Le Québec, comme le reste du Canada, vit actuellement une pénurie d’enseignants sans précédent, et selon le Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ, 2021), notamment, plusieurs facteurs contribuent à la faire perdurer : les départs à la retraite; le décrochage précoce des enseignants; la hausse des effectifs scolaires; le manque d’attrait des programmes de formation initiale à l’enseignement.
De plus, les mesures sanitaires mises en place dans les écoles pour lutter contre la Covid-19 n’ont fait qu’amplifier ce phénomène en faisant exploser les besoins en matière de suppléance. Ainsi, pour faire face à la pénurie du personnel enseignant, les centres de services scolaires (CSS) ont dû recruter de plus en plus d’enseignants non légalement qualifiés, c’est-à-dire ne détenant pas de brevet d’enseignement, de permis probatoire ou d’autorisation provisoire d’enseigner (Sirois et Niyubahwe, 2022). Parmi ces personnes non brevetées, on compte les étudiants en formation initiale qui sont actuellement sollicités, dans les deux premières années de formation, pour faire de la suppléance et obtenir des contrats de remplacement dans les écoles. En effet, selon le Règlement sur les autorisations d’enseigner du ministère de l’Éducation du Québec, une autorisation provisoire d’enseigner est délivrée aux étudiants qui ont terminé la deuxième année du baccalauréat en enseignement ou qui ont commencé la maîtrise en enseignement ou le baccalauréat en enseignement professionnel.
Si les recherches sur les enseignants débutants ayant une formation de quatre ans montrent que les novices vivent difficilement la transition entre la formation initiale et l’entrée dans la profession (Dufour, Portelance et coll. 2018), qu’en est-il de ces étudiants appelés à intervenir dès le début de leur formation? En effet, les jeunes enseignants font face à de nombreuses difficultés d’insertion dont :
Notons que le sentiment d’incompétence est surtout lié à la gestion de classe et aux difficultés d’apprentissage et à l’évaluation des apprentissages (Niyubahwe, Sirois et Bergeron, soumis). Face à cette problématique, plusieurs écrits remettent en question la qualité de la formation initiale des enseignants qui ne les prépare pas suffisamment aux différentes réalités du métier d’enseignant (Dufour et coll., 2018). Selon Fournier et Marzouk (2008, p.36), « les programmes sont peu explicites à propos de la place accordée au développement personnel, à la construction de l’identité professionnelle et à la préparation à l’insertion dans la profession. »
Ce texte présente les résultats d’une recherche collaborative portant sur l’attraction, le recrutement et la rétention des enseignants et futurs enseignants en Abitibi-Témiscamingue et au Nord-du-Québec1. Plus particulièrement, il porte sur les données concernant la préparation à l’insertion professionnelle. Étant donné que les étudiants sont appelés à travailler dans les écoles durant leur formation, des difficultés vécues au cours de la formation ou lors du travail dans le milieu scolaire peuvent avoir comme conséquence la remise en question de la poursuite de leur formation, voire l’abandon de la profession.
Certains acteurs du milieu scolaire et universitaire interrogés suggèrent que la formation initiale (à l’exception des stages) ne prépare pas suffisamment les futurs enseignants aux réalités du métier. L’analyse des données fait ressortir cinq principaux constats : écart entre théorie et pratique; déficience en gestion de classe; connaissance insuffisante des élèves avec handicap ou difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA); planification et évaluation des apprentissages à consolider; retard en technopédagogie et importance des stages.
Écart entre théorie et pratique : les répondants relèvent un écart important entre ce qui est enseigné à l’université et la réelle pratique enseignante. Bien qu’ils reconnaissent que plusieurs cours sont intéressants, ils les trouvent trop théoriques. Le baccalauréat en enseignement favoriserait le développement d’habiletés intellectuelles au détriment des compétences professionnelles. Selon un participant du milieu universitaire : « On donne une formation, on est sur notre ligne, et le monde scolaire est sur une autre ligne… ». Ce que corrobore le témoignage d’une enseignante : « … parce que là, on voit une réalité qui ne nous a pas été dite dans le bac. Ils nous apprennent à jouer du violon dans le bac! » Malheureusement, les universités n’ont pas toujours l’agilité nécessaire pour adapter rapidement la formation aux réalités et aux besoins des milieux scolaires, notamment en raison des règles qui balisent la structure et les contenus des programmes de formation des enseignants.
Gestion de classe déficiente : la majorité des répondants soulignent que l’enseignement de la gestion de classe est lacunaire. Ils déplorent que les nouveaux enseignants arrivent avec très peu d’outils pour gérer une classe. Le témoignage d’une direction d’école est éloquent : « …on a eu un stagiaire 42…je ne doutais pas de ses capacités, mais en gestion de classe, c’était vraiment difficile ». Un professionnel d’un CSS renchérit : « …au niveau de la gestion de classe, les jeunes enseignants sont déstabilisés, désarmés complètement ». Selon plusieurs répondants, le sentiment d’incompétence en gestion de classe serait source d’abandon professionnel.
Connaissance insuffisante des EHDAA : Les classes intègrent les élèves ayant des handicaps ou des difficultés d’adaptation et d’apprentissage. Or, les participants soulignent que l’université ne prépare pas adéquatement les étudiants à faire face à la réalité des EHDAA : « …les gens nous arrivent…on dirait qu’ils ne sont pas assez formés en adaptation scolaire », souligne un professionnel. Une direction d’école indique que « [l]a théorie ne prépare pas à vivre avec les élèves EHDAA; les étudiants ont besoin de voir c’est quoi un programme adapté ». Un professionnel suggère qu’« on devrait revoir quelques cours qui toucheraient les élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage ».
Difficultés à planifier et à évaluer les apprentissages : selon les répondants, les jeunes enseignants manquent de compétences en planification et évaluation des apprentissages. Cette lacune est si inquiétante que les CSS doivent organiser des formations dès l’entrée en fonction des nouveaux enseignants : « Actuellement, c’est nos conseillers pédagogiques qui vont pallier en planification; on aurait besoin que les étudiants travaillent la progression des apprentissages, qu’ils la connaissent sur le bout des doigts ».
Retard en technopédagogie : comme la plupart des classes sont équipées de tablettes électroniques et de tableaux blancs interactifs (TBI), il s’avère pertinent que les futurs enseignants soient initiés à leur usage dès le début de leur formation. Or, la majorité des participants déplore que trop peu de cours les préparent à l’usage de ces outils : « …l’utilisation d’outils technologiques comme le TBI… je ne suis pas sûre que les étudiants sont préparés… », selon une direction d’école. Ceci est d’ailleurs confirmé par le témoignage d’un enseignant décrocheur : « Dans le milieu scolaire, il y a un TBI, mais toi, tu n’as jamais utilisé un TBI à l’université. »
Eu égard aux différentes lacunes, il est suggéré à l’université de réviser en profondeur les contenus de cours, et cela, en collaboration avec les CSS (les districts ou les conseils scolaires) afin de répondre aux besoins de formation.
Importance des stages : plusieurs personnes interrogées suggèrent que les stages préparent mieux les étudiants à leur insertion professionnelle. Le pairage entre un étudiant et un enseignant associé serait l’élément déterminant du succès du stage. Toutefois, une lacune a été soulevée par une direction quant aux habiletés d’accompagnement de certains enseignants associés : « il y a des enseignants qui ne sont pas adéquats pour accompagner une stagiaire… ». Une étudiante souligne d’ailleurs que certains abandonnent leur stage en raison de conflits entre eux et leurs enseignants associés. D’autres abandonnent après leur premier stage lorsqu’ils se rendent compte que leurs attentes ne correspondent pas à la réalité du métier. D’ailleurs, les étudiants participants pensent qu’un système de mentorat par les pairs, dès la première année, par des étudiants-mentors plus avancés, leur permettrait de les soutenir et de les maintenir dans la formation (Sirois et al, soumis).
Selon Leroux et coll., « [u]ne meilleure préparation à cette transition vers l’insertion professionnelle nécessiterait des actions concrètes, voire conjointes, visant explicitement une intégration harmonieuse des futurs enseignants». C’est dans ce cadre que plusieurs actions concertées entre l’UQAT, les CSS et le syndicat des enseignants de l’Ungava et de l’Abitibi-Témiscamingue (SEUAT) ont été mises en place dans le but de mieux préparer l’insertion professionnelle des futurs enseignants.
Pour faire face à la pénurie d’enseignants dans les différents CSS de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec, mais aussi pour répondre aux besoins exprimés par les participants à la recherche, l’UQAT a adapté certaines modalités de formation. Pour favoriser la conciliation études-suppléances en milieu scolaire, aucun cours n’est programmé les vendredis afin de permettre aux étudiants de faire la suppléance dans les écoles. De plus, en concertation avec les CSS, l’UQAT offre un baccalauréat et des certificats en accompagnement à l’enseignement primaire et secondaire à temps partiel pour faciliter la conciliation études-travail-famille des enseignants non légalement qualifiés qui veulent développer des compétences en enseignement.
Des journées de préparation à l’insertion professionnelle sont également organisées par les professeurs impliqués dans ce partenariat en collaboration avec les représentants des milieux scolaires et du syndicat. Lors de ces journées, où les directions des ressources humaines et les représentants du syndicat sont présents, les étudiants de la 1re à la 4e année sont informés sur l’état de la recherche concernant la préparation à l’insertion professionnelle, le rôle et la place du syndicat de l’enseignement, les règles d’embauche et d’octroi des contrats et les mesures de soutien à l’insertion professionnelle disponibles dans les six CSS concernés. Un comité de travail chargé d’accompagner les futurs enseignants et suppléants a été créé afin de développer un guide et une démarche d’accompagnement pour ces derniers.
Afin de rester branchée aux réalités du milieu scolaire, l’UQAT a mis et prévoit mettre en place dans toutes ses didacthèques3 un environnement numérique adapté à l’enseignement. L’environnement numérique comprend entre autres des tableaux numériques interactifs (TNI), une visioconférence Zoom, une connectivité sans fil, des tablettes numériques et de la robotique pédagogique. Le corps professoral en éducation est formé pour tirer profit de l’usage pédagogique de cet environnement numérique. Les étudiants sont donc mieux préparés à l’usage du numérique en éducation, ce qui contribue à réduire l’anxiété et le stress liés à son usage et à faciliter la panification pédagogique.
Développée par des chercheurs de différentes universités québécoises, dont une professeure de l’UQAT, la plateforme TrEnsforma (Transition des enseignants en formation) offre gratuitement différents moyens pour un meilleur arrimage entre la théorie et la pratique, mais aussi pour accompagner et soutenir de futurs et nouveaux diplômés de tous les secteurs de l’éducation. Ainsi, les étudiants peuvent bénéficier d’un système de mentorat en ligne, ce qui est novateur. De plus, la plateforme met à la disposition des étudiants une bibliothèque virtuelle comprenant plusieurs ouvrages et ressources audiovisuelles utiles à leur formation et des activités de codéveloppement et communautés de pratique en ligne.
Comme l’indiquent Papazian-Zohrabian et Mamprin (2020, p.19) : « En contexte de pandémie, avec les changements associés à la pratique [enseignante], les adaptations peuvent sembler trop importantes pour certains et nuire à leur volonté de s’engager au travail. » D’où l’importance d’accompagner les étudiants dès le début de leur formation, et cela, en partenariat avec les milieux scolaires et les syndicats de l’enseignement. Un bon partenariat « se présente comme une action conjointe, négociée et visant l’atteinte d’un même objectif : la préparation des apprentis enseignants à l’exercice de la profession enseignante » (Leroux et Portelance, 2018, p.253). C’est ce que font présentement l’UQAT et ses partenaires pour l’accompagnement et le bien-être de futurs enseignants en formation, ce qui ne pourra qu›être bénéfique pour les étudiants amenés à intervenir en classe de manière précoce dans le contexte actuel de pénurie d’enseignants.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2022
Conseil supérieur de l’éducation (2021). Projet de règlement modifiant le Règlement sur les autorisations d’enseigner. Avis au ministre de l’Éducation. https:// cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2021/10/50-0548-AR-autorisation-denseigner.pdf
Dufour, F., Portelance, L., Pellerin, G. et Boisvert, G. (2018). Préparer les futurs enseignants à leur insertion professionnelle. Dans, F. Dufour, L. Portelance, C. Van Nieuwenhoven et I. Vivegnis (dir.), Préparer à l’insertion professionnelle pendant la formation initiale en enseignement (p.32-47). Québec : Presses de l’Université du Québec.
Fournier, J. et Marzouk, A. (2008). Regards des formateurs universitaires sur la préparation à l’insertion professionnelle en formation initiale. Dans L. Portelance, J. Mukamurera, S. Martineau et C. Gervais (dir.), L’insertion dans le milieu scolaire : Une phase cruciale du développement professionnel de l’enseignant (p.49-72). Québec, Québec : Presses de l’Université Laval.
Leroux, M. et Portelance, L. (2018). Les initiatives du milieu scolaire et du milieu universitaire pour favoriser la préparation à la transition vers l’insertion dans la profession enseignante. Vers une alternance intégrative? Dans P. Chaubet, M. Leroux, C. Masson, C. Gervais et A. Malo (dir.), Apprendre et enseigner en contexte d’alternance. Vers la définition d’un noyau conceptuel (p.247-276). Québec : Presses de l’Université du Québec.
Ministère de l’Éducation du Québec (2021). Rapport d’évaluation des articles 46, 48, 50 et 65 du Règlement sur les autorisations d’enseigner. http://education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/recherche_evaluation/Rapport_AE.pdf
Ministère de l’Éducation. (2020). Prévisions de l’effectif scolaire à l’éducation préscolaire, à l’enseignement primaire et secondaire, par commission scolaire et pour l’ensemble du Québec. http://education.gouv.qc.ca/references/indicateurs-et-statistiques/previsions/effectif-scolaire-a-leducation-prescolaire-au-primaire-et-au-secondaire/analyse-des-tendances-demographiques/
Mukamurera, J., Tardif, M., Niyubahwe, A. et Lakhal, S. (2020). L’implantation de programmes d’insertion professionnelle dans l’enseignement : qu’en pensent les enseignants débutants ? Recherche en éducation, 42, 81-99.
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Mukamurera, J., Bourque, J. et Gingras, C. (2008). Portraits et défis de l’insertion dans l’enseignement au Québec pour les nouvelles générations d’enseignants. Dans L. Portelance, J. Mukamurera, S. Martineau et C. Gervais (dir.), L’insertion dans le milieu scolaire : Une phase cruciale du développement professionnel de l’enseignant (p.49-72). Québec, Québec : Presses de l’Université Laval.
Niyubahwe, A; Sirois, G; Bergeron, R. (soumis). Les conditions d’insertion professionnelle des enseignants en Abitibi-Témiscamingue et au Nord-du-Québec et les mesures de soutien dont ils bénéficient en début de carrière. Formation et profession.
Papazian-Zohrabian, G. et Mamprin, C. (2020). L’École en temps de pandémie : Favoriser le bien-être des élèves et des enseignants. Un guide du personnel scolaire. Rapport. Facultés des sciences de l’éducation, Université de Montréal.
Sirois, G., Niyubahwe, A. et Bergeron, R. (soumis). Attirer et retenir les futurs enseignants dans les programmes de formation initiale : le cas de deux régions éloignées du Québec. Revue Éducation et Francophonie.
Sirois, G., Semevo, K. S. et Dembélé, D. (2022, 5 mai). Pénuries d’enseignant.e.s et de suppléant.e.s: un état des lieux dans 34 centres de services scolaires du Québec. Communication présentée dans le cadre du 9e Colloque international en éducation du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), Montréal, Canada.
Sirois, G. et Niyubahwe, A. (2022). Enseignants non légalement qualifiés dans nos écoles : au-delà des inquiétudes, quelles solutions ? La conversation Canada. https://theconversation.com/enseignants-non-legalement-qualifies-dans-nos-ecoles-au-dela-des-inquietudes-quelles-solutions-172591
1 Cette recherche a été réalisée dans le cadre des travaux menés par le Groupe régional d’acteurs pour la valorisation des enseignants (GRAVE), qui unit l’UQAT, les 6 CSS de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec et le syndicat de l’enseignement de l’Ungava et de l’Abitibi-Témiscamingue (SEUAT). Pour en savoir plus : https://www.grave-atnq.ca
2 Un stagiaire en fin de parcours universitaire.
3 Des laboratoires pédagogiques.
L’intérêt et les travaux de recherche sur les usages des technologies numériques en éducation ne sont pas nouveaux. Dès la fin des années 1990, un corpus suffisamment solide existait déjà pour que les sciences de l’apprentissage en reconnaissent les apports pour l’apprentissage. Par exemple, en 2000, Bransford, Brown et Cocking parlaient déjà des technologies comme moteur pour guider et améliorer l’apprentissage d’une manière que jamais personne ne l’aurait imaginé à peine quelques années auparavant.
Le passage forcé à l’enseignement à distance (E.D.), au printemps 2020, a attisé nombre de défis relativement aux activités d’enseignement-apprentissage (E-A) avec le numérique. Au Québec comme ailleurs, l’accessibilité au réseau et au matériel informatique (Resta, Laferrière, McLaughlin et Kouraogo, 2018), la variabilité dans le développement professionnel offert aux personnes enseignantes, tant sur les outils technologiques que sur les modalités d’E.D. (Thomas et Knezek, 2008), les conditions organisationnelles, ainsi que la disponibilité de moyens permettant de répondre aux besoins particuliers de certains élèves étaient déjà différenciées, pour ne pas dire inégales. Ces défis, avec lesquels les acteurs du système éducatif devaient déjà composer, ont été amplifiés par la conjoncture sanitaire.
L’étude des pratiques enseignantes exige la considération des particularités des contextes sur lesquels on pose intimement les yeux. Les perspectives socio-historico-culturelles, qui se sont développées depuis une centaine d’années, entre autres sous l’impulsion de l’éminent psychologue russe Lev Vygotsky, sont riches d’enseignement. Il s’agit de faire preuve de sensibilité, à l’instar de l’ethnographe qui cherche à comprendre en quoi la constitution même d’un lieu, d’une communauté, etc. peut influencer ce qui s’y passe, ce qui en découle… Les données recueillies sur un terrain de recherche ont donc un caractère situé que l’on a besoin de comprendre pour pouvoir en dégager des résultats qui ont un sens. Un regard historique, c’est-à-dire la considération d’éléments ou d’événements qui ont eu lieu antérieurement à la collecte, peut être nécessaire pour dégager des constats qui tiennent la route.
Ce texte propose une incursion dans une démarche d’investigation d’enseignants de mathématiques qui ont vécu l’E.D en 2020 et 2021. Notre intention est de contribuer à la réflexion sur la pertinence, sinon la nécessité d’étudier les contextes éducatifs dans leur ensemble et leur dynamique, plutôt que leur faire une analyse réductrice, au nom de certains desiderata.
Dans une étude réalisée en juin 2020 (Tremblay et Delobbe, 2021), nous relations que 44,6 % des 307 répondants enseignant les mathématiques au primaire et au secondaire jugeaient leur niveau d’aisance à recourir aux technologies comme moyen à nul avant ce passage forcé à l’E.D. Bien que la majorité reconnaisse avoir augmenté ce niveau à la fin juin, le recours aux technologies demeure parmi leurs principaux enjeux, auxquels s’ajoutent l’accessibilité aux ressources technologiques pour tous les élèves, l’orchestration d’un enseignement qui favorise la participation des élèves, ainsi qu’un questionnement sur le développement d’une compréhension en profondeur. Des recherches (p. ex., Hoyles et Noss, 2009; Jackiw et Sinclair, 2009) qui se sont intéressées à l’intégration d’outils technologiques (p. ex., environnement de géométrie dynamique, simulateurs) expliquent comment leur usage transforme l’activité d’E-A usuelle, donc la nature même des savoirs qui sont en jeu. La formulation de problèmes (p. ex., vidéo ou fichier dynamique), les stratégies de résolution et même les possibilités pour l’enseignant de rendre compte de l’évolution des productions des élèves deviennent toutes autres. Les outils (p. ex., traceurs et géométrie dynamique) facilitent la coordination de différents registres de représentation (graphique, table de valeurs, règle et même simulation vidéo) d’un même objet donnant lieu à une compréhension unique par l’accroissement des significations (Drijvers, Boon et VanReeuwijk, 2011). Le processus et le produit sont en quelque sorte imbriqués et il est périlleux de chercher à comprendre le dernier en faisant fi du premier.
L’expérience mathématique avec la technologie amène une nouvelle manière de percevoir et de façonner les objets mathématiques. Dans le cas de l’E.D., comme le rapportent Passaro et ses collègues (2021), les séances synchrones cherchent d’abord à reproduire des séances en présentiel ; les documents utilisés sont alors souvent les mêmes. Les exposés magistraux prennent d’abord le pas et l’engagement des élèves change. Pour effectuer une réelle transition vers un E.D. favorisant une riche activité mathématique, la mobilisation d’une expertise spécifique, tant épistémique, technique que pédagogique et didactique est nécessaire. On peut référer ici au concept de technological pedagogical content knowledge de Kohler et Mishra (2009). Ces auteurs ont donné une extension au modèle initial de construction des savoirs professionnels de Shulman (1987) en incluant l’incidence du contexte technologique. Au bilan, il est donc peu surprenant de constater que le caractère urgent de la situation au temps de la COVID-19 ait davantage mené à une transposition du présentiel au distanciel plutôt qu’à l’engagement dans un réel processus de transition (Villiot-Leclercq, 2020).
Dans le projet de recherche collaborative ECRAN (FRQSC) se déployant sur différents sites de la province, le passage à l’E.D. a ramené en avant-plan les finalités du Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) en mathématiques, lesquelles privilégient une conception des savoirs à faire apprendre non pas comme des objets à transmettre et à assimiler (savoir redire, savoir refaire), mais comme des objets dont l’appropriation sera rendue possible par l’entremise d’une orchestration didactique qui s’approche progressivement de l’activité « véritable » des mathématiciens. Différents chercheurs (Ball et Bass, 2003; Lampert, 1992) argumentent que l’activité d’E-A des mathématiques doit être le lieu où les élèves émettent leurs idées, les justifient à leurs pairs pour les convaincre de la valeur de leurs propos. La technologie peut contribuer, d’une part, à favoriser la participation espérée des élèves et, d’autre part, à rendre compte de cette participation de façon différenciée, par exemple, avec des outils tels que Virtual Math Team (voir Figure 1) ou Desmos (voir Figures 2 et 3). Cela est toutefois possible pour autant qu’il s’agira de visées pour l’enseignant.
Ce fut le cas de Maélia, une enseignante de 2e secondaire (8e année), qui a illustré au fil des rencontres les multiples allers-retours pour planifier et expérimenter des situations où elle pourrait visualiser les démarches de ses élèves, offrir une rétroaction différenciée tout en cherchant à favoriser leur participation. À titre d’exemple, à partir d’une situation qu’elle utilisait habituellement en classe, mais sous la modalité papier/crayon, un travail d’ingénierie pédagogique a été effectué afin de l’adapter en utilisant le séquençage de tâches que permet Desmos par le biais de multiples écrans où la progression attendue est réfléchie (voir Figure 2).
Dans son orchestration de la séance, l’ensemble des écrans n’est pas disponible aux élèves. Elle subdivise plutôt la période d’enseignement en différentes phases, donnant ainsi accès à différents écrans. Elle entrecoupe alors le travail en individuel à des retours en grand groupe qui invitent les élèves à expliquer aux autres leur raisonnement. Maélia joue un rôle important dans les relances afin d’assurer l’engagement et la progression de ses élèves. La figure 3 illustre la planification d’une période réalisée entièrement à distance sous la modalité synchrone :
Comme elle le précise, plusieurs outils technologiques tels que Desmos permettent de développer des occasions d’apprendre et d’offrir une rétroaction personnalisée, mais la richesse d’une situation menée en classe dépend de façon importante des intentions pédagogiques de l’enseignant et du temps qui sera consacré à planifier cet enseignement en appréhendant les différents raisonnements et stratégies de résolution auxquels les élèves pourraient recourir selon les savoirs en jeu.
Il faut penser à comment on pose nos questions. Elles [ne] doivent pas trop être dirigées sinon on perdra les différentes stratégies des élèves […] C’est pratique de voir toutes les réponses d’un coup. Ils savent que je les vois entrer alors ils participent. Dans les retours en grand groupe c’est souvent les mêmes qui parlent. Ben c’est comme en classe. – Propos de Maélia
La qualité d’un enseignement, qu’il soit offert en présence ou à distance, ne peut se résumer au choix d’une formule pédagogique ou d’un outil. Ceux-ci peuvent, au mieux, être des leviers potentiels pour créer des occasions d’apprendre. Dans le cas de Maélia, ses multiples itérations au fil des rencontres s’accompagnent d’une prise de conscience toujours plus grande des potentialités – et des limites – de Desmos et de la façon d’y recourir pour, d’une part, bâtir son enseignement à partir des différents raisonnements de ses élèves et d’autre part, favoriser leur engagement.
Situé dans un contexte particulier, l’activité d’E-A prend vie dans chacun des groupes classes. L’activité singulière façonne les objets ainsi que les individus. Juger de la valeur et de la qualité d’un enseignement, qu’il soit en présentiel ou à distance, est une activité fort complexe qui exige un minutieux travail de compréhension du contexte et de ses contraintes. Les conceptions de l’enseignant sur la discipline enseignée, les savoirs en jeu, les intentions pédagogiques, les outils, les questions, les reformulations, les propos et les actions différentes menées par les élèves et par l’enseignant constituent la texture d’un phénomène que l’on cherche à comprendre.
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2022
Ball, D. L. et Bass, H. (2003). Towards a Practice-Based Theory of Mathematical Knowledge for Teaching. Proceedings of the 2002 Annual Meeting of the Canadian Mathematics Education Study Group. 24-28 Mai, 2002. Edmonton, AB, 3-14.
Bransford, J. D., Brown, A. L., et Cocking, R. R. (2000). How People Learn: Brain, Mind, Experience, and School. Washington DC: National Academy Press.
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Jackiw, N. et Sinclair, N. (2009). Sounds and pictures: dynamism and dualism in dynamic geometry. ZDM,41(4), 413–426.
Koehler, M.J., et Mishra, P. (2009). What Is technological pedagogical content knowledge? Contemporary Issues in Technology and Teacher Education (CITE), 9(1), 60-70.
Lampert, M. (1992). Practices and problems in teaching authentic mathematics in school. Dans F. Oser; A.Dick et J.-L. Patry (Dir), Effective and Responsible Teaching: The New Synthesis (p. 295-314). NY : Jossey-Bass.
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Depuis mars 2020, la pandémie de COVID-19 a forcé les écoles à délaisser l’enseignement usuel en présence des élèves pour la mise en place d’un enseignement à distance en mode virtuel. Ce contexte inédit représente pour les apôtres des technologies une occasion rêvée de transformer radicalement l’enseignement ordinaire au profit d’une école virtuelle favorisant enfin, soi-disant, le développement des compétences du xxie siècle, une personnalisation accrue du parcours d’apprentissage de l’élève et une véritable différenciation pédagogique (Cavenaghi et Senécal, 2020). Ce discours lyrique accorde aux technologies un pouvoir mirifique qui n’a pourtant pas été observé jusqu’à maintenant lorsqu’elles sont employées en salle de classe, et ce, avant même la Pandémie 2019-… :
[…] même les partisans les plus enthousiastes de l’utilisation de la technologie en éducation commencent à reconnaître que si la technologie peut être utile pour améliorer les résultats de l’apprentissage, elle n’a pas encore eu un impact révolutionnaire sur l’apprentissage de la lecture ou des mathématiques2. (Slavin, 2019, p. 1)
En effet, les résultats compilés par Slavin (2019) montrent que le recours aux technologies en salle de classe a un effet positif sur le rendement des élèves, certes, mais oscillant entre faible et négligeable. Par conséquent, est-ce que l’effet des technologies aurait pu être plus élevé en période de confinements, lorsque l’enseignant est physiquement absent et que l’élève est en ligne?
Un an après la fermeture brutale des établissements scolaires, en mars 2020, des recherches et des rapports d’évaluation des effets du premier confinement de la pandémie et de l’enseignement à distance ont commencé à être publiés. Boyer et Bissonnette (2021) ont recensé 19 études ayant analysé les effets du premier confinement et de l’enseignement virtuel sur le rendement d’environ 13 millions d’élèves provenant d’écoles primaires et secondaires, et ce, un peu partout dans le monde (Angleterre, Australie, Belgique, Canada, États-Unis, France et Pays-Bas). L’organisme Education Endowment Foundation (EEF, 2021) expose également les résultats de 12 des 19 études présentées par Boyer et Bissonnette (2021). Les conclusions de ces deux recensions se recoupent. L’ensemble des recherches tendent à démontrer que les effets du premier confinement de la COVID-19 et de l’enseignement à distance sur les élèves ont tendance à être généralement négatifs en lecture, principalement pour les élèves du primaire, et parfois plus fortement négatifs en mathématique. Les écarts de rendement au primaire entre les élèves à risque et les autres élèves semblent s’accentuer, et ce, même dans l’un des pays les mieux préparés à basculer en enseignement à distance comme les Pays-Bas (Engzell, Frey et Verhagen, 2021). Sur la base des effets observés, Dorn et ses collègues (2020) ont estimé que les élèves pourraient avoir perdu en moyenne de 5 à 9 mois d’apprentissage en juin 2021, et que les élèves plus vulnérables pourraient accuser un retard de 6 à 12 mois.
Sur la base des résultats cités précédemment, qui reposent principalement sur un confinement de 10 à 15 semaines au début de la pandémie, il est possible d’appréhender des résultats encore plus négatifs dans les prochains mois pour l’ensemble des élèves. Dorn, Hancock, Sarakatsannis et Viruleg (2021) manifestent également cette appréhension :
[…] les élèves [de la maternelle à la 12e année] ont en moyenne cinq mois de retard en mathématiques et quatre mois en lecture à la fin de l’année scolaire [en juin 2021] … En mathématiques, les élèves des écoles majoritairement noires ont terminé l’année avec six mois de retard d’apprentissage, les élèves des écoles à faibles revenus avaient sept mois en moyenne de retard d’apprentissage […] (p. 2).
Deux synthèses de recherches plus récentes ont également montré des effets négatifs de la pandémie et de l’enseignement à distance sur le rendement des élèves. L’étude d’Hammerstein, König, Dreisörner et Frey, publiée en septembre 2021, révèle que : « Les résultats indiquent un effet négatif des fermetures d’écoles sur les résultats des élèves, en particulier chez les plus jeunes et les élèves issus de familles à faible statut socio-économique » (p. 1).
Une étude réalisée par Donnelly et Patrino, publiée en novembre 2021, indique pour sa part :
[…] huit études ont été identifiées ; sept d’entre elles présentent des pertes d’apprentissage chez au moins certains participants, tandis qu’une des sept a également trouvé des cas de gains d’apprentissage dans un sous-groupe particulier […] En outre, quatre des études ont observé une augmentation des inégalités, certains groupes démographiques d’élèves ayant subi des pertes d’apprentissage plus importantes que d’autres. (p. 1)
Patrino, l’un des deux chercheurs de cette synthèse, indiquait le 16 novembre 2021 sur son blogue :
Depuis la rédaction de notre analyse systématique, plusieurs nouvelles études ont été entreprises, documentant des pertes d’apprentissage comprises entre 0,08 et 0,32 écart-type. Il s’agit notamment des pays suivants : le Brésil, la Chine, la République tchèque, l’Angleterre, l’Allemagne, le Ghana, l’Italie […] [et pour l’enseignement supérieur] la Norvège et la Russie [… ] Peu ou pas de pertes d’apprentissage ont été détectées au Danemark, en France et au Japon.
Bien qu’il n’y ait, à notre connaissance, aucune étude scientifique publiée au Canada ayant évalué les effets de l’école virtuelle sur le rendement des élèves en temps de pandémie, le chercheur George Georgiou, de l’Université de l’Alberta, a tout de même mesuré le rendement des élèves du primaire en lecture. Les résultats rapportés par le chercheur dans une entrevue accordée en novembre 2020 à la journaliste Elise Stolte du Edmonton Journal, sont inquiétants. Avant la fermeture des écoles en mars 2020, le chercheur disposait des résultats d’évaluations standardisées en lecture provenant de milliers d’élèves de la 2e à la 9e année (environ 4 000 élèves pour chaque année). Les élèves ont passé les mêmes évaluations en septembre 2020. Les élèves de 4e année et des années subséquentes ont généralement amélioré leur rendement en lecture. Toutefois, les élèves de 2e et de 3e année ont montré une baisse du rendement en lecture représentant six à huit mois d’apprentissage. Dans une autre étude, Georgiou indique qu’il a mesuré les habiletés en lecture de 1 560 enfants de 1re année en septembre 2019 et en janvier 2020. De ce nombre, 540 élèves avaient été identifiés en difficulté avant la pandémie et devaient recevoir de l’aide. La fermeture des écoles et le passage en mode virtuel ont mis fin à cette intervention orthopédagogique. Lors de la rentrée des classes en septembre 2020, l’équipe de recherche de Georgiou a retracé et évalué 409 de ces élèves en difficulté, qui sont maintenant en 2e année. Les chercheurs constatent alors que 80 % (327/409) d’entre eux, maintenant en 2e année, ne connaissent toujours pas les sons des lettres, et que plus de la moitié ont des résultats inférieurs à ceux obtenus en janvier 2020, lesquels étaient déjà faibles.
Au Québec, l’enquête de Turcotte, Giguère et Prévost (2021), menée auprès de 175 enseignants du secteur primaire, montre que 78 % d’entre eux estiment que leurs élèves, lors de la rentrée de l’automne 2020, sont arrivés en classe avec des habiletés en lecture plus faibles que celles des élèves des années passées. En écriture, 71 % des enseignants affirment que leurs élèves sont plus faibles que ceux des années précédentes.
En résumé, les effets de l’école virtuelle et des confinements successifs sur le rendement scolaire des élèves sont évidents au niveau du primaire, et encore plus au début de la scolarisation et pour l’ensemble des élèves à risque, tous degrés scolaires confondus. Cela dit, les effets négatifs observés ne se limitent pas au rendement scolaire.
L’Institut National de Santé Publique du Québec (INSPQ, 2021) a montré des effets négatifs de la pandémie sur le développement des enfants de 2 à 12 ans. L’INSPQ a recensé 14 études examinant le domaine du développement social et affectif, principalement en ce qui concerne les problèmes de comportements internalisés et externalisés. La provenance des études est diversifiée : l’Italie, le Royaume-Uni, l’Espagne, les États-Unis, le Brésil, les Pays-Bas, Israël et Hong Kong. Les problèmes de comportements internalisés réfèrent aux difficultés émotionnelles comme la dépression, l’anxiété, etc. Les comportements externalisés sont associés aux problèmes de conduite, à l’irritabilité et la mauvaise humeur, à l’hyperactivité/l’inattention, aux problèmes relationnels avec les pairs, à la manifestation d’agressivité ou à un trouble de l’opposition.
L’INSPQ (2021) indique « [qu’] une majorité d’études rapportent une augmentation significative des problèmes de comportements internalisés et externalisés, comparativement à la période prépandémie, selon différentes manifestations […] » (p. 5). Voici quelques statistiques à ce sujet :
Les confinements répétés entre l’hiver 2020 et le printemps 2021 ont entraîné de multiples conséquences socio-émotionnelles chez les enfants des garderies, les enfants fréquentant l’école primaire ainsi qu’auprès des adolescents du secondaire en ce qui a trait au niveau d’anxiété, au taux de dépression, aux difficultés de concentration, à l’isolation sociale et à la diminution de l’activité physique (dos Reis et al. 2021; Moustafa, Mohamed et El-Houfey, 2021). Le sommeil des enfants et des adolescents semble aussi avoir été perturbé par le contexte de la pandémie (Bruni et al., 2021). Les jeunes adultes au niveau post-secondaire semblent vivre sensiblement les mêmes difficultés que les plus jeunes (Son, Hegde, Smith, Wang et Sasangohar, 2020). Les effets négatifs de la pandémie sur les variables autres que scolaires peuvent varier d’un pays à l’autre, entre autres quant à l’anxiété et aux sentiments dépressifs des enfants. Cela semble directement attribuable au degré de confinement imposé et au stress parental (Borbás et al., 2021; Orgilés et al., 2021).
En somme, les effets socio-émotionnels de l’école virtuelle et de l’apprentissage à distance en temps de pandémie ont tendance à être nettement très néfastes.
L’enseignement virtuel et l’apprentissage à distance, réalisés au cours des deux dernières années, montrent des effets négatifs sur le rendement scolaire et le développement socio-émotionnel des élèves, et ce en particulier auprès des plus vulnérables. Il importe de rappeler et de souligner que des synthèses de recherches ont montré les effets négatifs de l’école virtuelle sur le rendement des élèves, et ce, même en contexte non pandémique (Boyer et Bissonnette, 2021; Prettyman et Sass, 2020). En bref, les effets de l’école virtuelle, en temps de pandémie ou non, sont généralement négatifs (Boyer et Bissonnette, 2021).
Quoiqu’en disent les apôtres des technologies, l’école du xxie siècle, si cela peut exister, doit être en mode présence pour être optimale. Toutefois, en cas de fermeture des écoles en situations d’urgence, nous considérons quand même qu’il est nettement préférable d’offrir aux élèves un enseignement à distance plutôt que rien afin que l’école demeure en contact minimalement avec ses élèves.
Puisse les élèves fréquenter des écoles de briques et de mortier pour assurer leur réussite scolaire et favoriser un développement socio-émotionnel harmonieux et plus humain!
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2022
1 Ce texte constitue un extrait d’un chapitre de livre : Boyer et Bissonnette (à paraître). Quels sont les effets des technologies et de l’enseignement virtuel sur le rendement des élèves, avec ou sans pandémie? Dans Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Marie Bocquillon. Questions théoriques et pratiques sur l’enseignement explicite. Québec : Presses Université du Québec.
2 Nous soulignons.
Borbás, R., Fehlbaum, L. V., Dimanova, P., Negri, A., Arudchelvam, J., Schnider, C. B., & Raschle, N. M. (1er février 2021). Mental well-being during Covid-19 in adults, mothers and children: behavioral evidence and neural premarkers. https://doi.org/10.31234/osf.io/pdj7n
Boyer, C., et Bissonnette, S. (2021). Les effets du premier confinement, de l’enseignement à distance et de la pandémie de COVID-19 sur le rendement scolaire – Après la pandémie, faudrait-il généraliser l’usage de l’école virtuelle à toutes les clientèles et en toutes circonstances? Montréal : Éditions de l’apprentissage. https://tinyurl.com/f8aszks
Bruni, O., Malorgio, E., Doria, M., Finotti, E., Spruyt, K., Melegari, M. G., Villa, M. P., & Ferri, R. (2021). Changes in sleep patterns and disturbances in children and adolescents in Italy during the Covid-19 outbreak. Sleep medicine, S1389-9457(21)00094-0. Advance online publication. https://doi.org/10.1016/j.sleep.2021.02.003
Cavenaghi, U., Senécal, I. (2020). Osons l’école d’après. Montréal : Éditions Château d’encre. 66 pages.
Dorn, E., Hancock, B., Sarakatsannis, J., et Viruleg, E. (2020). COVID-19 and learning loss—disparities grow and students need help. https://mckinsey.com/industries/public-and-social-sector/ourinsights/covid-19-and-learning-loss-disparities-growand-students-need-help
Donnelly, R., Patrinos, H.A. Learning loss during Covid-19: An early systematic review. Prospects (2021). https://doi.org/10.1007/s11125-021-09582-6
Dorn, E., Hancock, B., Sarakatsannis, J., et Viruleg. E. (2021). COVID-19 and education: The lingering effects of unfinished learning. McKinsey & Company. https://www.mckinsey.com/industries/public-and-social-sector/our-insights/covid-19-and-education-the-lingering-effects-of-unfinished-learning
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Slavin, R. (14 novembre 2019). A powerful hunger for evidence-proven technology [Billet de blogue]. https://robertslavinsblog.wordpress.com/2019/11/14/a-powerful-hunger-for-evidence-proven-technology/ Son, C., Hegde, S.,
Smith, A., Wang, X. et Sasangohar, F. (2020). Effects of COVID-19 on college students’ mental health in the United States: Interview survey study. Journal of medical internet research, 22(9), e21279.
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Turcotte, C., Giguère, M. H., et Prévost, N. (2021). Rapport d’enquête. Le point de vue des enseignantes et des enseignants du primaire sur la compétence à lire et à écrire de leurs élèves en contexte pandémique depuis septembre 2020. Département d’éducation et formation spécialisées, UQAM. https://adel.uqam.ca/wp-content/uploads/2021/02/D-18096%20-%20Document_Point-de-vue-enseignant_VF-Web.pdf?_t=1614448101&fbclid=IwAR1etwFo7uqgxNENNleP58pKn3iI8AO3QQf6owjHnahC_AXKlZ1j3DaoW_Y
Dans l’optique d’améliorer l’expérience scolaire de l’élève, nous nous sommes demandé s’il était possible d’explorer le potentiel créatif de chaque élève dans une salle de classe inclusive et équitable. Nos données de recherche avec les partenaires du Réseau CompeTI.CA (Compétences en TIC en Atlantique) semblent converger vers une réponse positive. Dans cet article, nous examinons les exemples provenant de deux études menées par l’équipe du Réseau : l’une, en partenariat avec Labos Créatifs, porte sur le développement de compétences numériques et l’autre, sur la créativité dans un contexte interdisciplinaire axé sur la musique, les mathématiques et la technologie. Ce projet soutenu par le Groupe d’action sur la Commission de l’école francophone (GACEF) a été réalisé en collaboration avec les districts scolaires du Nouveau-Brunswick dans trois écoles du Nord-Est et du Sud de la province.
Depuis les années 2000, une culture de laboratoires ouverts (makerspace), soit des espaces de fabrication équipés d’outils numériques, d’artefacts et de mécanismes de toutes sortes mis en commun pour collaborer (Bosqué, 2015) s’implante dans les communautés en quête d’innovation sociale à travers le monde. Cette culture semble avoir donné une impulsion à de nouvelles pratiques pédagogiques susceptibles d’encourager la créativité dans un espace collaboratif et un contexte authentique, inclusif, équitable et socialement responsable (Lingley et Wong, 2020). Malheureusement freinées par la pandémie, ces nouvelles pratiques pédagogiques, en pleine croissance dans les écoles du Nouveau-Brunswick et d’autres provinces atlantiques, ont mis en évidence le potentiel transformateur de l’art, c’est-à-dire, une recherche par l’apprenant de nouveaux points de vue et de réflexions pour changer sa compréhension des choses (Mezirow, 1990). Ainsi, l’art permet à chacune et chacun de prendre conscience de son potentiel créatif dans une démarche de travail collectif et collaboratif (Tremblay, 2012; Robichaud et coll., 2016). De plus, selon Churchill, 2019, p. 68), l’éducation axée sur la culture et sur les arts ouvre la porte à une interaction dynamique et créative entre l’enfant et le monde qui l’entoure lui permettant d’améliorer ses rapports sociaux, d’augmenter sa participation communautaire active et comme résultat, d’accroître son sentiment de bienêtre.
En nous intéressant, dans ce texte, aux bénéfices potentiels de ces pratiques pour développer le goût d’apprendre ensemble, nous examinons quatre exemples de projets créatifs réalisés par des élèves entre 2017 et 2019 : un modèle réduit d’un village interactif, le Village Minecraft, la fabrication d’un tubulum et un spectacle de Noël 2.0.
Le premier projet s’est déroulé dans une classe de 3e année en immersion française dans une école rurale du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick. Accompagnés de leur enseignante et d’un mentor de Labos créatifs, les élèves ont réalisé un projet collectif de construction d’un modèle de leur village. En équipes, à l’aide de carton et de peinture, les élèves ont bâti de modèles de différents édifices de leur village. Ils ont également préparé une courte histoire qui décrit chaque édifice. Chaque histoire a été audio-enregistrée par un groupe d’élèves. Ensuite, un autre groupe d’élèves a construit un circuit avec un interrupteur de courant intégré dans chaque modèle de bâtiment. Ils ont également effectué un codage associant le son (histoire de l’édifice) et le modèle. Ainsi, une personne qui veut visiter le village peut avoir une visite guidée programmée en écoutant chaque histoire créée par les élèves. Lors de la visite de l’école par notre groupe de recherche, tous ces détails nous ont été expliqués par un groupe de trois élèves qui ont raconté leur histoire à succès de ce projet collectif en vantant leurs idées authentiques, leur joie de travailler ensemble sur un si gros projet, la force de chaque élève qui y a apporté son brin de créativité et aussi de la fierté de leur communauté.
Dans le second projet, un groupe d’élèves de 6e, 7e et 8e année, également d’une école en milieu rural, a réalisé, dans un labo créatif, un projet de construction collaboratif de leur village à l’aide d’une plateforme virtuelle Minecraft. Tout comme leurs camarades de 3e année dans l’exemple précédent, dans les entretiens avec les chercheurs, les élèves ont exprimé leur plaisir de travailler ensemble sur un projet complexe et signifiant. Le travail a exigé beaucoup de temps, de méticulosité et d’effort collaboratif. Une fois le modèle bâti, les élèves pouvaient utiliser leur imagination pour animer le village en créant des personnages et des aventures. Nous avons observé, tout au long de ce travail, les élèves discutant entre eux, se regroupant pour voir et commenter les trouvailles de leurs camarades de classe et pour s’entraider, contribuant ainsi au bienêtre collectif.
Le troisième projet a eu lieu dans le cadre d’une recherche interdisciplinaire incluant la musique, les mathématiques et la technologie. Deux groupes d’élèves de 7e et 8e année d’une école du Nord-Est du Nouveau-Brunswick, respectivement accompagnés par leur enseignant et une équipe de chercheurs, ont fabriqué collectivement un instrument de musique, un tubulum (marimba en tube de PVC) et son support en bois. Ce projet avait trois objectifs :
Lors des séances collectives pour concevoir le tubulum, les élèves en groupe-classe ont généré différentes idées originales, posé des questions, écouté leurs camarades de classe et proposé des pistes de solution. Par la suite, en petits groupes de travail, les élèves ont mesuré chaque tube représentant une note de la gamme, et une équipe d’élèves-luthiers a construit le support en bois et y a apposé les tubes préalablement coupés et ordonnés. Afin d’explorer les rythmes en créant des suites et de la régularité, les élèves ont participé à un atelier de création sonore. À l’aide de cartes représentant des rythmes, ils ont dû créer des patrons rythmiques de leur choix. La créativité dans cet espace collaboratif a été féconde. Pour accompagner leur patron rythmique, les élèves ont réalisé des chorégraphies soit avec leurs mains soit à l’aide de tubes plastiques, parfois même accompagnées de paroles. Les élèves ont confirmé avoir eu beaucoup de plaisir à créer et à faire de la musique avec leurs pairs; ils ont aussi dit avoir appris à tisser des liens entre la musique et les mathématiques tout en étant motivés par l’esprit collaboratif du projet.
Le dernier projet était un spectacle de Noël surnommé 2.0 d’une autre école du Nord-Est de la province. Ce projet, qui a demandé plusieurs mois de préparation, a été conçu à l’aide de technologies numériques par les élèves avec l’appui de leur enseignante de musique et de deux enseignants titulaires. L’un des numéros de ce spectacle a été entièrement conçu par une équipe de trois filles de 5e année. Elles ont imaginé une « bataille » de chant : une élève commencerait à chanter, mais ses deux amies, voulant chanter d’autres chansons, vont lui couper la parole à tour de rôle. À la fin, elles feront la paix et chanteront ensemble une chanson différente aimée par toutes les trois. Chaque chanson était représentée par une canne de Noël géante en carton que les trois élèves avaient fabriquée. Les chansons étaient sauvegardées dans un ordinateur et à l’aide du logiciel de programmation Scratch et du Makey Makey, une chanson s’activait lorsqu’une des élèves appuyait sur la canne appropriée. Le choix des chansons et du mode de présentation se sont faits en commun. Les élèves ont aussi cherché ensemble des solutions aux défis techniques posés par l’utilisation du numérique et ont vécu des moments d’émerveillement et de réussite.
En conclusion, nous constatons que ces quatre exemples permettent d’inspirer une enseignante ou un enseignant qui cherche à multiplier les occasions d’épanouissement créatif pour le bienêtre de chaque élève. Tout d’abord, lors de la réalisation de leurs projets collectifs, la participation de chacune et de chacun est un élément clé du succès : chaque élève y apporte quelque chose, son « grain de sel ». En reconnaissant l’expertise de toutes et de tous, tout le monde se sent valorisé, épanoui, donc bien dans sa peau. On s’appuie ainsi sur une force permettant à chaque élève de s’exprimer librement, ce qui crée un espace sécuritaire de collaboration, de partage et d’entraide (Freiman, 2020). Dans ce contexte de création mutuelle, le matériel est plus qu’un simple outil technologique qui aide à accomplir une tâche particulière; c’est plutôt un agent de libération de l’esprit créatif « in-situ » au moment présent lorsque tous les efforts réunis apportent quelque chose de nouveau, d’inédit; dans ce moment même, se matérialise une idée spontanée, qui n’émerge pas comme un savoir « transmis », culturellement plausible, mais plutôt comme un savoir « créé », nouveau, conçu collectivement et qui garde à la fois les empreintes de la créativité de chacun, de son identité, et de celles d’un groupe uni. Tout le monde qui a contribué s’y reconnait, s’y identifie dans une joie et une fierté d’avoir créé quelque chose d’unique, une vraie œuvre commune. Dans cette dynamique inclusive, des liens communs se tissent par la créativité mettant en lumière les forces créatives, parfois latentes, de chaque membre du groupe. En s’en inspirant, les éducatrices et éducateurs qui font face à toutes sortes de défis liés à la pandémie ou à d’autres obstacles peuvent-ils trouver dans ces moments créatifs, une lueur d’espoir positif d’un monde meilleur que leurs élèves sont en train de construire « dès le moment présent »?
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2021
Bosqué, C. (2015). Enquête au cœur des FabLabs, hackerspaces, makerspaces : Le dessin comme outil d’observation. Techniques et culture, doi.org/10.4000/tc.7579
Churchill, D. R. C. (2019). Creativity and the arts in early childhood: Supporting young children’s development and wellbeing. Jessica Kingsley Publishers.
Lingley, J. et Wong, J. (2020). Making Green Solutions. Converging classroom projects with the UN Sustainable Development Goals and Canada’s 2030 Agenda. www.edcan.ca/articles/green-solutions/
Freiman (2020). Issues of Teaching in a New Technology-Rich Environment: Investigating the Case of New Brunswick (Canada) School Makerspaces. In: Ben-David Kolikant Y., Martinovic D., Milner-Bolotin M. (eds) STEM Teachers and Teaching in the Digital Era. Springer, Cham. doi.org/10.1007/978-3-030-29396-3_15
Mezirow, J. (1990). Fostering Critical Reflection in Adulthood. San Francisco: Jossey Bass.
Robichaud, X., Freiman, V., Doiron-Pelletier, C., et Pelletier, M.-A. (2016). Développement de la créativité à l’aide des iPads : nouveaux outils pour les enseignantes et les enseignants de musique au primaire. Actes de la conférence CIRTA, www.cirta.org/index.php/50-banque-de-textes-actes-colloque-2016/232-developpement-de-la-creativite-a-l-aide-des-ipads-nouveaux-outils-pour-les-enseignantes-et-les-enseignants-de-musique-au-primaire
Tremblay, J. (2012). Indices de transformation sociale par l’art qui relie une pratique artistique avec et dans la communauté. Éducation et Francophonie, XL(2), www.acelf.ca/c/revue/pdf/EF-40-2-083-TREMBLAY.pdf
La pandémie de Covid-19 a bousculé le système éducatif en nous obligeant à repenser certaines manières de faire. Alors que des défis déjà existants ont été exacerbés, de nouvelles collaborations et pratiques ont aussi émergé. En effet, dans le cadre d’une collaboration entre l’initiative École en réseau (ÉER) et l’Université TÉLUQ, l’expertise développée dans l’ÉER a été mise à contribution; des initiatives ont vu le jour et des pratiques novatrices ont inspiré de nouveaux moyens de (re)penser l’école. Après la présentation de l’ÉER, le présent article soulève des éléments clés qu’a mis en lumière cette collaboration inédite :
L’initiative ÉER est issue d’un projet de recherche développé depuis 2002 en partenariat avec des milieux scolaires, des chercheurs et le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (Laferrière et coll., 2006; Laferrière et coll., 2004). Elle visait originalement l’amélioration de l’environnement éducatif de petites écoles en régions éloignées. Depuis une dizaine d’années, de plus grandes écoles et classes désireuses de travailler avec des outils numériques y participent pour bonifier l’apprentissage des élèves. Il ne s’agit pas d’une école qui fait à proprement parler l’enseignement à distance, mais plutôt d’un dispositif qui facilite le travail collaboratif entre communautés d’apprentissage, à l’oral comme à l’écrit. Financée par le MEQ selon un budget réparti pour les Centres de services scolaires inscrits pour les petites écoles participantes et la coordination des activités, l’ÉER est une ressource en appui au Plan d’action numérique du MEQ. Il est intéressant de noter qu’en 2002, pour expliquer l’ÉER, il fallait préciser qu’il ne s’agissait pas de formation à distance, mais bien d’une approche inédite dans laquelle l’enseignant demeure bien présent. Vingt ans plus tard, avec la pandémie, l’ÉER constitue un fort levier permettant de faciliter l’école à distance tout en gardant les enseignants actifs devant l’écran.
L’ÉER soutient les classes en réseau, donc des classes distantes qui collaborent avec l’aide du numérique à favoriser les apprentissages des élèves. Lors du confinement du printemps 2020, les enseignants faisant partie de l’ÉER qui n’avaient jamais imaginé enseigner à distance dans ce contexte se sont dit : « Mes élèves sont habitués de communiquer en visioconférence, ils connaissent les applications, nous utilisons déjà ces outils en classe au quotidien, donc ils seront en mesure de poursuivre les apprentissages à la maison ». La classe en réseau s’est donc rapidement transformée en classe à distance grâce à leur expertise (Magny, 2020; Nadeau-Tremblay et Turcotte, 2020). Les enseignants ont imaginé avec créativité des manières de rendre les élèves actifs à distance.
La pandémie a amené une démocratisation et une accessibilité à la visioconférence en classe, pour les enseignants comme pour les élèves. Tous sont mieux en mesure de l’utiliser sur le plan technique. Toutefois, les activités proposées misent souvent sur l’oral, soit un enseignant qui parle et présente un contenu. Les interactions limitées avec les élèves les rendent alors plus passifs et désengagés. Parallèlement, une recrudescence de l’utilisation des manuels scolaires et l’accent mis sur les connaissances sont observés, et ce, même chez des enseignants ayant délaissé ce type de matériel (Carpentier et Sauvageau, 2021). L’idée est qu’en basculant à distance ou en étant en permanence avec des élèves en école virtuelle, il est plus simple d’utiliser les manuels pour acheminer le travail à la maison. Toutefois, cette pratique rend difficile une posture pédagogique près des intérêts et des besoins des élèves et accroit le recours à un enseignement magistral plutôt qu’à des pédagogies plus actives et intégrant le numérique. Les riches possibilités de travailler autrement s’en voient limitées et ramènent à des paradigmes de transmission des connaissances. La technologie implique le recours à des pratiques à réinventer et non simplement à transférer.
Une manière d’y parvenir est de démontrer une grande agilité à utiliser les outils numériques, donc à multiplier la capacité d’adaptation des apprenants comme des autres acteurs scolaires. Il ne s’agit pas de maitriser parfaitement un outil avant d’en amorcer l’utilisation mais de l’apprendre dans l’action. D’ailleurs, l’intégration du numérique doit se faire au quotidien par tous, des gestionnaires aux élèves en passant par les enseignants, les conseillers pédagogiques et les autres professionnels. Plutôt que de « s’exercer » à utiliser telle technologie, il faut l’intégrer réellement dans les activités quotidiennes de la classe. Malheureusement, certains des acteurs clés, notamment des conseillers pédagogiques et des directions d’établissement adoptent systématiquement une approche de formation au numérique en dehors de la classe plutôt que de jouer un rôle d’appui aux activités en classe. Être un modèle à tous les niveaux et offrir l’occasion de prendre des risques facilite l’intégration signifiante du numérique.
L’apprentissage à distance est facilité par l’utilisation d’outils technologiques et peut constituer un levier pour le développement de la compétence numérique (Pelletier et coll., sous presse). Dans le travail en réseau, l’usage pédagogique d’outils numériques n’est pas une visée en soi. Il s’agit d’un canal, d’un moyen permettant aux élèves de classes distantes d’interagir à l’oral, par la visioconférence, à l’écrit, par différentes plateformes (p.ex., Office 365, Google Class Room, Knowledge Forum, Padlet, etc.) ainsi qu’en collaboration avec des partenaires extrascolaires tels des musées, des scientifiques, des auteurs, etc. Le défi réside moins dans cette capacité d’appropriation technique (Allaire et coll., 2009) que dans le « comment » pour l’enseignant : comment organiser l’équilibre des activités interclasses (en classe et individuelles), comment réinvestir les retours individuels et en groupe, comment assurer le suivi des tâches réalisées, etc. Ainsi, le volet pédagogique est d’une importance centrale dans les activités en réseau.
Aborder de nouvelles pratiques d’enseignement est facilité par un accompagnement qui peut se déployer de multiples manières : partage de ressources et de tutoriels, vidéos, communautés de pratique, soutien dans l’action, etc. Les derniers mois ont été marqués par des transformations fréquentes pour les enseignants qui doivent s’adapter continuellement.
Le soutien ponctuel et immédiat est grandement apprécié par un grand nombre d’enseignants qui veulent trouver des réponses quand ils en ont besoin. Notamment, la salle de soutien virtuelle de l’ÉER ouverte tous les jours de la semaine rassure, car les enseignants savent qu’une personne est présente pour les soutenir sur les plans technologique et pédagogique. De plus, l’accompagnement des enseignants dans l’action constitue une condition gagnante inventoriée par les principaux intéressés. Concrètement, il s’agit de soutenir un groupe d’enseignants et leurs élèves dans le cadre d’une activité réelle qu’ils peuvent expérimenter en classe. L’enseignant n’assiste donc pas à une formation sur un sujet ou sur un outil qu’il expérimentera en classe; il s’inscrit plutôt à une activité en réseau, apprend les fonctionnalités des outils et expérimente des manières de travailler avec ses élèves au fur et à mesure que l’activité avance. Les enseignants font remarquer que cela leur permet de trouver réponse à leurs questions plus facilement, car ils sont soutenus tout au long de leur démarche. De plus, en expérimentant en contexte de classe, les enseignants mentionnent qu’il leur est plus facile de transférer ces acquis dans des contextes similaires.
L’accès limité aux écoles et les fermetures des infrastructures culturelles et scientifiques ont obligé les partenaires éducatifs à se réinventer. Depuis de nombreuses années, rappelons que l’ÉER travaille avec plusieurs partenaires extrascolaires qui interviennent à distance pour enrichir l’environnement d’apprentissage des classes (Allaire et Dumoulin, 2017; Allaire et Lusignan, 2015). Une recrudescence importante de propositions venant de partenaires culturels (musées, théâtres, auteurs, etc.) et scientifiques a, sans surprise, été observée. Ces partenaires souhaitent joindre les classes à distance et demandent du soutien pour formaliser leurs contenus en lien avec le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) et concevoir des activités qui répondent aux enjeux d’interaction avec les élèves.
L’expertise de l’ÉER en médiation culturelle et scientifique par l’adaptation des activités à distance interclasses est donc mise à profit. De nouvelles séquences d’activités ont été développées en ce sens avec ces partenaires pour permettre à un plus grand nombre de classes d’être rejointes. L’accès à des ressources éducatives constitue un élément sur lequel miser, car il permet aux classes de régions diversifiées d’être en contact avec ces organismes fort enrichissants. Des activités ont été proposées directement aux jeunes qui se sont branchés de la maison plutôt qu’en classe comme c’est habituellement le cas (École branchée, 2020). À la différence d’autres ressources, l’offre des activités en réseau ne se présente pas sous forme de vidéos ou d’activités en ligne. Il s’agit de favoriser les interactions entre les élèves, une façon de faire qui s’est avérée grandement appréciée par les parents et les élèves bien heureux de socialiser dans ce contexte. Sachant que la qualité de la relation enseignant-élève agit directement sur le niveau d’engagement des élèves ou qu’elle l’influence indirectement en agissant sur la motivation (Drolet, 2018), la distance, doit demeurer avant tout « humaine »!
C’est dans le besoin pressant d’offrir aux enseignants du préscolaire et du primaire des référents concrets sur l’apprentissage à distance que l’ÉER et la TELUQ ont développé, en collaboration avec d’autres acteurs scolaires, la formation J’enseigne à distance. Les pratiques novatrices ont inspiré de nouveaux moyens de (re)penser l’école et s’avèrent fort encourageantes dans le développement de collaborations futures entre le milieu universitaire et le milieu scolaire. D’une part, la proposition de contenus numériques et de réseaux professionnels appropriés, notamment les conseillers pédagogiques du RÉCIT, permettront aux enseignants de rester à l’affût des éléments nouveaux liés à leur domaine professionnel actuel ou futur et de répondre à leurs besoins en matière de formation continue (Pelletier et coll., sous presse; MEES, 2019). D’autre part, au printemps 2020, l’ouverture de la classe s’est élargie avec la participation d’étudiants du baccalauréat en enseignement des Arts de l’Université Laval qui ont poursuivi leur stage en virtuel en animant des activités pour les élèves à la maison. L’audace comme moteur d’innovation invite à repenser les cadres actuels et à surmonter les défis qu’on croit des barrières. En sortant du cadre habituel pour intégrer des activités plus courtes aux classes, mais qui ont comme retombées l’appropriation de la classe en réseau, les enseignants sont habilités à travailler autrement. Toutefois, un défi demeure : faire évoluer l’enseignant vers des activités plus intenses et signifiantes, pour rendre plus actifs les élèves dans leurs apprentissages.
Le présent article a mis en lumière des pistes de réflexion qu’il serait possible de concrétiser dès maintenant. Les retombées de la collaboration des différents milieux et des pratiques enseignantes pour soutenir les apprentissages des élèves dans J’enseigne à distance sont ainsi considérables en ce qui a trait aux connaissances et aux pratiques nouvelles des enseignantes dans un tel contexte (Pelletier et coll., sous presse). Pourtant, des questions demeurent quant à la place que pourra prendre la classe comodale (avec des élèves en classe et à la maison). Pourrait-elle devenir une nouvelle possibilité lors d’intempéries ou encore pour des élèves retirés, malades, en voyage ou présentant des cheminements atypiques? Pourrait-on offrir de nouvelles organisations de classes qui répondraient plus adéquatement aux besoins des apprenants?
Enfin, la classe à distance soulève aussi les limites et la complexité de l’évaluation centrée sur les connaissances, pourtant déjà révélée avant la pandémie (Conseil supérieur de l’éducation, 2018). Une évaluation contextualisée et authentique (Tremblay et Laferrière, 2021), à savoir réellement centrée sur les compétences, doit aussi être mise de l’avant en explorant des modalités différentes pour des usages gagnants du numérique dans l’évaluation.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
École en réseau : eer.qc.ca
Formation J’enseigne à distance : https://jenseigneadistance.teluq.ca/course/view.php?id=2
Allaire, S. et Dumoulin, C. (2017). De l’École en réseau à la Région éducative en réseau : la contribution des acteurs de la communauté à la réussite des élèves. Vivre le primaire, Hiver 2017, , 32-34.
Allaire, S., Laferrière, T., Gaudreault-Perron, J. et Hamel, C. (2009). Le développement professionnel des enseignants en contexte de mise en réseau de petites écoles rurales géographiquement distantes : au-delà de l’alphabétisation technologique. Revue de l’Enseignement à Distance, 23(3), 25-52. http://ijede.ca/index.php/jde/article/view/584
Allaire, S. et Lusignan, G. (2015). Enseigner et apprendre en réseau Guide pédagogique. Québec : CRIRES. https://lel.crires.ulaval.ca/sites/lel/files/allaire_lusignan_2015.pdf
Caillou, A., Lepage, G. et Wysocka, N. (2020). Tartelettes et réalité virtuelle. 6. Des stages atypiques. Le devoir 4 mai 2020. https://ledevoir.com/societe/578215/tartelettes-et-realite-virtuelle?fbclid=IwAR2S3QrW5lO5iiw_xQ5RBDsNJuxSwfu9C68bpFNYWW7PFJjmwzjqeRE4Gts
Carpentier, G et Sauvageau, C. (2021). L’environnement sociopédagogique des élèves du primaire en contexte d’enseignement distancié : perceptions d’élèves et enjeux d’enseignement. Webinaire du CRIFPE présenté le 17 février 2021.
Conseil supérieur de l’éducation. (2018). Évaluer pour que ça compte vraiment, Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2016-2018 Québec : Le conseil. https://cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2020/01/50-0508-RF-evaluer-compte-vraiment-REBE-16-18.pdf
Drolet, M. (2018). Analyse critique d’écrits scientifiques portant sur les liens entre la relation enseignant (e)- élève et l’engagement scolaire d’élèves du secondaire [essai de mémoire de maîtrise inédit]. Université de Sherbrooke.
École branchée. (2020, 24 avril). École en réseau pour poursuivre ou établir l’enseignement à distance. École Branchée.
Laferrière, T., Breuleux, A., Allaire, S., Hamel, C., Turcotte, S., Inchauspé, P. et Beaudoin, J. (2006). L’École éloignée en réseau (ÉÉR) Rapport final (Phase 2). Québec : Céfrio. https://eer.qc.ca/publication/1599171448197/eer-rapport-final-phase-2.pdf
Laferrière, T., Breuleux, A. et Inschauspé, P. (2004). Rapport de recherche final du projet L’École éloignée en réseau. Québec : CÉFRIO. Récupéré de https://eer.qc.ca/publication/1599169805412/eer-2004-rapport-de-recherche-final.pdf
Magny, A. (2020, 30 avril 2020). Cinq enseignantes et l’enseignement à distance. École Branchée.
Nadeau-Tremblay, S. et Turcotte, J. (2020, Automne). De la classe en réseau à la classe à distance au primaire. Vivre le primaire, 33(3), 71-73.
Pelletier, M.-A., Nadeau-Tremblay, S., Bissonnette, S., Richard, M. et Beaudoin, J. (sous presse). J’enseigne à distance : un levier pour le développement de la compétence numérique. Revue hybride de l’éducation.
Tremblay, M. et Laferrière, T. (2021). ÉCRAN, écran, quand tu nous tiens. La transformation nécessaire (?) de l’acte évaluatif. RIRE.
La réalité évoquée par les auteures de cet article est celle de leur milieu scolaire qui bénéficiait en mars 2020 de ressources tant numériques qu’humaines pour soutenir l’apprentissage et l’enseignement à distance1. Tout ce qui a été accompli pour répondre au contexte sanitaire a certes été favorisé par les moyens mis à disposition de tous, mais il serait malhonnête de laisser croire pour autant que cela s’est fait sans heurts ni résistances.
C’est une première pour les générations actuelles d’avoir dû affronter à une pandémie planétaire ayant eu autant d’effets sur tous les aspects de la société. En effet, du jour au lendemain, nous avons été emportés dans une histoire dont le déroulement et l’issue nous échappaient. Les décisions gouvernementales et les aléas des mesures sanitaires impliquant la fermeture abrupte des écoles ont entraîné la perturbation des repères quotidiens dans tous les milieux scolaires. Plusieurs enseignants nous ont d’ailleurs rapporté un grand sentiment d’impuissance et de perte d’efficacité professionnelle allant même, pour certains, jusqu’à une crise d’identité2. L’acte d’enseigner étant avant tout une affaire de relations, le passage à l’enseignement à distance a donc été pour beaucoup une profonde remise en question de la pertinence de leur rôle.
Le legs de la pandémie sur l’éducation nous préoccupe d’autant que le milieu de l’éducation était déjà fragilisé par un taux d’abandon de la profession inquiétant3 et par un important taux de décrochage des élèves4. À ces préoccupations s’ajoute un constat : depuis des années existent des initiatives visant à transformer l’École, mais elles n’ont pas trouvé d’écho assez fort pour inspirer massivement le changement dans le système scolaire. Quelle suite allons-nous donc donner à cet épisode? Parviendrons-nous à trouver un équilibre entre passé et présent malgré une vision encore floue du futur et l’immense fatigue qui affecte les milieux scolaires? Saurons-nous éviter une « renormalisation » scolaire qui nous ramènerait inévitablement à une position précaire? Saurons-nous tirer profit de ce qui sera, au bout du compte, une parenthèse dans la longue histoire de l’École, pour faire émerger des propositions de remplacement ou complémentaires?
À quoi fait-on référence quand on parle de normalité scolaire? À un lieu physique précis, celui de l’espace de la classe ou plus largement de l’établissement scolaire; à une organisation du temps très cadrée, celle du calendrier scolaire et de l’horaire de classe; à des formes d’enseignement où les interactions sont en présence, y compris l’évaluation. Quand certains rêvent d’un retour à la normale, c’est de cette époque dont ils sont nostalgiques. Deux raisons semblent expliquer cette attitude de résistance : premièrement, l’alternance distance-présence impliquant l’enseignement à distance à partir de l’automne 2020 n’a pas touché de la même manière tous les enseignants. Pour certains, il n’existait donc pas de besoin qui les incite à questionner ou à modifier leurs pratiques. Deuxièmement, d’autres ont considéré qu’il n’y avait pas assez de bénéfices à les changer au regard des difficultés rencontrées ou encore qu’ils se sentaient dépassés par l’ampleur de la tâche. Pourtant, malgré ces résistances, plusieurs ont accepté de voir la crise qu’ils traversaient comme une occasion de faire autrement et tout porte à croire que, pour eux, rien ne sera plus comme avant. En effet, les défis de l’enseignement à distance ont démontré la nécessité de scénariser la séquence d’apprentissage autour d’une intention pédagogique claire et de savoirs essentiels à prioriser en contexte, réflexe qui était loin d’être si naturel auparavant. De nouvelles approches et modalités d’interventions ont donc été expérimentées, ce qui a permis de constater souvent des effets positifs des changements apportés sur la réussite des élèves. À titre d’exemple, celui de la rétroaction : de nombreux enseignants s’entendent sur le fait que celle qu’ils donnent désormais à leurs élèves, optimisée par l’usage d’outils numériques (GoFormative, Wooclap, Nearpod, Flipgrid…), a gagné en efficacité et en utilité. En effet, d’une part, les outils numériques favorisent une rétroaction instantanée, ce qui permet d’agir rapidement auprès d’un élève ou d’un groupe. D’autre part, les élèves se sont montrés particulièrement réceptifs aux commentaires vocaux laissés par leurs enseignants car cela leur donnait l’impression de recevoir des conseils qu’ils auraient obtenus lors d’un dialogue un à un. Grâce à cette ouverture et à cette prise de risque de la part de certains enseignants, ils ont pu trouver des réponses concrètes à des situations problématiques, ce qui a eu pour conséquence un regain de confiance et d’estime de soi dans leur capacité d’innovation.
Aussi, ce que nous avons remarqué dans notre école, c’est que certains enseignants n’étaient pas forcément des experts en technologie. Cependant, ils ont su s’autoformer ou solliciter les ressources pour ajuster leurs pratiques5. Les initiatives inspirantes de ces enseignants6 suffiront-elles néanmoins pour provoquer le changement auprès de leurs collègues, et rêvons un peu… auprès des instances ministérielles? Localement, pour encourager l’innovation et la porter plus loin, nous recommandons que les directions scolaires tiennent compte des effets positifs du partage de pratiques entre pairs et de la collaboration pédagogique entre collègues. Elles devraient aussi mettre en place des structures qui les favorisent (mentorat, groupe d’entraide professionnelle, communauté d’apprentissage professionnelle, rencontre d’accompagnement pédagogique, etc.).
Dans les médias, nous entendons souvent parler des élèves qui ont cumulé des retards importants, qui ont perdu leur motivation ou qui ont développé des problèmes de santé mentale. Ces propos nous amènent à faire deux constats : d’une part, ces élèves n’étaient pas suffisamment outillés pour faire face à ce chamboulement des pratiques pédagogiques. D’autre part, a contrario, cette crise semble avoir eu des impacts positifs sur certains. Revenons à il y a plus de vingt ans au Québec : à cette époque, le milieu scolaire a vécu une profonde réforme des programmes qui s’est traduite par la mise en place d’un enseignement et d’une approche évaluative centrés sur le développement de compétences tant disciplinaires que transversales. Par ailleurs, depuis quelques années, nombre d’études internationales ont souligné la nécessité de développer des compétences qui permettraient aux élèves de faire face aux principaux défis de notre époque, compétences qui ont été identifiées comme celles du XXIe siècle. Ironie du sort, la crise actuelle a montré la nécessité absolue de développer ces compétences transversales, tant décriées et mises
de côtés il y a vingt ans. On a d’ailleurs constaté, par exemple, que les élèves qui avaient développé avant la pandémie leur capacité à résoudre des problèmes, leur pensée créative et leur autonomie, avaient un net avantage sur ceux qui n’avaient pas autant d’habiletés au niveau de l’organisation de leur travail. Durant cette pandémie, nos élèves auront certainement beaucoup appris, ayant été confrontés à des situations inconnues de leurs prédécesseurs. Il sera donc primordial que le réseau de l’éducation reconnaisse et promeuve la pertinence de ces compétences auprès de tous les intervenants scolaires, quitte à les actualiser au regard de ce qui a été vécu depuis un an. Il sera aussi essentiel qu’on les intègre dans le parcours de formation initiale et continue des enseignants parce qu’il ne suffira plus que ceux-ci en facilitent l’acquisition chez leurs élèves. Il faudra également qu’ils les possèdent eux-mêmes, d’où l’importance de soutenir les activités de développement professionnel sur une base continue et le déploiement de communautés d’apprentissage professionnelles sur une base locale.
Beaucoup d’initiatives ont été mises en place par les directions d’établissements scolaires et par le ministère de l’Éducation pour soutenir la formation des enseignants et pour rattraper les retards importants que certains élèves auraient subis dans leurs apprentissages. Voici ce que nous aimerions voir perdurer dans les prochaines années :
À quelques semaines de la fin de cette année scolaire très mouvementée, nous aimerions imaginer un dénouement positif qui évitera l’évaporation cognitive d’ici septembre 2021. Tout ce que nous avons gagné durant cette crise doit servir à transformer l’École pour qu’elle s’ancre enfin dans son époque. Antoine de Saint- Exupéry a écrit : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le coeur de tes hommes et femmes le désir de la mer. ». C’est notre plus grand souhait pour l’avenir.
1 Dans les faits, cela signifie qu’enseignants comme éléves disposaient d’outils numériques (tablettes ou ordinateurs portables, applications numériques et plateformes d’apprentissage, etc.) et que ces milieux disposaient également de ressources humaines (technopédagogues, conseillers pédagogiques ou autre personnel de soutien à la pédagogie) pour accompagner et aider à l’appropriation des outils et à la réflexion que leurs usages supposent.
2 Voir les recherches d’Albert Bandura sur le sentiment d’efficacité personnelle, notamment : Bandura, A., (trad. Jacques Lecomte), Autoefficacité : Le sentiment d’efficacité personnelle [« Self-efficacy »], Paris, De Boeck, 2007, 2e éd. (1re éd. 2003)
3 Pierre Canisius Kamanzi, Maurice Tardif et Claude Lessard (2013). Les enseignants canadiens à risque de décrochage : portrait général et comparaison entre les régions. Repéré à https://erudit.org/fr/revues/mee/2015-v38-n1-mee02527/1036551ar/
Réseau d’information pour la réussite éducative (2019). Pour quelles raisons les nouveaux enseignants d.crochent-ils? Repéré à http://rire.ctreq.qc.ca/2019/07/pour-quelles-raisons-les-nouveauxenseignants-decrochent-ils/
4 Réseau d’information pour la réussite éducative (2018). Quatre pistes d’action pour contrer le décrochage scolaire. Repéré à http://rire.ctreq.qc.ca/2018/06/quatre-pistes-daction-contrerdecrochage-scolaire/
5 Les enseignants ont pu recourir à des autoformations, notamment celles offertes et élaborées par la TELUQ, le Cadre21, l’École branchée et le RÉCIT.
6 Nous faisons allusion ici au concept d’empowerment individuel et collectif tel que William A. Ninacs l’a développé notamment dans Empowerment et intervention : Développement de la capacité d’agir et de la solidarité. Québec. Les presses de l’Université Laval.
7 Voir la d.marche et les outils déposés sur le site J’enseigne à distance, TELUQ, 2020. Voir aussi Précis d’ingénierie pédagogique de Manuel Musial et Andr. Tricot. Les auteurs proposent une théorie de l’ingénierie pédagogique en 3 actes : l’acte d’apprendre, l’acte d’enseigner et l’acte de concevoir un enseignement. Ils fournissent aussi de nombreux exemples pour soutenir sa mise en œuvre.
8 Voir le Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2016-2018, Évaluer pour que .a compte vraiment, Conseil Supérieur de l’Éducation, 2019. Voir aussi la présentation de l’atelier « Des outils pour évaluer différemment : comment le numérique peut-il être au service réel des apprentissages ? » animé par Laurie Bédard, Conseillère pédagogique au RECIT CSDA et Josée Portelance, Conseillère pédagogique en intégration du numérique au CSDA, à l’AQEP 2019. Repéré à
9 Coéducation, Quelle place pour les parents ?, Revue de l’IFE, Lyon, 2015. Voir aussi l’accompagnement et les ressources propos.s en coéducation par le magazine « L’École branchée » : https://ecolebranchee.com/famille/
Les élèves possédant une culture numérique savent comment se servir d’un ordinateur et de l’Internet pour trouver, lire, organiser et analyser l’information d’un œil critique, créer du contenu numérique (p. ex., infographies, blogues, vidéos) à diverses fins et avec diverses applications, et participer de façon éthique à des plateformes, sur les réseaux sociaux et autres en empruntant des formes variées (texte, image, son, mot-clic). Enseignants et parents jouent un rôle crucial pour amener les jeunes à peaufiner leurs habiletés numériques et les pratiques sociales qui leur permettront de devenir des lecteurs, rédacteurs et participants avisés dans un univers complexe où les technologies numériques transforment notre façon de penser, de comprendre et d’interagir.
Lorsque les enfants apprennent à reconnaître, à décoder et à écrire les lettres de l’alphabet, ils peuvent aussi apprendre à reconnaître et à taper des lettres sur un clavier, utiliser des applications numériques pour écouter et utiliser les fonctions des livres numérisés, enregistrer et partager leurs idées sur une application audio et se servir de plateformes de codage par blocs (p. ex., SCRATCH) pour concevoir des commandes que lit l’ordinateur. Les jeunes enfants ont besoin de possibilités d’apprentissage adaptées à leur développement afin de comprendre et d’utiliser toutes les technologies qui façonneront la mise en application de leurs compétences tout au long de leur vie.
La collaboration créative implique de dépasser la simple consommation d’information numérique, puisque les élèves doivent négocier et résoudre des problèmes complexes à l’aide d’un éventail d’outils numériques. Par exemple, la cocréation d’une vidéo numérique sur un thème à portée sociale peut nécessiter l’utilisation de plateformes infonuagiques de rédaction pour la scénarisation par images, de caméras numériques pour l’enregistrement, de pratiques de gestion des données pour organiser les fichiers, de logiciels de montage numériques et de plateformes de partage de vidéos, moyennant des autorisations selon le niveau de confidentialité requis. Grâce à la collaboration et à l’examen par les pairs, les élèves apprennent les rudiments de la création, de l’édition et de la diffusion de leurs œuvres à titre de participants actifs à un ensemble de cultures en réseau.
Lorsqu’ils cherchent de l’information sur Internet, les élèves qui adoptent une approche d’évaluation et consultent différentes sources afin de comparer les faits, arguments et perspectives (technique appelée lecture latérale) ont en général une compréhension plus juste des thèmes abordés. Pour intégrer cette approche, les élèves doivent avoir des occasions de soupeser la fiabilité des sources d’information à l’aide d’indicateurs (contexte, identité et qualifications de l’auteur, point de vue, données sur le financement, type de texte, modalité, recours à des déclencheurs émotionnels, mode de circulation de l’information sur les réseaux sociaux, possibilité de vérifier cette information). De plus, il est bénéfique pour les élèves d’avoir à justifier leur classement de fiabilité lors d’un débat avec leurs pairs et lorsque leurs parents et leurs enseignants démontrent des méthodes d’évaluation critique en pensant à voix haute lorsqu’ils jugent l’information.
La lecture et l’écriture exigent un enseignement explicite durant des années avec de nombreux types de textes à diverses fins de communication, et il en va de même pour la littératie numérique. On peut penser que les enfants ont une maîtrise innée des technologies numériques, mais la recherche a dissipé ce mythe. Même les jeunes adultes très instruits qui ont grandi avec l’Internet ne sont pas immunisés contre les fausses nouvelles et ne savent pas nécessairement comment résoudre des problèmes complexes à l’aide d’un ordinateur. Étant donné l’importance des réseaux virtuels mondiaux dans presque tous les aspects de notre vie, il est essentiel de privilégier l’enseignement d’habiletés numériques à tous les niveaux d’études et dans toutes les matières pour que les élèves apprennent en bas âge des techniques fondamentales de lecture, de composition et de participation numériques.
Pendant des années, j’ai pensé que je cochais toutes les cases de ce qui constitue une « éducation globale ». Engagée à promouvoir la diversité et déterminée à bâtir des compétences globales et à aider mes élèves à rechercher des perspectives et des points de vue différents, je voulais m’assurer que mes jeunes élèves se préparent à vivre dans un monde qui allait exiger d’eux de travailler et de vivre en tant que citoyens du monde. Nous avons ainsi mis l’accent sur la découverte de cultures différentes de la nôtre. Nous avons appris quels étaient les jours fériés et les coutumes des populations de pays lointains. Parmi les langues utilisées tous les jours figuraient l’anglais, l’espagnol et le mandarin. Pionniers en matière de technologie, nous nous sommes efforcés d’établir des liens avec les enjeux mondiaux et l’actualité internationale autour de sujets tels que l’environnement et les droits de l’homme.
Puis, vers 2010, j’ai réalisé que bien qu’ayant coché de nombreuses cases, ma liste de tâches éducatives comme pédagogue internationale ne devait pas limiter l’apprentissage des élèves aux seules populations et aux seuls enjeux de notre monde, mais qu’elle devait les amener à un tout autre niveau d’engagement.
Le modèle des Quatre domaines de compétence globale proposé par la Asia Society (2005) (cf. figure 1) m’a convaincue que pour être compétents à l’échelle internationale, les élèves doivent posséder les connaissances et les compétences requises pour :
Figure 1: Quatre domaines de compétence globale
Les trois premiers domaines – c’est là que j’en étais. Agir – c’est dans cette direction que nous devions aller.
En y repensant, je dirais que ce fut le premier moment décisif dans ma carrière de pédagogue internationale. Le second été en 2015, lorsque j’ai découvert les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.
« Les Objectifs de développement durable sont la liste des tâches dont l’humanité doit s’acquitter pour la pérennité de la planète, une feuille de route pour un avenir meilleur. » – Bureau des Nations Unies à Genève
Les 17 Objectifs mondiaux que le monde s’est engagé à atteindre d’ici 2030 couvrent des sujets cruciaux comme la vie sur la terre ferme, l’action climatique, l’égalité des sexes, l’eau potable et la sécurité alimentaire. Le secteur de l’éducation auquel nous appartenons a même son propre Objectif mondial, l’ODD 4 : Une éducation de qualité. J’ai découvert, au fur et à mesure que je me suis intéressée aux ODD, comment, en tant que pédagogues, nous pouvons prendre part à cette conversation globale et lancer un appel international pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et améliorer la qualité de vie de tous ses habitants.
Au fil des ans, j’ai mobilisé des pédagogues du monde entier désireux, comme moi, d’amener les ODD dans les salles de classe et les écoles. Nous nous sommes mobilisés en formant un réseau d’apprentissage professionnel et en nous regroupant au sein d’espaces collaboratifs tels que Twitter et autour de projets comme le Goals Project (www.goalsproject.org), car l’éducation — en jouant sur la solidarité, la volonté de travailler ensemble et les intentions communes des enseignants et des élèves — constitue à nos yeux l’un des meilleurs moyens d’atteindre les objectifs.
La naissance de TeachSDGs, une communauté qui regroupe aujourd’hui plus de 50 000 pédagogues internationaux participant activement à la réalisation des Objectifs mondiaux, a en réalité résulté de l’idée selon laquelle les objectifs pourraient constituer une feuille de route pour les enseignants désireux de trouver de nouveaux moyens d’enseigner et d’apprendre.
Je me souviens d’avoir réalisé, avec mes amies Alice McKim du Nouveau-Brunswick (Canada) et Amy Rosenstein de New York (É.-U.), toutes deux œuvrant dans le secteur de l’éducation internationale, que les objectifs correspondaient à ce que recherchions, à savoir un pont entre le travail réalisé dans les salles de classe d’une part et le monde et l’industrie d’autre part. Les objectifs sont ainsi devenus pour nous le point d’accès grâce auquel nous allions être en mesure, en tant qu’enseignants et aux côtés de nos élèves, de prendre part à la conversation et de « prendre notre place », que ce soit au siège des Nations Unies à New York ou au niveau d’une mesure ou de projets locaux. Dans notre esprit, les Objectifs mondiaux font en quelque sorte office de carte et d’itinéraire et nous montrent le travail à accomplir.
Lorsque les Nations Unies nous ont demandé de nous organiser en créant un groupe de travail sur les Objectifs mondiaux, nous avons compris que nous ne pourrions pas nous contenter de mobiliser quelques pédagogues nord-américains. Nous nous sommes ainsi employés à inviter nos collègues du monde entier, collègues que nous n’avions pour la plupart jamais rencontrés et que nous ne connaissions que par le biais des médias sociaux. Nous avons fait ce que nous savions faire de mieux, créer un mot-clé (#TeachSDGs) et un simple site Web (TeachSDGs.org), et nous nous sommes mis au travail. Notre groupe, constitué au départ de quelques pédagogues, a très vite compté 17 membres. Il en compte aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers, tous unis dans un but commun : soutenir et autonomiser les élèves et les enseignants pour qu’ils agissent en faveur de la population et de la planète par le biais des ODD. Et maintenant que nous sommes dans la dernière ligne droite, la Décennie d’action, et qu’il nous reste moins de 10 ans avant 2030, nous sommes tous animés d’un sentiment d’urgence et avons clairement en tête ce que nous pouvons faire pour contribuer.
Pourquoi les Objectifs mondiaux? Pourquoi maintenant? Il semble que nous soyons à un moment charnière en matière d’éducation. Nous constatons la naissance d’un activisme étudiant soucieux de susciter et d’amener les changements nécessaires, en adéquation avec les points de vue des élèves et les besoins de notre planète; c’est en tant que citoyens de la planète Terre que nous nous attaquons au changement climatique, aux violations des droits de la personne et aux pandémies mondiales; nous assistons à la modification, grâce aux nouvelles technologies, de notre façon de vivre et de travailler, et ce, au moment même où nous donnons la priorité au volet humain de la vie et du travail, en mettant l’accent sur l’apprentissage socio émotionnel, le bien-être, l’empathie et la pensée créatrice. Les pédagogues figurent en première ligne de cette évolution. Ils en sont des témoins directs et pivotent et avancent avec elle.
Les Objectifs de développement durable offrent de nouvelles perspectives. Ils sont source d’espoir et nous guident jusqu’à notre but. En classe, je constate que les objectifs favorisent la collaboration et le travail pluridisciplinaire. Non seulement les objectifs sont-ils pertinents pour tous et en tous lieux, mais ils abolissent en plus les frontières au sein des programmes, ce qui nous permet de croiser les contenus étudiés et de travailler en équipe vers un but commun. Les Objectifs mondiaux, ce sont les sciences et les arts; ce sont les langues et les sciences humaines. Ils sont notre histoire et notre avenir et peuvent être, pour nous enseignants, le « présent » de notre travail pédagogique.
Après avoir pendant plusieurs années suscité une prise de conscience vis-à-vis des objectifs, nous avons commencé à entendre les enseignants nous dire : « Nous voyons maintenant le “pourquoi“, mais qu’en est-il du “comment“? » En 2019, l’une de mes anciennes étudiantes m’a donné une excellente idée en me parlant d’un projet qu’elle avait entrepris avec d’autres enseignants autour de l’alphabet. Si un projet tournant autour des 26 lettres de l’alphabet pouvait fonctionner, je me suis dit, pourquoi ne pas bâtir un projet autour des 17 ODD? J’ai alors pressenti les enseignants de la communauté TeachSDGs afin de voir s’ils aimeraient se joindre à moi pour entreprendre un projet de courte durée sur ces objectifs.
J’ai à nouveau choisi un nom (le Goals Project) et créé un mot-clé (#GoalsProject) et un site Web gratuit (www.goalsproject.org), puis j’ai commencé à faire circuler le message sur Twitter. Initialement, mon objectif était de trouver 16 autres classes. En l’espace de quelques semaines, plus de 350 personnes ont demandé à se joindre au projet et un an après le lancement du Goals Project, près de 2 000 salles de classe avaient participé. L’édition 2021 du Goals Project a été lancée de 25 janvier et compte près de 3 000 salles de classe de plus de 120 pays. Des élèves de 3 à 20 ans y participent pour s’attaquer aux ODD dans le cadre d’un projet de six semaines axé sur les solutions. Cet espace nous permet d’explorer de nouvelles pistes et de bâtir cet espoir d’une planète en meilleure santé en jouant le rôle de protecteurs de l’environnement. Il permet en outre à la bonne volonté de la population de s’exprimer.
Pour les pédagogues qui s’apprêtent aujourd’hui à se plonger dans les Objectifs mondiaux, voici cinq conseils ainsi qu’une liste de ressources de haute qualité conçues pour aider les pédagogues de la maternelle au secondaire V (12e année) à s’attaquer aux ODD avec leurs classes.
Cet article est traduit de la version originale anglaise. Certaines ressources sont également disponibles en français; veuillez consulter les sites Web.
Imprimez et accrochez l’affiche des ODD ou les icônes individuelles des Objectifs mondiaux : https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/news/communications-material/
Le Guide des paresseux qui veulent sauver la planète (ONU, 2019) suggère des mesures que vous et vos élèves pouvez prendre depuis votre fauteuil préféré, chez vous, au sein de votre communauté et au travail/à l’école. https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/takeaction/
Téléchargez et partagez des infographies, des GIF et des traductions pour inciter les gens à agir dans votre école et votre communauté : https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/pourquoi-est-ce-important/
Créez votre propre paquet de cartes d’actions avec les 170 actions quotidiennes pour transformer notre monde du bureau des Nations Unies de Genève. https://drive.google.com/file/d/1fEvDqVZVzXQwdhHlvCAiFldO-KSotdUh/view
Téléchargez La plus grande leçon du monde, mise à jour chaque année, et accédez à des vidéos, des documents imprimables et d’autres ressources sur le site https://worldslargestlesson.globalgoals.org/fr/
Travaillez-vous auprès d’élèves âgés de 4 à 8 ans? Les leçons Explorateurs pour les objectifs mondiaux constituent un excellent point de départ. Pour en savoir plus : https://worldslargestlesson.globalgoals.org/fr/campaign/explorers-for-the-global-goals/
Ludifiez l’apprentissage avec Objectif planète durable un jeu de société sur les ODD pour les enfants proposé dans 21 langues. https://go-goals.org/fr/
Aidez à éradiquer la faim en jouant au jeu éducatif en ligne Freerice du Programme alimentaire mondial. À chaque bonne réponse, cinq grains de riz seront donnés à des personnes en manque de nourriture.
Tissez des liens avec des milliers d’éducateurs du monde entier qui enseignent les Objectifs mondiaux dans leur salle de classe. Visitez le site http://www.teachsdgs.org et suivez la conversation sur les réseaux sociaux avec le mot-clé #TeachSDGs
Prenez part au Goals Project, une initiative d’une durée de six semaines menée chaque année en ligne dans le cadre de laquelle vous appréhendez les objectifs et vous collaborez avec des salles de classe de plus de 120 pays. Visitez le site https://www.goalsproject.org et suivez la conversation sur les réseaux sociaux avec le mot-clé #GoalsProject
Consultez la liste complète des évènements et des journées internationales sur le Calendrier des évènements en lien avec les ODD :
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C’est bien connu, les écoles n’ont pas toutes les mêmes moyens d’offrir un environnement d’apprentissage stimulant à leurs élèves. Cette situation a d’ailleurs été dénoncée dans un rapport du Conseil supérieur de l’Éducation au Québec (CSE) en 2016. « La concurrence en éducation est indissociable de la perception que toutes les écoles ne sont pas équivalentes : elle alimente donc la crise de confiance qui fragilise le système public. Cette crise de confiance accentue la tendance à regrouper les élèves selon leur profil scolaire et socioéconomique. » Au-delà de cette critique qui mérite certes des nuances, il n’en demeure pas moins que l’épidémie de la COVID-19 a imposé un même défi à toutes les écoles, favorisées ou défavorisées : soit celui du déploiement du numérique en soutien à l’accompagnement et à l’apprentissage à distance. La COVID-19 a provoqué un moment unique et généralisé de développement professionnel.
Si l’école a son propre rythme de croissance, il est quand même surprenant de constater le faible niveau de maîtrise et d’utilisation du numérique à l’école, comme le révèle l’étude de Villeneuve et al., présentée en 2018. Force est de constater qu’à ce jour, les initiatives des dernières décennies n’ont pas fourni tous les résultats escomptés. Au Québec, il suffit de penser à la création du RÉCIT (réseau axé sur le développement des compétences des élèves par l’intégration des technologies) ou encore au Plan d’action numérique (PAN) dont s’est doté le ministère de l’Éducation du Québec.
Au tournant du millénaire, des commissions scolaires (CS) et des écoles privées ont commencé à lui emboîter le pas. La CS Eastern Township, dirigée à l’époque par Ron Canuel, a décidé de porter un grand coup en 2003 et de fournir un ordinateur à tous ses élèves pour provoquer le changement. « Depuis 1997, le gouvernement a dépensé plus de 300 millions et le taux d’utilisation des ordinateurs dans nos écoles est demeuré assez bas parce que les enseignants n’ont pas eu le temps de se familiariser avec les logiciels », affirmait-il dans Le Devoir. Près de vingt ans plus tard, le point de bascule n’est toujours pas atteint et il aura fallu attendre cette crise sanitaire pour délier les bourses et les esprits afin de déployer le numérique à l’école et encore là, à géométrie variable.
Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer la lente intégration du numérique dans certaines écoles au Québec. Cela va des choix budgétaires au manque de formation du personnel, en passant par le manque de soutien informatique ou encore la crainte d’être dépassé, voire ridiculisé par ses élèves : les natifs du numérique. Qui sont-ils ces jeunes qui n’ont pas connu le monde sans Internet ? D’habiles joueurs en ligne, des experts en clavardage, des pros de TikTok ? Cela n’en fait pas des experts en apprentissage pour autant.
Ainsi, la fermeture des écoles et les demandes d’accompagnement à distance des élèves ont encouragé les enseignant(e)s à surmonter leurs craintes et à expérimenter les possibilités du numérique pour garder un lien d’apprentissage. Si le défi en a emballé certains, d’autres ont vécu une courbe d’apprentissage phénoménale pour réussir à maîtriser les Google Classroom, Teams ou Zoom de ce monde.
Ce virage rapide n’aurait pu se réaliser sans le soutien des conseillers pédagogiques, des formations en ligne et de l’essentiel soutien des collègues. Combien d’enseignants ont pu compter sur l’appui indéfectible d’une consœur ou d’un confrère pour effectuer les premiers pas, les premières captations vidéo, les premières animations en ligne ? On aura rarement vu une telle entraide.
Rapidement, les directions d’école ont demandé de fournir des plans de leçon hebdomadaires pour les élèves. Ces plans devaient principalement cerner les savoirs essentiels et consolider les apprentissages ; ce qui est une tâche relativement simple pour un enseignant expérimenté. Le défi se situait au-delà des notions à transmettre. Il fallait revoir sa pédagogie et ses stratégies autant d’enseignement que d’évaluation, car ce qui se faisait bien en classe ne se transmettait pas tel quel à l’écran.
Ainsi, les enseignant(e)s ont dû apprendre à gérer un groupe à distance notamment en instaurant des routines quant au comportement à l’écran, à la réalisation des activités proposées et à la gestion du temps. Pour ce faire, les directions d’établissement ont aussi dû faire preuve d’imagination afin de libérer les enseignant(e)s pour les amener à développer leurs compétences numériques.
La situation est encore loin d’être parfaite dans les écoles du Québec et le ministère de l’Éducation continue son investissement dans le matériel et la formation du personnel enseignant en prévision d’un éventuel autre confinement. Toutefois, nous ne pouvons ignorer les pas de géant que les enseignants ont réalisés quant à leur expertise en accompagnement des élèves à distance et à l’intégration judicieuse du numérique. Il reste encore des résistances dans le milieu, mais les enseignants sont de plus en plus nombreux à ne plus vouloir retourner à l’école « comme avant » après le printemps numérique qu’ils ont vécu. En fin de compte, la pandémie aura-t-elle malgré elle contribué à propulser vers l’avant une masse critique d’enseignants soucieux de faire mieux ce qu’ils font bien ?
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Conseil supérieur de l’Éducation. (2016, septembre). « Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2014-2016 : Remettre le cap sur l’équité » (sommaire). http://www1.cse.gouv.qc.ca/fichiers/documents/publications/CEBE/50-0494Sommaire.pdf
Villeneuve, S., Stockless, A., Beaupré, J., et Bisaillon, J. (2018, octobre). Évolution de la compétence numérique d’enseignants : recul, statu quo ou progression ? 4e colloque du CIRTA, Présent et futur de l’enseignement et de l’apprentissage numérique, Québec (Québec), Canada. https://cirta2018.teluq.ca/teluqDownload.php?file=2019/03/31_Villeneuve_Stephane_Alain_Stockless_Julie_Beaupre_Jeremie_Bisaillon.pdf
(2003, 24 janvier). « Un écolier, un portable ». Le Devoir. https://www.ledevoir.com/societe/education/18974/un-ecolier-un-portable
La pandémie de la COVID-19 aura mis en lumière bien des choses en 2020 et l’école ne fut pas en reste. Anne-Louise Davidson parle de certitudes volant en éclats1, notamment dans un système d’éducation vieux de 200 ans : « On a été dérangés à grande échelle […] Un virus, c’est plus grand qu’une réforme ».
Un énorme quart-de-tour d’urgence a eu lieu, notamment en ce qui a trait à l’enseignement en ligne et à l’appropriation du numérique par une majorité d’enseignants au Canada et ailleurs. Les besoins de formation continue furent manifestes. À titre d’exemple, le nombre d’enseignants suivant les formations du CADRE212 a pratiquement triplé au printemps 2020. En toile de fond, des questions telles que : Comment rejoindre chaque jeune, surtout celui ou celle qui est à risque, et le guider dans ses apprentissages ? Avec quels outils ? Comment donner de la rétroaction et évaluer dans des contextes si différents de l’école traditionnelle ? Quels contenus demeurent essentiels et comment les enseigner ? Comment établir des communautés professionnelles où prime la collaboration, voire la co-élaboration ?
Ces questions sont-elles des sources de stress chez l’équipe-école ou des occasions pour réinventer l’école, ensemble ?
La tolérance à l’ambiguïté
Mettre en chantier une école qui mérite d’être actualisée afin qu’elle soit de son temps peut apporter son lot de stress chez ses acteurs; élèves, parents, enseignants et direction. Elle fait prendre conscience de la complexité énorme de la profession enseignante dont les rôles et la posture professionnelle sont en mode beta perpétuel. Exit les certitudes, on devient confortablement inconfortable comme dirait le consultant Marius Bourgeoys. Retour à la normale ? Plutôt une nouvelle normalité à établir…
Faire l’école autrement nous confronte à plusieurs choses. Le modus vivendi interpelle le sentiment d’efficacité personnelle/professionnelle, le besoin de formation continue, le questionnement face à un référentiel pédagogique dominant et la capacité de mobiliser l’équipe dans une démarche de co-construction. Le modus operandi, lui, interpelle les structures – physiques, organisationnelles, temporelles – en fonction de finalités d’éducation enfin (diront certains) actualisées. Pas une mince tâche mais une noble tâche.
Leadership, leadership, leadership
En filigrane, le leadership des dirigeants et des enseignants est essentiel. Selon le chercheur Emmanuel Poirel3, il y a « un lien significatif entre la maîtrise de l’anxiété exercée par la direction, sa capacité à reconnaître cette émotion chez son personnel et à l’aider à la gérer, et la manifestation de son leadership. » En plus de la joie ou de la satisfaction exprimée par les leaders, ajoutons de bonnes doses de créativité, d’écoute, de confiance mutuelle, de vision partagée, d’humilité, de rigueur intellectuelle, d’outillage et de processus aidants, de monitorage pour guider les actions et beaucoup de bienveillance. Bref, les leaders dans une école sont bien plus que des gestionnaires, ils et elles sont des faiseurs de possibles. Mais comme le masque à oxygène qui est déployé dans un avion, on prend d’abord soin de soi afin de pouvoir mieux accompagner les autres.
Bref, les leaders dans une école sont bien plus que des gestionnaires, ils et elles sont des faiseurs de possibles.
On fait quoi maintenant ?
Pour une année scolaire 2020-2021 atypique, voici quelques pistes à considérer en équipe.
Des questions à se poser4 ensemble au retour du confinement de la COVID-19 pour guider la suite des choses –
Depuis mars 2020, on a vu passer de nombreuses ressources et pistes aidantes pour l’enseignement à distance ou l’hybridation de l’enseignement, devenus pratiquement incontournables maintenant. Elles aideront sûrement tout enseignant qui, force est d’admettre, devra être prêt pour de nouveaux chamboulements affectant l’école. Les besoins de formation continue et d’accompagnement dans le temps restent présents, ce n’est pas un « one shot deal » limité à l’automne 2020.
Melanie Kitchen offre neuf pistes à considérer5 dès la rentrée 2020-2021 dans une perspective de formation à distance ou en mode hybride :
Conclusion
Le défi reste énorme. La géométrie est variable. L’occasion est superbe. L’initiative est avant tout humaine. Au final, c’est une école pleine de SENS aux yeux de ses acteurs, où un fort SENTIMENT D’APPARTENANCE et de BIENVEILLANCE règnent et où l’indicateur ultime demeure la RÉUSSITE GLOBALE de chaque jeune, pour un monde en chamboulement.
Illustration : iStock
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Magdaline Boutros. « Les chamboulements éducatifs multiformes de la COVID-19 ». Le Devoir, 6 juillet 2020. [En ligne]. https://www.ledevoir.com/societe/education/581963/recherche-et-innovation-les-chamboulements-multiformes-de-la-covid-19
2 Voir : https://www.cadre21.org/
3 « Gérer ses émotions et celles d’autrui pour augmenter son leadership ». Scientifique en chef. Gouvernement du Québec, 2020. [En ligne]. http://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impacts/gerer-ses-emotions-et-celles-dautrui-pour-augmenter-son-leadership/
4 Manuella. “Rétro 10 semaines d’école à la maison.” Griffo’Notes, 2 juin 2020. [En ligne]. http://griffonotes.com/index.php/2020/06/02/retro-10-semaines-decole-a-la-maison/5/
5 Jennifer Gonzalez. « 9 Ways Online Teaching Should be Different from Face-to-Face ». Cult of Pedagogy, 5 juillet 2020. [En ligne]. https://www.cultofpedagogy.com/9-ways-online-teaching/
Les écoles peuvent relever le défi du changement climatique de différentes manières. Voici deux exemples remarquables, mais très différents.
La dernière élection fédérale a été marquée par un virage alors que les changements climatiques et l’environnement sont devenus des priorités essentielles pour les Canadiens. Face à des conditions météorologiques de plus en plus imprévisibles, aux inquiétudes relatives au fait que le Canada ne respecte pas ses engagements mondiaux en matière de réduction de son empreinte carbone et à un solide mouvement de la jeunesse, la sensibilisation et la préoccupation du public à l’égard du climat n’ont jamais été aussi palpables.
Les jeunes ont été au centre de ce virage, en partie sous l’impulsion des grèves climatiques de Greta Thunberg qui ont galvanisé jeunes et plus âgés, partout dans le monde. Au Canada, les écoles font aussi partie de la discussion. Que ce soit par des programmes d’études et initiatives scolaires qui explorent les changements climatiques et l’impact humain sur l’environnement ou par des changements aux installations physiques qui favorisent l’efficacité énergétique, la réduction des déchets et la santé des élèves, les écoles canadiennes relèvent les défis posés par les changements climatiques de façons uniques.
L’école primaire Curé-Paquin à Saint-Eustache, au Québec, accueille plus de 350 élèves cet hiver. C’est le premier projet au Québec à avoir obtenu la certification Bâtiment à carbone zéro – Design du Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa).
Cette certification signifie que l’école Curé-Paquin est conçue pour atteindre l’objectif de zéro émission de gaz à effet de serre (GES) associé à l’exploitation du bâtiment. L’école fait partie d’un projet pilote pour la Norme du bâtiment à carbone zéro qui met l’accent sur les émissions de carbone dans la conception et la performance des bâtiments.
« La commission scolaire avait comme objectif de créer un milieu d’apprentissage confortable et d’offrir aux élèves un bâtiment exemplaire qui pourrait aussi servir d’outil d’apprentissage. »
La Norme du bâtiment à carbone zéro cadre bien avec la volonté de la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles (CCCMI) de construire des bâtiments durables et de contribuer à la réduction des GES. La commission scolaire considère ce projet comme une initiative phare qui incitera d’autres commissions scolaires de la province à également emboîter le pas pour réduire leurs émissions de GES.
« Nous avons besoin d’initiatives créatives et audacieuses pour contrer les effets des changements climatiques », a déclaré Paule Fortier, présidente de la CCCMI. « Je suis heureuse que notre organisation pose ce geste écologiquement responsable en construisant cette école pour les générations futures. »
Plusieurs décisions ont été prises pour améliorer l’efficacité énergétique et le milieu ambiant de l’école. Par exemple, l’école Curé-Paquin utilise l’énergie géothermique pour satisfaire la totalité de ses besoins en chauffage et climatisation. Des panneaux solaires photovoltaïques d’une capacité de 27 kilowatts sont installés sur la toiture de son gymnase. L’école possède également un système d’éclairage DEL contrôlé par des détecteurs de présence, ce qui contribue à réduire la consommation d’énergie totale et la demande en énergie pendant le jour.
Une enveloppe du bâtiment supérieure limite les pertes d’air chaud ou froid, alors que le design optimise la lumière et la ventilation naturelles pour que les élèves soient en meilleure santé (et plus alertes). Des études compilées par le Center for Green Schools des États-Unis ont révélé qu’une piètre ventilation entraînait un plus grand nombre d’absences chez les élèves en raison d’infections respiratoires, et qu’elle augmentait l’incidence du syndrome du bâtiment malsain et le nombre de visites des infirmières dans les écoles pour des problèmes respiratoires. De plus, une étude de 2013 ayant analysé les données de 21 000 élèves a établi un lien direct entre les classes qui ont un meilleur éclairage naturel et l’amélioration des résultats scolaires.
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La commission scolaire avait comme objectif de créer un milieu d’apprentissage confortable et d’offrir aux élèves un bâtiment exemplaire qui pourrait aussi servir d’outil d’apprentissage. L’un de ces outils est un écran qui montre la consommation et la production quotidiennes d’énergie de l’école, y compris l’énergie produite par les panneaux solaires photovoltaïques. Dans les cours de sciences, les élèves apprennent comment réduire les GES à l’aide des technologies qui se trouvent dans l’école.
Alors que le design à carbone zéro de l’école Curé-Paquin est au cœur de ses efforts de durabilité, d’autres écoles mettent l’accent sur les programmes d’études et autres programmes scolaires pour aider les élèves à comprendre l’importance des changements climatiques, de l’environnement et de leur rôle dans la protection du monde naturel.
L’école primaire W. D. Ferris située à Richmond en Colombie-Britannique est l’une de ces écoles. Le programme d’études expose les élèves à l’environnementalisme avec des programmes conçus pour les aider à économiser l’énergie, à réduire les déchets et la consommation d’eau, puis à améliorer le transport et la qualité de l’air intérieur.
Kevin Lyseng, enseignant et responsable de la gérance environnementale, attribue aux élèves le mérite d’avoir trouvé plusieurs idées du programme à la base de l’orientation environnementale de l’école. « Nous nous soucions de nous-mêmes, des autres et de l’environnement, voilà ce que nous faisons », a-t-il expliqué. « Nous bénéficions également du soutien continu du district scolaire de Richmond. »
L’école compte un peu plus de 500 élèves de la maternelle à la 7e année. Selon la classe, les élèves participent à divers programmes, incluant l’élevage du saumon Coho, la culture du raisin ou la participation à des audits réguliers sur la consommation d’énergie et des niveaux de déchets. Ces audits contribuent à façonner les activités qui ont eu un impact important sur l’école. Le passage à la collecte des déchets à six bacs a permis de détourner 80 pour cent des déchets depuis 2007. Les programmes d’information sur les économies d’énergie saisonnières ont aussi contribué à réduire de deux pour cent la consommation d’électricité, et ce, malgré l’augmentation des activités de l’école.
Pour réduire le gaspillage de nourriture, l’école a inversé l’horaire du dîner et de la récréation, de sorte que les élèves peuvent jouer avant de manger. Ils ont ainsi tendance à manger leur repas, ce qui contribue à une réduction de 95 pour cent du gaspillage alimentaire. L’école a même mis à l’essai un projet d’emballage souple pour la ville de Richmond et travaille avec son fournisseur de repas chauds pour régler le problème des plastiques à usage unique.
L’école encourage le transport actif pour se rendre à l’école et retourner à la maison par ses programmes de marche et d’apprentissage de la bicyclette. Ces programmes aident les élèves à se tenir en forme, réduisent la pollution de l’air et limitent la circulation autour de l’école, ce qui améliore la sécurité.
Dans l’école, les concierges utilisent des nettoyants au ph neutre. L’utilisation de tapis et de craie est réduite au minimum. Les classes sont sans odeur et les peintures et les meubles sont à faible teneur en COV pour maintenir la qualité de l’air à un niveau élevé. Les filtres à air des salles de classe sont remplacés tous les mois et dans les classes qui comptent des élèves ayant des allergies sévères, on utilise des filtres HEPA.
Le grand succès de cette petite école dans la poursuite de son programme de durabilité et son approche à l’apprentissage a été reconnu récemment. En septembre dernier, l’école W. D. Ferris s’est vue décerner le titre de l’École la plus verte au Canada pour 2019 par le CBDCa.
Diane Steele, la directrice de l’école, a déclaré que l’école était très honorée et a reconnu les efforts de toutes les écoles qui s’engagent envers la durabilité.
« Nous voulons également souligner le travail acharné que les élèves et le personnel accomplissent quotidiennement dans les écoles à travers le Canada pour sensibiliser leurs collectivités à la gérance de l’environnement », a-t-elle dit. « Nous encourageons toutes les écoles à inspirer des changements écologiques dans leurs milieux. »
L’école W. D. Ferris continue de diffuser son message à sa communauté élargie. Les élèves et les enseignants participent au Grand nettoyage des rivages canadiens depuis 2008 et l’école organise régulièrement des ECO-Cafés dans son district, où les leaders verts se rencontrent pour faire part de leurs succès et de leurs défis. L’école primaire Ferris redonne à la communauté en encourageant les autres à réduire leur empreinte écologique.
Le Conseil du bâtiment durable du Canada est un organisme pancanadien à but non lucratif qui se voue depuis 2002 à la promotion des pratiques liées aux bâtiments durables et à l’aménagement de collectivités durables.
Le CBDCa et la Coalition canadienne pour des écoles vertes organisent le concours de l’école la plus verte au Canada qui reconnaît les écoles qui intègrent l’éducation en durabilité dans leur programme scolaire et qui offrent aux élèves des programmes et des activités qui favorisent la sensibilisation à l’environnement.
Pour en savoir plus, visitez le site de l’école la plus verte.
Photo : Gracieusé de l’auteur Mark Hutchinson
Première publication dans Éducation Canada, mars 20120
Notes
1 The Zero Carbon Building Standard is a Canadian-made standard and certification that assesses the carbon balance of a building – when there are no carbon emissions associated with operations, it has achieved zero carbon.
2 Sick Building Syndrome is used to describe cases in which building occupants experience adverse health effects potentially linked to the time they spend in the building.
Depuis longtemps, le Canada connaît une pénurie de travailleurs spécialisés tels que plombiers, mécaniciens automobiles, travailleurs de la construction, coiffeurs, esthéticiens ou boulangers. Les écoles ont toujours favorisé le parcours d’études générales (formation à l’aide de manuels scolaires) plutôt que le parcours professionnel (formation à un métier). Ainsi, à la fin des années 1800, en Ontario, les fils d’ouvriers devaient apprendre le règlement de travail de l’usine et, à la fin des années 1960, la formation professionnelle avait acquis la réputation de « lieu de décharge » des élèves les plus faibles. Bien que les écoles secondaires offrent aujourd’hui plus d’occasions aux élèves d’explorer différents choix de carrière, les écoles et la société canadienne sont encore loin d’avoir cessé de considérer les métiers spécialisés comme des emplois « inférieurs ».
Conseils aux enseignants et aux écoles |
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Conseils aux parents |
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Une formation professionnelle valorisante exige que parents et enseignants aident les élèves à voir la complémentarité entre l’école et le travail, et que les « bons emplois » prennent diverses formes. Une bonne façon de réduire l’écart entre cours théoriques et professionnels consiste à faire participer tous les élèves à des formations pratiques, y compris des projets de services communautaires qui produisent des résultats concrets. Les enseignants, administrateurs scolaires, employeurs et organismes communautaires ont un rôle important à jouer pour encourager les élèves à en apprendre plus « sur le travail » et « par le travail », plutôt que simplement « pour le travail ».
Akkerman, S. et Bakker, A. (2011). Boundary crossing and boundary objects. Journal of Educational Research, 81(2): 132-169. CBC. (15 mai 2019). Skilled trades workers wooing youth as shortage looms. Repéré à : https://www.cbc.ca/news/canada/ottawa/skilled-trade-exhibit-targets-youth-1.5135521 Hager, P. et Hyland, T. (2003). Vocational education and training. Education: Book Chapters. Paper 5. Repéré à : http://digitalcommons.bolton.ac.uk/ed_chapters/5 Hunter, J. (2013, October 27). B.C. eyes boosting trades in curriculum overhaul. Globe and Mail. Repéré à : Lazerson, M. et Dunn, T. (1977). Schools and the work crisis: Vocationalism in Canadian education. In H. Stevenson & D. Wilson (Éds.), Precepts, policy and process: Perspectives on contemporary Canadian education. (p. 285-303) Londres : Alexander Blake Associates. Taylor, A. (2016). Vocational education in Canada. Toronto, Oxford. Young, M. (1998) The curriculum of the future: from the “new sociology of education” to a critical theory of learning. Londres : Falmer.
RÉFÉRENCES
Dans le cadre d’une recherche visant à documenter l’utilisation de l’iPad par des enseignants d’une école secondaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, 15 enseignants ont participé à une entrevue semi-dirigée afin de faire le point sur plus de cinq ans d’utilisation de cet outil. Les résultats montrent que l’iPad est fort avantageux, entre autres, pour varier les formules pédagogiques et favoriser la créativité des élèves.
Depuis 2012, une école secondaire québécoise favorise l’intégration pédagogique de l’iPad. Chaque élève possède son propre appareil mobile, lequel est utilisé en classe et à la maison. Dès le début, une équipe de l’Université du Québec à Chicoutimi s’est jointe au projet à des fins de recherche et d’accompagnement pédagogique. En 2017, quinze enseignants ont participé à une entrevue semi-dirigée afin de décrire l’évolution de leur utilisation de la tablette en classe. L’article qui suit dresse un portrait, du point de vue des enseignants, des principales retombées de l’utilisation de l’iPad pour l’enseignement et des défis rencontrés relativement à son implantation. Les enseignants interrogés proposent également quelques recommandations afin d’optimiser l’utilisation de cet outil technologique dans leur classe.
Selon les enseignants rencontrés, la tablette facilite les communications et le partage de documents, permet de varier les formules pédagogiques tout en suscitant la créativité des élèves et soutient la vulgarisation de certains concepts.
Plusieurs enseignants utilisent le portail de l’école comme moyen de communication et de dépôt de documents pour leurs élèves. À cet égard, ils apprécient le caractère portable de la tablette, sa légèreté et le fait qu’elle soit toujours accessible. Cela leur permet d’interagir rapidement avec leurs élèves, de répondre à leurs questions, de communiquer des informations supplémentaires ou de dernière minute, de les avertir d’un évènement spécial, etc. Les élèves ont dès lors accès sur leur tablette, en tout temps, à leurs enseignants ainsi qu’aux documents utiles pour leurs cours. Les documents déposés sont principalement des exercices ou des notes de cours préparés par l’enseignant. Selon eux, ces documents permettent aux élèves d’avoir moins de notes à prendre et donc de se concentrer davantage en classe.
Plusieurs enseignants mentionnent aussi que la tablette permet de varier les formules pédagogiques. Par exemple, pour évaluer les acquis des élèves de façon formative, plusieurs vont utiliser certaines applications ou des sites Internet (ex. : Kahoot, Plickers), dynamisant dès lors leur enseignement. La tablette permet également l’utilisation de médias d’enseignement plus variés (ex. : vidéos, extraits sonores, exemples visuels) et la diversification des moyens utilisés par les élèves pour réaliser leurs travaux, favorisant ainsi leur la créativité (ex. : une vidéo pour un projet visant le développement de compétences orales, le photoroman pour présenter un contenu historique, une vidéo de type « stop motion » pour un projet artistique).
Dans le même ordre d’idées, principalement pour les enseignants en science et technologie et en mathématique, la tablette semble particulièrement utile pour vulgariser certains concepts plus abstraits à l’aide de vidéos ou d’animations issues d’applications. Un enseignant raconte à cet égard : « L’an passé, quand j’ai enseigné Pythagore, j’ai découvert une vidéo, que j’ai gardée, qui m’a permis de vraiment mieux faire comprendre aux jeunes ce qu’ils cherchaient. »
Depuis le début du projet, les enseignants avouent avoir rencontré quelques défis, dont le manque de temps et de connaissances technologiques et le maintien de l’attention des élèves.
Le manque de temps pour s’approprier la tablette ou des applications demeure la principale difficulté rencontrée par les enseignants. Ce long processus, qui engendre une certaine insécurité, constitue un ajout à une tâche de travail déjà lourde, ce qui peut contribuer à ralentir la transformation des pratiques. Ces enseignants témoignent toutefois de l’effort mis en place par leur direction afin d’offrir des formations de qualité leur permettant de mieux s’approprier leur nouvel outil de travail. Par exemple, des formations adaptées selon le niveau d’aptitude avec l’iPad leur sont offertes. Malgré cela, quelques enseignants signalent être encore plus ou moins à l’aise avec la tablette, en connaitre trop peu à l’égard de cet outil pour en faire un usage efficace dans leur classe.
Enfin, pour certains enseignants, le maintien de l’attention des élèves est difficile avec la tablette, et ce, malgré le système de gestion mis en place dans l’école. Des élèves jouent sur leur iPad pendant les cours ou clavardent avec leurs amis, ce qui peut être dérangeant pour l’enseignant et les autres élèves de la classe. Pour les enseignants, l’un des plus grands problèmes reliés à cet outil demeure sa gestion. Selon eux, plusieurs élèves y ont développé une forme de dépendance; à l’école, le jeu est devenu l’une des principales activités sur cet appareil qui devrait, au contraire, être utilisé majoritairement pour les apprentissages scolaires.
À la lumière de leur expérience dans ce projet, des enseignants font des recommandations à l’école afin d’optimiser l’utilisation de la tablette en classe. Deux se démarquent par leur récurrence; soit sensibiliser et encadrer davantage les élèves à l’utilisation efficace de la tablette et axer les formations ou l’aide apportée aux enseignants sur le fonctionnement des applications utiles dans leurs domaines respectifs.
D’une part, plusieurs croient que plus de sensibilisation et d’encadrement à l’égard de l’utilisation de cet outil devraient être faits auprès des élèves en vue de prévenir les comportements dérangeants ou inquiétants. Les enseignants aimeraient, par exemple, que des activités de sensibilisation à la dépendance au jeu soient réalisées au cours des cinq années du secondaire. Ils souhaiteraient aussi améliorer leur système de gestion de l’utilisation de l’iPad par les élèves et connaitre des moyens pour intervenir efficacement lorsque ces derniers utilisent leur tablette à mauvais escient.
D’autre part, pour introduire davantage la tablette en classe, plusieurs enseignants demandent de pouvoir participer à plus de formations durant lesquelles ils pourraient s’approprier des applications. Du temps serait ainsi consacré pour explorer les applications afin d’être plus à l’aise de les utiliser en classe par la suite. Un enseignant soutient ainsi cette idée : « C’est certain que si on m’arrive avec une application et qu’on me montre comment elle fonctionne, sans que j’aie à lire ou à bucher pour comprendre, j’aimerais ça. » Cette recommandation permettrait peut-être de combler le manque de temps, un facteur rapporté par la majorité des enseignants et semblant limiter l’utilisation de la tablette en classe.
En conclusion, les enseignants semblent grandement apprécier les avantages associés à l’intégration de la tablette en classe. À cet effet, certains précisent : « Pour ma part, la tablette a changé mon enseignement » et « Même si je ne suis pas très technologique, je ne retournerais pas en arrière ». Des difficultés ont cependant été rencontrées par ces mêmes enseignants, notamment par rapport à la gestion de classe et au besoin de maitrise de l’outil. Or, faut-il attendre de maitriser totalement les outils avant de les intégrer en classe? Les étudiants de cette même école encouragent au contraire leurs enseignants à prendre des risques1 et la recherche indique que cette attente de maitrise peut parfois ralentir, voire empêcher, l’intégration efficace des TIC2.
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2018
1 Giroux, P., Cody, N., Coulombe, S., Côté, L. et Gaudreault, S. (2016). Appréciation et perception du projet d’intégration des tablettes numériques au secondaire par les finissants de 2014-2015. Rapport de recherche. UQAC : Chicoutimi, Canada. Disponible en ligne : http://constellation.uqac.ca/3915/1/Rapportderecherche-QuepensentlesfinissantsduprojetiPad.pdf
2 Gremion, C., Cody, N., Coen, P.-F., Coulombe, S., Giroux, P. et Rebord, N. (2017). 12 commandements contre l’intégration des TIC. 9ème commandement : tu attendras que les enseignants maitrisent parfaitement les TIC avant de les laisser les intégrer dans leur enseignement. Éducateur, (2), 11-12.
Cet article présente des stratégies efficaces afin d’appuyer la mission des programmes scolaires concernant le développement de la citoyenneté ainsi que l’apprentissage d’une pensée critique essentielle pour tous les élèves à l’époque numérique. On y retrouve les stratégies suivantes, concernant les informations reçues ou recherchées, soit : prendre du recul par rapport aux informations; vérifier la « validité/fiabilité » des informations; vérifier la « pertinence » des informations par rapport au sujet.
Lors de la dernière élection présidentielle de 2017 en France, le taux d’absentéisme au second tour n’a jamais été aussi élevé depuis 1969. La population française s’est abstenue d’aller choisir son futur président de la République à un pourcentage de 25,44 %.1 Ce chiffre semble bien être le reflet d’un désengagement politique de la part de la population française et le symptôme d’une citoyenneté en crise. Pourtant, l’école est particulièrement sensible au fait de développer la citoyenneté chez les élèves. En France, la section trois du premier chapitre de la Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école république2 est relative à « l’éducation à la santé et à la citoyenneté ». Il est précisé qu’« au titre de sa mission d’éducation à la citoyenneté, le service public de l’éducation prépare les élèves à vivre en société et à devenir des citoyens responsables et libres, conscients des principes et des règles qui fondent la démocratie ». De plus, les nouveaux programmes au collège3 mettent eux aussi en avant l’importance de la citoyenneté à travers, entre autres, le programme de l’éducation physique et sportive (EPS) qui « a pour finalité de former un citoyen lucide, autonome, physiquement et socialement éduqué, dans le souci du vivre ensemble ». Pour aller plus loin, un document public3 relatif au « parcours citoyen » a été publié en 2016 et ce parcours « est inscrit dans le projet global de formation de l’élève… Adossé à l’ensemble des enseignements, en particulier l’enseignement moral et civique, l’éducation aux médias et à l’information, et participant du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, le parcours citoyen concourt à la transmission des valeurs et principes de la République et de la vie dans les sociétés démocratiques » 5. Ce parcours citoyen met en exergue une éducation aux médias et à l’information qui nous parait importante et qui prend tout son sens dans la société actuelle.
En effet, avec l’intégration massive d’Internet dans le quotidien des Français, ces dernières années, les élèves ont accès à une quantité considérable d’informations qui deviennent alors très facilement disponibles. Cette grande diversité d’informations entraine rapidement une surcharge informationnelle appelée aussi « nuage informationnel » par Edgar Morin6, ce qui provoque inévitablement chez les élèves des difficultés à traiter l’ensemble des informations reçues sur un même sujet dans le dessein qu’ils puissent se faire une idée précise sur celui-ci. Par conséquent, il nous semble que les élèves ont tendance, soit à choisir spontanément la première information qu’ils trouvent et qui traite du sujet donné, soit à garder l’information qui a le plus de sens pour eux.
Selon nous, deux raisons expliquent ce choix rapide de l’information. La première relève des moyens modernes et notamment technologiques tels que la télévision, les ordinateurs et les téléphones intelligents, qu’ils ont à leur disposition. Les élèves peuvent très facilement aller chercher une information et trouver des réponses ou des éléments de réponse à une question qu’ils se posent en regardant simplement les chaines de télévision ou en effectuant une recherche Internet sur des moteurs de recherche tels que Google, sur leur ordinateur ou leur téléphone intelligent, par exemple. La deuxième est relative au rythme de vie contemporain de la société actuelle. Si « les rapports de l’Homme et du Temps apparaissent, depuis toujours, complexes, insaisissables, et tumultueux » comme l’affirme Aubert7 dans son ouvrage Le culte de l’urgence : la société malade du temps, l’auteure tente de « comprendre comment notre époque est en train de vivre une mutation radicale dans son rapport au temps ». D’ailleurs, elle précise que nous sommes passés « d’un mode de fonctionnement à “temps long”… à un mode “à temps court”, société du zapping, du “fast”, des clips et des spots dans laquelle il s’agit de vivre l’intensité sans la durée et d’obtenir des résultats à efficacité immédiate ». Cette recherche spontanée et rapide d’informations vient à l’encontre d’une démarche réflexive et active d’appropriation de l’information. Dans ce cas-là, nous pourrions parler d’élève « consommateur d’informations » et non d’élève « acteur d’informations ».
Nous pensons que ce choix rapide des informations implique un vrai risque de traitement superficiel de celles traitées. Les élèves s’appuieraient ainsi sur des informations incomplètes, voire fausses, pour se construire une opinion qui serait plutôt issue de croyances que de vraies informations. Par conséquent, il nous semble important que cette difficulté qui consiste à sélectionner des informations pertinentes soit appréhendée dès le plus jeune âge. Mais comment, concrètement, permettre aux élèves d’éviter de tenir pour acquises les informations auxquelles ils sont confrontés dans leur quotidien? Quelle méthode donner aux élèves pour qu’ils puissent traiter les informations qu’ils reçoivent d’une manière éclairée? Les spécificités du cycle de consolidation des nouveaux programmes au collège précisent que « les élèves se familiarisent avec différentes sources documentaires, apprenant à chercher des informations et à interroger l’origine et la pertinence de ces informations dans l’univers du numérique. Le traitement et l’appropriation de ces informations font l’objet d’un apprentissage spécifique, en lien avec le développement des compétences de lecture et d’écriture ». Ainsi, la proposition d’une « démarche » d’appropriation des informations pourrait faire l’objet de cet apprentissage spécifique recherché par les nouveaux programmes et tenter de donner des éléments de réponse aux questions qui ont été soulevées. Celle-ci permettrait aux élèves de se saisir avec clairvoyance des informations qu’ils reçoivent et ainsi, ils pourraient davantage être lucides en exerçant une citoyenneté participative.
La démarche que nous allons présenter s’envisage dans deux contextes différents. Dans un premier temps, celle-ci pourrait être utilisée, dans le cas des deux premières étapes, pour accueillir, traiter les informations qui viennent aux élèves; on parlera à ce propos d’informations « descendantes ». Elles sont celles que les élèves reçoivent sans le vouloir par exemple, les informations médiatiques diffusées à la télévision. Dans un second temps, cette démarche peut être employée intégralement pour effectuer une recherche d’informations pour servir un travail tel qu’un exposé écrit ou oral, qui est de ce fait, volontaire; on parlera à cet effet d’informations « ascendantes ». Elles correspondent aux informations qui seront mobilisées pour servir un propos par exemple, pour réaliser un « travail pratique encadré » (TPE) au lycée ou un « enseignement pratique interdisciplinaire » (EPI) au collège.
Ensuite, l’élève se préoccupe de « l’auteur ». Il est essentiel de vérifier si la personne ou l’organisme qui a transmis l’information que l’on traite est sérieux et légitime, ceci dans le dessein d’utiliser des informations qui soient les plus fiables possible. Ainsi, il est important de se poser certaines questions telles que « peut-on facilement identifier l’auteur? », « a-t-il une reconnaissance scientifique? », « est-il cité à plusieurs reprises par d’autres sources travaillant sur le sujet (ce qui lui donnerait un statut d’expert)? ». Les réponses à ces questions permettent de continuer le tri des informations disponibles par les élèves en sélectionnant celles qui semblent les plus sérieuses.
Pour aller plus loin, il semble important de vérifier également, parmi les informations déjà triées, la « date » de leur parution, ce qui renvoie à la question suivante : « quand les informations ont-elles été publiées? » Il parait essentiel de vérifier si les informations que l’on traite sont récentes ou non, car si celles-ci sont anciennes, alors, l’élève risque d’utiliser des données qui sont obsolètes et qui seront par conséquent non pertinentes, dénuées de sens. Pour cela, l’élève peut tout d’abord vérifier la date de mise à jour d’un site Internet par exemple, ou regarder la date à laquelle l’article a été publié.
Enfin, ce sera la dernière étape pour vérifier la fiabilité des informations reçues ou recherchées, l’élève prend le temps de vérifier si les informations qu’il pense être valides sont citées par plusieurs sources sérieuses. Si tel est le cas, alors cette vérification permet de rassurer l’élève quant à l’utilisation de ces données. Toutefois, une nuance est à apporter à cette idée, car il est possible que certains sites reprennent tels quels certains textes copiés sur d’autres sources afin d’alimenter leur propre site.
Ce long travail, qui consiste à vérifier la fiabilité des informations que l’on reçoit ou que l’on cherche, est particulièrement important, car l’élève pourra retenir et utiliser des informations actuelles et reconnues comme sérieuses.
Dans le cas où l’élève recherche des informations pour réaliser un exposé par exemple, ce travail lui permettra d’obtenir davantage de légitimité dans ses propos et donnera une plus-value à son discours. Cependant, afin d’être percutant dans sa présentation, l’élève continue à sélectionner les informations qu’il est en train de trier en se positionnant cette fois-ci par rapport à la pertinence de celles-ci, au regard d’un sujet.
Les enjeux d’une éducation à une citoyenneté numérique sont divers et variés et nous ferons le choix de présenter ceux qui nous paraissent essentiels. Nous distinguons deux types d’enjeux : ceux en direction des élèves et ceux en faveur de la société. Nous avons retenu un enjeu principal pour les élèves qui consiste à être « lucide », et ce, pour maintenir leur libre arbitre, leur liberté de penser. Cette lucidité est possible lorsque les élèves prennent le temps de comprendre l’information qu’ils reçoivent, de l’analyser, de la critiquer et d’en déterminer sa pertinence. Si les élèves prennent l’information telle quelle, ils ne prennent alors pas le temps de se positionner par rapport à celle-ci et ils intègrent donc le point de vue de l’émetteur de cette même information sans prise de recul.
Quant aux enjeux liés à la société, l’école, en éduquant les élèves à une citoyenneté numérique, favorise des élèves plus « éclairés », qui réfléchissent, puisqu’ils traitent les informations qu’ils reçoivent et se les approprient; ils sont donc davantage en mesure de prendre des décisions et des responsabilités et participer ainsi à l’évolution de leur pays. Enfin, pour aller plus loin, en éduquant à la citoyenneté numérique, l’école participe au développement d’un « esprit critique » en étant capable de différencier, par exemple, de vraies informations, de fausses informations et des informations manipulées ou incomplètes. Cet aspect nous semble être un enjeu majeur, car cette capacité à être critique par rapport aux informations tout comme aux demandes que l’on reçoit, semble être une carence à la vue de la différence de résultats qui apparait dans l’expérience de soumission à l’autorité. Si les résultats de la première expérience de Milgram8 montraient que 62,5 % des personnes acceptaient d’envoyer toutes les décharges électriques qu’il était possible d’infliger à leur pair, les résultats plus récents de cette expérience, issus du reportage la « zone extrême » 9 en 2009, sont passés à 80 %, soit un gain considérable de 17,5 %. Cette importante augmentation nous laisse penser que l’enjeu visant à développer un esprit critique par le biais d’une éducation à une citoyenneté numérique peut être un moyen de contrebalancer cet effet de soumission à l’autorité, car la population aurait, dès le plus jeune âge, pris l’habitude de traiter les informations et de se positionner par rapport à celles-ci. Afin de renforcer ces propos, il nous parait essentiel que les élèves aient des outils pour prendre du recul par rapport aux informations qu’ils reçoivent, afin d’éviter de se faire manipuler comme c’est le cas de certains jeunes utilisés comme cible pour déclencher des attentats, dans les cas extrêmes.
En conclusion, l’école souhaite participer fortement à l’éducation des élèves à une citoyenneté numérique puisque le socle commun de connaissances, de compétences et de culture10 met en avant des « démarches de recherche et de traitement de l’information » en précisant que l’élève « apprend à confronter différentes sources et à évaluer la validité des contenus ». « L’élève apprend à utiliser avec discernement les outils numériques de communication et d’information ». Enfin, « il développe une culture numérique ». Il nous parait important que l’école puisse offrir aux élèves les moyens nécessaires pour qu’ils sélectionnent et s’approprient la multitude d’informations auxquelles ils sont confrontés chaque jour. En étant capables de prendre du recul par rapport aux informations qu’ils reçoivent, mais aussi en étant en mesure de les analyser et faire des choix personnels ensuite, il apparait que l’école participe ainsi à rendre les élèves plus lucides, cultivés, mais aussi autonomes. D’ailleurs, la démarche employée de traitement de l’information peut, nous semble-t-il, très bien être réutilisée dans les différentes disciplines, voire la considérer comme une démarche commune et faire, par conséquent, l’objet d’une réflexion collective au sein de l’équipe pédagogique. Plus largement, l’école se détacherait d’un « formatage » puisqu’elle apprendrait aux élèves à être critiques en étant plus responsables de leur formation, ce qui est particulièrement intéressant si l’on reprend l’idée de Rogers11 quand il dit que « le seul apprentissage qui influence réellement le comportement d’un individu est celui qu’il découvre lui-même et qu’il s’approprie ». Ainsi, en prenant le temps de découvrir les informations qu’ils reçoivent et en se les appropriant, les élèves se saisissent pleinement de celles-ci pour se construire une pensée critique, utile dans leur vie future.
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2018
1 Ministère de l’Intérieur, « Élection présidentielle 2017 », archive, élections. intérieur. gouv.fr http://archive.wikiwix.com/cache/?url=https%3A%2F%2Fwww.interieur.gouv.fr%2FElections%2FLes-resultats%2FPresidentielles%2Felecresult__presidentielle-2017%2F (path) %2Fpresidentielle-2017%2FFE.html
2 Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école république n° 2013-595 du 8 juillet 2013,
3 Programmes collège, Bulletin officiel (BO) spécial n° 11 du 26/11/2015
4 Parcours citoyens circulaire, publié le 23 juin 2016
5 http://eduscol.education.fr/cid107463/le-parcours-citoyen-eleve.html
6 Morin, E. (2016). Pour sortir du XXe siècle. Points.
7 Aubert, N., & Roux-Dufort, C. (2003). Le culte de l’urgence : la société malade du temps (Vol. 2, p. 53). Paris : Flammarion.
8 Milgram, S., & Gudehus, C. (1978). Obedience to authority.
9 Documentaire « Le jeu de la mort », 2009. www.youtube.com/watch?v=6w_nlgekIzw
10 Socle commun de connaissance, de compétences et de culture BO n° 17 du 23 Avril 2015
11 Rogers, C. R., Le Bon, D., Hameline, D., & Hameline, D. (1972). Liberté pour apprendre? (p. 277). Paris : Dunod.
Cet article présente les divers défis que représente l’ère numérique dans le monde de l’éducation, dont l’incroyable quantité d’information disponible aujourd’hui, la nouvelle nature des relations humaines, l’essentiel rôle de l’esprit critique, la bonne étiquette numérique et l’apprentissage d’une conscience éthique en ligne.
Que signifie être un citoyen à l’ère du numérique en 2018? Les enjeux de la citoyenneté diffèrent-ils tant depuis que nous faisons partie de sociétés numériques? Sommes-nous si loin de Socrate, qui a vu naitre cette notion en Grèce antique? Que nous révèle l’étymologie du mot? Jetons-y un coup d’œil pour mieux cerner le cadre de notre réflexion.
Origine du mot citoyen1 :
À la lumière de ces définitions, nous pouvons retenir certains principes incontournables comme celui de liberté, de communauté, de droits et de lois. En quoi ces notions sont-elles encore actuelles? Existe-t-il de nouveaux paramètres en raison du numérique? C’est ce que nous explorerons dans le présent article.
Jamais dans l’histoire de l’humanité n’avons-nous jamais été submergés par autant d’informations. Alors que les siècles passés ont permis aux humains de s’adapter par la relative lenteur de l’apparition de nouveaux savoirs; il en va tout autrement au 21e siècle où nous avons accès à un savoir exponentiel qui dépasse les limites individuelles d’appropriation.
Si l’intelligence artificielle permet un traitement accéléré de l’information, qu’adviendra-t-il de l’humain qui souhaite exercer son rôle de citoyen bien informé et engagé à l’ère du numérique? Faudra-t-il, comme le propose Harari procéder à des modifications génétiques qui provoqueraient une augmentation neuronale de la population, afin qu’elle soit en mesure de suivre l’évolution des machines2? Fort heureusement, les chercheurs s’entendent pour dire que nous sommes encore loin de ce type de greffe.
Les sources d’informations ont explosé avec la multiplication des plateformes et le citoyen moyen peut non seulement trouver l’information en plusieurs lieux, mais il peut aussi la commenter à sa guise. Au-delà de la démocratisation de l’accès au savoir, nous assistons au même moment à une libération, à une démocratisation du « droit de cité » avec toutes les implications qui s’en suivent. Pour cela, il suffit de penser à l’opposition entre ce qui appartient à l’individuel et au collectif ou encore entre la vie privée et la vie publique sur les médias. Avec cette démocratisation apparaissent alors des droits et des responsabilités pour bien vivre ensemble.
Si l’on définit le vivre ensemble comme « la cohabitation harmonieuse entre individus ou entre communautés » 3, il y a fort à parier que cela ne relève pas de ce qui est inné et que la citoyenneté numérique (ou non) est un construit identitaire qui doit être appris. C’est du moins la conclusion à laquelle sont arrivés 1250 jeunes rencontrés par l’Institut du Nouveau Monde (INM) en 2018. Les jeunes se sentent interpelés et demandent à ce que l’école les prépare dès le plus jeune âge à cette société numérique, ils réclament aussi des échanges entre communautés pour favoriser le dialogue, pour contrer la stigmatisation de certains groupes et ainsi favoriser une meilleure cohésion sociale. « De l’avis des jeunes participants, le développement d’un esprit critique est essentiel » 4.
Ces jeunes appellent la naissance d’une écologie numérique où pourrait s’exercer une autorégulation des pratiques et des comportements, et ce, particulièrement sur les réseaux sociaux : ce qui est loin d’être le cas à l’heure actuelle. Cet appel prend appui sur des qualités humaines qui doivent être apprises pour soutenir ce vivre ensemble. Les principales qualités relèvent de l’écoute de l’Autre, des relations interpersonnelles, de l’empathie, de l’intelligence émotionnelle et du jugement critique. Une des missions de l’école n’est-elle pas justement de former les élèves à socialiser avec les membres de leur communauté? Communauté qui n’a d’ailleurs plus de frontière avec le numérique.
L’avènement du numérique à l’école n’a pas fini de bouleverser les pratiques d’enseignement. Au-delà de la désinstitutionnalisation des savoirs qui a donné un grand coup à l’école, force est de constater que le rôle de l’enseignant n’en est plus un de transmetteur de connaissances. Il devient celui qui aide l’élève à apprendre.
L’enseignant à l’ère du numérique devient celui qui guide ses élèves à apprendre à apprendre : ce qui crée tout un changement de paradigme. Pas surprenant que l’apport des neurosciences en éducation soit si bien accueilli. Comment réagit le cerveau au moment de l’apprentissage? Quelles sont les meilleures stratégies d’apprentissage ou d’étude? Voici autant de facteurs métacognitifs que les enseignants utilisent maintenant en classe pour aider les élèves dans leurs apprentissages.
Il en va de même avec la citoyenneté à l’ère du numérique. Les élèves ne demandent pas mieux que d’être instruits des bonnes pratiques à développer. De plus en plus de référentiels voient le jour pour aider autant les enseignants que les élèves à acquérir ces habiletés citoyennes, notamment la pensée critique. D’ailleurs, cette compétence ressort de façon systématique lorsqu’il est question des apprentissages du 21e siècle à l’école. La professeure Desmet (Université de Nice Sophia Antipolis) a défini 5 compétences clés lors de son passage à l’Université d’été de Ludovia#15. Elle faisait mention de la créativité, de la collaboration, de la résolution de problèmes, de la pensée informatique et de la pensée critique « dans sa capacité à développer une réflexion critique indépendante » 5.
La recherche documentaire s’avère une merveilleuse porte d’entrée pour sensibiliser les élèves aux règles du numérique, car les élèves s’y retrouvent d’instinct. « Avec la convivialité des moteurs de recherche et des médias sociaux, il n’est pas étonnant que les élèves cherchent de l’information en priorité sur le Web. Cette habitude les confronte toutefois à la surinformation, à la désinformation et au respect des droits d’auteur quand ils doivent chercher, évaluer et utiliser de l’information en contexte scolaire » 6.
Ainsi, il importe d’amener les élèves à remettre en question les informations qu’ils trouvent, notamment quant à leur pertinence et à leur crédibilité. Toujours selon les mêmes chercheurs, il est important « de semer le doute quant à l’information qu’ils trouvent et de les exposer à la désinformation afin qu’ils reçoivent un vaccin informationnel qui les protègera tout au long de leur vie » 7
L’école a un rôle essentiel à jouer pour « inoculer » les élèves et leur fournir les bonnes stratégies pour contrer, d’une part, les fausses informations et, d’autre part, leur enseigner les principes d’une bonne nétiquette. Quelles sont les traces que je laisse de ma navigation? Quel est l’auditoire auquel je m’adresse? Ai-je validé les droits de publication des informations, des photos et des vidéos que je mets en ligne? Ai-je demandé les autorisations avant de relayer des contenus de mes « nombreux amis » sur Facebook, Twitter, Instagram de ce monde? Ai-je pris un moment de réflexion avant de réagir à une publication sur les réseaux sociaux? Est-ce que j’aimerais recevoir le commentaire que je m’apprête à publier? Est-ce que je connais vraiment l’identité de mon vis-à-vis? Comment m’assurer que je n’ai pas affaire à un troll?
On le voit, toutes ces questions amènent le citoyen de l’ère du numérique dans une posture autoréflexive exigeante, mais combien essentielle. Quiconque a une adresse courriel ou un statut sur les réseaux sociaux laisse derrière lui une foule de traces qui constituent son empreinte numérique. Il est possible, bien sûr, de paramétrer ses différents comptes, mais qui le fait réellement? Un bien faible pourcentage de la population. C’est ainsi que des employeurs retiennent ou rejettent des candidatures pour des emplois potentiels à la suite de quelques clics.
Les traces que nous laissons nous suivent plus longtemps que nous pouvons le croire, d’autant qu’elles ne nous appartiennent plus lorsque nous les publions. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les conditions d’utilisation des différents sites que nous fréquentons. Mais, en réalité, qui les lit? Ainsi, il ne faudrait pas penser que de vieilles photos gênantes que vous avez effacées de vos sites ont disparu à jamais. Elles n’apparaissent effectivement plus dans vos données, mais combien de fois sont-elles diffusées, sans même que vous ne le sachiez, avant que vous ne les retiriez? Effectuez une recherche à votre nom sur un moteur de recherche et vous pourriez être étonné de ce que vous découvrirez.
Être un citoyen à l’ère du numérique appelle un niveau de conscience et d’éthique élevé. Il faut être en mesure d’assumer les propos que nous mettons en ligne : ce « savoir publier » dont fait mention mon ami Jacques Cool, directeur du CADRE21 au Québec. Cela fait appel à l’honnêteté de ses propos, à la conscience et au respect de son auditoire comme des règles de publication. Il en va aussi de la portée de ses propos qui peuvent s’étendre bien au-delà de la salle de classe ou du cercle restreint de ses amis.
Plusieurs s’élèvent pour réclamer l’enseignement de la programmation à l’école et cette demande va bien au-delà de l’apprentissage du code. L’important n’est pas de former des programmeurs à la grandeur du pays, mais bien de rendre conscients les utilisateurs qu’il existe des algorithmes pour penser pour nous. La professeure Ruha Benjamin, de l’Université de Princeton propose même à ses étudiants de « pirater les systèmes pour les rendre meilleurs » 8. François Tadéi abonde dans le même sens quand il s’oppose aux solutions que les géants du Web pourraient nous proposer. « Les transformations de notre environnement sont beaucoup plus rapides que les transformations de notre capacité à comprendre ce qu’il se passe. Si l’on n’invente pas nos propres solutions, on aura des solutions qu’on n’aura pas choisies et qui ne seront pas adaptées à nos valeurs et à ce qu’on peut souhaiter pour les générations futures » 9.
Les défis du citoyen à l’ère numérique ont davantage d’impact qu’autrefois. La chute des frontières provoquée par l’interconnectivité des réseaux appelle une plus grande conscience de ce nouveau citoyen en raison des incidences sociales, éthiques et économiques du partage des données dans le cyberespace. Le citoyen d’Athènes a maintenant un impact planétaire, car les murs de la cité se sont effondrés depuis l’avènement du numérique. Comme l’a si bien dit le philosophe français, Michel Serres « les nouvelles technologies nous ont condamnés à devenir intelligents » 10.
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2018
Visuels : Pixabay
1 Wiktionniare, Le dictionnaire libre, https://fr.wiktionary.org/wiki/citoyen (site consulté le 24 septembre 2018).
2 HARARI, Yuval. Homo deus : Une brève histoire de l’humanité. (Paris : Albin Michel, 2017). 370.
3 Larousse, dictionnaire du français. www.larousse.fr/dictionnaires/francais/vivre-ensemble/10910799. (site consulté le 24 septembre 2018).
4 BEAUDOIN, Claudia et RIOU, Léa. Le vivre ensemble au Québec vu par les jeunes http://inm.qc.ca/blog/le-vivre-ensemble-au-quebec-vu-par-les-jeunes/ (site consulté le 24 septembre 2018).
5 Nouveaux codes numériques www.ludomag.com/2018/09/nouveaux-codes-numeriques/ (site consulté le 24 septembre 2018).
6 DUMOUCHEL, Gabriel et RAYNAULT, Audrey Les compétences informationnelles in Usages créatifs du numérique pour l’apprentissage au XXIe siècle, (Montréal : PUQ Presses de l’Université du Québec. 2017). Encadré 2.1
7 idem
8 BENJAMIN, Ruha. Incubate a Better World in the Minds & Hearts of Students. Conférence ISTE 2016. Denver (site consulté le 28 septembre 2018).
9 TADEI, François. Il faut plus d’argent sur les manières d’apprendre. https://usbeketrica.com/article/il-faut-plus-d-argent-sur-les-manieres-d-apprendre (site consulté le 12 septembre 2018).
10 SERRES, Michel. « Les nouvelles technologies nous ont condamnés à devenir intelligents! ». nouveauxjeunesmedias (site consulté le 29 septembre 2018).
Repenser l’aménagement des écoles afin de stimuler le sentiment d’appartenance, l’imagination, la créativité, la collaboration et l’apprentissage des élèves.
C’est une magnifique école innovante que j’ai eu l’occasion de visiter à La Baie dans le Saguenay. Petite école primaire de 169 élèves, elle a vu l’an 1, comme nous le raconte son charismatique directeur adjoint Yves Chantal. Elle a, en effet, fait sa rentrée en septembre 2017. Elle accueille des enfants de 5 à 12 ans dans un ancien bâtiment scolaire complètement repensé par une visionnaire.
Il y a plus d’un an, la directrice générale Chantal Cyr a obtenu l’autorisation de sa Commission scolaire pour créer cette école innovante. Elle voulait aménager des classes flexibles, être à la pointe de la technologie et proposer une vie scolaire en trois langues : le français qui est la langue prioritaire de l’enseignement au Québec, l’anglais dans les échanges de la vie quotidienne au sein de l’école et l’espagnol à travers plusieurs heures de cours par semaine. Pour ce faire, pendant que le bâtiment était rénové en un temps record par l’architecte Carl Hovington et l’équipe du service des ressources matérielles de la Commission, elle a réuni des enseignants motivés, bilingues et choisis pour leurs talents complémentaires pendant plusieurs mois afin de faire équipe et de penser le projet. Ils sont partis des données probantes en éducation pour élaborer leur pédagogie en choisissant l’enseignement explicite et l’approche multidisciplinaire des apprentissages. Ils ont également choisi de n’utiliser ni manuels scolaires ni affichage en classe.
Malgré leur enthousiasme et la confiance de leur Commission et de futurs parents de leurs élèves, l’équipe a subi les critiques des médias, des syndicats et d’enseignants d’autres écoles. Leur souffrance est réelle et palpable, mais heureusement, n’entache pas leur motivation et leur engagement à faire vivre leur projet et à relever leur défi. C’est ainsi que l’école ose éduquer différemment et est à l’affût des nouveautés technologiques.
Chaque année scolaire a sa propre classe modulable décorée qui est en lien avec les thèmes du cycle visé : la découverte pour les maternelles, l’environnement pour le premier cycle, la culture et l’ouverture sur le monde pour le 2e cycle et la communication et la technologie pour le 3e cycle. L’aménagement coloré et chaleureux suscite la créativité et le travail en équipe et alimente le sentiment d’appartenance à l’école dans son ensemble. Il favorise également la concentration puisque l’élève peut choisir la manière et le lieu où il s’assoit pour être bien lorsqu’il travaille. Des casques antibruit sont aussi disponibles en cas de besoin.
Pour l’aspect technologique, chaque classe a son tableau interactif et chaque enfant a sa tablette numérique personnelle qui permet une véritable pédagogie différenciée et un apprentissage vers l’autonomie responsable de l’outil puisque tout élève peut le rapporter chez lui. Certaines enseignantes sont d’ailleurs à l’affût de tout ce qui se fait au niveau des applications éducatives et partagent leurs découvertes avec les autres membres de l’équipe.
Entre chaque salle de classe, une pièce commune permettant le travail en équipe par cycle favorise les projets collectifs et l’entraide entre les élèves d’âges différents. Deux matinées par semaine, les enfants sont invités à une activité de lecture flexible : ils choisissent d’aller lire à l’endroit de leur choix au sein de l’école. De petites équipes où les grands lisent aux petits se créent naturellement. Le tutorat est ainsi valorisé à tous les échelons de l’école y compris entre enseignants plus expérimentés dans un domaine auprès d’autres enseignants et vis-à-vis des parents. Une formation OneNote pour les parents est ainsi prévue prochainement.
La classe de maternelle, quant à elle, a sa pièce de jeux symboliques aménagée comme un gigantesque village LEGO®. Au rez-de-chaussée, se trouvent la salle de sports, la bibliothèque et, fait plus étonnant, un magasin d’aliments, une cuisine et une belle pièce de vie aménagée en bistro parisien. À l’extérieur, nous découvrons également une grande serre où Marie-Claude Bernard, aidée de ses élèves, cultive fraises, tomates, courgettes, poivrons, etc. En effet, l’école intègre l’horticulture et la cuisine aux cours plus traditionnels. Que d’apprentissages peuvent se faire en mesurant les plants, pesant les aliments, convertissant des mesures, observant les légumes, goûtant les fruits, etc. C’est également l’occasion de transmettre de saines habitudes d’hygiène de vie et d’alimentation. Le respect du monde végétal (et peut-être un jour animal, car l’école souhaiterait accueillir quelques animaux) est également une valeur qui tient à cœur à l’équipe. Dans la cuisine, la technologie n’est pas non plus oubliée puisque l’enseignante peut filmer ce qu’elle cuisine via un iPad et le retransmettre sur les écrans pour faciliter l’observation de tous les élèves.
L’école s’étant donné comme objectif de préparer ses élèves au monde demain n’a pas oublié les compétences relationnelles et sociales bien utiles pour bien vivre ensemble et créer en équipe. C’est pourquoi elle organise des conseils de coopération chez les grands et des discussions en classe sous forme de causeries dans toutes les classes. Le projet d’animation d’ateliers philosophiques fait également son chemin.
La direction tient à soutenir les comportements positifs en remettant des diplômes pour la persévérance, les efforts ou la motivation une fois par semaine dans chaque classe. Bientôt, les capacités de s’entreprendre, d’entreprendre et de créer seront également mises à l’honneur puisque l’école est devenue une école communautaire entrepreneuriale consciente. Elle a déjà lancé son premier projet : vendre ses cultures à la communauté parentale ou citadine. Celle-ci est d’ailleurs invitée à se rendre à l’école pour ses achats de produits biologiques et locaux par une entrée secondaire. Le projet Au millénaire est également très investi dans le mouvement québécois « École en réseau » qui mise sur l’apprentissage en réseau et invite les classes à collaborer avec d’autres classes de la province.
La réunion de toutes ces innovations augure un bel avenir à cette école du Saguenay. Bien sûr, il est trop tôt pour évaluer les résultats et il reste bien des défis à relever pour prolonger ces débuts prometteurs. Cette création nous montre qu’une Commission scolaire est capable de déplacer des montagnes pour ses écoles publiques et nous donne de l’espoir que de tels projets soient possibles quand les équipes éducatives travaillent ensemble pour rêver de nouvelles écoles adaptées aux enfants d’aujourd’hui et désirant les préparer au monde de demain. Le mode éducatif est une voie royale pour changer le monde en outillant les élèves pour le futur par des apprentissages signifiants.
Photographies du Pavillon Au millénaire de la Commission Des-Rives-du-Saguenay par Grapher&Co.
Les makerspaces (qu’on pourrait traduire par « espaces de fabrication ») sont des espaces de formation informels aménagés au sein d’une communauté ou d’une école offrant aux élèves et aux membres de la collectivité des outils et ressources leur permettant de bricoler autant avec des matières traditionnelles, comme le carton, le bois, le plastique recyclé ou le tissu, qu’avec des technologies plus avant-gardistes, comme des scanneurs et imprimantes 3D, robots, découpeuses au laser, ordinateurs libres, microcontrôleurs et capteurs. On trouve les makerspaces dans les centres communautaires, bibliothèques, écoles et autres lieux publics, ainsi que des versions « parapluie », utilisées lors d’événements ponctuels, et « mobiles », à l’intention des populations éloignées. Bien que la définition du terme varie selon les régions, on comptait environ 1 400 makerspaces dans le monde en 2016, soit 14 fois plus qu’en 2006.
Des données probantes tendent à démontrer que les makerspaces aident à développer des compétences pratiques qui renforcent la motivation des élèves et les préparent au marché du travail du 21e siècle. Qu’il s’agisse de réparer une vieille radio, de tricoter à l’aide de technologies prêt-à-porter intégrées ou de construire un robot, les makerspaces permettent aux élèves d’explorer leurs champs d’intérêt, de développer leurs passions et de réussir en classe et hors de la classe.
Davidson, A.-L. (2017). « You too can experience the “maker scream” ». Université Concordia. Tiré du site www.concordia.ca/cunews/main/stories/2017/05/03/maker-scream-education-professor-saltise-winner-ann-louise-davidson.html
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Davidson, A.-L. (2017). « This Easter, Conquer the Impossible with Your Kids ». Tiré du site www.linkedin.com/pulse/easter-conquer-impossible-your-kids-ann-louise-davidson/
Andersson, P. (2015). Digital fabrication and open concepts: An emergent paradigm of consumer electronics production. (Thèse de baccalauréat, Université Umeå). Tiré du site www.diva-portal.org/smash/get/diva2:822484/FULLTEXT02
Davidson, A.-L., Price, D. (2018). « Does Your School Have the Maker Fever? An Experiential Learning Approach to Developing Maker Competencies ». Learning Landscapes, 11(1), 103-120. Tiré du site www.learninglandscapes.ca/index.php/learnland/article/view/926/918
Lou, N., & Peek, K. (2016). « By The Numbers: The Rise of the Makerspace ». Popular Science. Tiré du site www.popsci.com/rise-makerspace-by-numbers
Fleming, L. (2015). World of making: Best practices for establishing a makerspace for your school. Thousand Oaks, CA: Corwin
Peppler, K., Halverson, E., & Kafai, Y. (éd.). (2016). Makeology: Makerspaces as learning environments (Volume 1). New York, NY: Routledge.
Peppler, K., Halverson, E., & Kafai, Y. (éd.). (2016). Makeology: Makers as learners (Volume 2). New York, NY: Routledge.
Sheridan, K., Halverson, E. R., Litts, B., Brahms, L., Jacobs-Priebe, L., & Owens, T. (2014). Learning in the making: A comparative case study of three makerspaces. Harvard Educational Review, 84, 505–531.
Les sites de réseautage social tels que Facebook, Snapchat et Instagram ont transformé les interactions des jeunes entre eux et avec le monde qui les entoure. Une enquête menée en 2013 en Ontario par le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CTSM) a révélé que 80 % des élèves de 7 à 12 ans visitent des sites de médias sociaux sur une base quotidienne. Bien que des recherches plus poussées soient nécessaires pour déterminer en quoi médias sociaux et santé mentale sont reliés, 47 % des élèves ayant déclaré utiliser les médias sociaux pendant deux heures ou plus par jour étaient également plus susceptibles de :
Pour aider enfants et adolescents à établir une relation saine et sans danger avec les médias sociaux, il faut leur montrer comment utiliser ces puissants outils de façon responsable. Les menaces de confiscation de leur téléphone ou autre appareil portable, ou d’interdiction de leur usage, ont prouvé leur inefficacité à leur éviter le stress et les conflits en ligne et à les aider à mieux partager le temps passé en ligne et hors ligne. Encouragez-les plutôt à faire preuve de pensée critique et de modération à l’aide des stratégies suivantes
Jaimie Byrne. « Normal Teenage Behaviour vs. early warning signs of mental illness . » Friends for Mental Health. http://www.asmfmh.org/resources/publications/normal-teenage-behaviour-vs-early-warning-signs-of-mental-illness/.
Centre de toxicomanie et de santé mentale (2015). « Social media and student mental health: What’s the connection? » http://www.camh.ca/en/research/news_and_publications/CAMH-Discovers/summer-2015/Pages/Social-media-and-student-mental-health.aspx
Steeves, Valerie (2014). Jeunes Canadiens dans un monde branché, Phase III : La vie en ligne. Ottawa : HabiloMédias.
http://habilomedias.ca/jcmb/vie-en-ligne
Centre de toxicomanie et de santé mentale (juin 2015). « Association Between Daily Use of Social Media and Mental Health Among Students in Ontario. » CAMH Population Studies eBulletin, 16(2).
Lin, L. y., Sidani, J. E., Shensa, A., Radovic, A., Miller, E., Colditz, J. B., Hoffman, B. L., Giles, L. M. et Primack, B. A. (2016), Association Between Social Media Use and Depression Among U.S. Young Adults. Depress Anxiety, 33: 323–331. doi:10.1002/da.22466.
Kross, E., Verduyn, P., Demiralp, E., Park, J., Lee, D. S., Lin, N., … Ybarra, O. (2013). Facebook Use Predicts Declines in Subjective Well-Being in Young Adults. PLoS ONE, 8(8), [e69841].
NORC at the University of Chicago (avril 2017). « New survey: Snapchat and Instagram are most popular social media platforms among American teens: Black teens are the most active on social media and messaging apps. » ScienceDaily.
Boak, A., Hamilton, H. A., Adlaf, E. M., et Mann, R. E., (2015). Drug use among Ontario students, 1977-2015: Detailed OSDUHS findings (CAMH Research Document Series No. 41). Toronto (Ontario) : Centre de toxicomanie et de santé mentale. Voir aussi : Résumé du rapport détaillé sur la consommation de drogues – SCDSEO 2015. http://www.camh.ca/fr/research/news_and_publications/Documents/French_ExecutiveSummary_SCDSEO2015_DetailedDrugReport_Dec2015.pdf
Woods, H.C. et Scott, H (2016). #Sleepyteens: Social media use in adolescence is associated with poor sleep quality, anxiety, depression and low self-esteem. Journal of Adolescence, Volume 51, pages 41-49.
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Applications pratiques tirées du H’a H’a Tumxulaux Outdoor Education Program du district scolaire no 20 (Kootenay-Columbia) en Colombie-Britannique
RAPPORT COMPLET, IMPRIMABLE EN VERSION PDF
SOMMAIRE EXÉCUTIF, AVEC VIDÉOS
Ce rapport décrit un modèle constitué à partir de trois éléments clés d’un programme centré sur le monde autochtone – l’apprentissage inspiré de la terre, la spiritualité et la roue médicinale –, qui motive davantage les élèves et les incite à ne pas mettre fin à leur scolarité. À partir de ces trois éléments, trois grandes recommandations peuvent être formulées à l’adresse des enseignants et des administrateurs à qui il incombe d’intégrer une philosophie autochtone à leur enseignement.
L’immigration est souvent discutée dans les médias et dans le monde scolaire. Les technologies également. En revanche, la relation entre les technologies et l’immigration est peu évoquée. C’est une sorte d’impensé. Pourtant, les technologies sont plus que jamais impliquées dans le processus d’immigration, autant avant que pendant et après l’arrivée des immigrants au Canada, notamment depuis le développement du Web 2.0 (début des années 2000), qui a facilité et dynamisé le partage d’information et la communication sur internet. À tel point qu’on parle désormais de « migrant connecté »1 pour souligner à quel point les immigrants contemporains inscrivent leur parcours migratoire dans la continuité de leurs réseaux relationnels, en grande partie au moyen des technologies, contrairement à la perception communément partagée que l’immigration consiste uniquement en une série de ruptures et de déracinements. Ainsi, les futurs immigrants peuvent exploiter les technologies pour préparer leur immigration, notamment en accédant à des services gouvernementaux en ligne (Ex : le ministère de l’Immigration) mais aussi en activant leurs contacts avec la diaspora de la société d’accueil. Dans le cas spécifique des réfugiés, dont l’immigration se caractérise par une phase parfois longue de transit entre le pays d’origine et le pays d’accueil, les technologies (ici, le cellulaire) revêtent une charge symbolique considérable dans la mesure où elles représentent le seul lien qu’ils entretiennent avec leurs proches. Une fois que les immigrants sont arrivés au Canada, les technologies leur permettent de maintenir les contacts (qu’ils soient relationnels, médiatiques, économiques, politiques, religieux, etc.) avec les réseaux de la société d’origine et de soutenir la création de nouveaux contacts, à la fois avec la diaspora locale et avec la population canadienne. Sur ce dernier point, les technologies constituent des ressources de premier plan pour guider l’installation et l’intégration des familles immigrantes.
Parmi toutes les technologies possibles, le téléphone cellulaire est assurément celle qui est la plus répandue chez les populations immigrantes lors de leur installation, pour plusieurs raisons. En premier lieu, téléphoner permet de joindre quelqu’un sans avoir besoin de passer par l’écrit (seules des connaissances de base en numératie sont nécessaires), ce qui permet de pallier au cas d’analphabétisme. Pour cette raison, le cellulaire jouit d’un fort taux d’utilisation à l’échelle internationale, notamment dans les pays en voie de développement, et constitue donc une technologie déjà familière pour la quasi-totalité des immigrants avant leur arrivée au Canada. En outre, le cellulaire, dans sa version intelligente, permet de cumuler une multitude d’autres fonctions d’information et de communication notamment via internet, moyennant les compétences alphabétiques requises. À titre d’exemple, les applications de traduction « augmentée » (traduction de mots, mais aussi d’expressions et de phrases du quotidien, avec possibilité de faire une lecture sonore du résultat de la traduction) peuvent pallier au manque de compétences dans les langues officielles canadiennes. Les applications de géolocalisation peuvent faciliter les déplacements en renseignant sur les horaires et les arrêts de bus, les correspondances, etc., en plus d’aider à la découverte des services de quartier. En tant que technologies mobile, les immigrants récemment arrivés peuvent l’avoir en tout temps avec eux, et donc être joignables ou joindre quelqu’un n’importe où, n’importe quand, ce qui est une nécessité lors de la recherche d’emploi, d’un logement, etc. Pour cette même raison, le cellulaire assure le maintien des contacts par-delà les déménagements qui surviennent fréquemment lors des premiers mois d’installation, contrairement à l’adresse postale et au téléphone fixe. En plus du cellulaire, l’ordinateur (portable, éventuellement fixe) constitue la deuxième technologie la plus présente dans les familles immigrantes au Canada. Il est notamment utilisé pour des activités de nature professionnelle ou administrative, par exemple, la rédaction du curriculum vitae et la recherche d’emploi, le suivi d’une formation linguistique en ligne (par exemple, Francisation en ligne2 au Québec, Clic en ligne3 au Canada), l’accès à certains services gouvernementaux, etc.
Les technologies ont donc un fort potentiel pour soutenir l’installation des familles immigrantes au Canada… moyennant un accès et des compétences technologiques suffisants. Sur ce point, il est important de rappeler que les immigrants n’ont pas des compétences technologiques homogènes à leur arrivée au Canada. Ces dernières varient notamment suivant des caractéristiques individuelles (par exemple, niveau de scolarité, accès et usages technologiques avant d’immigrer) et collectives (par exemple, niveau de développement infrastructurel et technologique de la société d’origine). Aussi, si certains immigrants arrivent au Canada avec des compétences technologiques suffisantes pour tirer profit des technologies pour leur installation et leur intégration, d’autres éprouvent à divers degrés des difficultés à mettre à profit leur potentiel. Ce faisant, ils disposent de moins de ressources technologiques que les autres immigrants et que la population canadienne, et ne sont donc pas en mesure de répondre aux « standards technologiques » de la vie quotidienne au Canada. Ils sont donc à risque d’exclusion numérique. Ceci est d’autant plus vrai au Canada, où aux enjeux de compétences technologiques s’ajoutent des enjeux d’accès aux technologies et à Internet. En effet, le Canada est un des pays les plus chers en télécommunication, ce qui se fait aux dépens non seulement des populations immigrantes mais des populations défavorisées dans leur ensemble.
Les technologies ont donc un fort potentiel pour soutenir l’installation des familles immigrantes au Canada…
Dans ce contexte, les initiatives favorisant l’accès aux technologies et à Internet et le développement de compétences technologiques par les populations immigrantes prennent tout leur sens. Sur le plan de l’accès aux technologies, mentionnons Ordinateurs pour l’excellence Canada (OPEC)4, qui a récemment mené un projet de fourniture d’équipement technologique à des familles de réfugiés syriens et à des organismes à but non lucratif dédiés à leur accueil. Grâce à un partenariat avec une entreprise en télécommunication, la majorité des familles syriennes a notamment reçu un cellulaire intelligent et un forfait de données équivalent à 200 $. Sur le plan du développement des compétences technologiques, citons le travail remarquable de nombreux organismes communautaires qui offrent, la plupart du temps gratuitement, des cours d’initiation à l’informatique. À l’heure où les technologies sont omniprésentes dans le quotidien de la population canadienne, s’assurer que les familles immigrantes en bénéficient pleinement, c’est aussi favoriser leur inclusion et leur participation à leur société d’accueil.
Recap: Technology has tremendous potential to help immigrants get established and integrate into Canadian society. However, for immigrants to take full advantage of technology, they must have the necessary access and skills. It is important to remember that some newcomers may face barriers to participating in the digital world. This has led to a number of initiatives aimed at ensuring the digital inclusion of newcomer families, to benefit Canadian society as a whole.
Photo : Thierry Karsenti
Première publication dans Éducation Canada, mars 2017
1 Diminescu, D. (2005). Le migrant connecté. Pour un manifeste épistémologique. Migrations/Société 17 (102), 275-292.
2 www.francisationenligne.gouv.qc.ca/?_3x2098010Z1U4Ka8ca89fd-c849-45c8-b79b-c1d621720dd0
3 www.clicenligne.ca/portail/4 https://cfsc-opec.org/fr/
4 https://cfsc-opec.org/fr/