certains naviguaient sous de bons vents, d’autres subissaient d’affreuses tempêtes. Tout dépendait s’ils disposaient ou non des ressources adéquates pour répondre aux exigences de leur contexte d’enseignement spécifique.
La résolution des cinq casse-tête
Des travaux ultérieurs menés avec nos partenaires d’une grande division scolaire du Manitoba nous ont permis de dégager des observations comparatives sur les données nationales et provinciales. Nous avons été inquiets de découvrir que 46 % des enseignants du Manitoba affichaient des schèmes propres aux deux groupes en difficulté, comparativement à une proportion de à 27 % à l’échelle canadienne. En fait, une plus grande proportion d’enseignants canadiens atteignait le seuil critique dans le groupe dit « surchargé », alors que de plus nombreux enseignants manitobains étaient déjà passés à l’étape du détachement et de l’inefficacité. Quand le gouvernement du Manitoba a été informé de ces constatations, il a accordé plus d’un million de dollars à nos partenaires de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) (mbwpg.cmha.ca/) dans la province pour améliorer le bienêtre des personnes et des organisations du secteur de l’éducation. L’ACSM a établi un site Web (careforallineducation.com/fr/) pour aider tous les travailleurs en éducation du Manitoba, notamment les enseignants, à accéder en temps réel, par téléphone ou clavardage, à des spécialistes du bienêtre. L’ACSM a aussi mis au point une série d’ateliers dans le cadre d’un mécanisme d’intervention multiniveau. Cette initiative a reconnu la nécessité pour les particuliers, les administrateurs, les organisations et le gouvernement de travailler conjointement pour faire en sorte que le secteur de l’éducation reçoive le soutien indispensable à son rétablissement et à son développement.
Bakker et de Vries (2021) ont constaté que s’ils bénéficiaient du soutien des organisations scolaires, les enseignants avaient plus de chance de préserver leur résilience sur le plan personnel, tout en assumant leurs responsabilités professionnelles. Non seulement pouvaient-ils adopter eux-mêmes des stratégies d’adaptation individuelles (délimiter le temps et l’espace de travail, adopter une saine alimentation et de meilleures habitudes de sommeil, faire de l’exercice et pratiquer l’autocompassion), mais ils pouvaient aussi prendre part à des programmes systémiques de bienêtre en milieu de travail.
Les occasions simultanées fournies par l’employeur qui répondaient le mieux aux besoins particuliers du groupe des enseignants épanouis étaient notamment :
Les interventions recommandées sur le plan individuel auprès d’enseignants se trouvant sur le seuil critique, dépérissant ou subissant une tension quant à leur rôle pourraient comprendre les suivantes :
Il est important de rappeler que les employés ne peuvent pas se remettre du stress dans des milieux de travail où règne un déséquilibre entre les exigences et les ressources. Aussi, il est essentiel d’apporter des changements simultanés dans le milieu de travail pour faciliter et encourager des stratégies individuelles qui mènent au rétablissement et au ressourcement. Voici les stratégies suggérées en matière de leadership :
L’idée maîtresse de ce scénario est que les enseignants peuvent pratiquer l’autorégulation en cernant leur niveau de stress, pour ensuite choisir activement des stratégies individuelles et organisationnelles afin de mieux s’adapter et d’optimiser leur bienêtre. Pour y parvenir, cependant, il est fondamental de concevoir l’épuisement professionnel comme une responsabilité collective, plutôt qu’individuelle, et de pratiquer des interventions sur le plan personnel et organisationnel.
Plusieurs bateaux sous une seule tempête
Holmes et ses collaborateurs (2020) ont reconnu l’importance de concevoir le stress que vivent les enseignements comme un moyen pour mieux soutenir le secteur de l’éducation. Comme l’a exprimé une personne interviewée : « Les enseignants vivaient la pandémie de façons différentes. Certains s’épanouissaient et épousaient les nouveautés de l’enseignement et de la technologie, alors que d’autres vivaient un traumatisme et des tensions, regrettant les pratiques prépandémiques. » En nous dotant d’une meilleure connaissance des diverses réactions d’adaptation survenues pendant la pandémie, notre recherche a démontré qu’on pouvait aider les enseignants à comprendre et à repérer leurs facteurs de stress et les mesures de soutien dont ils ont besoin, et leur donner ainsi l’accès, lorsque cela est nécessaire, à des ressources supplémentaires les aidant à faire face et à faire contrepoids à la tension inhérente aux exigences de leur travail. Qui plus est, en s’appuyant sur ces connaissances, les conseils scolaires et les organismes intervenants pourraient être mieux préparés à fournir du soutien et des ressources afin d’aider les employés à concilier ou réconcilier leur travail et leur vie personnelle, et à rehausser ou à retrouver leur bienêtre. Notre équipe assure une veille et poursuit sa recherche avec l’ACSM pour évaluer l’efficacité des ressources personnelles et organisationnelles pour favoriser le bienêtre à mesure que se poursuit la reprise postpandémique. Nous savons maintenant que les enseignants ne sont pas tous dans le même bateau en naviguant dans leur travail et dans leurs rôles, et qu’une série d’interventions collectives sera nécessaire si l’on veut qu’ils arrivent à bon port en toute sécurité.
Babb, J., Sokal, L. et Trudel, L. E. (2022). « THIS IS US : Latent profile analysis of Canadian teachers’ resilience and burnout during the COVID-19 pandemic », Revue canadienne de l’éducation, 45(2), 555-585. doi.org/10.53967/cje-rce.v45i2.5057
Bakker, A. B. et Demerouti, E. (2007). « The job demands-resources model: State of the art », Journal of Managerial Psychology, 22(3), 2007, 309-328. doi.org/10.1108/02683940710733115
Bakker, A. et de Vries, J. (2021). « Job Demands-Resources theory and self-regulation: New explanations and remedies for job burnout », Anxiety, Stress & Coping, 34(1), 1-21. doi.org/10.1080/10615806.2020.1797695
Trudel, L. E, Sokal, L. et Babb, J. (2021). « Teachers’ voices: Pandemic lessons for the future of education », Journal of Teaching and Learning, 15(1), 2021. doi.org/10.22329/jtl.v15i1.6486
Holmes, E., O’Conner, R. et coll. (2020). « Multi-disciplinary research priorities for the COVID-19 pandemic: a call for action for mental health sciences », Lancet Psychiatry, 7(6), 547-560. doi.org/10.1016/S2215-0366(20)30168-1
Maslach, C. et Jackson, S. E. (1981). « The measurement of experienced burnout », Journal of Occupational Behaviour, 2(2), 99-113. doi.org/10.1002/job.4030020205
Sokal, L., Trudel, L. E. et Babb, J. (2020a). « It’s okay to be okay too. Why calling out teachers’“toxic positivity” may backfire », Education Canada, 60(3), www.edcan.ca/articles/its-ok-to-be-ok-too
Sokal, L., Trudel, L. E. et Babb, J. (2020b). « COVID 19: Supporting teachers in times of change », Education Canada, Infographic Series. https://edcannetwork.wordpress.com/2020/09/02/teacher-covid-survey
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
Voilà près de trois ans, les gouvernements du monde annonçaient la fermeture des écoles pour protéger les élèves et les enseignants contre la COVID-19. Selon l’UNESCO (2020), plus de 1,5 milliard d’enfants de plus de 190 pays ont été renvoyés à la maison en mars 2020 pour recevoir, tout au plus, un enseignement à distance. Depuis, les éducateurs, les parents et les décideurs politiques cherchent à savoir quels effets ces perturbations ont eus sur les compétences en lecture des enfants. Dans le présent article, nous approfondissons un rapport déjà présenté sur les résultats de lecture des enfants au cours des six premiers mois de la pandémie (Georgiou, 2021) pour intégrer de nouvelles informations provenant d’élèves de vingt écoles albertaines allant de la maternelle à la neuvième année, à partir de septembre 2019 jusqu’au retour à l’enseignement régulier en classe, en septembre 2022.
Constatations dans le reste du monde
La plupart des études publiées dans différents endroits du monde indiquent que la COVID-19 a entraîné des répercussions importantes sur les compétences de lecture des enfants, surtout dans les premières années d’enseignement. Ainsi, dans une récente étude portant sur cinq millions d’élèves de la troisième à la huitième année aux États-Unis, Kuhfeld et coll. (2023) ont signalé que les résultats moyens de lecture à l’automne 2021, évalués selon une mesure normalisée, étaient de 0,09 à 0,17 écarts-types plus faibles que les résultats des mêmes niveaux à l’automne 2019. Si on les compare à la progression que connaissait un élève type à ces niveaux scolaires (avant la pandémie), ces baisses dans les notes d’examen représentent environ le tiers de la progression qui survient en une année. De même, en se fondant sur un échantillon d’enfants finlandais, Lerkkanen et coll. (2022) ont rapporté que la progression de la lecture, de la première à la quatrième année, était plus lente dans la cohorte qu’ils avaient suivie pendant la COVID-19 que dans la cohorte d’avant la pandémie.
Le même corpus de recherche a également dévoilé que les répercussions de la COVID-19 n’ont pas été les mêmes chez différents groupes d’élèves. Par exemple, les élèves de milieux socio-économiques moins favorisés (ou ceux d’écoles très défavorisées) semblent avoir été plus touchés que ceux issus de milieux socio-économiques plus favorisés. Certaines données sembleraient indiquer que les élèves aux prises avec des difficultés de lecture ont été plus touchés que ceux qui n’en avaient pas. Enfin, Kuhfeld et coll. (2022) ont trouvé qu’aux États-Unis, les répercussions de la COVID-19 ont été plus importantes chez les élèves hispaniques, noirs et autochtones (y compris ceux de l’Alaska) que chez les élèves blancs ou de souche asiatique1.
Constatations au Canada
Les données sur l’incidence de la COVID-19 chez les élèves canadiens sont encore lacunaires, et nous ne connaissons que deux études ayant porté sur le sujet, l’une menée en Alberta et l’autre, au Québec.
L’étude albertaine : Georgiou (2021) a comparé les résultats d’environ 4 000 élèves anglophones de la deuxième à la neuvième année en septembre 2020 (immédiatement après la réouverture des écoles) aux résultats d’élèves de mêmes niveaux lors des trois années précédant la fermeture. Il a trouvé que seuls les résultats des élèves plus jeunes (de deuxième et troisième années) avaient baissé, par rapport aux années précédentes. Il est intéressant de constater que les résultats des enfants plus âgés (de la quatrième à la neuvième année) sont restés les mêmes ou se sont améliorés pendant la pandémie. S’inspirant de ces constatations, le ministère de l’Éducation en Alberta a invité les écoles à évaluer la lecture chez tous leurs élèves de la première à la troisième année et a injecté un financement supplémentaire pour aider les établissements scolaires à effectuer des interventions en lecture auprès des enfants des premiers niveaux les plus touchés.
L’étude québécoise : Côté et Haeck (communication personnelle, 3 juin 2022) ont comparé les résultats d’élèves francophones de la quatrième année au Québec en se fondant sur les résultats des examens de lecture du ministère de juin 2019 (avant la pandémie) et ceux de juin 2021 (un an après le début de la pandémie). Ils ont trouvé une baisse significative des résultats moyens des élèves entre les deux points de mesure (77,3 % en 2019, par rapport à 69 % en 2021).
De retour sur les rails?
Nous étudions depuis vingt ans la progression et les difficultés en lecture en Alberta. C’est pourquoi nous disposions de mesures dans de multiples écoles pour nous pencher sur les répercussions de la COVID-19. Aux fins du présent article, nous avons évalué :
Pour mieux comprendre l’incidence de la COVID-19, il faut diviser sa durée en trois périodes distinctes. La première s’étend de septembre 2019 à septembre 2020, c’est le moment où les écoles ont fermé pour une durée indéterminée après l’éclosion de la COVID-19, et que les enfants avaient seulement accès à l’enseignement à distance. La deuxième période (de septembre 2020 à septembre 2021) est l’année scolaire de la réouverture des écoles, où les enfants devaient rester de 10 à 14 jours en quarantaine s’ils avaient la COVID-19, et que des classes entières passaient du présentiel à l’enseignement à distance selon le nombre de cas positifs qu’elles renfermaient. Enfin, la troisième période (de septembre 2021 à septembre 2022) est celle où l’enseignement se déroulait surtout en présentiel, couplé d’interruptions relativement moins fréquentes.
Ces constatations suggèrent qu’après trois ans de pandémie, les élèves de ces 20 écoles sont de retour sur la bonne voie.
Quatre clés pour le rattrapage
Quatre facteurs ont, à notre avis, aidé les élèves de cet échantillon à se remettre sur les rails. Ils sont résumés ci-dessous.
Des pratiques fondées sur des données probantes dans les écoles participantes
De toute évidence, nous n’aurions pas de données à présenter dans le présent document si ces écoles ne les recueillaient pas chaque année au moyen d’évaluations normatives. En outre, le personnel enseignant de ses écoles participe à nos séminaires continus de perfectionnement professionnel portant sur les meilleures pratiques d’enseignement de la lecture et nous a fait part de son expérience lors d’essais sur le terrain menés dans le cadre des communautés de pratique (voir Georgiou et coll., 2020, pour plus de précisions). Les directions d’école se sont réunies régulièrement pour discuter des résultats de leurs évaluations et repérer les domaines dans lesquels le personnel enseignant gagnerait à se perfectionner davantage. Précisons que les pratiques fondées sur les données probantes étaient en place dans ces écoles bien avant la COVID-19. Aussi, quand le ministère de l’Éducation en Alberta a invité les enseignantes et enseignants de la province à concentrer leur formation sur les capacités de base en apprentissage de la lecture (c.-à-d. la conscience phonologique, la phonétique, la fluidité en lecture), ceux de ces écoles n’ont pas eu à changer ce qu’ils pratiquaient déjà avec succès. Ces pratiques ont sans aucun doute eu un effet positif sur les capacités de lecture des élèves et a contribué à la rapidité de leur retour sur la bonne voie.
Dépistage précoce et intervention
Le ministère de l’Éducation en Alberta a exigé un dépistage auprès d’élèves de la première à la troisième année en pratiquant des évaluations fiables et valides de leurs capacités de base en lecture. Normalement, la plupart des divisions scolaires de la province se servaient de diverses évaluations comparatives pour dépister les élèves éprouvant des difficultés de lecture, en dépit de recherches démontrant qu’elles n’étaient ni fiables ni précises (Burns et coll., 2015; Parker et coll., 2015). Le ministère n’approuvait pas ces évaluations comme critère de financement supplémentaire. De plus, il a transmis un programme d’intervention en lecture à toutes les écoles de la province, comprenant 80 leçons de conscience phonologique et de phonétique, et il a invité les écoles à signaler la progression des élèves au fil du temps. À notre connaissance, il s’agit de la première instance où une province a mandaté toutes les écoles à procéder à un dépistage précoce en littéracie et leur a fourni du matériel d’intervention pour le faire. Ces deux politiques devraient se poursuivre à l’avenir.
Financement
Le ministère de l’Éducation en Alberta a fourni aux écoles un financement supplémentaire de 45 millions de dollars pour remédier aux pertes des acquis. À ce que nous sachions, il s’agit là de la plus grande aide financière au pays qui, si elle a servi aux fins proposées (des interventions), pourrait expliquer pourquoi les élèves des écoles que nous avons échantillonnées se sont rattrapés facilement. Le ministère a aussi subventionné des projets de recherche sur les interventions précoces, qui ont fourni de l’information utile sur les façons de remédier aux pertes des acquis. Dans l’un de ces projets, nous avons effectué des interventions auprès de 365 élèves de deuxième et troisième année éprouvant des difficultés en lecture. Au bout de 4 mois et demi, 80 % des élèves participants avaient progressé d’environ un an et demi en lecture. Certains de ces enfants fréquentaient les écoles ayant fait l’objet de l’étude signalée précédemment. Le financement d’interventions fondées sur les données probantes, jumelé à un contrôle fréquent du progrès des élèves au moyen de mesures fiables et précises, devrait se poursuivre à l’avenir.
Discussions sur les pratiques fondées sur des données probantes
Les discussions menées au pays sur les façons de remédier aux pertes des acquis ont attiré l’attention des enseignantes et enseignants sur les pratiques fondées sur les données probantes pour l’apprentissage de la lecture. Ainsi, l’une des recommandations données sur divers médias répondait à ce que souhaitent depuis longtemps les chercheurs en lecture : fournir un enseignement systémique et explicite de la phonétique dès les premières années scolaires. Cette recommandation fait désormais partie, elle aussi, du nouveau programme d’apprentissage de la langue anglaise en Alberta pour les premières années du primaire.
Les bons résultats de rattrapage proviennent d’écoles qui emploient des pratiques d’enseignement précoce de la littéracie fondées sur les données probantes et qui fournissent à leur personnel enseignant du perfectionnement professionnel sur ces pratiques qui ne sont peut-être pas abordées dans les programmes de formation. À l’heure actuelle, nous ne disposons pas de renseignements fiables sur le rattrapage postpandémique des écoles qui tardent à adopter des programmes de littéracie précoce fondés sur des données probantes. En dernier lieu, les résultats encourageants dont témoignent nos écoles en Alberta rejaillissent positivement sur la politique mise en œuvre par le ministère de l’Éducation de la province. En instaurant le dépistage précoce, en finançant des interventions supplémentaires, en donnant aux écoles un accès à des évaluations fiables et à des programmes d’intervention efficaces, le ministère albertain a essentiellement donné suite au rapport de la Commission ontarienne des droits de la personne intitulé Le droit de lire.
Burns, M. K, Pulles, S. M. et coll. (2015). « Accuracy of student performance while reading leveled books rated at their instructional level by a reading inventory », Journal of School Psychology, 53, 437-445.
Georgiou, G. (2021). « Has COVID-19 impacted children’s reading scores? », The Reading League Journal, (2), 34–39.
Georgiou, G., Kushnir, G. et Parrila, R. (2020). « Moving the needle on literacy: Lessons learned from a school where literacy rates have improved over time », Alberta Journal of Educational Research, 66 (3), 347-359. doi.org/10.11575/ajer.v66i3.56988
Kuhfeld, M., Lewis, K. et Peltier, T. (2023). « Reading achievement declines during the COVID-19 pandemic: Evidence from 5 million U.S. students in Grades 3–8. », Reading and Writing, 36, 245-261. doi.org/10.1007/s11145-022-10345-8
Lerkkanen, M. K., Pakarinen, E. et coll. (2022). « Reading and math skills development among Finnish primary school children before and after COVID-19 school closure », Reading and Writing. https://link.springer.com/article/10.1007/s11145-022-10358-3
Parker, D. C., Zaslofsky, A. F. et coll. (2015). « A brief report of the diagnostic accuracy of oral reading fluency and reading inventory levels for reading failure risk among second- and third-grade students. », Reading & Writing Quarterly, 31(1), 56-67.
UNESCO. Éducation : de la fermeture des écoles à la reprise, 2020 https:// unesco.org/fr/covid-19/education-response
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 Ce sont les descriptions employées dans l’étude.
DANS LA VIE, DEVANT UN PROBLÈME, nous avons le choix d’abandonner la partie, de poursuivre sur la même trajectoire ou de jouer notre va-tout et d’explorer des pistes nouvelles. La pandémie de COVID-19 a certainement entraîné de gros problèmes, car c’est la plus importante crise de notre siècle et, pour la majorité d’entre nous, la plus grande crise de toute une vie. Il ne fait aucun doute que la pandémie a eu des répercussions immédiates sur le monde de l’éducation et en particulier sur l’apprentissage, la motivation et le bienêtre de la population dont les élèves, les éducateurs et les parents. Au Canada, la santé mentale, la sédentarité, le nombre démesuré d’heures passées devant un écran, les retards sur le plan de l’acquisition d’aptitudes sociales, le manque d’assiduité et les déficits d’apprentissage de plus en plus fréquents chez les élèves sont au cœur de préoccupations sans cesse croissantes (Vaillancourt, T. et coll., 2021).
La reprise des activités après la pandémie de COVID-19 a donné lieu à quatre grandes initiatives dans le champ de l’éducation :
Cependant, force est de constater que ces interventions sont insuffisantes et souvent inadéquates. L’idée qui sous-tend notre projet de réseau d’écoles ludiques est donc d’identifier des pistes de solutions pour ranimer la motivation de tous : les élèves et le personnel enseignant, et aussi de redynamiser le plaisir et la volonté d’enseigner et d’apprendre, après des mois et parfois des années de déconnexion – au sens propre et figuré – de l’enseignement.
Les élèves canadiens ne sont pas les seuls à éprouver des difficultés, post-pandémies. Partout dans le monde, des membres du corps enseignant et de directions d’écoles délaissent leur profession à un rythme sans précédent (UNESCO, 2022). Il faut donc de toute urgence trouver des moyens d’attirer et de retenir des enseignantes et des enseignants tout en offrant du soutien à celles et à ceux qui restent en poste. En motivant le personnel enseignant, nous donnerons également l’élan nécessaire pour engager et motiver les élèves.
Dans les écoles, nous constatons déjà une grande créativité pédagogique, que ce soit pour aménager des horaires et des espaces plus flexibles, pour offrir davantage de cours en plein air et par l’adoption d’une variété d’approches, de dispositifs, de projets ludiques pour motiver les élèves. Comment peut-on reproduire et faire connaître ces pratiques innovatrices à l’échelle du pays, après la pandémie ? Quelles sont les formes d’apprentissage par le jeu qui intéressent et motivent les élèves, en particulier, ceux et celles qui sont, depuis longtemps, mal desservis par les systèmes scolaires ?
S’inspirant de ces questions, notre équipe de chercheuses et de chercheurs en éducation de l’Université d’Ottawa a présenté une demande de subvention portant sur la phase de reprise des écoles, post-COVID, à la LEGO Foundation, afin de mettre sur pied le Réseau canadien des écoles ludiques (RCÉL), qui collabore avec des écoles en français et en anglais, à travers tout le Canada.
Le Réseau canadien des écoles ludiques
Premier de son genre dans le monde entier, ce réseau bilingue regroupe 41 écoles de sept provinces afin d’explorer et de faire progresser les méthodes durables et enrichissantes d’apprentissage ludique durant les années intermédiaires (4e à 8e année). La carte interactive du RCÉL propose des descriptions et des vidéos sur les 41 écoles participantes et leurs initiatives d’apprentissage par le jeu.
En sa qualité de réseau axé sur l’apprentissage, le RCÉL fait le lien entre les enseignantes et enseignants qui utilisent les pédagogies ludiques sur l’ensemble du pays et leur donne l’occasion de faire connaître leurs pratiques et de diffuser des ressources innovatrices et inspirantes. Ce réseau leur offre aussi l’occasion de se développer professionnellement et d’enrichir leurs connaissances par les échanges entre eux, au sein du RCÉL, mais aussi de développer leur expertise en enseignement ludique, dans diverses disciplines et domaines enseignés par eux, grâce au soutien d’experts dans des domaines divers. Ainsi, la participation au réseau leur fournit l’inspiration pour mener à bien leurs projets innovants, tout en leur permettant de relever des défis partagés.
Ensemble, les membres du RCÉL et son équipe de recherche tentent de réfléchir sur des questions comme :
Tout au long d’une année scolaire, les équipes-écoles participantes partagent leurs projets et leurs parcours d’enseignement-apprentissage par le jeu de diverses façons : par des comptes rendus mensuels, par des vidéos qui documentent leurs projets, par des présentations et à travers des événements organisés par le RCÉL, comme des « rencontres ludiques », des « groupes de jeu » et enfin par la conférence qui servira de « vitrine au réseau et aux projets des écoles » en juin 2023.
Le RCÉL a financé chaque équipe-école pour la tenue de séances mensuelles de perfectionnement professionnel et aussi pour monter et mener à bon port leurs propres projets d’apprentissage ludique. Chaque mois, les membres du corps enseignant sont appelés à collaborer dans leur équipe-école, apprennent des autres écoles lors de rencontres ludiques ou de groupes de jeu, assistent à des webinaires de perfectionnement professionnel de la série Playjouer et partagent des ressources, enrichissant ainsi leurs pratiques d’apprentissage par le jeu. Notre équipe de l’Université d’Ottawa et 13 conseillers internationaux se chargent de l’animation, des consultations, de l’encadrement et du soutien à la recherche pour le compte des écoles.
L’importance du jeu
L’utilisation du jeu pour favoriser l’apprentissage et le bienêtre des enfants a une histoire intéressante. L’inventeur allemand de la maternelle, Friedrich Froebel, la passionnée de la réforme pédagogique, Maria Montessori, et l’enseignant avant-gardiste John Dewey ont tous milité pour que le jeu ait une plus grande place dans les écoles. Les recherches actuelles sur le sujet soulignent l’importance de l’apprentissage par le jeu et son impact positif sur le développement des enfants. Selon ces recherches, les pédagogies ludiques favorisent, dès le plus jeune âge, le développement de la pensée abstraite, l’affirmation de soi et l’acquisition du langage et d’aptitudes sociales. « Le jeu nourrit chaque aspect du développement infantile – c’est le fondement des compétences intellectuelles, sociales, physiques et affectives qui sont nécessaires à la réussite scolaire, personnelle et professionnelle. Le jeu ouvre la voie à l’apprentissage. » (Conseil canadien sur l’apprentissage, 2006, traduction libre). Dans son livre intitulé Libre pour apprendre, Peter Gray (2013) montre à quel point le jeu libre se distingue du jeu structuré par les adultes et peut aider les enfants à se faire des amis, à traiter tous leurs camarades sur un pied d’égalité, à résoudre des problèmes, à surmonter leurs peurs, à élaborer des règles et à prendre leurs propres décisions.
Dans l’ensemble du Canada, le jeu en tant qu’outil ou approche pédagogique est davantage répandu dans les classes de maternelle et dans les cycles élémentaires, mais il a tendance à disparaître graduellement entre la fin du primaire et le début du secondaire. On note aussi que les approches axées sur le jeu sont moins rattachées au plaisir et à la ludification, au fur et à mesure que les élèves grandissent et sont souvent considérées comme incompatibles avec les attentes des programmes d’études et les évaluations des apprentissages qui s’intensifient durant la scolarité. Ainsi, le jeu est considéré comme une distraction « frivole » qui a, en définitive, peu sa place dans des contextes scolaires qui adoptent des cycles d’enseignement et d’évaluations certificatives. Pourtant, comme l’a avancé le philosophe hollandais Johann Huizinga, le jeu est le pivot de la civilisation et le fondement de la culture humaine. Il peut avoir des buts différents et des objectifs d’apprentissage variés, il peut être libre ou guidé, mais il est certain que le jeu a sa place dans des pédagogies intégrées qui tiennent compte des élèves, de leurs besoins et de leur motivation.
Le RCÉL ne cherche pas uniquement à intégrer davantage de jeu dans les programmes d’études, mais aussi à approfondir la notion de jeu, ainsi que les contextes et les situations où il pourrait faire une différence. Le jeu est souvent synonyme d’amusement, mais ce n’est pas toujours le cas, car le jeu pédagogique est source d’apprentissages incontestables. Citons comme exemple le jeu de rôle qui devient un des outils pédagogiques favoris des formations actuelles, dans divers domaines. Ainsi, on ne peut ignorer que le fait d’adopter des cycles d’apprentissage et d’expérimentation par le jeu peut avoir des retombées bénéfiques sur les élèves en tant que source d’apprentissages multiples : le jeu peut devenir, dans ce cas, sérieux.
Le but de cette recherche
Le RCÉL mène des recherches poussées sur le potentiel du jeu au cours des années intermédiaires, tout en abordant les enjeux liés à l’inclusion, à l’équité et au bienêtre, à l’apprentissage et à l’évaluation. À titre de réseau, il examine les activités ludiques des élèves de la 4e à la 8e année et les moyens de les identifier et de les intégrer. Nous cherchons à savoir de quelle façon le jeu peut renforcer la motivation des élèves envers l’apprentissage et leur bienêtre, mais aussi quand il n’y arrive pas, et les moyens de traiter toute cette question. Nous voulons savoir comment le jeu dans les écoles est susceptible de mieux refléter les langues, les cultures et les identités diversifiées des élèves et donner accès à des méthodes d’apprentissage ludique à tous les élèves et dans tous les contextes au lieu de les réserver aux enfants privilégiés.
Le RCÉL s’intéresse également aux répercussions potentielles des méthodes pédagogiques ludiques sur l’engagement du personnel enseignant envers l’apprentissage et le bienêtre. Tout en reconnaissant les défis inhérents à l’intégration de ces méthodes dans les classes plus avancées, nous souhaitons savoir comment les enseignantes et enseignants du RCÉL persévèrent malgré les exigences liées aux évaluations, au contenu et au comportement et comment ils s’épaulent les uns les autres. Quelles sont les façons les plus efficaces pour le personnel enseignant et les écoles de partager et de disséminer des stratégies positives d’intégration de l’apprentissage par le jeu ? Quelles activités, quelles ressources et quels types de perfectionnement professionnel ou modalités de rétroactions soutiennent le plus efficacement les enseignantes et enseignants du RCÉL ? Les réponses à ces questions aideront non seulement à soutenir le réseau, mais aussi les autres écoles intéressées à adopter des pratiques d’apprentissage par le jeu.
Le jeu dans plusieurs dimensions
Le RCÉL vise à explorer l’apprentissage par le jeu selon quatre modes : enviro (à l’extérieur), techno (numérique et informatique), bricolo (construction numérique et physique) et tout ce qui est socio, qui examinent l’intersection de la langue, de l’identité et de la culture par l’intermédiaire du jeu et de l’apprentissage ludique (voir la Figure 1). Toutes les 41 équipes-écoles du RCÉL conçoivent et mettent en application leurs propres projets qui tiennent compte de leurs différents contextes d’apprentissage (p. ex, milieu urbain ou rural, langues autochtones, françaises ou anglaises, etc.). L’ensemble des projets utilise les quatre modes d’apprentissage et de nombreux d’entre eux font appel à plus d’un mode. Au sein du réseau, l’apprentissage ludique est interprété de diverses façons, mais les mêmes thèmes et modes se retrouvent dans tous les projets. Pour certaines écoles, le jeu peut inclure des activités expérientielles et pratiques comme l’aménagement d’un espace d’apprentissage extérieur, d’une serre, la création d’une murale multimodale ou la création de jeux d’arcades électroniques en carton. Pour d’autres écoles, le jeu prend la forme de projets d’exploration ludique : pendant toute l’année scolaire, les élèves ont des périodes réservées pour déterminer les thèmes à approfondir en bénéficiant du soutien du personnel enseignant et de membres de la communauté. Enfin, d’autres écoles choisissent de passer du temps dans la nature et de faire des activités d’apprentissage ludique sur le territoire, en compagnie de gardiennes et gardiens du savoir, ou encore de créer leurs propres jeux, chansons ou livres à l’aide de technologies comme l’animation, Minecraft ou Ozobots. Dans tous les projets, le jeu est synonyme de travail appliqué, d’apprentissages, de choix, d’autonomie, de créativité, de défi, de collaboration avec les pairs et de prise de risque.
Projets du RCÉL
Notre site Web www.playjouer.ca contient des descriptions de toutes les équipes-écoles participantes du RCÉL et de leur projet d’apprentissage. Voici quelques exemples des projets des sept provinces participantes.
Chinago Nongom Wabang – « Hier, Aujourd’hui, Demain » est le nom du projet d’apprentissage par le jeu de l’école Kitigan Zibi Kikinamadinan, qui accueille des élèves de la première année au secondaire 5 (12e année) sur le territoire algonquin, près de Maniwaki au Québec. Leur projet reflète la priorité absolue de l’école, soit de créer une communauté bienveillante qui valorise la langue et la culture anichinabées des élèves. L’école s’efforce depuis longtemps de transmettre le mode de vie traditionnel algonquin à ses élèves. S’inspirant de cette histoire, ce projet écolo met de l’avant l’apprentissage sur le territoire. Lors des journées culturelles mensuelles, les élèves choisissent parmi une variété d’activités qui suscitent leur intérêt, tout en apprenant à connaître leurs ancêtres et l’environnement local. Animées par des membres du personnel enseignant et de la communauté, des aînées et aînés, ainsi que des gardiennes et gardiens du savoir, ces activités varient en fonction du mois et de la saison et comprennent le canot, la pêche sur glace, l’ébullition de la sève pour faire du sirop d’érable, la construction d’un abri, la préparation d’un feu, la couture, le perlage et la fabrication de mocassins, le travail du cuir et la familiarisation avec les plantes et les remèdes locaux.
Le projet de l’école élémentaire Monseigneur de Laval à Regina consiste à créer et à filmer une pièce de théâtre basée sur la biographie d’une personnalité marquante du patrimoine francophone de la Saskatchewan. Il combine la langue et la culture, les arts et la création. Ensemble, les élèves choisissent leur sujet et exercent leur leadership en documentant l’histoire de la région, en rédigeant le script, en créant les décors et les costumes, en jouant sur scène ou en réalisant, en filmant ou en montant le film. Les élèves sont épaulés par des partenaires communautaires comme la troupe de théâtre locale, Radio-Canada, la Société historique de la Saskatchewan et l’association des artistes.
À King’s Point (Terre-Neuve), les élèves de la Valmont Academy s’appliquent à créer une murale multimodale faite de matériaux recyclés. Elle représente un voilier et s’inspire des œuvres d’un artiste local. Les participants peuvent utiliser une variété de matériaux, dont la fibre de verre, le métal, le bois de grève et le verre de plage. Ils ont récupéré ces matériaux lors d’excursions à la plage locale, dans des sentiers de randonnée et dans la nature environnante. Des partenaires de la localité, notamment des constructeurs de bateaux, des soudeurs et des fabricants de fibre de verre, font office de mentors et aident les élèves à travailler les différents matériaux. Un artiste local les conseillera pour assembler la murale. Le projet vise à renouveler les liens de Valmont avec sa communauté et de promouvoir les possibilités de carrière au sein de l’industrie locale.
À l’École acadienne de Pomquet, une école élémentaire et secondaire de la Nouvelle-Écosse, les élèves, des membres de la communauté et des gardiennes et gardiens du savoir collaborent afin d’aménager des espaces pédagogiques extérieurs comme une serre, un foyer extérieur et un tipi de 30 pieds. Le projet de l’école se concentre sur l’amélioration des zones forestières environnantes et des liens entre la culture autochtone et acadienne. En consultant des partenaires de la communauté autochtone locale, les élèves ont appris qu’il n’y avait aucune source d’eau dans la forêt et ont décidé de creuser un étang et d’aménager un écosystème aquatique. Ils prévoient également d’utiliser l’étang comme patinoire pendant les mois d’hiver. Pour les élèves, le projet est non seulement une occasion de jouer, de construire et de parfaire leur apprentissage en plein air et en français, mais aussi de tirer du plaisir à parler leur langue minoritaire : « Si t’as pas de plaisir, ça devient une langue de travail. »
Réflexions des membres du RCÉL
Lors des discussions en groupes de jeu, les membres du RCÉL ont indiqué à quel point ils apprécient la possibilité de collaborer avec des collègues et ont souligné le côté rafraîchissant et motivant de leurs projets, à la fois pour les élèves et pour eux. « Cela ramène la joie de vivre », a commenté une personne. Selon les membres, l’apprentissage par le jeu favorise l’inclusion, valorise les points forts des élèves, offre des occasions de leadership, aide à tisser des liens avec la communauté et le territoire, encourage les élèves à parler français et à se sentir engagés dans les classes. C’est également une façon significative, pour des élèves comme les nouveaux arrivants ukrainiens, de rencontrer leurs camarades, de travailler et de développer un sentiment d’appartenance à leur classe grâce au langage universel du jeu.
S’il semble amusant, l’apprentissage par le jeu comporte son lot de défis. L’apprentissage ludique ne fait pas nécessairement bon ménage avec les attentes scolaires. Le fait de s’éloigner de l’enseignement et des méthodes d’évaluation traditionnels peut préoccuper les familles, les partenaires communautaires et même certains collègues. Dans les écoles de langue française, la plupart des documents doivent être traduits et adaptés, ce qui exige des ressources et augmente la charge de travail. Le RCÉL aide le personnel enseignant à travailler (et à jouer) pour surmonter ces défis ensemble.
De nos jours, durant les années intermédiaires, le jeu est l’exception et non la règle. Il a tendance à prendre son envol pendant la petite enfance ou à prospérer dans le cadre de « laboratoires » universitaires de psychologie et d’apprentissage des sciences qui disposent de ressources humaines et financières beaucoup plus importantes que celles des systèmes scolaires traditionnels. De plus, l’apprentissage par le jeu s’adresse davantage aux élèves privilégiés que marginalisés, comme en témoigne entre autres l’approche des écoles Montessori, établies dans le monde entier. Le jeu est aussi toléré dans les écoles alternatives, où il est reconnu que dles méthodes traditionnelles d’enseignement et d’apprentissage peuvent sembler différentes.
Le RCÉL est conçu pour stimuler la réflexion et l’action au sein des systèmes scolaires traditionnels. L’objectif est de les amener à examiner l’importance des approches ludiques durant les années intermédiaires, à légitimer l’apprentissage par le jeu, à devenir des sources d’inspiration, à proposer des exemples et des ressources à d’autres écoles des quatre coins du pays et à approfondir le dialogue sur la nature et la valeur du jeu en général.
Si le monde était une partie de hockey, on serait maintenant en prolongation. Il ne sert à rien de rester en mode défensif. Le temps est venu de sortir nos meilleures stratégies, de tirer notre épingle du jeu, d’apprendre mieux et de jouer avec plus d’ardeur. Le jeu est une forme d’apprentissage. Il devrait être accessible à tous les élèves, peu importe où ils vivent, qui ils sont et quelle langue ils parlent.
Gray, P. (2016). Libre pour apprendre : Libérons nos enfants pour qu’ils retrouvent le bonheur d’apprendre et la confiance en eux (traduit par E. Petit). Éditions Actes Sud. (Parution initiale en 2013)
Hewes, J. (2006). Let the children play: Nature’s answer to early learning. Early Childhood Learning Knowledge Centre, Canadian Council on Learning.
Huizinga, J. (2014). Homo ludens: A study of the play-element in culture. Routledge.
UNESCO. (2022). Transforming teaching from within–Current trends in the status and development of teachers. United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization.
Vaillancourt, T., Beauchamp, M. et coll. (2021). Les enfants et les écoles pendant la COVID-19 et au-delà : interactions et connexion en saisissant les opportunités. Société royale du Canada.
Photos gracieuseté de :Leslie Mott et Christopher Rowsome. Élèves de 3e, 4e et 5e année de l’École publique North Gower Marlborough, District scolaire Ottawa-Carleton
S’il y a deux dossiers qui auraient dû donner lieu à des propositions concrètes et convaincantes des aspirants au pouvoir pendant la campagne électorale 2022 au Québec, c’est bien l’éducation et l’immigration. Mais elle a laissé derrière elle un goût amer et bien des polémiques. L’éducation, l’enfant pauvre des gouvernements successifs, a encore été abandonnée à son sort. Il incombe donc une fois de plus aux acteurs du milieu scolaire d’assurer les besoins criants dans nos écoles. Quant à l’immigration, les solutions proposées ne sont guère plus reluisantes.
Pourtant, l’un des défis importants auquel nous sommes confrontés concerne l’immigration et l’intégration de ses jeunes dans le milieu éducatif. Il y a bien sûr la question cruciale de la francisation. Mais il y a aussi un autre enjeu que je trouve déterminant et sur lequel je me suis penchée comme documentariste durant les quatre dernières années.
La question m’a été posée plusieurs fois: « Pourquoi un film sur les traumatismes de guerre des jeunes réfugiés et leur intégration scolaire au Québec? »
Le sujet, qui peut sembler pointu, ne l’est pas. Au contraire, il concerne et touche tout le milieu scolaire au Canada et dans le monde entier. Je l’ai maintes fois constaté pendant toutes ces années de recherche et de tournage sur la problématique entourant la réalisation de ce long métrage intitulé « Je pleure dans ma tête » produit par l’Office National du Film du Canada (ONF).
La réponse à ce « pourquoi » est multiple. Il faut remonter à 2005 où un tournage à l’Est de la République démocratique du Congo m’a profondément ébranlée. Les images que nous avons filmées des longues colonnes de familles fuyant à pied les rébellions, de ces visages de femmes épuisées transportant leurs casseroles et leurs enfants accrochées à leurs jupes et d’hommes inquiets tenant des matelas sur la tête m’ont longtemps hantée. Pour la première fois, je voyais la guerre et ses conséquences tragiques sur les populations. Le mot « réfugié » venait tout à coup de prendre tout son sens.
Plus tard, en 2010, un autre tournage dans le camp de réfugiés birmans de Mae La en Thaïlande à la frontière birmane m’a fait prendre conscience des conditions de vie exécrables dans lesquelles vivent les réfugiés qui ont fui la guerre. Construit en 1984, Mae La abrite 32 000 personnes dont 11 % d’enfants qui y sont nés et qui, sans doute, y mourront, faute de pays d’accueil pour les sortir de là. Les traumatismes vécus pendant la guerre mais aussi dans les camps où les populations pensaient avoir trouvé « refuge » sont très importants et quelquefois pires que la guerre elle-même.
Pour l’avoir documenté en Birmanie, en République démocratique du Congo et au Liban dans les camps de Sabra et Chatila et dans la Vallée de la Békaa, les conditions de vie dans lesquelles évoluent les réfugiés sont misérables, indignes. Prisonniers sans barreaux, apatrides, sans travail ni dignité où le viol y est institutionnalisé, ils ont tout perdu, surtout l’espoir d’un retour à leurs racines. Leur pauvreté est absolue car ils vivent au crochet de l’État hôte qui plus souvent qu’autrement, les abandonne à leur sort. Quand on sait que l’Afrique est la première terre d’asile pour les réfugiés dans le monde, on comprend que ce sont les pays frontaliers des pays en guerre qui s’improvisent comme terre d’accueil. 90 % des réfugiés du monde entier sont accueillis par des pays en voie de développement.
Le présent des réfugiés – leur quotidien, leur précarité, leur accès à la santé et à l’éducation, – est le sujet le plus souvent abordé et documenté. Avec raison. Leur avenir aussi est préoccupant. Sous perfusion des agences onusiennes, dépendants des ressources de l’aide humanitaire, les réfugiés sont très souvent condamnés à l’oubli, tout en s’accrochant à l’idée qu’un jour peut-être, un pays d’accueil leur ouvrira les bras et les aidera à rebâtir leur vie et surtout celle de leurs enfants.
Ce sont là deux enjeux dont plusieurs de mes documentaires ont fait l’objet. Mais jamais je ne m’étais arrêtée à leur passé, à ce qu’ils avaient vécu, à leur parcours et aux conséquences psychosociales de la guerre et des camps sur eux. Au Canada, les réfugiés que nous recevons sont des réfugiés relocalisés, c’est-à-dire qu’ils proviennent tous des camps. Ils sont donc doublement traumatisés : par la guerre et la vie dans les camps. Sur 50 000 immigrants accueillis au Québec chaque année, 17 % sont des réfugiés. En 2022, de février à juillet, nous avons aussi reçu 4 000 Ukrainiens.
La rencontre avec Garine Papazian Zohrabian, psychologue et professeur titulaire à l’Université de Montréal, fut déterminante pour réaliser le documentaire sur les traumas des réfugiés que nous recevons au Québec et leur intégration en milieu scolaire. « La guerre, les violences collectives et les contextes d’adversité mettent en danger le développement global et ébranlent la santé mentale des enfants et adolescents » 1. Libanaise d’origine arménienne, elle a vécu la guerre du Liban et ses nombreux traumatismes pendant 15 ans. Après la guerre, « à la recherche de sens » 2, elle a décidé de faire sa thèse de doctorat sur les traumas de guerre en travaillant pour Médecins sans frontières dans le conflit du Haut-Karabah en Arménie.
Garine Papazian-Zohrabian
Aujourd’hui citoyenne canadienne, Garine Papazian-Zohrabian forme des enseignants aux difficultés d’apprentissage et d’adaptation des jeunes réfugiés que nous recevons au Québec et apporte des solutions. « Quand je parle des élèves réfugiés, des enfants de la guerre, je dis toujours, et les études le prouvent, que le retour à l’école, c’est le retour à la vie normale (…). Le fait d’être à l’école est un sentiment sécuritaire pour ces enfants. » 3
L’école constitue donc le plus grand « refuge » pour ces jeunes réfugiés. Mais encore faut-il connaitre leur parcours pour comprendre leurs comportements, leurs difficultés d’apprentissage, leurs capacités d’adaptation. Le système scolaire au Québec ne fournit que très peu de données sur le profil de ces jeunes immigrants. L’information accessible pour les écoles est quasi inexistante : langue parlée à la maison, pays de naissance, statut d’immigration. Ces indications donnent un portrait très limité du parcours migratoire, selon plusieurs équipes de direction d’établissements scolaires rencontrées lors de l’année de recherche préparatoire au tournage.
« On accueille des enfants qui ont parfois vécu des parcours très difficiles (…) Il y a des familles qui ont quitté l’Afrique et sur la route pour arriver au Canada, je vous assure, il y a des enfants qui ont vu des atrocités, des cousins mangés par des bêtes (…) Pensez à tous ces enfants qui sont en colère dans vos écoles, qui sont agressifs, qui sont un peu violents mais souvent vous voyez ça comme un problème de comportement. C’est important de voir la souffrance derrière, qu’est-ce que cet enfant a vécu (…). Donc, c’est important de connaitre le parcours de ces enfants. » 4
Mandjey avait 16 ans quand je l’ai rencontrée à l’école secondaire St-Maxime à Laval. Née dans un camp de réfugiés en Côte d’Ivoire, elle y a passé toute sa vie avant d’arriver au Canada. À son arrivée en 2017, elle ne savait ni lire ni écrire, n’ayant jamais eu accès à l’école. Elle est restée mutique pendant un an, refusant de parler. « C’est très important de comprendre le sens des symptômes des enfants traumatisés (…). Dans les écoles, il y a souvent des réfugiés incompris, des enfants qui arrivent complètement déconnectés et on doute de leur intelligence, on pense qu’ils ont des problèmes de TDAH ou même d’autisme. Il y a des jeunes réfugiés qui ont été diagnostiqués autistes parce qu’ils sont trop dans leurs bulles à cause des multiples traumatismes vécus (…). Tous les enfants traumatisés sont des enfants angoissés. Donc, si on leur donne aussi l’étiquette de troubles anxieux, on n’a pas nécessairement compris la situation. » 54
Quand nous avons rencontré Mandjey avec la complicité de son enseignante en classe d’accueil et de son orthopédagogue, elle commençait tout juste à sortir de son mutisme. Elle nous racontera qu’à 8 ans – elle est devenue « petit creuseur » dans les mines d’or artisanales de Côte d’Ivoire – jusqu’à ses 12 ans, l’âge où elle a été violée. Enceinte, elle accouchera d’un petit garçon qui vit aujourd’hui avec elle à Montréal. « En Afrique, tout le monde me jugeait, on me criait des noms. Même si je suis une victime, on dirait qu’ils ne comprenaient pas ça » 6. Mandjey nous confiera à la caméra avoir été aidée par son enseignante « qui a été comme ma seconde mère, qui s’est tellement occupée de moi ».
À cette problématique des traumatismes, qu’il s’agisse de réfugiés qui ont vécu la guerre ou d’élèves qui ont subi de la maltraitance, des solutions sont suggérées aux écoles. Certains livres, dont la collection Coup de Poing, servent à faire parler les enfants sur des thèmes définis comme l’amitié, l’affirmation de soi, la mort et à confier leur vécu, leurs angoisses. D’autres méthodes, comme les groupes de parole, sont utilisées et se révèlent très efficaces, comme nous l’avons constaté pendant ces trois ans de travail pour réaliser ce documentaire.
Devant les difficultés d’apprentissage et de comportement des jeunes réfugiés ou des enfants ayant subi de la maltraitance, plusieurs enseignants et acteurs scolaires rencontrés se sont montrés intéressés à cette méthode et l’ont mise en pratique. Ce que nous avons constaté, c’est que cette méthode des groupes de parole favorise de façon très efficace le sentiment d’appartenance à leur école et se révèle un outil formidable de socialisation. « On a l’impression de mieux se connaitre entre nous », dira un jeune.
Dix séances ayant un thème différent ont eu lieu dans trois classes de l’école Henri Beaulieu pour le tournage. Les enfants, assis en rond, doivent suivre des règles strictes. « L’objectif des groupes de parole est de créer un espace qui permet à chacun de s’exprimer librement sur une thématique (…). Les groupes de parole n’ont pas pour objectif la guérison, ils sont exclusivement orientés vers la discussion sur une question commune » 7 comme la famille, la violence, la vie ou la mort par exemple.
Beaucoup d’enfants ont exprimé leur malaise, leur crainte, leur désarroi, leur bonheur aussi. Le tournage sur ces enfants se prononçant sur leur vie, leur passé, leur pays, leur vision de la mort ou leur conception de l’amitié fut un cadeau inestimable pour le film mais aussi pour toute l’équipe de tournage sur le plan personnel.
Nous avons compris plusieurs choses au cours de la production de ce documentaire : les enfants immigrants, réfugiés ou demandeurs d’asile que nous recevons au Canada, en plus d’être les citoyens de demain, ont su affronter et maitriser des obstacles très difficiles que peu réussissent à surmonter. Ils ont développé des stratégies de survie et d’adaptation hors du commun. Leur résilience a forcé notre admiration. Il ne fait aucun doute que leur engagement dans la société canadienne de demain sera d’une infinie richesse.
sidebar:
REGARDEZ « Je pleure dans ma tête » :
https://www.nfb.ca/film/je-pleure-dans-ma-tete-les-traumas-par-les-mots/
Photo : ONF
Première publication dans Éducation Canada, janvier 2023
1 Papazian-Zohrabian, G. (2015). Les enfants traumatisés et endeuillés par la guerre. Dans C. Fawer Caputo et M. Julier-Costes (dir.), La mort à l’école. Annoncer, accueillir, accompagner (p.249-270). Paris : De Boeck Supérieur.
2 Papazian-Zohrabian, G., 15 mai 2019 Entrevue du documentaire « Je pleure dans ma tête. », Office national du film du Canada, Beyrouth.
3 Papazian Z.G., Formation d’enseignants à l’école Henri Beaulieu à Ville St-Laurent, 26 août 2020.
4 Papazian Z.G., Formation d’enseignants à l’école Henri Beaulieu à Ville St-Laurent, 26 août 2020.
5 Papazian Z.G., Formation d’enseignants à l’école Henri Beaulieu à Ville St-Laurent, 26 août 2020.
6 Mandjey K., 4 octobre 2020, Entrevue « Je pleure dans ma tête », Office national du film du Canada.
7 Mener des groupes de parole en contexte scolaire, guide pour les enseignants et les professionnels, faculté des sciences de l’Éducation, Université de Montréal, Papazian Zohrabian Garine. https://sherpa-recherche.com/wp-content/uploads/Mener-des-groupes-de-parole-en-contexte-scolaire.pdf
Pour les élèves ayant des besoins d’apprentissage particuliers, l’autonomie sociale passe par la communication de leurs besoins et le soutien de leur milieu. Bien que la majeure partie de ce soutien soit gérée par l’école, les mêmes services ne sont généralement pas offerts par les établissements postsecondaires ou les lieux de travail. Or, il est dans l’intérêt des apprenants d’être renseignés sur la nature de leurs besoins, les services auxquels ils ont droit et la façon de faire connaître leurs besoins. Les chercheurs ont établi un lien entre l’autonomie sociale et les taux de diplomation au secondaire. De plus, il est généralement reconnu que l’acquisition de l’autonomie sociale doit commencer le plus tôt possible.
Démystifier le processus d’établissement du Plan d’enseignement individualisé (PEI) :
Promouvoir une communication accessible :
Le principal but recherché ici est que les élèves soient en mesure d’expliquer ce dont ils ont besoin. S’ils ne connaissent pas leurs difficultés précises et les types de soutien qui fonctionnent le mieux pour eux, les élèves ne pourront pas avoir réellement accès à des composantes de la société qui n’ont pas été conçues en fonction de leur situation. Les efforts pour clarifier le processus et favoriser une communication accessible sont évidemment très utiles, mais il est tout aussi important de faire preuve de cohérence dans nos propos et nos façons de soutenir ces élèves. Les parents et le personnel enseignant doivent s’informer mutuellement des mesures qu’ils prennent pour favoriser le développement de l’autonomie sociale afin de concevoir un programme d’aide cohérent qui va plus loin que les mesures offertes à l’école.
Konrad, M. « Involve Students in the IEP Process », Intervention in School and Clinic, 43(4), 2008, p. 236-239. doi.org/10.1177/1053451208314910
Lister, Coughlan, T. et Owen, N. « Disability or “Additional study needs”? Identifying students’ language preferences in disability-related communications”, European Journal of Special Needs Education, 35(5), 2020, p. 620-635. doi.org/10.1080/08856257.2020.1743409
Mason, McGahee-Kovac, M. et Johnson, L. “How to help students lead their IEP meetings”, Teaching Exceptional Children, 36(3), 2004, p. 18-24.doi.org/10.1177/004005990403600302
Roberts, Ju, S. et Zhang, D. (2016). Review of practices that promote self-advocacy for students with disabilities. Journal of Disability Policy Studies, 26(4), 2016, p. 209-220. doi.org/10.1177/1044207314540213
Depuis mars 2020, la pandémie de COVID-19 a forcé les écoles à délaisser l’enseignement usuel en présence des élèves pour la mise en place d’un enseignement à distance en mode virtuel. Ce contexte inédit représente pour les apôtres des technologies une occasion rêvée de transformer radicalement l’enseignement ordinaire au profit d’une école virtuelle favorisant enfin, soi-disant, le développement des compétences du xxie siècle, une personnalisation accrue du parcours d’apprentissage de l’élève et une véritable différenciation pédagogique (Cavenaghi et Senécal, 2020). Ce discours lyrique accorde aux technologies un pouvoir mirifique qui n’a pourtant pas été observé jusqu’à maintenant lorsqu’elles sont employées en salle de classe, et ce, avant même la Pandémie 2019-… :
[…] même les partisans les plus enthousiastes de l’utilisation de la technologie en éducation commencent à reconnaître que si la technologie peut être utile pour améliorer les résultats de l’apprentissage, elle n’a pas encore eu un impact révolutionnaire sur l’apprentissage de la lecture ou des mathématiques2. (Slavin, 2019, p. 1)
En effet, les résultats compilés par Slavin (2019) montrent que le recours aux technologies en salle de classe a un effet positif sur le rendement des élèves, certes, mais oscillant entre faible et négligeable. Par conséquent, est-ce que l’effet des technologies aurait pu être plus élevé en période de confinements, lorsque l’enseignant est physiquement absent et que l’élève est en ligne?
Un an après la fermeture brutale des établissements scolaires, en mars 2020, des recherches et des rapports d’évaluation des effets du premier confinement de la pandémie et de l’enseignement à distance ont commencé à être publiés. Boyer et Bissonnette (2021) ont recensé 19 études ayant analysé les effets du premier confinement et de l’enseignement virtuel sur le rendement d’environ 13 millions d’élèves provenant d’écoles primaires et secondaires, et ce, un peu partout dans le monde (Angleterre, Australie, Belgique, Canada, États-Unis, France et Pays-Bas). L’organisme Education Endowment Foundation (EEF, 2021) expose également les résultats de 12 des 19 études présentées par Boyer et Bissonnette (2021). Les conclusions de ces deux recensions se recoupent. L’ensemble des recherches tendent à démontrer que les effets du premier confinement de la COVID-19 et de l’enseignement à distance sur les élèves ont tendance à être généralement négatifs en lecture, principalement pour les élèves du primaire, et parfois plus fortement négatifs en mathématique. Les écarts de rendement au primaire entre les élèves à risque et les autres élèves semblent s’accentuer, et ce, même dans l’un des pays les mieux préparés à basculer en enseignement à distance comme les Pays-Bas (Engzell, Frey et Verhagen, 2021). Sur la base des effets observés, Dorn et ses collègues (2020) ont estimé que les élèves pourraient avoir perdu en moyenne de 5 à 9 mois d’apprentissage en juin 2021, et que les élèves plus vulnérables pourraient accuser un retard de 6 à 12 mois.
Sur la base des résultats cités précédemment, qui reposent principalement sur un confinement de 10 à 15 semaines au début de la pandémie, il est possible d’appréhender des résultats encore plus négatifs dans les prochains mois pour l’ensemble des élèves. Dorn, Hancock, Sarakatsannis et Viruleg (2021) manifestent également cette appréhension :
[…] les élèves [de la maternelle à la 12e année] ont en moyenne cinq mois de retard en mathématiques et quatre mois en lecture à la fin de l’année scolaire [en juin 2021] … En mathématiques, les élèves des écoles majoritairement noires ont terminé l’année avec six mois de retard d’apprentissage, les élèves des écoles à faibles revenus avaient sept mois en moyenne de retard d’apprentissage […] (p. 2).
Deux synthèses de recherches plus récentes ont également montré des effets négatifs de la pandémie et de l’enseignement à distance sur le rendement des élèves. L’étude d’Hammerstein, König, Dreisörner et Frey, publiée en septembre 2021, révèle que : « Les résultats indiquent un effet négatif des fermetures d’écoles sur les résultats des élèves, en particulier chez les plus jeunes et les élèves issus de familles à faible statut socio-économique » (p. 1).
Une étude réalisée par Donnelly et Patrino, publiée en novembre 2021, indique pour sa part :
[…] huit études ont été identifiées ; sept d’entre elles présentent des pertes d’apprentissage chez au moins certains participants, tandis qu’une des sept a également trouvé des cas de gains d’apprentissage dans un sous-groupe particulier […] En outre, quatre des études ont observé une augmentation des inégalités, certains groupes démographiques d’élèves ayant subi des pertes d’apprentissage plus importantes que d’autres. (p. 1)
Patrino, l’un des deux chercheurs de cette synthèse, indiquait le 16 novembre 2021 sur son blogue :
Depuis la rédaction de notre analyse systématique, plusieurs nouvelles études ont été entreprises, documentant des pertes d’apprentissage comprises entre 0,08 et 0,32 écart-type. Il s’agit notamment des pays suivants : le Brésil, la Chine, la République tchèque, l’Angleterre, l’Allemagne, le Ghana, l’Italie […] [et pour l’enseignement supérieur] la Norvège et la Russie [… ] Peu ou pas de pertes d’apprentissage ont été détectées au Danemark, en France et au Japon.
Bien qu’il n’y ait, à notre connaissance, aucune étude scientifique publiée au Canada ayant évalué les effets de l’école virtuelle sur le rendement des élèves en temps de pandémie, le chercheur George Georgiou, de l’Université de l’Alberta, a tout de même mesuré le rendement des élèves du primaire en lecture. Les résultats rapportés par le chercheur dans une entrevue accordée en novembre 2020 à la journaliste Elise Stolte du Edmonton Journal, sont inquiétants. Avant la fermeture des écoles en mars 2020, le chercheur disposait des résultats d’évaluations standardisées en lecture provenant de milliers d’élèves de la 2e à la 9e année (environ 4 000 élèves pour chaque année). Les élèves ont passé les mêmes évaluations en septembre 2020. Les élèves de 4e année et des années subséquentes ont généralement amélioré leur rendement en lecture. Toutefois, les élèves de 2e et de 3e année ont montré une baisse du rendement en lecture représentant six à huit mois d’apprentissage. Dans une autre étude, Georgiou indique qu’il a mesuré les habiletés en lecture de 1 560 enfants de 1re année en septembre 2019 et en janvier 2020. De ce nombre, 540 élèves avaient été identifiés en difficulté avant la pandémie et devaient recevoir de l’aide. La fermeture des écoles et le passage en mode virtuel ont mis fin à cette intervention orthopédagogique. Lors de la rentrée des classes en septembre 2020, l’équipe de recherche de Georgiou a retracé et évalué 409 de ces élèves en difficulté, qui sont maintenant en 2e année. Les chercheurs constatent alors que 80 % (327/409) d’entre eux, maintenant en 2e année, ne connaissent toujours pas les sons des lettres, et que plus de la moitié ont des résultats inférieurs à ceux obtenus en janvier 2020, lesquels étaient déjà faibles.
Au Québec, l’enquête de Turcotte, Giguère et Prévost (2021), menée auprès de 175 enseignants du secteur primaire, montre que 78 % d’entre eux estiment que leurs élèves, lors de la rentrée de l’automne 2020, sont arrivés en classe avec des habiletés en lecture plus faibles que celles des élèves des années passées. En écriture, 71 % des enseignants affirment que leurs élèves sont plus faibles que ceux des années précédentes.
En résumé, les effets de l’école virtuelle et des confinements successifs sur le rendement scolaire des élèves sont évidents au niveau du primaire, et encore plus au début de la scolarisation et pour l’ensemble des élèves à risque, tous degrés scolaires confondus. Cela dit, les effets négatifs observés ne se limitent pas au rendement scolaire.
L’Institut National de Santé Publique du Québec (INSPQ, 2021) a montré des effets négatifs de la pandémie sur le développement des enfants de 2 à 12 ans. L’INSPQ a recensé 14 études examinant le domaine du développement social et affectif, principalement en ce qui concerne les problèmes de comportements internalisés et externalisés. La provenance des études est diversifiée : l’Italie, le Royaume-Uni, l’Espagne, les États-Unis, le Brésil, les Pays-Bas, Israël et Hong Kong. Les problèmes de comportements internalisés réfèrent aux difficultés émotionnelles comme la dépression, l’anxiété, etc. Les comportements externalisés sont associés aux problèmes de conduite, à l’irritabilité et la mauvaise humeur, à l’hyperactivité/l’inattention, aux problèmes relationnels avec les pairs, à la manifestation d’agressivité ou à un trouble de l’opposition.
L’INSPQ (2021) indique « [qu’] une majorité d’études rapportent une augmentation significative des problèmes de comportements internalisés et externalisés, comparativement à la période prépandémie, selon différentes manifestations […] » (p. 5). Voici quelques statistiques à ce sujet :
Les confinements répétés entre l’hiver 2020 et le printemps 2021 ont entraîné de multiples conséquences socio-émotionnelles chez les enfants des garderies, les enfants fréquentant l’école primaire ainsi qu’auprès des adolescents du secondaire en ce qui a trait au niveau d’anxiété, au taux de dépression, aux difficultés de concentration, à l’isolation sociale et à la diminution de l’activité physique (dos Reis et al. 2021; Moustafa, Mohamed et El-Houfey, 2021). Le sommeil des enfants et des adolescents semble aussi avoir été perturbé par le contexte de la pandémie (Bruni et al., 2021). Les jeunes adultes au niveau post-secondaire semblent vivre sensiblement les mêmes difficultés que les plus jeunes (Son, Hegde, Smith, Wang et Sasangohar, 2020). Les effets négatifs de la pandémie sur les variables autres que scolaires peuvent varier d’un pays à l’autre, entre autres quant à l’anxiété et aux sentiments dépressifs des enfants. Cela semble directement attribuable au degré de confinement imposé et au stress parental (Borbás et al., 2021; Orgilés et al., 2021).
En somme, les effets socio-émotionnels de l’école virtuelle et de l’apprentissage à distance en temps de pandémie ont tendance à être nettement très néfastes.
L’enseignement virtuel et l’apprentissage à distance, réalisés au cours des deux dernières années, montrent des effets négatifs sur le rendement scolaire et le développement socio-émotionnel des élèves, et ce en particulier auprès des plus vulnérables. Il importe de rappeler et de souligner que des synthèses de recherches ont montré les effets négatifs de l’école virtuelle sur le rendement des élèves, et ce, même en contexte non pandémique (Boyer et Bissonnette, 2021; Prettyman et Sass, 2020). En bref, les effets de l’école virtuelle, en temps de pandémie ou non, sont généralement négatifs (Boyer et Bissonnette, 2021).
Quoiqu’en disent les apôtres des technologies, l’école du xxie siècle, si cela peut exister, doit être en mode présence pour être optimale. Toutefois, en cas de fermeture des écoles en situations d’urgence, nous considérons quand même qu’il est nettement préférable d’offrir aux élèves un enseignement à distance plutôt que rien afin que l’école demeure en contact minimalement avec ses élèves.
Puisse les élèves fréquenter des écoles de briques et de mortier pour assurer leur réussite scolaire et favoriser un développement socio-émotionnel harmonieux et plus humain!
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2022
1 Ce texte constitue un extrait d’un chapitre de livre : Boyer et Bissonnette (à paraître). Quels sont les effets des technologies et de l’enseignement virtuel sur le rendement des élèves, avec ou sans pandémie? Dans Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Marie Bocquillon. Questions théoriques et pratiques sur l’enseignement explicite. Québec : Presses Université du Québec.
2 Nous soulignons.
Borbás, R., Fehlbaum, L. V., Dimanova, P., Negri, A., Arudchelvam, J., Schnider, C. B., & Raschle, N. M. (1er février 2021). Mental well-being during Covid-19 in adults, mothers and children: behavioral evidence and neural premarkers. https://doi.org/10.31234/osf.io/pdj7n
Boyer, C., et Bissonnette, S. (2021). Les effets du premier confinement, de l’enseignement à distance et de la pandémie de COVID-19 sur le rendement scolaire – Après la pandémie, faudrait-il généraliser l’usage de l’école virtuelle à toutes les clientèles et en toutes circonstances? Montréal : Éditions de l’apprentissage. https://tinyurl.com/f8aszks
Bruni, O., Malorgio, E., Doria, M., Finotti, E., Spruyt, K., Melegari, M. G., Villa, M. P., & Ferri, R. (2021). Changes in sleep patterns and disturbances in children and adolescents in Italy during the Covid-19 outbreak. Sleep medicine, S1389-9457(21)00094-0. Advance online publication. https://doi.org/10.1016/j.sleep.2021.02.003
Cavenaghi, U., Senécal, I. (2020). Osons l’école d’après. Montréal : Éditions Château d’encre. 66 pages.
Dorn, E., Hancock, B., Sarakatsannis, J., et Viruleg, E. (2020). COVID-19 and learning loss—disparities grow and students need help. https://mckinsey.com/industries/public-and-social-sector/ourinsights/covid-19-and-learning-loss-disparities-growand-students-need-help
Donnelly, R., Patrinos, H.A. Learning loss during Covid-19: An early systematic review. Prospects (2021). https://doi.org/10.1007/s11125-021-09582-6
Dorn, E., Hancock, B., Sarakatsannis, J., et Viruleg. E. (2021). COVID-19 and education: The lingering effects of unfinished learning. McKinsey & Company. https://www.mckinsey.com/industries/public-and-social-sector/our-insights/covid-19-and-education-the-lingering-effects-of-unfinished-learning
dos Reis, F. P., Amaro, R., Silva, F. M., Pinto, S. V., Barroca, I., Sá, T., Carvalho Ferreira, R., Cartaxo, T. et Boavida, J. (2021). The Impact of Confinement on Children and Adolescents. Acta Médica Portuguesa, 34(4), 245-246.
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Turcotte, C., Giguère, M. H., et Prévost, N. (2021). Rapport d’enquête. Le point de vue des enseignantes et des enseignants du primaire sur la compétence à lire et à écrire de leurs élèves en contexte pandémique depuis septembre 2020. Département d’éducation et formation spécialisées, UQAM. https://adel.uqam.ca/wp-content/uploads/2021/02/D-18096%20-%20Document_Point-de-vue-enseignant_VF-Web.pdf?_t=1614448101&fbclid=IwAR1etwFo7uqgxNENNleP58pKn3iI8AO3QQf6owjHnahC_AXKlZ1j3DaoW_Y
Qui peut encore douter que la pandémie de la COVID-19 aura des effets durables sur le monde de l’éducation? Quant à savoir quels seront précisément les effets, nous pouvons spéculer. Nous savons cependant que le virage numérique est entamé irrémédiablement avec ses bons et ses moins bons côtés. Et, dans ces conditions, l’acte d’enseigner et l’acte d’apprendre changent de facto.
Reculons un instant à l’été 2020 et transportons-nous au Nouveau-Brunswick. Les familles du Nouveau-Brunswick ont reçu le message qu’il sera obligatoire pour tous les élèves du secondaire d’avoir en main un terminal (ordinateur portable ou tablette électronique) capable de se connecter à une plateforme numérique permettant l’enseignement et le travail à distance.
L’utilisation du numérique a été surtout utile pour permettre aux élèves d’assister à leurs cours à partir de la maison une journée sur deux. Dans de nombreux cours où c’était possible, le numérique a aussi permis (et permet toujours) de limiter l’utilisation du papier. Ces deux utilisations n’exploitent que très timidement le potentiel du numérique. Essentiellement, il semble que ces utilisations tentent d’imiter un mode d’enseignement-apprentissage plutôt traditionnel où il s’agit surtout de transmettre des connaissances.
J’espère que nous ne sommes pas en train de perdre une belle occasion de transformer la vie scolaire afin d’opérer, une fois pour toute, un virage qui accorde toute la place à l’actualisation de l’élève. Je m’explique.
À travers toutes les transformations des derniers millénaires, il me semble qu’un élément demeure invariable : l’éducation consiste à prendre l’apprenant où il est afin de l’accompagner dans son développement. Les moyens ont changé au fil des époques. En quelque sorte, les finalités aussi. Concernant les moyens, on peut penser qu’il y a eu un avant et un après l’invention de l’écriture, même chose pour l’imprimerie et maintenant le numérique. Concernant les finalités, le vivre ensemble, le développement de soi et la préparation au travail ont pris et prennent différentes formes sous l’influence des grandes idées sociales, politiques, religieuses, scientifiques et ainsi de suite.
Concrètement, l’éducation véritable a toujours été celle capable de bien lire la personne de l’apprenant dans ses besoins d’actualisation. Elle est aussi celle en mesure de tracer le bon chemin menant à cette actualisation par le biais d’activités d’apprentissage adaptées aux besoins de la personne en cheminement. Enfin, éduquer, c’est faire en sorte que la personne apprenante devienne autonome, c’est-à-dire qu’elle sera en mesure de cheminer par et pour elle-même vers son actualisation.
Jusqu’à tout récemment, le rôle de l’école consistait d’abord et presque exclusivement à favoriser l’accès aux savoirs. Bien des pédagogues viendront mettre à jour les méthodes favorisant cet accès alors que celui-ci était beaucoup synonyme de transmission.
Il y a un peu plus d’un siècle, le pédagogue américain John Dewey donne en quelque sorte un sens renouvelé à cette idée de favoriser l’accès aux savoirs. S’appuyant sur les progrès du monde de la science, il entrevoit que la scolarisation de son temps – au tournant du XIXe et du XXe siècle – doit s’inspirer de la méthode scientifique (Dewey, 1963). Ainsi, l’éducation consiste à favoriser la croissance de l’apprenant par le biais d’une recherche continue de sens à travers des expériences authentiques d’apprentissage.
Fort de l’héritage de Dewey, le siècle dernier verra naître de nombreuses méthodes, d’approches, de stratégies et de techniques pédagogiques axées sur l’action en s’inscrivant notamment dans les courants cognitivistes, constructivistes et socioconstructivistes. L’idée d’accès au savoir consiste toujours en ce désir que les masses puissent l’acquérir, mais le souci de la pédagogie est porté désormais vers les moyens de le faire. Se développeront les pédagogies expérientielles, coopératives, par projets, par problèmes, par études de cas, par compétences, entrepreneuriales, à la citoyenneté, relatives à l’environnement, aux droits de la personne, de la conscientisation et de l’engagement, actualisante et la liste continue.
De tout temps, la transmission directe des savoirs a souvent été critiquée. On retrouve les traces de cette critique chez les Grecs de l’Antiquité, notamment au livre VII de la République de Platon (Platon et Leroux, 2004). Je dirais cependant que depuis le passage d’Internet au domaine public en 1993 et surtout au cours des 10 dernières années, le monde de l’éducation est engagé dans une profonde transformation qui peut difficilement être comparée à aucune autre époque du point de vue de la rapidité des changements.
Puisque la connaissance exigeait jusqu’à récemment de se déplacer dans les bibliothèques pour fouiller dans les livres afin d’y accéder, l’école avait ce rôle implicite de transmettre même si les grandes et les grands pédagogues appelaient le plus souvent possible à ne pas s’en contenter. Mais puisque les jeunes d’aujourd’hui ont un accès direct et instantané au savoir et que l’intelligence artificielle devient de plus en plus efficace pour aider à résoudre des problèmes, la simple transmission en salle de classe est rébarbative pour les élèves. La pandémie de la COVID-19, on l’entend souvent dans nombre de situations, exacerbe cette transformation.
Quelles seront les conséquences de la pandémie sur le rôle de l’école? Que devient l’enseignement? Que doivent apprendre les élèves?
Commençons par la question la plus importante : Que doivent apprendre les élèves? Les savoirs sont là, certes, mais encore faut-il savoir qu’ils existent. Encore faut-il reconnaitre qu’ils existent parmi une multitude de savoirs et d’idées qui se présentent sous la forme de savoirs alors qu’ils n’en sont pas. Et ça aussi, la pandémie de la COVID-19 l’a illustré à de multiples occasions. Surinformation, désinformation, théories et idées alternatives s’ajoutent à la publicité, à la rhétorique de vendeurs de rêves et aux personnes bien intentionnées qui prétendent posséder une interprétation juste, mais alternative de la réalité.
Que doivent apprendre les élèves? Ils doivent apprendre à naviguer dans cette jungle d’idées diverses. Et comme c’était pertinent aux époques de Socrate, de Rousseau et de Dewey, c’est par le recours à la pensée critique que se fait cette navigation. Cette capacité de l’esprit, comme le définit le philosophe Matthew Lipman, facilite les jugements parce qu’elle s’appuie sur des critères, tient compte du contexte qui, forcément, appelle à l’auto-rectification (Lipman, 2006).
La pensée critique et les habiletés et attitudes qu’elle mobilise ne se développe pas seules ni sans l’accompagnement d’une personne qui en maîtrise les rudiments. Lorsqu’on y a recours habilement, la pensée critique permet d’accéder à ce que Kant nommait la mentalité élargie (Arendt, 1972). La mentalité élargie fait en sorte que chaque personne est capable de se comprendre soi-même parce que cette pensée collective fait en sorte que nous pouvons nous comprendre entre nous. Ce n’est pas rien.
Bien que la pensée critique puisse être générique, elle peut aussi être particulière à un domaine spécifique de la connaissance. Un jugement mathématique procède d’un raisonnement différent de celui scientifique, littéraire, artistique ou philosophique bien qu’ils soient tous complémentaires pour penser le monde. Ainsi, le savoir disciplinaire n’est pas une fin en soi.
C’est comme remplir son panier d’épicerie, passer à la caisse, mais partir chez soi sans ses achats. L’essentiel n’a pas été fait. Ainsi, lorsqu’on donne des ressources aux élèves, il faut passer à l’intégration des savoirs à travers des situations d’intégrations à la fois complexes et contextualisées (Roegiers, 2010). Par exemple, les élèves sont en mesure de mettre en place des mesures favorisant la protection de l’écosystème en mobilisant ce qu’ils ont appris en classe. Ou encore, les élèves expriment leur opposition en mobilisant les principes d’une communication efficace appris en classe.
Ce qui nous donne la réponse à la question du rôle de l’école.
Pour continuer à être un lieu privilégié après la pandémie, l’école doit plus que jamais poursuivre sa transformation et miser sur la recherche de sens. L’école doit se métamorphoser en une grande communauté de recherche où sont mobilisés les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être et les savoir-devenir dans la quête de sens afin d’y voir plus clair dans ce qui se produit à l’intérieur de chacun de nous, ce qui se produit dans nos relations avec les autres et dans notre relation avec le monde (Ferrer & Allard, 2002). S’éloigner de cette quête de sens et prétendre éduquer n’est qu’une illusion. Aussi vite apprise pour le test, aussi vite oubliée si la connaissance n’est pas mobilisée dans une situation concrète où se manifeste le sens.
Il existe plusieurs approches pédagogiques pour y arriver. J’en présenterai deux différentes qui se situent aux antipodes d’un continuum pratico-pratique – philosophique.
Je considère que le pédagogue et philosophe Dewey est en quelque sorte le père de ce continuum. Il prônait la création d’une communauté de recherche dès la fin du XIXe siècle. D’un côté, il a influencé les approches plus actives comme la pédagogie par projets (Kilpatrick, 2018), l’apprentissage expérientiel (Kolb, 1984) et la pédagogie centrée sur les besoins réels (Prensky, 2016).
Prensky soutient que la prochaine génération n’a plus à aller à l’école pour se préparer à la vie en s’engageant dans des projets qui ressemblent à ceux qu’elle devra entreprendre une fois sortie de l’école. Elle doit dès maintenant résoudre les problèmes et défis actuels. Son site web montre d’ailleurs une liste impressionnante d’initiatives menées par les jeunes de partout dans le monde qui montre qu’ils sont capables de participer au projet collectif de faire un monde meilleur.
Passant de la création de prothèses à l’élimination du plastique à la cafétéria de l’école en passant par des ballons de soccer qui captent l’énergie cinétique, Prensky nous rappelle la puissance de la pédagogie qui part d’abord de situations concrètes pour ensuite introduire des savoirs plus théoriques selon les besoins exigés par la situation.
Dans les années 1970, le philosophe américain Matthew Lipman créait le programme de philosophie pour enfants aujourd’hui présent sur tous les continents. Ce programme consiste à installer au sein de la classe, de la maternelle (et même avant) au secondaire (et même après), une communauté de recherche philosophique où il est question non d’apprendre les pensées des philosophes, mais plutôt de s’engager dans un dialogue philosophique en quête de sens. À partir d’une amorce qui peut prendre la forme d’un texte, d’un objet, d’un événement, d’une œuvre d’art, etc., les élèves s’engagent avec l’animatrice ou l’animateur dans une discussion où il est question de faire ressortir le sens à partir des différents points de vue qu’ont les élèves.
Peut-on aimer les animaux et les manger quand même? Est-on plus libre avec des règles ou sans? Peut-on inverser une phrase qui débute par « tous » ou « aucun » et conserver le même sens? Y a-t-il plus d’une vérité? Comment sait-on si ce que l’on croit est vrai? Quels sont les critères pour déterminer ce qui constitue une belle personne? Voilà quelques exemples de questions au cœur des communautés de recherche philosophique mise de l’avant dans le programme de philosophie pour enfants/ados.
Les approches de Prensky et de Lipman ont en commun qu’ils sont complémentaires aux différents cours scolaires. Que ce soit en mathématiques, en sciences, en sciences humaines, en langues ou dans les arts, la possibilité de philosopher à partir des enjeux que mettent en lumière ces disciplines est le moment de mobiliser ces savoirs et les habiletés/attitudes de la pensée critique.
En terminant, le fait de s’engager dans une recherche de sens, que ce soit à partir des idées ou à partir de l’action, en cherchant une sincère intercompréhension humaine, c’est un pas vers un environnement à même de favoriser l’actualisation de chacune et de chacun.
Photo: Adobe Stock
Arendt, H. (1972). La crise de la culture : Huit exercices de pensée politique. Gallimard.
Dewey, J. (1963). Experience and education. Collier Books.
Ferrer, C. et Allard, R. (2002). La pédagogie de la conscientisation et de l’engagement : Pour une éducation à la citoyenneté démocratique dans une perspective planétaire : deuxième partie. Éducation et francophonie, 30(2), 96‑134. https://doi.org/10.7202/1079528ar
Gagnon, M. (2005). Guide pratique pour l’animation d’une communauté de recherche philosophique. Les Presses de l’Université Laval.
Kilpatrick—The Project Method (1918). (s. d.). Consulté 24 novembre 2021, http://www.educationengland.org.uk/documents/kilpatrick1918/index.html
Kolb, D. A. (1984). Experiential learning : Experience as the source of learning and development. Prentice-Hall.
Lipman, M. (2006). À l’école de la pensée : Enseigner une pensée holistique (2e éd.). De Boeck Université.
Platon et Leroux, G. (2004). La république (2e éd. corr.). Flammarion.
Prensky, M. (2016). Education to better their world : Unleashing the power of 21st-century kids. Teachers College Press.
Roegiers, X. (2010). La pédagogie de l’intégration : Des systèmes d’éducation et de formation au cœur de nos sociétés (1re éd.). De Boeck Université.
Le nouveau format d’Éducation Canada offre des outils et des occasions au monde de l’éducation pour répondre à de grandes questions mises de l’avant par une pandémie qui a bouleversé le quotidien de toutes et tous, et certainement le système éducatif. Des questions simples, mais complexes invitant diverses perspectives à se confronter seront abordées dans cette expérience d’apprentissage multiplateforme. La première grande question que nous explorons est :
Comment enseigner dans un Canada (post) pandémique?
Éducation Canada, portée par voicEd Radio, résonnera dans divers bureaux, salles de formation, et salles de classe pour alimenter de nécessaires discussions et pour présenter du matériel utile et axé sur la recherche, susceptible de soutenir le changement dans un monde scolaire postpandémique.
Pour approfondir davantage vos connaissances, lisez les articles détaillés sur les sujets émergents.
L’humilité culturelle : pour cheminer vers une école post-pandémique plus culturellement sûre et inclusive par Hélène Devarennes, Auteure jeunesse et Professeure, Université de Moncton
L’école plus que jamais à la recherche de sens par Mathieu Lang, Professeur agrégé à la Faculté des sciences de l’éducation, Université de Moncton
Le choix de devenir enseignant ou enseignante est souvent motivé par un désir de faire une différence et d’être là pour nos élèves. Nous nous imaginons entourés d’enfants heureux en train de créer des projets de toutes sortes leur permettant de s’épanouir dans le plus grand bienêtre. Tout de même réalistes, nous nous doutons bien qu’il puisse apparaitre quelques nuages dans ce ciel bleu. Néanmoins, l’idée de devoir un jour parler d’agression sexuelle avec eux ou encore d’accueillir un dévoilement est alors à des années-lumière des raisons qui nous ont conduits là. Pourtant, depuis 2018, il incombe au personnel enseignant d’éduquer à la sexualité et, par le fait même, d’aborder la thématique de l’agression sexuelle et de la violence sexuelle en première, troisième et cinquième année du primaire ainsi qu’en deuxième et troisième (9e et 10e année) secondaire. Cette nouvelle tâche apporte son lot de stress et d’appréhension. C’est d’ailleurs le poids de ce devoir, mais surtout la peur de « devoir » qui fige le personnel enseignant lorsqu’il est question d’aborder la thématique de l’agression sexuelle à l’intérieur de l’éducation à la sexualité.
Aborder ou non la thématique de l’agression sexuelle ne nous préservera pas d’avoir à y faire face à un moment ou à un autre de notre carrière. Comme enseignant ou enseignante, nous sommes souvent aux premières loges des confidences de nos élèves, que ce soit pour les moments heureux comme l’arrivée d’un chien ou pour les situations plus délicates comme lorsqu’il est question de violence conjugale. L’importance du soutien des intervenants et intervenantes scolaires a d’ailleurs été démontrée au début de la pandémie lorsque les signalements ont connu une forte diminution1 avec la fermeture des écoles, isolant encore plus les victimes et réduisant ainsi leurs possibilités d’appel à l’aide.
Au Canada, le taux d’agression sexuelle chez les mineurs est de 205 cas par 100 000 enfants et jeunes2. Ce qui représente un peu plus de la moitié du nombre total des victimes d’agression sexuelle. En d’autres termes, croiser la route d’un élève victime d’agression sexuelle au cours de notre carrière n’est pas seulement une possibilité, c’est plutôt une forte probabilité. En revanche, il se peut très bien que vous ne le sachiez jamais. En effet, environ 5 % seulement des cas d’agression sexuelle sont dénoncés3, les victimes mineures choisissant souvent de garder le silence par peur, par loyauté, par honte ou par ignorance.
Le silence de l’enfant ne veut pas nécessairement dire que son agression ne laissera pas de pistes ou de traces. Dans certains cas, la jeune victime vivra des conséquences qui se manifesteront soit en :
• symptômes de stress post-traumatique (cauchemars, comportements d’évitement, hypervigilance);
• symptômes d’anxiété (peur, nervosité, hypersensibilité);
• symptômes de dépression (difficulté à éprouver du plaisir), en comportements nuisibles;
• idées suicidaires;
• autres.
Ces indications s’avèrent souvent imperceptibles ou indécodables pour l’entourage du jeune. Ce n’est pas comme séparer des cercles parmi des carrés que l’on voit clairement devant soi. Comment y arriver lorsqu’on ignore l’existence des cercles? Comment entendre alors qu’on ne sait pas?
C’est à cette difficulté que bon nombre d’enseignants et d’enseignantes ont dû faire face en étant mandatés pour aborder la thématique de l’agression sexuelle avec leurs élèves. Une majorité s’est sentie démunie et terrorisée devant l’idée d’accueillir un dévoilement en pleine salle de classe. Non pas parce qu’ils ne veulent pas accompagner l’élève, non pas parce qu’ils ne considèrent pas cette prévention comme nécessaire, mais plutôt parce qu’ils ne se sentent pas suffisamment formés pour le faire adéquatement, et pour cause : Aucune procédure uniforme d’accueil d’un dévoilement n’est présentement accessible au Québec (et probablement dans la plupart des autres provinces canadiennes) pour les enseignants. Ces derniers doivent user de leur GBS (gros bon sens) et en matière d’agression sexuelle ce n’est pas suffisant.
Imaginons la situation suivante : Madame Douceur est une enseignante de 3e année. En consultant le programme d’éducation à la sexualité, elle s’aperçoit qu’elle doit voir la thématique de l’agression sexuelle avec ses élèves. N’étant pas très à l’aise avec la thématique, elle décide de lire un peu sur le sujet et d’utiliser la littérature jeunesse comme amorce. Jusque-là, tout va bien.
Madame Douceur débute la lecture de l’album en prenant soin de faire interagir les élèves et de leur demander ce qu’ils feraient à la place du personnage. Les élèves sont intéressés et participent bien. C’est alors que Lucille lève la main et dit : « Moi aussi ça m’arrive quand je me fais garder ». Le cœur de madame Douceur arrête de battre, la crainte qu’elle avait au départ vient de se concrétiser… Comment gérer cette situation?
C’est ce genre d’images qui fait en sorte que plusieurs enseignants et enseignantes ont fait le choix de ne pas aborder la thématique de l’agression sexuelle avec leurs élèves. Ils ne se sentent pas aptes à le faire parce qu’il n’y a pas de ressources d’accompagnement à cet égard dans les centres de services. En Ontario, le personnel enseignant francophone a déjà eu accès à un gabarit de dialogue4 en cas de dévoilement. L’enseignant ou l’enseignante peut y voir des phrases toutes faites pour rassurer l’enfant. Le gabarit comprend également une description des signes physiques et psychologiques pouvant être détectés chez l’élève et même des conseils sur ce qu’il faut faire après la divulgation. Avoir accès à un tel outil permettrait au personnel enseignant de se sentir plus en contrôle lorsqu’il est question d’aborder la thématique de l’agression sexuelle et fournirait probablement l’assise nécessaire pour se lancer dans l’enseignement de cette thématique essentielle.
En attendant l’apparition d’un guide, il est quand même possible de se former grâce aux organismes œuvrant dans le domaine. Plusieurs formations pour le personnel enseignant et d’interventions sont accessibles, que ce soit par la fondation Marie-Vincent, le réseau des CALACS ou encore des organismes comme Bulle et Baluchon à Sherbrooke. Des situations d’enseignement-apprentissage sont également offertes sur la plateforme Récit : https://educationsexualite.recitdp.qc.ca/.
Voici quelques éléments à garder en tête :
Comme lorsqu’un enfant tombe et nous regarde pour savoir s’il doit pleurer. L’enfant victime n’est pas toujours pleinement conscient de l’ampleur de la situation. Garder son calme et se poser pour entendre ce que l’enfant a à nous dire. Sans jugement, sans questions, sans essayer de prévoir la prochaine étape : être là, ici et maintenant.
Surtout éviter de faire des promesses qu’il nous est impossible de tenir. Rassurer l’enfant sur le fait qu’il a eu raison de parler, que ce n’est pas sa faute. Lui dire que nous le croyons, que nous allons nous assurer qu’il soit en sécurité. Le laisser parler, mais sans poser de questions l’amenant à préciser. Il faut éviter de contaminer son témoignage. Les questions, ce sont les intervenants et intervenantes qualifiés qui les poseront. Notre mandat c’est l’accueil, non l’investigation.
Après avoir rassuré l’enfant, il est de notre devoir de signaler la situation à la direction de notre l’école ainsi qu’à la Direction de la protection de la jeunesse. De son côté, la direction a le mandat de chapeauter les intervenants scolaires. Notre rôle sera alors de faire le pont vers l’intervenant en transférant le lien de confiance.
Lorsque l’enfant est de retour dans notre classe et que des spécialistes en interventions s’occupent de son dossier, le laisser redevenir un élève et avoir accès autant que possible à la normalité. Il se peut que son contexte familial ait changé, qu’il vive des situations anormales comme celle d’aller témoigner ou encore qu’il soit retiré de son milieu. Sa classe sera peut-être alors son oasis lui permettant de s’échapper quelques heures de son quotidien plus complexe. Conserver la même façon de faire avec cet élève, la même façon de lui parler, de l’encadrer. La cohérence et la prévisibilité sont rassurantes pour un enfant.
N’oublions jamais qu’en tant qu’enseignant ou enseignante, nous avons une arme secrète, notre relation avec chacun de nos élèves. Si un élève nous choisit pour faire son dévoilement, c’est qu’il a confiance en nous. Ayons confiance en notre capacité d’écoute, de résolution de problèmes, de gestion. Il est toujours préférable d’intervenir même maladroitement que de fermer les yeux consciemment. L’impact à long terme d’un dévoilement non accueilli est bien plus grand et plus dommageable qu’une phrase malhabile.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2021
1 Allen, M. et Jaffray, B. (2020, juillet). La pandémie de COBID-19 et ses répercussions sur les services aux victimes au Canada (publication no 45-28-0001). Statistique Canada. www150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2020001/article/00065-fra.htm
2 Cotter, A. et Beaupré, P. (2014). Les infractions sexuelles commises contre les enfants et les jeunes déclarées par la police au Canada, 2012. (publication no 85-002-X). Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique. www.statcan. gc.ca/pub/85-002-x/2014001/article/14008-fra.pdf
3 Gravel, M-A. (2015). La victimisation de la population québécoise: victimisation criminelle et cyberintimidation. (publication Institut de la statistique du Québec.
4 Gouvernement de l’Ontario (s.d). 3. 1 Signes comportementaux d’agression sexuelle. www.mrar.qc.ca/documents/partage/agression-sexuelle-enfant.pdf
Dans le cadre de notre étude sur les besoins de formation des enseignants et enseignantes à l’éducation préscolaire réalisée en 2020-2021, les participants et participantes ont souligné l’importance de développer leurs propres compétences sociales et émotionnelles pour favoriser leur bienêtre et celui des enfants. Nous avons alors ciblé des besoins spécifiques au développement de ces compétences et ainsi nous avons mis l’accent sur les contenus à aborder dans la formation initiale ou continue. Par exemple, des besoins de formation en vue d’assurer la sécurité émotionnelle des enfants ont émergé dans un contexte où l’affectif est essentiel à la relation avec les enfants de 4 ou 5 ans. Cet article amène donc des réflexions quant aux interventions en contexte scolaire qui favoriseraient le développement des compétences sociales et émotionnelles des enfants et qui contribueraient à leur bienêtre.
Pouvant être définies comme des savoirêtre acquis, enseignés et évalués et qui prédisent le bienêtre individuel et social (Minichiello, 2017), les compétences sociales et émotionnelles contribueraient à une relation de qualité avec les tout-petits (Coutu et Bouchard, 2019). Pour développer les compétences sociales et émotionnelles des enfants, l’enseignant doit donc les avoir développées lui-même. Faute de consensus sur une définition précise des compétences sociales et émotionnelles, nous proposons qu’elles touchent l’expression, la compréhension et la régulation de ses émotions et de celles des autres (Denham et Brown, 2010).
La promotion de ces compétences auprès des enfants peut prévenir l’apparition des difficultés liées à la santé mentale et les interventions concernant le développement de celles-ci sont efficaces dès la maternelle (Durlak et coll., 2011). En effet, la petite enfance représente une période où les enfants acquièrent les habiletés de base reliées aux émotions et ces dernières sont déterminantes pour leur adaptation sociale et scolaire future (Fredriksen et Rhodes, 2004).
Comme en témoigne une enseignante interrogée dans notre étude, pour développer les compétences sociales et émotionnelles des enfants et ainsi favoriser leur bienêtre, il importe d’avoir une relation de qualité avec eux et de connaitre avant tout le développement des enfants de leur âge. L’enseignante affirme qu’à 5-6 ans, les enfants n’ont pas tous les mots pour dire ce dont ils ont besoin et que ce sont des petites boules d’émotions : « On met la technicienne en éducation spécialisée là-dessus et c’est beau. On met un plaster, mais ça saigne toujours en dessous ». Elle ajoute que l’enseignant ou l’enseignante doit être conscient.e que c’est un être humain que l’on accueille.
Les compétences sociales et émotionnelles reposent effectivement sur la conscience de soi. En tant qu’adulte qui intervient auprès de l’enfant, il convient de considérer que nos réactions, nos paroles, nos gestes ont beaucoup d’impact sur les situations émotionnelles futures que vivra l’enfant. Il importe aussi de se questionner sur nos compétences sociales et émotionnelles en tant qu’intervenants et intervenantes, plus précisément quant à notre propre vocabulaire émotionnel. Comme en témoigne une autre enseignante, nos interventions face à des situations émotionnelles vécues chez les enfants peuvent grandement influencer leur bienêtre. Elle trouve que la sécurité émotionnelle, c’est-à-dire le bienêtre des enfants, se sentir respecté et accepté par le personnel enseignant est tout aussi important que la sécurité physique. Elle ajoute qu’il importe que l’enfant puisse être accompagné par quelqu’un de fort, qui est à sa place, qui se sent bien et efficace pour accueillir tout ce qu’il est émotivement.
On constate que les enfants de la maternelle n’ont pas nécessairement acquis le vocabulaire émotionnel qui leur permettrait d’exprimer ce qu’ils désirent ou ressentent. Verbaliser ses émotions n’est pas quelque chose qui apparait spontanément chez les enfants. Il s’avère important de leur donner les outils pour mieux communiquer leurs émotions. Un enfant apprendra alors à utiliser des mots associés à ses états affectifs (Coutu et Bouchard, 2019), ce qui contribuera à son bienêtre. De plus, il ne s’agit pas uniquement de recevoir l’expression émotionnelle, mais il faut aussi y répondre. Rimé (2009) soutient alors l’importance du réconfort non verbal (p.ex. poser la main sur le bras, s’en rapprocher physiquement). Il y a donc lieu de se questionner sur la place de l’affectif dans cette relation avec les tout-petits sachant qu’en période de la COVID, des enseignants interrogés dans notre étude rapportaient ne pas pouvoir « toucher » aux enfants, même pour les consoler. Sachant que les enfants ont pu présenter pendant la pandémie des difficultés psychologiques comme la peur d’être infectés ou même la tristesse de ne pas être en contact avec leurs amis ou leur enseignant ou enseignante (Wang et coll., 2020), il convient plus que jamais de se rappeler de l’importance de les accompagner en leur apprenant à nommer leurs émotions (Carignan et coll., 2020).
C’est par le questionnement des adultes entourant les enfants qu’il sera possible d’amorcer un échange avec eux (Grossenbacher et Riva, 2018). Ainsi, l’enseignant ou l’enseignante doit leur faire reconnaitre leurs propres émotions, ce qui est à la base des apprentissages socio-émotionnels. Puis, au fur et à mesure de leur développement, ce partage se fera plus spontanément. Il y aurait donc un apprentissage autour de la verbalisation des émotions et ces apprentissages se font par le soutien des adultes et les relations qui entourent l’enfant (Grossenbacher et Riva, 2018). Outre la qualité de la relation et le soutien de l’adulte, quels moyens peuvent alors être concrètement mis en place pour contribuer au développement des compétences sociales et émotionnelles des tout-petits?
Voici quelques pistes d’intervention pour développer les compétences sociales et émotionnelles des enfants du préscolaire tout en contribuant à leur bienêtre.
Les enseignants et enseignantes interrogés se disent préoccupés par la sécurité émotionnelle des tout-petits pour qui une relation de qualité est essentielle à leur développement. Ils reconnaissent d’ailleurs que leurs propres compétences sociales et émotionnelles s’avèrent essentielles pour contribuer non seulement au bienêtre des enfants, mais aussi à leur propre bienêtre. Dans le cadre de nos recherches actuelles, nous constatons qu’il existe peu de programmes de formation qui se concentrent sur le développement des compétences sociales et émotionnelles des futurs enseignants et même des enseignants en exercice. Nous avons ici présenté des besoins plus spécifiques au développement de ces compétences pour mieux outiller le personnel enseignant, mais également les personnes qui interviennent dans le cadre de la formation initiale ou même continue. Le personnel enseignant doit reconnaitre ses propres forces et défis par rapport aux situations émotionnelles qui pourraient se vivre dans la classe. Un enseignant ou une enseignante qui ne se connait pas émotionnellement de l’intérieur peut manquer de vigilance quant à son propre comportement (Latry, 2004). Reprenant les propos de Lacourse et Leroux (2016), il convient de se rappeler qu’un enfant de 4 ou 5 ans ne veut pas déplaire, mais il ou elle cherche peut-être plutôt à répondre à un besoin.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2021
April, J. et Charron, A. (2013). L’activité psychomotrice au préscolaire : des activités nécessaires pour soutenir le développement global de l’enfant. Chenelière Éducation.
Carignan, I., Beaudry, M-C. et Cohene, K. (2020). L’enseignement-apprentissage à la maison en période de pandémie en mettant sa casquette de maman-enseignante-chercheure : un défi de taille. Formation et profession, 28(4 hors-série), 1-11.
Coutu, S. et Bouchard, C. (2019). Apprendre à gérer ses émotions, à s’affirmer et à se faire des amis. Dans C. Bouchard, Le développement global de l’enfant de la naissance à 6 ans en contextes éducatifs (2e édition, p. 297-336). Québec : Presses de l’Université du Québec.
Denham, S. A., Bassett, H. H. et Wyatt, T. (2007). The Socialization of Emotional Competence. Dans J. E. Grusec et P. D. Hastings (dir.), Handbook of socialization: Theory and research (p. 614-637). New York : The Guilford Press.
Denham, S. A. et Brown, C. A. (2010). Plays nice with others: Social-emotional learning and academic success. Early Education and Development, 21, 652-680.
Durlak, J. A., Weissberg, R. P., Dymnicki, A. B., Taylor, R. D. et Schellinger, K. B. (2011). The impact of enhancing students’ social and emotional learning: A meta-analysis of school-based universal interventions. Child Development, 82(1), 405-432.
Fredriksen, K. et Rhodes, J. (2004). The role of teacher relationships in the lives of students. New directions for youth development, 103, 45-54.
Grossenbacher, A.-L. et Riva, N. (2018). Comment les émotions sont-elles prises en compte en milieu scolaire : de la théorie des émotions à leur application sur le terrain. Étude comparative de trois enseignants expérimentés et trois enseignants débutants. (Mémoire inédit). Université de Lausanne.
Lacourse, F. et Leroux, J. (2016). La gestion de la classe à l’éducation préscolaire. Dans C. Raby et A. Charron, Intervenir au préscolaire. Pour favoriser le développement global de l’enfant (2e édition, p. 209-220). Anjou : Les Éditions CEC.
Latry, F. (2004). Les enseignants ont aussi des émotions. Paris : Economica.
Minichiello, F. (2017). Compétences socio-émotionnelles: recherches et initiatives. Revue internationale d’éducation de Sèvres, 12-15.
Rimé, B. (2009). Le partage social des émotions. Presses universitaires de France.
Wang, G., Zhang, Y., Zhao, J., Zhang, J. et F., Jiang. (2020). Mitigate the effects of home confinement on children during the COVID-19 outbreak. The Lancet, 395, 945-947.
Longtemps perçue au Québec comme « la voie de la dernière chance » pour les élèves en difficulté, la formation professionnelle du secondaire, qui mène à la pratique d’un métier spécialisé, bénéficie aujourd’hui – et fort heureusement! – d’un regard plus positif. Selon de récentes études, une majorité d’apprenants et d’apprenantes qui évoluent au sein des différents programmes d’études de la formation professionnelle ne s’y retrouve pas à défaut de meilleures options de formation ou par manque de capacités à poursuivre des études plus avancées (Beaucher et Breton, 2020), mais dans bien des cas, parce que ce programme constitue, tout naturellement, la voie d’accès privilégiée au métier qu’ils rêvent d’exercer.
Néanmoins, et c’est tout aussi vrai pour l’ensemble des autres secteurs de formation, les parcours scolaires des élèves du professionnel ne se vivent pas toujours sans heurt et il arrive que la motivation, la persévérance et les processus d’apprentissage soient mis à rude épreuve. Une situation financière précaire, des obligations parentales rendant plus difficile la réalisation d’études, une problématique de santé physique ou mentale ou une faible estime de ses capacités de réussir sont autant de facteurs reconnus comme des freins potentiels à la réussite et au bienêtre de ces élèves. La pandémie de COVID-19 aura malheureusement exacerbé plusieurs de ces défis vécus par les élèves de la formation professionnelle aux plans social, motivationnel et psychologique, en plus d’affecter la qualité de la formation qui, souvent, pouvait difficilement s’offrir dans une modalité d’enseignement à distance ou en respectant les mesures sanitaires imposées par la santé publique.
Le contexte postpandémique actuel devrait ainsi inciter les centres de formation professionnelle (CFP) à réfléchir aux moyens de favoriser le bienêtre de leurs élèves durement éprouvés durant les derniers mois. Car bien que les freins potentiels à la réussite et au bienêtre nommés précédemment semblent à première vue relever davantage de la sphère personnelle que scolaire, il serait toutefois regrettable de sous-évaluer l’influence du rôle joué par l’école et ses différents acteurs (personnel enseignant, professionnels, membres de l’administration scolaire, etc.) sur le bienêtre des élèves. En effet, l’école constitue un lieu de première importance dans la vie de ces derniers : espace déterminant au plan des processus de socialisation, jeunes et moins jeunes y développent leurs croyances personnelles et y façonnent une pluralité de buts éducatifs et professionnels. Sans surprise, les expériences vécues dans le cadre des études professionnelles et les contacts avec les membres du personnel enseignant sont ainsi susceptibles de jouer un rôle considérable dans la qualité de vie globale et le développement personnel de l’individu.
Les recherches sur le bienêtre des élèves ont démontré le lien crucial entre le bienêtre et le sentiment de contrôlabilité ressenti par l’élève envers sa réussite. L’exemple qui suit en illustre les mécanismes : si une élève du programme de Secrétariat se sent complètement démunie et impuissante devant sa sixième tentative à réaliser un bilan financier avec le logiciel Excel, elle ressentira un niveau élevé de stress et aura tendance à se résigner, puis à abandonner la tâche sans tenter de mobiliser l’ensemble de ses compétences. Vécu de façon répétitive, ce sentiment de ne pas être en contrôle de sa réussite peut mener l’apprenant ou l’apprenante à ressentir des symptômes d’anxiété et de dépression qui influent ainsi sur sa santé physique et son bienêtre psychologique. Déjà, dans les années 70, une étude réalisée par Seligman illustrait bien ce phénomène de « résignation apprise ». Bien que cet exemple puisse sembler manquer de délicatesse pour décrire ce que vivent les élèves, il demeure toutefois utile de le détailler afin de comprendre le phénomène en question. Dans l’étude de Seligman, des chiens, emprisonnés dans une cage et sans possibilité de s’évader, reçoivent des chocs électriques. Si, lors des premières décharges, les pauvres animaux essaient de trouver une solution au problème et de s’échapper de la cage, au bout d’un certain temps, constatant qu’ils ne peuvent rien changer à leur sort, ils se résignent et finissent par se coucher et attendre passivement le prochain choc. Le plus surprenant, c’est qu’une fois libérés de leur cage, ces chiens continuent de démontrer la même passivité et ce, même s’ils ont en réalité la possibilité de fuir. Malheureusement, à l’instar de ces chiens, les élèves peuvent aussi apprendre à se résigner, au fil des difficultés et des échecs vécus, s’ils ont le sentiment de n’avoir que peu de maîtrise sur leur environnement. Lorsque c’est le cas, la motivation scolaire et le bienêtre s’en trouvent durement touchés et il est alors essentiel de leur démontrer qu’ils peuvent reprendre les rênes de leur réussite.
Le concept du sentiment d’efficacité personnelle (SEP), même s’il n’est pas nouveau, prend ici tout son sens. Contrairement au phénomène de résignation apprise, le SEP permet plutôt à l’élève de devenir un sujet actif de son développement et de s’engager pleinement et avec confiance dans ses apprentissages (Vianin, 2018). Défini par son créateur, l’illustre psychologue canadien Albert Bandura, comme l’ensemble des jugements et des croyances que possède un individu à propos de ses compétences, de ses ressources et de sa capacité à réaliser avec succès une tâche particulière, le SEP serait – rien de moins! – au fondement de la motivation, des accomplissements et du bienêtre de l’être humain (Bandura, 2019). En agissant sur l’autorégulation des processus cognitifs, de la motivation ainsi que des états émotionnels de l’élève, l’efficacité personnelle perçue contribue fortement à sa performance et ce, quelles que soient ses aptitudes réelles! Si nous reprenons l’exemple mentionné précédemment en lien avec le programme d’études de Secrétariat, cela voudrait donc dire que deux élèves possédant des aptitudes absolument identiques pourraient avoir un rendement de niveau très différent lors de la réalisation de leur bilan financier en fonction de leurs croyances d’efficacité respectives. Ainsi, ce qu’il faut comprendre de la théorie du SEP de Bandura, c’est que pour réussir, il ne suffit donc pas d’être capable, mais encore faut-il se croire capable! L’élève qui se croit capable s’engagera plus activement dans son travail et aura tendance à persévérer face aux difficultés plutôt que de baisser les bras, augmentant par le fait même ses chances de réussite.
Le rôle des croyances d’efficacité du personnel enseignant dans la construction du SEP des élèves et de leur bienêtre.
S’il est important de cultiver des croyances d’efficacité positives chez les élèves afin de favoriser leur réussite et de promouvoir leur bienêtre, il est tout aussi important d’assurer un fort SEP chez le personnel enseignant puisque ce qui est vrai pour l’élève l’est aussi pour celui ou celle qui l’accompagne! L’enseignant ou l’enseignante qui se croit capable s’engagera plus activement dans son travail et aura moins tendance à se résigner devant les défis rencontrés, augmentant ainsi ses chances de succès dans le cadre de ses différentes fonctions professionnelles.
C’est au cours des années 80 qu’un vif intérêt est développé pour le « sentiment d’efficacité du personnel enseignant » définit par Gibson et Dembo (1984) comme la croyance que possède un enseignant ou une enseignante en sa capacité d’influencer les apprentissages de ses élèves. Lorsque l’élève qui se croit capable est en plus accompagné d’une personne qui, elle aussi, se croit capable de le guider vers la réussite, le pouvoir du SEP s’en trouve alors décuplé, laissant présager un scénario des plus encourageants!
Fort de plusieurs décennies de recherche, le SEP du personnel enseignant a été maintes fois lié à la qualité des pratiques pédagogiques et des interventions en gestion de classe. En outre, l’enseignant ou l’enseignante ayant un SEP élevé s’avère plus susceptible d’adopter des pratiques novatrices et efficaces en cohérence avec les besoins de ses protégés. Certaines recherches ont même pu établir un lien entre de fortes croyances d’efficacité chez le personnel enseignant, la réussite des élèves dans certaines matières scolaires ainsi que leur motivation.
À la lumière de ce qui vient d’être énoncé, il n’est pas surprenant de constater que les croyances d’efficacité des enseignants et des enseignantes ont une incidence sur le bienêtre des élèves. En effet, si un fort SEP leur permet d’exploiter leurs ressources efficacement et de les mettre au service des élèves, il influence également positivement la perception qu’ils se font de leur compétence et de leur savoir-être. Cela contribue à favoriser un climat de classe favorable donnant lieu à des interactions positives et significatives, assurant ainsi le bienêtre, autant chez la personne enseignante que chez l’élève (Galand et Vanlede, 2004). En résumé, un SEP élevé chez le personnel enseignant favorisera l’utilisation de stratégies pédagogiques pertinentes et appropriées qui elles, auront un effet sur le SEP et par conséquent, sur la réussite et le bienêtre des élèves qui, à leur tour, viendront alimenter les croyances d’efficacité de l’enseignant ou l’enseignante, accroitre son bienêtre et ainsi de suite, laissant deviner une sorte d’engrenage circulaire qu’il importe de garder en mouvement!
En raison des liens considérables qui unissent le SEP du personnel enseignant et celui des élèves, il est crucial de se demander, en tant qu’enseignant et enseignante, de quelles façons il est possible de nourrir ces fameuses croyances d’efficacité. À ce sujet, une étude menée auprès de 22 nouveaux enseignants et enseignantes de la formation professionnelle nous donne des pistes de réponse. À partir de leur témoignage, quatre catégories de stratégies leur servant à maintenir et à développer leur SEP ont pu être identifiées. Peut-être sauront-elles inspirer et faire réfléchir les membres du personnel enseignant qui souhaitent accroitre leur SEP et ainsi, favoriser le bienêtre de leurs élèves!
Les élèves qui évoluent aux côtés d’enseignants et d’enseignantes qui savent tirer profit du soutien et de l’expertise des différentes personnes qui les entourent se sentiront davantage épaulés et bénéficieront potentiellement d’un enseignement de meilleure qualité. Voici les principales stratégies de mobilisation de ressources relevées par les enseignantes et les enseignants consultés :
• Solliciter le soutien de ses pairs afin de bénéficier de leurs conseils et de leurs rétroactions par rapport à divers aspects de ses pratiques enseignantes
• Procéder à l’observation de l’enseignement de collègues expérimentés
• Faire appel aux différentes personnes-ressources de son CFP (conseiller pédagogique, orthopédagogue, travailleur social, etc.)
• Mobiliser son réseau professionnel de métier afin de bénéficier du soutien ponctuel de « spécialistes de terrain » pour des questions plus pointues (exemple : équipements spécifiques utilisés en industrie ou normes en vigueur dans les milieux de pratique)
Certaines des stratégies utilisées par le personnel enseignant consulté renvoient directement aux actions mises en place dans leur enseignement. Comme elles permettent d’optimiser le choix et l’effet des stratégies d’enseignement-apprentissage et favorisent la différenciation pédagogique, elles sont indubitablement au service du bienêtre de l’élève. Voici les trois stratégies principales notées par les participants et participantes :
• Bien planifier son enseignement afin d’anticiper les difficultés ou les imprévus, réfléchir à leurs solutions en amont de la période d’enseignement et assurer une bonne fluidité et continuité dans le processus d’enseignement-apprentissage
• Utiliser fréquemment l’évaluation formative pour valider l’efficacité des méthodes d’enseignement et d’apprentissage utilisées, obtenir des informations cruciales au sujet des besoins des élèves, orienter ses interventions futures et éviter les pertes de temps
• Instaurer et entretenir de bonnes relations avec les élèves afin de les connaitre, de comprendre leurs défis et de leur apporter l’aide et le soutien dont ils ont besoin
Dans le but de se sentir efficaces dans leur vie professionnelle, plusieurs enseignants s’efforcent d’adopter des attitudes ou des comportements associés au bienêtre. Voici quelques-unes des stratégies mentionnées par les personnes participantes à la recherche :
• Aborder ses tâches avec entrain et se centrer sur les aspects positifs de son travail, surtout dans les moments plus difficiles
• S’engager dans les tâches et la vie de son CFP afin de se sentir utile, valorisé et important (exemples : participation à des comités ou à des activités promotionnelles de son CFP
• Pratiquer un sport ou un loisir que l’on affectionne particulièrement afin de maintenir un niveau d’énergie adéquat pour enseigner et préserver un équilibre entre sa vie personnelle et professionnelle
Afin de se sentir efficaces, les enseignants et enseignantes de l’étude ont également fait part de l’importance d’assurer leur perfectionnement professionnel. Les stratégies qu’ils ont répertoriées touchent autant l’aspect pédagogique que disciplinaire du travail enseignant :
• Suivre des formations et s’autoformer afin de rester près du métier enseigné et de mettre à jour ses connaissances
• Faire partie de regroupements stratégiques comme être membre d’un conseil d’administration d’une entreprise ou d’une association de métier, ce qui permet de « garder un pied sur le terrain »
Ces stratégies offrent l’occasion au personnel enseignant de demeurer à l’affût des changements et des nouveautés associés à leur champ d’expertise. En plus de garantir une formation de qualité répondant aux besoins du marché du travail, le fait de demeurer relativement près de son ancien univers de travail permet de mettre plus facilement en contact des employeurs potentiels et des élèves finissants. En ce sens, nul doute que ces stratégies influencent le bienêtre des élèves!
Le bienêtre de l’élève est touché de près par le sentiment d’efficacité personnelle du personnel enseignant qui intervient auprès de lui. L’étude sur les croyances d’efficacité des nouveaux enseignants et enseignantes de la FP a permis de retenir quatre familles de stratégies utilisées par les enseignants du milieu de la formation professionnelle pour augmenter leur SEP. Précisons que ces stratégies peuvent servir plus largement à tout projet dans la communauté éducative s’intéressant au sentiment d’efficacité personnelle et peuvent inspirer tout particulièrement les enseignants et enseignantes à la recherche de moyens pour augmenter leur SEP et ce, quel que soit le niveau scolaire (primaire, secondaire, collégial, universitaire) dans lequel ils œuvrent. Mais peu importent les stratégies employées, gardons en tête que favoriser le développement du SEP du personnel enseignant aura des incidences non négligeables sur son bienêtre et sur celui des élèves.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2021
Bandura, A (2019). Auto-efficacité. Comment le sentiment d’efficacité personnelle influence notre qualité de vie (3e édition). De Boek Supérieur.
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Réguler ses émotions exige que l’on puisse les reconnaître et les nommer lorsqu’elles se manifestent (p. ex. la joie, l’excitation, la frustration, la colère), et que l’on comprenne leurs effets sur notre corps, nos pensées, notre comportement et nos expressions. Il nous faut aussi savoir ce qui nous amène à nous sentir ainsi et disposer de stratégies pour mieux composer avec elles. La recherche démontre que la régulation des émotions est une compétence qui peut être enseignée et se développer au fil de notre vie.
Il est important d’aider les apprenants à prendre conscience de leurs émotions et à les nommer. Vous pouvez par exemple les aider à reconnaître les émotions de personnages dans des livres et à les relier à leur expérience personnelle à l’aide de questions telles : « Comment se sent le personnage? Pourquoi se sent-il ainsi d’après toi? Que pourrait-il faire pour se sentir autrement? Et toi, que ferais-tu? »
Il est utile d’enseigner un large éventail de stratégies de régulation émotionnelle telles que la respiration consciente, la relaxation musculaire progressive, la pensée positive et la réévaluation positive (c.-à-d. recadrer une perspective négative à l’égard d’une chose pour la rendre positive). Commencez par enseigner des stratégies accessibles sur le coup (comme la respiration consciente) et que les élèves connaissent déjà. Expliquez en quoi consiste la stratégie, et pourquoi, comment et quand elle peut être utilisée.
Mettez les stratégies en pratique lorsque les élèves sont calmes plutôt que sous le coup d’une émotion. Lorsque les jeunes sont plus réactifs sur le plan émotionnel, il leur est difficile de penser de manière rationnelle. Dans une classe, cela peut vouloir dire d’intégrer chaque jour quelques minutes de pleine conscience durant l’heure du cercle ou de la réunion de classe. Cette pratique aide les élèves à se familiariser avec la stratégie et permet l’établissement de voies neurales qui rendront les stratégies plus accessibles au besoin.
Intégrez le soutien à la régulation émotionnelle au quotidien (p. ex., en cas de conflit, vous pouvez aider les apprenants à mettre en pratique les stratégies enseignées). Vous pourriez aussi fournir aux élèves des espaces où ils pourront se réfugier pour retrouver leur calme au besoin. Il est important pour les enfants et les adolescents de pouvoir choisir et d’utiliser les stratégies avec lesquelles ils se sentent à l’aise et qui répondront le mieux à leurs besoins.
Il est important d’être attentif à la façon dont nos comportements donnent des directives implicites et influencent le développement des compétences des élèves. Il pourrait être utile que les adultes décrivent certains des processus de régulation afin que les enfants puissent voir et entendre comment réguler les émotions. En situation difficile, il est aussi essentiel que les adultes utilisent eux-mêmes ces stratégies pour rester calmes afin d’aider les autres à réagir efficacement à la situation.
Les parents et le personnel enseignant jouent un rôle essentiel pour soutenir les élèves et leur enseigner les compétences et les stratégies nécessaires pour réguler leurs émotions. La recherche a démontré que lorsque les élèves sont en mesure de bien réguler leurs émotions, ils ont tendance à ressentir une amélioration de leur santé et de leur bienêtre, à faire preuve d’une plus grande résilience sur le plan affectif (c.-à-d. bien réagir aux situations stressantes), à avoir des interactions plus positives avec leurs camarades et à réussir mieux à l’école et à la maison.
*Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
Au cours des dernières années, l’apprentissage à l’extérieur a gagné en intérêt dans les milieux éducatifs, et ce, pour de multiples raisons. L’apprentissage à l’extérieur peut aider les élèves d’apprendre à apprécier positivement la nature et sa biodiversité dans des milieux de proximité avant de les sensibiliser à la gravité des problématiques environnementales (p. ex. la pollution, la déforestation). Ces lieux familiers représentent des environnements d’apprentissage riches que les enseignants peuvent utiliser pour appliquer le contenu d’apprentissage de manière concrète et donner un sens à ce qui est appris à l’école. On peut par exemple étudier la biodiversité en découvrant les espèces qui nous entourent, se servir des bâtiments pour mettre en pratique des concepts mathématiques ou identifier des problématiques dans sa communauté pour développer un projet.
Afin de bien planifier une activité à l’extérieur, il est essentiel de se fixer une intention pédagogique claire lors de chaque sortie (p. ex., amener les élèves à découvrir la diversité d’arthropodes qui vivent dans les milieux à proximité de l’école).
Pour s’assurer que les élèves savent quoi faire à l’extérieur, il est important de définir des attentes en fournissant des instructions claires, et/ou en modélisant les comportements attendus.
Respecter votre niveau de confort. Il est préférable de se fixer des défis plus courts les premières fois (p. ex., s’en tenir à une petite sortie de 15 minutes) et d’augmenter progressivement les éléments de nouveauté à chaque sortie.
Afin de maximiser l’impact des activités à l’extérieur, il est recommandé qu’elles soient intégrées de manière complémentaire avec les activités qui se déroulent à l’intérieur (p. ex., préparer un outil d’observation pour découvrir la diversité d’arthropodes et comparer les observations des élèves lors du retour en classe).
Bien que l’adoption de nouvelles pratiques éducatives demande une période d’adaptation, faites confiance à votre expérience, à votre capacité d’adaptation et à votre envie d’enseigner hors les murs.
Si l’enseignement à l’extérieur permet aux élèves de réaliser des apprentissages de manière différente, plusieurs autres bénéfices encouragent une telle pratique. Lorsque les environnements extérieurs naturels sont intégrés à l’enseignement et à l’apprentissage, cela peut favoriser le développement cognitif, social et physique des élèves. En particulier, la recherche montre que l’éducation en plein air diminue les comportements sédentaires et encourage les élèves à être plus actifs physiquement, améliore leur attention et motivation et réduit les niveaux de stress.
Et si…
Quelle année nous venons de vivre! Et si tout ce que nous vivons présentement était en train de nous préparer à dispenser l’éducation que nous espérons depuis si longtemps? À mon humble avis, dans l’optique d’un retour à la normale, nous sommes à une croisée des chemins déterminante. Quand on pense au niveau d’engagement des élèves, au taux de réussite ou à la quantité non négligeable d’élèves ayant un rythme d’apprentissage différent avant et pendant la pandémie, quand on pense à la santé mentale des adultes et des élèves présentement, je me dis qu’il serait sage de réfléchir et de repenser la place et le sens de l’éducation. Le sens. Que visons-nous en éducation? On a souvent l’impression que les élèves viennent à l’école pour entrer dans le moule, pour obéir, pour faire le travail ou pour performer. À certains moments de l’année, on peut aussi avoir l’impression que les élèves viennent à l’école pour regarder les adultes travailler. Il faut répondre aux exigences du système après tout. Et si le système était au service des êtres humains qui le fréquentent? Pour créer l’école de l’après-pandémie, il importe de réfléchir aux finalités de l’éducation. Et si la visée ultime du système était de propulser l’être?
Voici, selon mon expérience en tant qu’accompagnateur, cinq concepts importants et quelques questions de fond pour propulser le système d’éducation dans l’après-pandémie :
Il va sans dire qu’un système d’éducation de qualité nécessite un leadership d’impact. Pour moi, le leadership, c’est l’effet positif que nous avons sur notre devenir et sur le devenir des personnes autour de nous. Dans mon vécu, le point de départ en leadership, c’est l’intégrité. On ne peut pas exiger des autres ce qu’on n’exige pas de soi-même. Les gens apprennent davantage de nos actions que de nos paroles. Qu’avons-nous modelé jusqu’à présent depuis le début de la pandémie? De façon bien constructive, la question se pose parce que les adultes et les élèves autour de nous nous regardent et, depuis un an, ils apprennent comment agir et réagir en contexte de pandémie. Être modèle, ça ne veut pas dire essayer d’être quelqu’un d’autre. C’est être pleinement soi-même et vivre intentionnellement selon ses valeurs.
Quelles valeurs guideront nos actions au quotidien dans l’après-pandémie?
Dans Awaken The Giant Within, Tony Robbins affirme : « La qualité de votre vie reflète la qualité des questions que vous vous posez ». Habituellement en éducation, nous nous posons peu de questions, car nous « savons ». Dans la dernière année, nous avons eu une occasion en or d’être des modèles d’apprenants pour nos élèves. C’est probablement la chose la plus importante que nous ayons enseignée à nos élèves. Qu’est-ce qu’on fait quand on ne sait pas? Nous devons avoir l’humilité de reconnaître que nous ne savons pas tout. L’humilité favorise la remise en question et le travail d’équipe. Dans le doute, aurons-nous l’humilité de nous poser des questions comme :
Qu’est-ce qui nous échappe présentement?
Si la pandémie nous a appris une chose, c’est que nous sommes interdépendants. Ce n’est qu’ensemble que nous pouvons la combattre. Nos actions ont un impact sur la réalité des autres et sur l’environnement. Qui ne se rappelle pas avoir vu les images de Venise où nous pouvions voir le fond de l’eau après très peu de temps d’inactivité humaine. Comment cette situation se transfère-t-elle à l’éducation? Pour voir clair, il faut parfois prendre une pause pour réfléchir. Comment mes gestes ont-ils un effet sur les autres et sur notre environnement de travail? La transformation de l’éducation, ça commence par soi. Je dois donc prendre soin de moi, pour toi, pour nous. Et tu dois prendre soin de toi, pour moi, pour nous.
Comment allons-nous prendre soin de nous afin d’améliorer l’éducation?
En regardant le chemin parcouru jusqu’à maintenant, il est raisonnable d’affirmer que nous avons tous été déstabilisés par la pandémie. Mais quelle persévérance nous avons démontrée! Par exemple, certains disent qu’on a fait en quelques mois dix ans de progrès en matière d’intégration du numérique. D’autres affirment que la collaboration entre collègues n’a jamais été aussi présente. La pandémie nous aura permis de nous rallier autour de notre « pourquoi ». Parce que le « comment », lui, a changé. En effet, bon nombre de nos façons de faire ont été remises en question. Notre « pourquoi », quant à lui, donne son sens à tout ce que nous faisons et n’a jamais eu autant d’importance. Il est beaucoup plus facile de persévérer lorsque le « pourquoi » est clair.
Quel pourrait être notre « pourquoi » dans l’après-pandémie?
Le monde de l’éducation a changé de trajectoire en 2020. Des choses considérées comme immuables ont été les premières à bouger. Rappelons-nous, les épreuves ministérielles et les examens de fin d’année ont été annulés rapidement. Cette année, les systèmes éducatifs poursuivent dans la même veine. On diminue l’importance de la performance et on se donne le temps d’apprendre. On donne une place à la trajectoire. Comme dans la gestion de la pandémie, la courbe est plus importante que les données du jour. La trajectoire, la progression des élèves est plus importante que leurs résultats un jour donné. Est-ce ça innover? La pandémie nous ramène à l’essentiel, au processus : l’humain en devenir. Les humains ne sont pas faits pour être isolés et mesurés. En personne ou en ligne. Bref, on ne réduit pas les humains à leurs résultats. Pour devenir qui ils sont, pour réaliser leur potentiel, les humains ont besoin d’être placés dans des conditions favorables à leur épanouissement. L’innovation en éducation, nous le vivons, ce n’est pas une question d’outils ou de ressources. C’est une question de relations humaines, de processus et de pédagogie.
Dans l’école de l’après-pandémie, qu’est-ce qui change pour l’élève?
L’école de l’avant-pandémie n’existe plus. Or, nous en avons appris des choses au cours de la dernière année. Des choses que nous ne pouvons pas ignorer. En ce sens, j’aime bien cette citation de Platon : « On peut aisément pardonner à l’enfant qui a peur de l’obscurité; la vraie tragédie de la vie, c’est lorsque les hommes ont peur de la lumière ». Dans mon vécu en éducation, la peur nous prive du progrès beaucoup plus que les obstacles et les échecs.
Et si le retour à la normale signifiait un retour à l’humain?
N’ayons pas peur. Propulsons l’être.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
La réalité évoquée par les auteures de cet article est celle de leur milieu scolaire qui bénéficiait en mars 2020 de ressources tant numériques qu’humaines pour soutenir l’apprentissage et l’enseignement à distance1. Tout ce qui a été accompli pour répondre au contexte sanitaire a certes été favorisé par les moyens mis à disposition de tous, mais il serait malhonnête de laisser croire pour autant que cela s’est fait sans heurts ni résistances.
C’est une première pour les générations actuelles d’avoir dû affronter à une pandémie planétaire ayant eu autant d’effets sur tous les aspects de la société. En effet, du jour au lendemain, nous avons été emportés dans une histoire dont le déroulement et l’issue nous échappaient. Les décisions gouvernementales et les aléas des mesures sanitaires impliquant la fermeture abrupte des écoles ont entraîné la perturbation des repères quotidiens dans tous les milieux scolaires. Plusieurs enseignants nous ont d’ailleurs rapporté un grand sentiment d’impuissance et de perte d’efficacité professionnelle allant même, pour certains, jusqu’à une crise d’identité2. L’acte d’enseigner étant avant tout une affaire de relations, le passage à l’enseignement à distance a donc été pour beaucoup une profonde remise en question de la pertinence de leur rôle.
Le legs de la pandémie sur l’éducation nous préoccupe d’autant que le milieu de l’éducation était déjà fragilisé par un taux d’abandon de la profession inquiétant3 et par un important taux de décrochage des élèves4. À ces préoccupations s’ajoute un constat : depuis des années existent des initiatives visant à transformer l’École, mais elles n’ont pas trouvé d’écho assez fort pour inspirer massivement le changement dans le système scolaire. Quelle suite allons-nous donc donner à cet épisode? Parviendrons-nous à trouver un équilibre entre passé et présent malgré une vision encore floue du futur et l’immense fatigue qui affecte les milieux scolaires? Saurons-nous éviter une « renormalisation » scolaire qui nous ramènerait inévitablement à une position précaire? Saurons-nous tirer profit de ce qui sera, au bout du compte, une parenthèse dans la longue histoire de l’École, pour faire émerger des propositions de remplacement ou complémentaires?
À quoi fait-on référence quand on parle de normalité scolaire? À un lieu physique précis, celui de l’espace de la classe ou plus largement de l’établissement scolaire; à une organisation du temps très cadrée, celle du calendrier scolaire et de l’horaire de classe; à des formes d’enseignement où les interactions sont en présence, y compris l’évaluation. Quand certains rêvent d’un retour à la normale, c’est de cette époque dont ils sont nostalgiques. Deux raisons semblent expliquer cette attitude de résistance : premièrement, l’alternance distance-présence impliquant l’enseignement à distance à partir de l’automne 2020 n’a pas touché de la même manière tous les enseignants. Pour certains, il n’existait donc pas de besoin qui les incite à questionner ou à modifier leurs pratiques. Deuxièmement, d’autres ont considéré qu’il n’y avait pas assez de bénéfices à les changer au regard des difficultés rencontrées ou encore qu’ils se sentaient dépassés par l’ampleur de la tâche. Pourtant, malgré ces résistances, plusieurs ont accepté de voir la crise qu’ils traversaient comme une occasion de faire autrement et tout porte à croire que, pour eux, rien ne sera plus comme avant. En effet, les défis de l’enseignement à distance ont démontré la nécessité de scénariser la séquence d’apprentissage autour d’une intention pédagogique claire et de savoirs essentiels à prioriser en contexte, réflexe qui était loin d’être si naturel auparavant. De nouvelles approches et modalités d’interventions ont donc été expérimentées, ce qui a permis de constater souvent des effets positifs des changements apportés sur la réussite des élèves. À titre d’exemple, celui de la rétroaction : de nombreux enseignants s’entendent sur le fait que celle qu’ils donnent désormais à leurs élèves, optimisée par l’usage d’outils numériques (GoFormative, Wooclap, Nearpod, Flipgrid…), a gagné en efficacité et en utilité. En effet, d’une part, les outils numériques favorisent une rétroaction instantanée, ce qui permet d’agir rapidement auprès d’un élève ou d’un groupe. D’autre part, les élèves se sont montrés particulièrement réceptifs aux commentaires vocaux laissés par leurs enseignants car cela leur donnait l’impression de recevoir des conseils qu’ils auraient obtenus lors d’un dialogue un à un. Grâce à cette ouverture et à cette prise de risque de la part de certains enseignants, ils ont pu trouver des réponses concrètes à des situations problématiques, ce qui a eu pour conséquence un regain de confiance et d’estime de soi dans leur capacité d’innovation.
Aussi, ce que nous avons remarqué dans notre école, c’est que certains enseignants n’étaient pas forcément des experts en technologie. Cependant, ils ont su s’autoformer ou solliciter les ressources pour ajuster leurs pratiques5. Les initiatives inspirantes de ces enseignants6 suffiront-elles néanmoins pour provoquer le changement auprès de leurs collègues, et rêvons un peu… auprès des instances ministérielles? Localement, pour encourager l’innovation et la porter plus loin, nous recommandons que les directions scolaires tiennent compte des effets positifs du partage de pratiques entre pairs et de la collaboration pédagogique entre collègues. Elles devraient aussi mettre en place des structures qui les favorisent (mentorat, groupe d’entraide professionnelle, communauté d’apprentissage professionnelle, rencontre d’accompagnement pédagogique, etc.).
Dans les médias, nous entendons souvent parler des élèves qui ont cumulé des retards importants, qui ont perdu leur motivation ou qui ont développé des problèmes de santé mentale. Ces propos nous amènent à faire deux constats : d’une part, ces élèves n’étaient pas suffisamment outillés pour faire face à ce chamboulement des pratiques pédagogiques. D’autre part, a contrario, cette crise semble avoir eu des impacts positifs sur certains. Revenons à il y a plus de vingt ans au Québec : à cette époque, le milieu scolaire a vécu une profonde réforme des programmes qui s’est traduite par la mise en place d’un enseignement et d’une approche évaluative centrés sur le développement de compétences tant disciplinaires que transversales. Par ailleurs, depuis quelques années, nombre d’études internationales ont souligné la nécessité de développer des compétences qui permettraient aux élèves de faire face aux principaux défis de notre époque, compétences qui ont été identifiées comme celles du XXIe siècle. Ironie du sort, la crise actuelle a montré la nécessité absolue de développer ces compétences transversales, tant décriées et mises
de côtés il y a vingt ans. On a d’ailleurs constaté, par exemple, que les élèves qui avaient développé avant la pandémie leur capacité à résoudre des problèmes, leur pensée créative et leur autonomie, avaient un net avantage sur ceux qui n’avaient pas autant d’habiletés au niveau de l’organisation de leur travail. Durant cette pandémie, nos élèves auront certainement beaucoup appris, ayant été confrontés à des situations inconnues de leurs prédécesseurs. Il sera donc primordial que le réseau de l’éducation reconnaisse et promeuve la pertinence de ces compétences auprès de tous les intervenants scolaires, quitte à les actualiser au regard de ce qui a été vécu depuis un an. Il sera aussi essentiel qu’on les intègre dans le parcours de formation initiale et continue des enseignants parce qu’il ne suffira plus que ceux-ci en facilitent l’acquisition chez leurs élèves. Il faudra également qu’ils les possèdent eux-mêmes, d’où l’importance de soutenir les activités de développement professionnel sur une base continue et le déploiement de communautés d’apprentissage professionnelles sur une base locale.
Beaucoup d’initiatives ont été mises en place par les directions d’établissements scolaires et par le ministère de l’Éducation pour soutenir la formation des enseignants et pour rattraper les retards importants que certains élèves auraient subis dans leurs apprentissages. Voici ce que nous aimerions voir perdurer dans les prochaines années :
À quelques semaines de la fin de cette année scolaire très mouvementée, nous aimerions imaginer un dénouement positif qui évitera l’évaporation cognitive d’ici septembre 2021. Tout ce que nous avons gagné durant cette crise doit servir à transformer l’École pour qu’elle s’ancre enfin dans son époque. Antoine de Saint- Exupéry a écrit : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le coeur de tes hommes et femmes le désir de la mer. ». C’est notre plus grand souhait pour l’avenir.
1 Dans les faits, cela signifie qu’enseignants comme éléves disposaient d’outils numériques (tablettes ou ordinateurs portables, applications numériques et plateformes d’apprentissage, etc.) et que ces milieux disposaient également de ressources humaines (technopédagogues, conseillers pédagogiques ou autre personnel de soutien à la pédagogie) pour accompagner et aider à l’appropriation des outils et à la réflexion que leurs usages supposent.
2 Voir les recherches d’Albert Bandura sur le sentiment d’efficacité personnelle, notamment : Bandura, A., (trad. Jacques Lecomte), Autoefficacité : Le sentiment d’efficacité personnelle [« Self-efficacy »], Paris, De Boeck, 2007, 2e éd. (1re éd. 2003)
3 Pierre Canisius Kamanzi, Maurice Tardif et Claude Lessard (2013). Les enseignants canadiens à risque de décrochage : portrait général et comparaison entre les régions. Repéré à https://erudit.org/fr/revues/mee/2015-v38-n1-mee02527/1036551ar/
Réseau d’information pour la réussite éducative (2019). Pour quelles raisons les nouveaux enseignants d.crochent-ils? Repéré à http://rire.ctreq.qc.ca/2019/07/pour-quelles-raisons-les-nouveauxenseignants-decrochent-ils/
4 Réseau d’information pour la réussite éducative (2018). Quatre pistes d’action pour contrer le décrochage scolaire. Repéré à http://rire.ctreq.qc.ca/2018/06/quatre-pistes-daction-contrerdecrochage-scolaire/
5 Les enseignants ont pu recourir à des autoformations, notamment celles offertes et élaborées par la TELUQ, le Cadre21, l’École branchée et le RÉCIT.
6 Nous faisons allusion ici au concept d’empowerment individuel et collectif tel que William A. Ninacs l’a développé notamment dans Empowerment et intervention : Développement de la capacité d’agir et de la solidarité. Québec. Les presses de l’Université Laval.
7 Voir la d.marche et les outils déposés sur le site J’enseigne à distance, TELUQ, 2020. Voir aussi Précis d’ingénierie pédagogique de Manuel Musial et Andr. Tricot. Les auteurs proposent une théorie de l’ingénierie pédagogique en 3 actes : l’acte d’apprendre, l’acte d’enseigner et l’acte de concevoir un enseignement. Ils fournissent aussi de nombreux exemples pour soutenir sa mise en œuvre.
8 Voir le Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2016-2018, Évaluer pour que .a compte vraiment, Conseil Supérieur de l’Éducation, 2019. Voir aussi la présentation de l’atelier « Des outils pour évaluer différemment : comment le numérique peut-il être au service réel des apprentissages ? » animé par Laurie Bédard, Conseillère pédagogique au RECIT CSDA et Josée Portelance, Conseillère pédagogique en intégration du numérique au CSDA, à l’AQEP 2019. Repéré à https://bit.ly/aqep213_2019
9 Coéducation, Quelle place pour les parents ?, Revue de l’IFE, Lyon, 2015. Voir aussi l’accompagnement et les ressources propos.s en coéducation par le magazine « L’École branchée » : https://ecolebranchee.com/famille/
J’écris ce message dehors au nord du Nouveau-Brunswick près d’un petit feu de bois. La chaleur et le crépitement du feu, le gazouillis des mésanges, la beauté des arbres et la blancheur de la neige me ravissent. Je me dis que c’est trop de beauté d’un coup!
Devant cette riche nature qui m’enchante, je me mets à penser à nos élèves, souvent paradoxalement confinés (le mot de l’année!) à l’intérieur pour apprendre ce qui se passe dehors.
Deux questions me tiraillent : Je me demande si ces jeunes sauront, plus que ma génération, contribuer à la durabilité de notre précieux environnement. S’ils apprendront par exemple à donner autant à notre planète et à notre société qu’à leur en demander. Je me demande aussi si le personnel enseignant relèvera le défi d’intégrer dans son enseignement sur une base quotidienne les enjeux humanitaires et globaux, par exemple, la faim qui afflige une trop grande partie de la planète, un travail décent pour tous, l’égalité des sexes. À cet égard, les nombreux articles de ce numéro spécial sur les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies me donnent espoir. Notamment, le récipiendaire du Prix Pat-Clifford, Jean-Philippe Ayotte-Beaudet, qui décrit (p. 39) comment et pourquoi enseigner les sciences dehors, me redonne le gout de retourner sur les bancs d’école.
Marie Brodeur Gélinas et Geneviève-Gaël Vanasse (p. 36) décrivent les actions éducatives d’Oxfam-Québec dans leur démarche d’éducation à la citoyenneté mondiale. Les activités et ressources qu’elles proposent visent à valoriser les actions des jeunes et à leur permettre d’influencer les lieux de pouvoir. Alors que d’autres articles adoptent la perspective des programmes d’études et de l’incontournable travail d’équipe des professionnels, plusieurs textes rendent saillants les liens cruciaux entre les objectifs de développement durable, les programmes d’études et la vie de tous les jours.
En fait, ce numéro donne espoir que l’éducation prendra une part active au développement durable… de façon durable et que le dynamisme de nos jeunes, trop heureux de passer en mode action, fera toute la différence pour faire durer notre planète dans le temps.
Photo : gracieuseté de MCIC
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Étant donné la complexité sans cesse croissante du paysage financier (remboursement de dettes, hypothèque, marge de crédit, épargne-retraite), les enfants et les adolescents doivent posséder un vaste éventail de compétences et de connaissances pour prendre des décisions financières éclairées qui leur serviront toute leur vie. L’école est le lieu par excellence pour renforcer les compétences financières des élèves à l’aide entre autres de leçons pratiques. D’après les études, l’éducation financière semble améliorer la confiance financière et favoriser les comportements positifs, tels que l’épargne et les placements, qui permettent d’avoir le contrôle de ses finances et la liberté de faire des choix pour profiter de la vie.
Les compétences financières sont un sujet complexe, mais en l’abordant tôt avec les enfants, on peut les aider à comprendre la valeur de l’argent. On peut par exemple leur demander ce qu’ils achèteraient s’ils économisaient leur argent plutôt que de le dépenser en jouets ou en gâteries. Des expressions imagées du style « L’argent ne pousse pas dans les arbres, mais en le mettant à la banque il peut pousser comme un arbre » sont une bonne façon d’aborder l’argent avec les jeunes enfants.
L’apprentissage par la pratique et la rétroaction, surtout la rétroaction négative, donne de meilleurs résultats que l’apprentissage tiré d’un livre. Vous pouvez, par exemple, créer de fausses cartes de crédit ou un portefeuille de placements factice dont les élèves suivront l’évolution. Les parents peuvent aussi impliquer leurs enfants dans le suivi des dépenses et des comptes, ce qui peut leur donner de bonnes habitudes financières.
L’éducation financière peut facilement être intégrée à des matières déjà au programme comme les mathématiques et les sciences sociales. Les jeux vidéo et les applications peuvent rendre l’expérience plus interactive pour les jeunes et leur permettre d’apprendre comment prendre de bonnes décisions, de recevoir une rétroaction et de comprendre les conséquences de leurs choix (positifs et négatifs).
Les élèves devront sous peu prendre leurs propres décisions financières. Les deux dernières années du secondaire sont un bon moment pour aborder entre autres les cartes de débit, les comptes à payer, les dettes, le budget et l’épargne. C’est aussi le temps d’approfondir les discussions et d’aborder les tabous sociaux et culturels autour de l’argent qui nous empêchent souvent d’aborder le sujet (p. ex., les croyances selon lesquelles ces discussions nous rendent vulnérables et nous exposent au jugement). En encourageant l’ouverture, vous favorisez une meilleure confiance dans les décisions financières.
Le renforcement des connaissances financières chez les élèves est non seulement essentiel à la compréhension de leurs finances personnelles, mais aussi à leur futur rôle dans l’économie locale et mondiale en tant que consommateurs, employés et employeurs. Les enseignants et les parents ont un rôle important à jouer pour munir les élèves du savoir et des compétences nécessaires à la prise de saines décisions financières. L’établissement d’objectifs simples, adaptés à l’âge des enfants et axés sur la valeur de l’argent, l’importance d’un budget et de l’épargne ainsi que sur l’évaluation des conséquences des décisions financières, préparent les élèves à devenir des adultes confiants sur le plan financier.
Child and Youth Finance International: https://childfinanceinternational.org/
Financial Literacy in Canada: https://www.canada.ca/en/financial-consumer-agency/programs/financial-literacy.html
Global Financial Literacy Excellence Centre: https://gflec.org/
FuturFund: http://www.futurfund.org/
PlayMoolah: http://www.playmoolah.com/
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Sherraden, M.S., Johnson, L., Guo, B. et al. Financial Capability in Children: Effects of Participation in a School-Based Financial Education and Savings Program. J Fam Econ Iss 32, 385–399 (2011). https://doi.org/10.1007/s10834-010-9220-5
Soman, D (2017), Why financial Literacy should be taught in every school, The Conversation https://theconversation.com/why-financial-literacy-should-be-taught-in-every-school-88458
Te’eni-Harari, T. (2016), “Financial literacy among children: the role of involvement in saving money”, Young Consumers, Vol. 17 No. 2, pp. 197-208. https://doi.org/10.1108/YC-01-2016-00579
Le 1er janvier 2016 entraient en vigueur 17 objectifs de développement durable, aussi connus sous l’acronyme ODD – à la suite du sommet historique des Nations Unies tenu en septembre 2015, au cours duquel 193 gouvernements des quatre coins de la planète se sont entendus pour mettre en œuvre les ODD dans leur propre pays afin de concrétiser le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Dans le cadre de ces objectifs, les pays doivent déployer des efforts pour éradiquer toutes les formes de pauvreté, combattre les inégalités, s’attaquer aux changements climatiques, et ce, tout en veillant à ne laisser personne de côté. Pour atteindre ce défi d’envergure mondiale, tout le monde doit mettre l’épaule à la roue ici et dans le monde entier. Nous savons que ces objectifs mettent en lumière des enjeux qui touchent nos élèves, nos communautés et le monde entier; ils représentent de puissants vecteurs de mobilisation des élèves en classe sur les enjeux mondiaux.
La citoyenneté mondiale, selon laquelle les gestes que nous posons ici peuvent se répercuter partout dans le monde, est une leçon incontournable pour nos élèves. Sensibiliser les jeunes aux enjeux mondiaux et surtout les inciter à prendre action localement peut donner naissance à des projets emballants et éveiller leur conscience mondiale. Les élèves qui saisissent l’interconnexion « locale-mondiale » développent leur compréhension des enjeux planétaires et leur empathie pour le monde qui les entoure, tout en découvrant le pouvoir de l’action.
Le Conseil manitobain pour la coopération internationale (MCIC) a une longue expérience de la mobilisation étudiante. Il met sur pieds des ateliers en classe et des conférences étudiantes axés sur les enjeux mondiaux et la motivation à passer à l’action. Si vous cherchez des idées sur la façon d’enseigner les ODD à vos élèves, nous avons élaboré Fondations durables : Un Guide d’enseignement des objectifs de développement durable, une ressource offerte en anglais et en français pour les éducateurs qui comprend des fiches pédagogiques et des mesures requises pour chacun des ODD. Le guide contient des fiches pédagogiques pour les classes de la 2e à la 12e année, mais s’attarde plus particulièrement aux élèves à partir de la 5e année, dont le programme d’études s’intéresse davantage aux enjeux mondiaux.
Utilisant une approche de questionnement, chaque chapitre propose une vue d’ensemble d’un ODD, des objectifs d’apprentissage, un résumé des grandes cibles internationales et les façons de déterminer si on est sur la bonne voie pour atteindre les objectifs. Chaque chapitre soulève des questions en lien avec le curriculum, qui permettent d’approfondir de grandes questions, telles : Comment cela a-t-il commencé? Pourquoi ce problème est-il important? Qui et qu’est-ce qui est affecté? et enfin, Qu’est-ce qui se fait?
Le guide met en lumière l’interconnexion entre les objectifs, en prenant soin, par exemple, de souligner qu’on ne peut atteindre l’Objectif 1 : Pas de pauvreté, sans aussi réduire les inégalités (Objectif 10), garantir un travail décent et la croissance économique (Objectif 8), protéger la vie terrestre (Objectif 15) et bien d’autres. Comme les objectifs sont interreliés à plusieurs égards, les élèves constateront rapidement que l’atteinte d’un objectif est liée à un autre.
Chaque chapitre souligne également les conséquences de l’inaction, ce qui pourrait survenir si rien n’est fait pour concrétiser cet objectif. On y trouve d’ailleurs des questions de réflexion, des citations inspirantes, et bien plus encore. Les éducateurs apprécieront également les ressources proposées, les idées pour passer à l’action, les fiches pédagogiques, les activités et les vidéos éducatives à utiliser en classe.
Comment pouvez-vous, par exemple, aborder l’Objectif 1 : Pas de pauvreté avec vos élèves? Si vous enseignez à des élèves de la 5e à la 8e année, envisagez la leçon Réflexion sur les inégalités dans le monde tirée du site La plus grande leçon du monde et illustrée dans le guide. Cette leçon porte sur les différents types d’inégalités et aide les élèves à examiner les répercussions des inégalités sur la société et l’économie en général. Vous commencerez par remettre aux élèves une quantité inégale d’un objet (bonbons, autocollants, etc.), puis engagerez la discussion autour des thèmes de l’équité et de l’égalité.
Le MCIC a aussi créé des leçons à utiliser en classe qu’il est possible de télécharger de son site Web à mcic.ca. Les élèves de la 5e année et plus, par exemple, trouveront utile la leçon Bâtir une bonne vie. Ils y apprennent à classer par ordre décroissant d’importance les articles essentiels pour mener une bonne vie. Cette leçon lance une discussion sur la pauvreté et sur ce qu’on entend par une bonne qualité de vie. Les élèves exploreront la pauvreté comme un « manque de possibilités » plutôt qu’un « manque de besoins fondamentaux ». Définir la pauvreté de cette façon permet aux élèves d’apprécier la complexité de la question et privilégie l’empathie au lieu du jugement.
Répartis en équipes, les élèves déterminent les éléments (dont l’accès à la nourriture, à la télé, à un téléphone cellulaire, à un toit, à des jouets, aux soins de santé, etc.) les plus et les moins importants pour se bâtir une bonne vie. Vous pouvez donner aux élèves des étiquettes qu’ils placeront sur les blocs pour construire des structures. Vous pouvez aussi imprimer une liste d’éléments et découper chacun en carré pour que les élèves puissent les classer par ordre d’importance sur leur pupitre ou à la maison.
Cette leçon a aussi eu beaucoup de succès auprès des élèves du secondaire. Nous recommandons d’ailleurs de leur accorder plus de temps pour discuter des opinions divergentes et répondre aux questions de débreffage. De bonnes discussions peuvent être engagées à n’importe quel âge, selon la perspective des élèves sur les éléments de la liste. L’exercice comporte plusieurs questions incitatives ou de discussion; vous pouvez par exemple demander si tout le monde a besoin des mêmes choses pour bien vivre et utiliser cette question pour élargir la conversation et intégrer des perspectives mondiales. Avons-nous besoin des mêmes choses dans tous les pays? Servez-vous des réponses des élèves et des différences dans leurs listes d’éléments essentiels pour orienter la conversation sur les besoins fondamentaux et le manque de possibilités dans le monde.
Une autre leçon du MCIC, intitulée Briser le cycle, fait appel à des perspectives plus globales et s’adresse aux élèves de la 5e à la 8e année. Les élèves y apprennent que la pauvreté ne découle pas uniquement de choix personnels, qu’elle est aussi tributaire des systèmes sociétaux. Les élèves, divisés en petits groupes, visitent quatre stations installées dans la classe et prennent des décisions concernant la santé et l’environnement d’après des situations issues du monde entier. Ils doivent décider comment utiliser leurs ressources pour assurer leur survie. Abordant les thèmes de la pauvreté et du cycle de la pauvreté, les barrières associées à la pauvreté et le manque d’accès aux soins de santé et à l’éducation, cette leçon sensibilise les élèves aux difficultés de certaines personnes et amorce une discussion sur les inégalités dans le monde.
S’ouvrir aux enjeux mondiaux est un bon point de départ, mais c’est dans l’action que naît la passion et que l’on constate les véritables effets de nos gestes. Les élèves qui entreprennent d’apporter des changements dans leur communauté deviennent des citoyens du monde engagés et réalisent à quel point leurs gestes peuvent changer la donne.
Pour encourager les jeunes à passer à l’action, servez-vous des Questions de réflexion et d’action indiquées dans chaque chapitre ou encore des idées proposées en introduction au début du guide. Les élèves pourraient, par exemple, être encouragés à soutenir un organisme local en menant une campagne de financement ou encore en écrivant à leurs élus municipaux à propos des enjeux qui leur tiennent à cœur. Explorez des sites comme dosomething.org pour choisir un enjeu d’importance pour vos élèves et leur permettre de trouver des moyens de s’impliquer pour faire changer les choses. Vous pouvez aussi consulter le blogue du MCIC et prendre note des gestes que certains ont posés ou encore entrer en contact avec un organisme de coopération internationale qui œuvre à l’étranger. Vous trouverez des exemples de ces organismes et de leurs activités dans la section Études de cas de chacun des chapitres du guide. Vous pouvez aussi communiquer avec le MCIC ou un autre conseil de coopération internationale dans votre région.
Nous organisons des conférences étudiantes au cours desquelles nous partageons des ressources pédagogiques et encourageons les éducateurs à nous faire part des actions de leurs élèves concernant les enjeux qui touchent la planète. D’ailleurs, au cours d’une conférence sur les ODD tenue dans une région rurale du Manitoba, nous avons eu connaissance d’un projet emballant qu’une école avait mis en œuvre dans sa localité.
Avec l’aide de leurs enseignants, des jeunes de 13 à 15 ans ont créé la « semaine des ODD » au cours de laquelle ils abordaient chaque jour un objectif différent avec leurs camarades. Par exemple, pour la journée consacrée à l’objectif 2 : Faim « zéro », ils ont fait cuire des muffins et les ont distribués à toute l’école. Ils ont organisé des assemblées, fait circuler de l’information, invité le MCIC à animer des ateliers et créé des affiches. Un jour, ils ont planté des arbres fruitiers sur le terrain de l’école dans le but d’atteindre plusieurs objectifs (faim zéro, changement climatique, vie terrestre et bien plus). Les projets étant différents chaque jour, il était intéressant pour les élèves de partager avec leurs camarades ce qu’ils avaient appris en classe et ce qu’ils faisaient pour s’attaquer à chaque objectif. De notre côté, nous avons pu constater leurs acquis sur les ODD et leur façon de passer à l’action tout en échangeant avec leurs camarades.
EN TANT QU’ÉDUCATEURS, vous savez que vous avez le pouvoir de transformer la compréhension du monde qu’ont vos élèves. Vous leur enseignez déjà le caractère universel des ODD et des enjeux auxquels nous faisons tous face. Nous vous encourageons à leur montrer comment devenir de bons citoyens qui posent des gestes pour rendre le monde meilleur. Les élèves qui comprennent qu’ils ont le pouvoir de réduire les inégalités dans le monde et de créer un avenir plus durable sont capables de transposer leur savoir en gestes concrets, afin que le monde devienne plus équitable pour tous.
Cet article est traduit de la version originale anglaise. Certaines ressources sont également disponibles en français; veuillez consulter les sites Web.
Le MCIC offre de nombreuses ressources pédagogiques gratuites que vous trouverez sur le site mcic.ca :
Visitez également le site La plus grande leçon du monde, dans lequel vous trouverez des plans de leçon et d’autres ressources pédagogiques que vous pouvez consulter par type de ressource, groupe d’âge et durée.
Photos : gracieuseté de MCIC
Les changements globaux ainsi que la perte de biodiversité représentent d’importants défis contemporains. C’est en ce sens que le 15e objectif de développement durable fixé par l’Organisation des Nations Unies en 2015 pour l’horizon 2030 vise à :
« préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité. »
Dans son rapport de 2020, l’Organisation des Nations Unies (p. 55) constate que « malgré quelques progrès, le monde n’atteindra pas les cibles de 2020 pour stopper la perte de biodiversité. »
Afin de faire connaitre les enjeux d’importance pour l’humanité, les programmes d’études introduisent généralement ces thématiques auprès des élèves du primaire et du secondaire. On leur présente en bas âge les grandes problématiques mondiales (p. ex. pollution, déforestation, extinction) ainsi que leurs conséquences sur les êtres vivants de la planète. Mais l’école ne devrait-elle pas d’abord permettre aux jeunes de découvrir les êtres vivants qui habitent et partagent les écosystèmes qu’ils fréquentent?
Les espaces extérieurs à proximité des écoles représentent de riches environnements d’apprentissage, car la vie y est toujours présente, en ville comme en milieu rural. Chaque milieu est habité par une diversité d’arthropodes, de végétaux, d’oiseaux ou de petits mammifères.
Ces milieux permettent aux enfants dès leur plus jeune âge de développer des qualités scientifiques comme la curiosité, l’observation et l’expérimentation (Ayotte-Beaudet, 2020a). On peut par exemple vouloir en apprendre davantage sur les plantes que plusieurs qualifient souvent de mauvaises herbes. Sur un trottoir près de l’école, on peut demander aux élèves d’entourer à la craie des herbes qui poussent spontanément et ajouter leur nom à côté afin de renseigner les passants (www.sciencesdehors.com).
Les lieux de proximité hors du terrain de l’école permettent aussi de comprendre les phénomènes naturels là où ils se produisent (Ayotte-Beaudet, 2020b). Les élèves peuvent adopter un arbre afin d’en faire des observations systématiques tout au long de l’année scolaire. Les jeunes peuvent alors établir les mécanismes d’adaptation et de survie de leur arbre tout en découvrant la variété d’organismes vivants qui entrent en interaction avec cet arbre (p. ex., le lichen et les oiseaux). Ce type de suivi permet de développer un sentiment d’appartenance à l’égard de l’arbre étudié.
À l’extérieur, les élèves peuvent également mener des activités de terrain à la manière des scientifiques. La participation à des projets de sciences citoyennes représente une occasion pour les milieux de l’éducation, car ces projets offrent un cadre d’observation déjà défini ainsi que des connaissances sur certaines espèces locales (Secours et coll., 2020). On peut penser au programme d’observation des oiseaux d’eBird ou aux programmes de surveillances des écosystèmes d’AttentionNature.
Les résultats d’une récente recherche devraient nous faire réfléchir sur la manière d’enseigner la biodiversité à l’école. L’étude en question avait pour objectif de mieux comprendre l’impact d’un enseignement contextualisé dans un écosystème à proximité de l’école, soit l’apprentissage des relations entre les espèces (Ayotte-Beaudet et coll., à paraitre). Les participants, des élèves du primaire (10-12 ans), devaient prendre part à un projet de sciences citoyennes développé pour les milieux scolaires (www.chenilles-espionnes.com) visant à mieux comprendre les effets des changements globaux sur les écosystèmes urbains. Lors des interventions pédagogiques, les concepteurs de la recherche avaient décidé de parler positivement de la nature, sans jamais évoquer de problèmes environnementaux. Or, durant les entretiens qui ont eu lieu à la fin du projet, plusieurs jeunes ont manifesté le désir de protéger les êtres vivants sans que la question ait été explicitement abordée. Autrement dit, avoir découvert la nature in situ et n’en avoir parlé que positivement a suffi pour sensibiliser les jeunes aux êtres vivants qui les entourent.
Si vous n’avez pas l’habitude d’animer des cours sur la biodiversité à l’extérieur, la première chose à faire est probablement de réfléchir à vos motivations et de vous fixer une intention pédagogique claire pour la première sortie. Cela vous permettra d’orienter la planification de vos activités d’enseignement et d’apprentissage et de convaincre les parents et la direction du bien-fondé de votre démarche.
Les premières fois, il est préférable de sortir pour une courte période afin que vos élèves et vous puissiez vous familiariser avec ce nouvel environnement pédagogique (www.sciencesdehors.com). La recherche nous apprend également qu’il est important de bien préparer les jeunes à leurs sorties, de les mettre en action et de leur donner la possibilité de faire des choix (Ayotte-Beaudet et Potvin, 2020; Ayotte-Beaudet, Potvin et Riopel, 2019). Surtout, misez sur la curiosité des jeunes et faites-leur confiance. Et, si vous êtes une direction d’établissement, faites à votre tour confiance à votre personnel enseignant et laissez-lui la chance d’expérimenter!
Alors que les programmes d’études de niveau primaire mettent souvent l’accent sur la gravité des problèmes environnementaux, chaque personne actrice de l’éducation a le devoir de réfléchir aux meilleurs moyens de sensibiliser les enfants à la biodiversité. À partir de quel âge pouvons-nous en toute conscience faire véritablement porter aux jeunes générations le poids des problèmes dont elles héritent? Avant de leur demander de préserver et de restaurer les écosystèmes terrestres, nous avons à mon avis le devoir de leur apprendre à apprécier la diversité de la vie dans les écosystèmes qui les entourent.
Photos, gracieuseté de Jean-Philipe Ayotte-Beaudet
Lisez les autres articles de ce numéro
Ayotte-Beaudet, J.-P. (2020a). Éveiller aux sciences de la nature à ciel ouvert. Revue préscolaire, 58(4), 36-38. http://aepqkiosk.milibris.com/reader/9d1311ef-ccbb-4df1-af16-ebc7f44582ae?origin=%2Frevue-prescolaire%2Frevue-prescolaire%2Fn584-2020
Ayotte-Beaudet, J.-P. (2020b). Regarder dehors pour apprendre et enseigner les sciences. Vivre le primaire, 33(3), 38-40. https://aqep.org/wp-content/uploads/2020/09/D-Regarder-dehors-pour-apprendre.pdf?fbclid=IwAR248QqdERwurwv755FVeGYMItC61bYxQ9GOjs4hbwxSiUN_-fT45NxlV8k
Ayotte-Beaudet, J.-P., Chastenay, P., Beaudry, M.-C., L’Heureux, K., Giamellaro, M., Smith, J., Desjarlais, E. et Paquette, A. (2021, à paraitre). Exploring the impacts of contextualised outdoor science education on learning: The case of primary school students learning about ecosystem relationships. Journal of Biological Education.
Ayotte-Beaudet, J.-P. et Potvin, P. (2020). Factors related to students’ perception of learning during outdoor science lessons in schools’ immediate surroundings. International Journal of Environmental and Science Education, 16(2), 1-13. https://doi.org/10.29333/ijese/7815
Ayotte-Beaudet, J.-P., Potvin, P. et Riopel, M. (2019). Factors related to middle-school students’ situational interest in science in outdoor lessons in their schools’ immediate surroundings. International Journal of Environmental & Science Education, 14(1), 13-32. http://www.ijese.net/makale/2100.html
Chenilles-espionnes (https://www.chenilles-espionnes.com) est un site Web dédié à un projet de sciences citoyennes développé par un partenariat entre Les Clubs 4-H du Québec, l’Université du Québec à Montréal et l’Université de Sherbrooke.
Des sciences dehors (https://www.sciencesdehors.com) est un site Web québécois de partage développé par et pour les personnes qui sont intéressées et passionnées par l’apprentissage et l’enseignement des sciences de la nature.
Organisation des Nations Unies. (2020). Rapport sur les objectifs de développement durable 2020. ONU. https://unstats.un.org/sdgs/report/2020/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2020_French.pdf
Secours, É., Paquette, A., Ayotte-Beaudet, J.-P., Gignac, A. et Castagneyrol, B. (2020). Chenilles-espionnes, un projet de sciences citoyennes pour sensibiliser les jeunes à la biodiversité. Spectre, 50(1), 27-31. https://fr.calameo.com/aestq/read/00518148392339471f721
Nous avons devant nous une occasion unique d’inspirer et de mobiliser nos élèves afin qu’ils s’attaquent aux enjeux les plus préoccupants du monde actuel, tels que les définissent les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Les ODD fournissent aux pédagogues un canevas exceptionnel pour l’intégration dans leurs programmes d’études des enjeux planétaires nécessitant une expertise et des solutions collectives. Dans cet article, je partage mon expérience de l’intégration des ODD dans l’un de mes cours pour aider les élèves à réaliser leur mission de vie et leur objectif de carrière. Bien que l’exemple que je donne ait été utilisé dans un contexte postsecondaire comme cadre de référence à la formation au cheminement de carrière, mon intention est de vous inciter à réfléchir à la manière dont vous pourriez incorporer une approche similaire pour aider vos élèves de la maternelle au secondaire V (douzième année) à s’imprégner de ces sujets essentiels et à les relier à leurs propres aspirations professionnelles.
Je donne un cours de transition postuniversitaire à l’Université Fraser Valley et à l’Université polytechnique Kwantlen, en Colombie-Britannique. Ce cours vise principalement à bien préparer les étudiants à poursuivre leur parcours professionnel après l’obtention de leur diplôme d’études postsecondaires. J’ai choisi d’utiliser les ODD comme cadre de référence pour aider mes étudiants à réfléchir à trois questions ambitieuses qui peuvent évoquer des valeurs personnelles et leur sens du devoir :
Plutôt que de consacrer un unique cours magistral à toutes ces questions, j’ai choisi de les intégrer à degrés divers dans des missions et des activités échelonnées tout au long de l’année. J’ai notamment choisi de les structurer sous forme de « devoirs renouvelables » en mesure d’apporter une plus-value et d’avoir un impact au-delà du cours, par opposition aux « devoirs jetables » que les étudiants mettent de côté une fois terminés.
L’effet a été immédiat; le contenu les a captivés et ils se sont plongés dans leurs devoirs et activités. Comme l’a fait remarquer une étudiante :
« Ce cours [et les composantes des ODD] m’a permis de me concentrer davantage sur mon rêve d’être plus qu’une enseignante… de faire en sorte que les enfants reçoivent plus qu’une éducation de qualité… [qu’ils] ne soient pas privés de nourriture, [qu’ils] aient accès à de l’eau potable, [qu’ils] soient en bonne santé (mentalement, physiquement et émotionnellement), [qu’ils] soient égaux et qu’ils acquièrent les compétences nécessaires pour s’épanouir dans leur communauté. »
De nombreux étudiants se sont par ailleurs retrouvés dans le commentaire de l’une de leurs camarades sur l’introduction des ODD dans le système de la maternelle au secondaire V :
« J’ai trouvé surprenant que les ODD… (ou leurs prédécesseurs, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) n’aient pas été introduits plus tôt dans mon cursus, voire même lorsque j’étais à l’école primaire et secondaire! Les connaître plus tôt m’aurait aidée à mieux rapprocher ce que je veux apprendre des façons d’aider ma communauté. »
Je suis d’accord avec cette étudiante pour dire qu’il est possible et nécessaire d’aborder les ODD à un plus jeune âge. J’ai décrit ci-dessous trois devoirs qui ont particulièrement plu à mes étudiants, ainsi que des idées pour les adapter à l’environnement de la maternelle au secondaire V :
Recherche professionnelle
Dans le cours, il est proposé aux étudiants de rechercher des informations sur le marché du travail en lien avec leurs aspirations professionnelles, au moyen de moteurs de recherche comme la Classification nationale des professions du gouvernement du Canada (à l’échelon national) et le WorkBC’s Labour Market Information Office (à l’échelon provincial). Quelles sont les compétences, les études et l’expérience requises pour accéder à cette profession? Quelles pourraient être leurs perspectives de carrière aux niveaux national et provincial? Après avoir effectué cette recherche, les étudiants sont invités à déterminer lesquels des 17 ODD leur profession ou spécialisation pourrait cibler et de quelle façon elle pourrait le faire.
Pertinence pour les élèves de la maternelle au secondaire V : Ce devoir et les activités associées sont probablement adaptés aux élèves de la fin du secondaire, car ils les aident à développer leurs compétences en matière de recherche et leur esprit critique. Les étudiants peuvent également profiter de l’occasion pour découvrir différents types de travail— tant en ce qui a trait aux emplois rémunérés qu’au bénévolat ou autres services non rémunérés—qui appuient directement un ou plusieurs ODD ou qui ont des liens avec ceux-ci et, ce faisant, comprennent davantage à quel point les professions peuvent être diverses et variées.
Entretiens d’information
Dans le cadre du projet d’entretiens d’information, les étudiants s’entretiennent avec trois personnes qui, selon eux, peuvent leur donner un aperçu du type de travail qu’ils envisagent. Ils réfléchissent ensuite à ces conversations. L’une des questions intégrées au projet les invite à la réflexion en leur demandant d’une part d’examiner les thèmes communs qui sont ressortis de leurs conversations, et d’autre part de déterminer comment, à leurs yeux, ces thèmes et ces personnes sont porteurs de perspectives nouvelles sur les ODD.
Pertinence pour les élèves de la maternelle au secondaire V : Il est possible d’adapter ce devoir à un niveau scolaire bien précis : les enseignants peuvent fournir une liste de questions à poser aux élèves les plus jeunes et autonomiser les élèves les plus âgés en les encourageant à générer leurs propres questions. Ce travail peut être comparable à une activité professionnelle dans le cadre de laquelle les enseignants invitent des conférenciers à venir en classe pour parler de leur profession, ce qui donne lieu à un entretien d’information de groupe où tous les élèves peuvent poser des questions. Un élève intéressé par le métier d’électricien peut ainsi interviewer une électricienne et apprendre qu’elle soutient, explicitement ou sans s’en douter, le 11e ODD : Villes et communautés durables, en s’approvisionnant localement et en utilisant des matériaux locaux sur ses chantiers, ainsi que le 5e ODD : Égalité entre les sexes, par son travail de défense des intérêts des femmes au sein de son association professionnelle. Si un lien évident n’est pas immédiatement établi, l’élève et le professionnel peuvent engager une conversation sur la manière dont une personne travaillant dans la profession pourrait éventuellement aligner son travail sur l’un des ODD. Une possibilité d’enseignement à double sens voit alors le jour, où l’élève peut à son tour éduquer le professionnel sur les ODD.
Lettre de mission
Les étudiants rédigent leur lettre de mission et l’ajoutent à leur portfolio électronique. Lors du processus de rédaction, ils se posent les questions suivantes : Quel travail souhaitent-ils accomplir? Pour qui effectuent-ils ce travail? Et dans quelle mesure les ODD sont-ils davantage susceptibles d’être atteints grâce à leur travail? La dernière question leur permet encore une fois de s’inspirer des ODD, de discuter de l’objectif suprême et de mettre ce dernier en parallèle avec leur profession et leur travail idéaux.
Pertinence pour les élèves de la maternelle au secondaire V : Les enseignants peuvent adapter la portée de ce projet en fonction du niveau scolaire des élèves afin qu’ils identifient ce qu’ils peuvent faire dans leur propre vie pour aider à faire progresser un ou plusieurs des ODD; une sorte de charte. Ce projet peut également s’aligner sur un projet de recherche sur la manière dont on peut avoir un impact spécifique dans sa communauté locale (école ou quartier).
Les ODD peuvent servir de cadre de référence pour la formation au cheminement de carrière. À terme, les élèves génèrent ainsi des idées sur les professions qu’ils aimeraient exercer. L’utilisation des ODD des Nations unies comme cadre de référence les aide à élargir leurs aspirations professionnelles actuelles en leur posant la question suivante : « À quel des ODD pensez-vous pouvoir contribuer en travaillant dans le secteur de votre choix, et comment? » Ce faisant, ils peuvent inscrire leurs aspirations professionnelles dans le cadre d’un but plus large, lequel peut également être un facteur de motivation pour la réalisation des devoirs et lors de l’évaluation des options au-delà du secondaire. En outre, les ODD peuvent aider les élèves qui ne sont pas sûrs de leurs objectifs professionnels à répondre à la question suivante : « Quelle est la cause qui me passionne et comment puis-je contribuer à cette cause, que ce soit par le biais d’un travail rémunéré ou du bénévolat? »
J’aimerais donner quelques conseils aux pédagogues qui souhaitent intégrer les ODD dans leur programme d’études afin d’améliorer le cheminement de carrière de leurs élèves :
Dans le cas de mes étudiants, la réponse a été très positive. Des étudiants et des diplômés m’ont dit qu’ils intégraient les ODD dans leurs demandes d’emploi et d’études supérieures, et qu’ils les mentionnaient même lors des entretiens d’embauche et d’admission.
Cette citation d’une étudiante révèle l’impact apparemment déterminant qu’a eu l’intégration des ODD dans mon programme d’études :
« Une chose que j’ai apprise sur moi-même par rapport aux ODD des Nations Unies est qu’il n’est pas facile d’atteindre ces objectifs tout de suite, et que cela prend du temps… La façon dont je traite les autres et les actions que j’entreprends reposent toujours sur la paix et la justice, car tout le monde devrait être traité de la même façon et devrait pouvoir avoir droit à une deuxième chance pour apprendre de ses erreurs. »
Photo: Adobe Stock
Lisez les autres articles de ce numéro
Commission canadienne pour l’UNESCO (2020). Trousse pour les enseignant.e.s : Réseau des écoles de l’UNESCO au Canada. UNESCO.
https://fr.ccunesco.ca/-/media/Files/Unesco/Resources/2020/04/TrousseEnseignantsEcolesUNESCO.pdf
Saskatchewan Council for International Cooperation (2021). Online global citizenship education resources.
www.saskcic.org/education_resources_collection