Ces dernières années, le thème du bienêtre est devenu un axe important et noble des réformes en éducation (Espinosa et Rousseau, 2018). En tant que leaders scolaires, êtes-vous de ceux qui, comme nous, souhaitez favoriser le bienêtre des élèves et du personnel scolaire? Si c’est le cas, ce qui suit pourrait vous inspirer. Nous souhaitons vous faire part de certains savoirs professionnels et théoriques, issus de nos recherches pour favoriser le bienêtre au sein d’une organisation apprenante, c’est-à-dire une organisation où les actions interdépendantes des leaders soutiennent le développement individuel et collectif autour d’une vision partagée (Gagnon, 2020a; Gagnon et Lachapelle, 2022; Gagnon et al., 2023 a,b; Guay et Gagnon, 2021a). Ces savoirs sont synthétisés sous la forme de cinq action fondamentales à mettre en oeuvre.
Pour favoriser le bienêtre au sein d’une organisation apprenante, il est souhaitable de le faire dans une perspective systémique (Gagnon, 2020a ; Gagnon et Lachapelle, 2022; Guay et Gagnon, 2020). Concrètement, cela signifie éviter les actions en silo et reconnaitre l’interdépendance du bienêtre des personnes qui évoluent au sein de l’organisation, dont les élèves, les enseignants, les directions d’établissements, le personnel des services et la direction générale. Désormais, dans les ouvrages scientifiques et professionnels, on retrouve d’ailleurs certains modèles, ou cadres de référence, permettant aux leaders d’orienter leurs actions en ce sens. C’est le cas du modèle écosystémique proposé par le Conseil supérieur de l’éducation (2020), du modèle de Bowen et al. (2022) et celui du collectif Réverbère (Borris-Anadon et al. 2021). Ceux-ci proposent des principes et des outils pour que tous les membres d’une communauté éducative, dont l’apprenant lui-même, entreprennent des projets collaboratifs, cohérents et interreliés, en soutien à leur bienêtre et à celui des autres, dont ils sont tous co-responsables.
Pour favoriser le bienêtre au sein d’une organisation apprenante, nous encourageons les leaders à soutenir la mise en oeuvre de projets prioritaires sur ce thème en cohérence avec la vision, la mission, les valeurs et les objectifs prioritaires de l’organisation. Un tel projet appelle globalement un état des lieux (situation actuelle), la détermination d’une intention de transformation (situation désirée), l’élaboration d’un plan d’actions prioritaires, la mise en oeuvre de ces actions, leur régulation et l’évaluation de leurs retombées diffusées dans l’ensemble du système. Le projet gagne à être entrepris et concrétisé par des personnes volontaires engagées dans des dispositifs collaboratifs, dont la communauté d’apprentissage (Goyette et al., 2020). De tels dispositifs favorisent le développement individuel et la collaboration de tous à la réussite et au bienêtre en misant sur les forces de chacun des membres d’une équipe (Gagnon, 2020b; St-Vincent et al., 2022). Par exemple, des enseignantes de trois cycles d’une école primaire ont défini leur agir compétent en psychopédagogie du bienêtre et elles ont créé et expérimenté des ressources en classe avec leurs élèves. Par la suite, elles ont transmis ces ressources à l’ensemble des membres de leur équipe-école pour favoriser le bienêtre des élèves de façon cohérente et concertée (Gagnon, 2020b). Pour concrétiser ce projet, cette équipe était accompagnée de la direction d’établissement et de deux conseillères pédagogiques.
Pour être en mesure de mettre en oeuvre un projet qui favorise le bienêtre au sein de l’organisation apprenante, nous suggérons au(x) leader(s) d’être accompagné(s) par des personnes de confiance avec lesquelles ils auront établi une alliance de travail explicite fondée sur leurs besoins, leurs attentes mutuelles et leur mode de fonctionnement (Gagnon, 2020a: Guay et Gagnon, 2021a; Gagnon et al., 2023b). L’équipe d’accompagnement aide à garder le cap au fil de ces actions. Cette équipe d’accompagnement, qu’elle soit composée de chercheurs et/ou de praticiens agissant sur le terrain, peut soutenir les leaders dans la mise en place du projet (Guay et Gagnon, 2021a,b). Elle y soutient la pratique réflexive, les apprentissages individuels et collectifs, une communication efficace ainsi que la collaboration et l’interdépendance positive. Également, elle supporte l’essentiel processus de mobilisation et de formalisation de savoirs théoriques (issus de la recherche) et de savoirs professionnels (issus de projets organisationnels antérieurs) sur le bienêtre.
La littérature scientifique et professionnelle en éducation rend visible une variété de définitions du bienêtre et tout autant d’approches et d’outils pour le favoriser en contexte scolaire. C’est pourquoi, dans une organisation apprenante, les leaders gagnent à mettre à jour et à partager leur conception du bienêtre. En ce sens, il est utile de savoir que le bienêtre peut être abordé selon différentes perspectives. En écho à nos recherches sur le développement du leadership, nous avons observé qu’une conception du bienêtre est largement tributaire des besoins prioritaires des leaders et des organisations scolaires. Comme il est brièvement détaillé dans la figure 1 ci-dessous, quatre grandes conceptions du bienêtre sont tirées de la documentation et peuvent être associées à l’une des perspectives suivantes, c’est-à-dire une perspective conformiste, performante, pluraliste et évolutive (Gagnon et Guay, acceptée). Par exemple, un leader ou une équipe
de leaders dont les besoins fondamentaux sont la sécurité, la stabilité et le sentiment d’appartenance au groupe (perspective conformiste) envisage généralement le bienêtre en tant que perception/sensation de ces besoins particuliers comblés. Or, un leader ou un groupe de leaders dit performant, qui a comblé ces besoins, est plus enclin à concevoir et à définir le bienêtre en tant que sensation ou perception de compétence, d’autonomie et d’épanouissement. Une fois ces besoins comblés, un leader ou un groupe de leaders dit pluraliste apprécie davantage une conception du bienêtre en tant que perception ou sensation d’équilibre sur le plan émotionnel, physique, cognitif et relationnel. Enfin, dans une perspective dite évolutive, les leaders, individuellement et collectivement, envisagent généralement le bienêtre en tant que perception ou sensation de paix et de cohérence interne, indépendamment des contextes, tout en étant capable de l’appréhender dans les autres perspectives susmentionnées. De notre point de vue, dans une perspective intégrée, au sein d’une organisation apprenante, il importe de prendre en compte la diversité des besoins humains et d’envisager que le bienêtre est essentiellement une perception ou sensation subjective individuelle ou collective, variant en fonction des besoins prioritaires contextualisés de ceux qui le conçoivent et le ressentent. En effet, une telle définition nous incite, en tant que leaders, à accueillir la diversité des besoins des collaborateurs et à favoriser leur bienêtre individuel et collectif d’un point de vue différencié et contextualisé.
Figure 1. Quatre conceptions du bienêtre variant en fonction des besoins de ceux qui le conçoivent et le ressentent
*Cliquez pour agrandir l’image.
Pour être en mesure de favoriser le bienêtre dans une organisation apprenante, il s’avère essentiel d’incarner la conception du bienêtre dont les leaders de l’organisation se sont donné une vision partagée. Voici quelques pistes de questionnement proposées aux leaders qui aspirent à être un modèle de bienêtre. Dans quelle mesure suis-je conscient de mes propres besoins, valeurs, forces, croyances, zones de vulnérabilité et émotions concernant mon bienêtre? Dans quelle mesure suis-je attentif au vraisemblable des autres concernant leur bienêtre? Dans quelle mesure suis-je capable d’incarner les manières d’être, de faire et de penser me permettant d’être bien et de contribuer au bienêtre des autres? Inspiré de telles questions, un leader gagne à être présent à lui-même et à s’accompagner pour être en mesure de prendre soin des autres (Rondeau, 2019; Gagnon et al. 2023a,b). Le ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique (2021) en a d’ailleurs fait un élément essentiel de sa stratégie sur la santé mentale (bienêtre psychologique) en proposant aux directions d’établissements de se développer autour des trois axes suivants : 1) travail sur soi, 2) travail sur les relations et la présence à l’autre et 3) travail sur le système en général. En agissant en leader authentique et bienveillant au regard de ses besoins et de ceux de ses collaborateurs, un leader peut espérer que ces derniers puissent agir, à leur tour, de la même façon afin d’inspirer le personnel scolaire de leur milieu (Gagnon, 2020a). En ce sens, au sein des groupes de leaders que nous accompagnons, sur le thème du bienêtre ou sur d’autres objets, chacun des leaders est invité à se donner un projet de développement professionnel pour demeurer un apprenant et développer un agir compétent et conscient favorisant le bienêtre de tous. Un tel agir compétent et conscient correspond aux actions prioritaires qu’un leader ou un groupe de leaders veut et peut poser dans le contexte où il évolue, inspiré d’intentions et de présupposés conscients et explicites (Guay et Gagnon, 2021a; Guay et Gagnon, 2023). Ce projet lui permet de développer des manières de penser, d’être et de faire propres à influencer le développement de telles ressources lors d’accompagnement de ses collaborateurs dans ce même cheminement. Voici deux exemples de projet de développement professionnel formulés par des leaders engagés dans une recherche-action portant sur l’amélioration ou le maintien de leur bienêtre en contexte de changement (Gagnon et al., 2023) : Comment incarner des pratiques de leadership relatives au bienêtre dans mon école afin d’accroitre le bienêtre individuel et collectif de mon personnel? Comment puis-je dégager du temps pour prendre soin de moi sans négliger mon équipe-école et mes engagements professionnels à leur égard ?
Voilà qui fait un tour d’horizon des cinq actions fondamentales à prendre pour espérer favoriser le bienêtre dans une organisation apprenante. Elles sont illustrées de façon interreliée dans la figure 2 et associées à des questions pour favoriser le bienêtre dans une perspective systémique. Cette figure rappelle l’importance d’intégrer toutes les parties prenantes d’une organisation scolaire dans des projets collaboratifs cohérents ancrés dans une vision partagée du bienêtre. Cette figure explicite également l’essentiel apport des équipes d’accompagnement dans le soutien au développement d’un agir compétent et conscient, individuel et collectif, chez toutes ces parties prenantes. Elle souligne enfin l’importance, pour les leaders, quel que soit leur statut, d’agir à titre de modèle d’apprenants et d’agents, soucieux de leur bienêtre et de celui des autres.
Figure 2. Favoriser le bienêtre au sein d’une organisation apprenante
*Cliquez pour agrandir l’image.
Borris-Anadon, C., Desmarais, M-É., Rousseau, N. Giguère, M-H. et Kenny, A. (2021). Le bienêtre et la réussite en contexte de diversité. Un cadre enrichi pour le RÉVERBÈRE. https://periscope-r.quebec/cms/1652815652599-cadre-diversite-reussite-reverbere-2022_final.pdf
Bowen, F., Morissette, E., Levasseur, C., Marion, É., Carpentier, G., Poirel, E., Beaumont, C., Leadbeater, B., Beaulieu, J., Ouellet-Morin, I., St-Cyr, C., Cantin, S. et Fullan, M. (2022). Vers un partenariat pour la création de milieux scolaires favorisant durablement et de façon efficiente la socialisation et le bienêtre psychologique des élèves et du personnel. Revue canadienne de santé mentale communautaire. Vol. 41 (3). p. 123-138. https:// cjcmh.com/doi/abs/10.7870/cjcmh-2022-025
Conseil supérieur de l’éducation, (2020). Le bienêtre de l’enfant à l’école : faisons nos devoirs. Gouvernement du Québec. https:// cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2020/06/50-0524-AV-bien-etre-enfant-2.pdf
Espinosa, G. et Rousseau, N. (2018). Le bienêtre à l’école et l’apport de la psychopédagogie. Dans Rousseau, N. et Espinosa, G. (dir.). Le bienêtre à l’école; enjeux et stratégies gagnantes. Presses de l’Université du Québec.
Gagnon, B. (2020a). Recherche-action sur le leadership authentique et postconventionnel et la prise en compte du bienêtre du personnel scolaire en contexte de changement. [Essai doctoral], Université de Sherbrooke. http://hdl.handle.net/11143/16932
Gagnon, B. (2020b). La psychopédagogie du bien-être, une voie porteuse pour favoriser l’épanouissement des enfants et des adultes qui les accompagne. Revue Hybride en éducation. https://doi.org/10.1522/rhe.v4i4.1170
Gagnon, B., Bazinet, J, Denis, S. et Waelput-Lavallée, T. (2023a). Développement de ressources pour prendre en compte son bienêtre en tant que leader scolaire en contexte de changements continu. CTREQ. 5e symposium sur le transfert des connaissances en éducation. Université Laval, Québec. 19 avril 2023.
Gagnon, B. Bruneau, I, et Denis S. (2023b). Accompagner des leaders scolaires dans un projet de développement professionnel portant sur le maintien ou l’amélioration de leur bienêtre en fonction de leurs besoins prioritaires: démarche et ressources proposées par une équipe d’accompagnement dans le cadre d’une recherche-action. ACFAS. Symposium 509. La psychopédagogie du bien-être: une clé de voûte pour favoriser le bienêtre des acteurs en éducation. 9-10 mai 2023.
Gagnon, B. et Lachapelle, D. (Mai, 2022). Agir ensemble de façon cohérente et concertée dans un centre de services scolaire pour prendre en compte le bienêtre du personnel scolaire en contexte de changement. Symposium, 515. Santé mentale et bienêtre scolaire des personnels scolaires au Québec. ACFAS, Université Laval. 12-13 mai 2022.
Gagnon, B. et Guay, M.-H. (2023). Comment les leaders scolaires conçoivent-ils le bienêtre et en soutiennent-ils la prise en compte dans leur établissement ? Actes de colloque. Biennale de Paris 2023. Se construire avec et dans le monde : part d’autrui, part de soi. 20-23 septembre 2023.
Goyette, N. Gagnon, B. Bazinet, J. et Martineau, S. (2020). La communauté d’apprentissage au service du développement de l’agir compétent d’enseignantes du primaire en lien avec la psychopédagogie du bien-être. Dans Goyette, N. et Martineau S. (dir.). Le bienêtre en enseignement. Tensions entre espoirs et déceptions. Presses de l’Université du Québec.
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2020). Un modèle d’accompagnement du développement pédagogique et organisationnel pour soutenir la mise en œuvre d’un modèle de réponse à l’intervention. Enfance en difficulté, 7, 27–50. https://doi.org/10.7202/1070382ar
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2021a). Quel leadership incarner en tant que chercheures-praticiennes en contexte de recherche-action pour inspirer celui des directions générales des centres de services scolaires et des commissions scolaires du XXIe siècle? Biennale internationale de l’éducation, de la formation et des pratiques professionnelles, Sept. 2021. Paris, France. https://hal.science/hal-03500166
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2021b). La recherche-action. Dans I. Bourgeois. Recherche sociale. De la problématique à la collecte de données. Presses de l’Université du Québec.
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (acceptée). Accompagner les leaders dans la modélisation de leur leadership en contexte de recherche-action ou de formation universitaire. Questions Vives.
Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique. (2021). Promotion de la santé mentale dans le réseau scolaire primaire et secondaire. Principes directeurs et stratégies. https://www2.gov.bc.ca/assets/gov/education/administration/kindergarten-to-grade-12/fr-key-principles-and-strategies-for-k-12-mental-health-promotion.pdf
Rondeau, K. (2019). La présence au service de l’accompagnement de soi, source de mieuxêtre et vivre. Dans Rondeau, K et Jutras, F. (dir.). L’accompagnement du développement personnel et professionnel en éducation. S’accompagner, accompagner, être accompagné. Presses de l’Université du Québec.
St-Vincent, L-A., Gélina-Proulx, A., Labelle, J., Carlson Berg, L., Huot, A. Laforme, C. et B-Lamoureux, B. (2022). La gestion du changement organisationnel pour le bienêtre et la réussite en éducation : ce qu’en dit la recherche. Presses de l’Université du Québec.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
La profession enseignante a bien des caractéristiques qui lui sont propres. Aucune autre, par exemple, n’a cette particularité de hanter son personnel retraité en lui faisant apparaître un monstre jaune au moment où il s’y attend le moins. Au fil des premiers mois, on s’habitue à sa présence… puis il disparaît l’espace d’un été. Tout à coup, au coin d’une rue ou sur un viaduc, sa vue trouble et réveille des souvenirs. Le monstre sort de sa tanière estivale, se bringuebalant dans tous les coins du pays.
C’est septembre : les gros autobus jaunes ravivent des flashes de votre carrière, comme un PowerPoint déchaîné dont on aurait perdu le contrôle. Enseignant un jour, enseignant toujours! Ces balourds sillonnent les routes avec leur mission impassible de rassembler enfants et adolescents sous un même toit. Pour le retraité que je suis, le choc était d’autant plus grand après que ces autobus aient été mis au rancart pendant deux ans, pandémie oblige.
Les écoles ont pourtant continué d’exister et de se réinventer au fil de ces mois difficiles. Le personnel enseignant, les élèves et leur famille ont dû s’ajuster à une nouvelle réalité. Le système d’éducation est une créature qui évolue au gré des nouvelles tendances, de nouvelles théories ou de nouvelles circonstances. Bien que celles-ci aient été exceptionnelles et ardues, le changement de cap intérimaire s’est opéré, technologies aidant. L’école de langue française n’a pas fait exception à ces nouvelles façons d’opérer, sauf…
Sauf qu’il existe un précepte qui sous-tend l’action de l’école de langue française et qui sera toujours intimement lié à son succès : elle a le besoin vital d’un effort concerté et organisé de la communauté et des familles qui l’entourent. Le bienêtre du personnel et des élèves de l’école en dépendent largement.
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À la base, chaque membre du personnel enseignant est motivé par l’idée que la matière qu’il enseigne servira d’une manière ou d’une autre à ses élèves. L’enseignante de mathématiques souhaite qu’ils pensent à elle plus tard en évaluant les taux hypothécaires. L’enseignant d’histoire espère qu’il contribuera à l’engagement social de ses élèves devenus adultes. C’est une question de bienêtre fondamental : personne ne se réjouit d’un emploi qui ne sert à rien.
C’est là qu’une distinction s’esquisse entre le personnel qui se dévoue au devenir des élèves d’une majorité ou d’une minorité linguistique. Sans vouloir minimiser son rôle, le personnel qui œuvre auprès de la majorité n’a pas à se préoccuper de la place qu’occupera cette langue dans l’espace communautaire ou dans l’avenir. Celle-ci continuera d’exister et d’évoluer bien longtemps après le départ d’une cohorte d’élèves, et ce, pour les générations à venir.
Pour le personnel enseignant des écoles de langue française en contexte minoritaire, chaque fait et geste, chaque stratégie d’enseignement ou d’apprentissage, chaque intervention planifiée ou imprévue contribue à déterminer l’évolution et la transmission de la langue. Pour le personnel de ces écoles, le bienêtre passe par l’espoir d’une vie en français en dehors de l’environnement scolaire. Avoir conscience que nos actions quotidiennes déterminent le sort d’une langue est une bien lourde charge à porter.
La Pédagogie à l’école de langue française (PELF) est une initiative des hautes-directions francophones des treize ministères de l’éducation provinciaux et territoriaux. Appuyée d’une douzaine de chercheures et chercheurs des universités de la francophonie canadienne et de membres du personnel enseignant de tous les coins du pays, elle propose des conditions et des concepts qui viennent justement répondre à cette responsabilité critique qui incombe au personnel enseignant. En effet, le concept de la sensification* s’articule autour de l’importance d’apprentissages contextualisés qui donnent du sens à ce qui se vit par rapport à la langue de scolarisation.
L’élève s’intéresserait-il aux mathématiques s’il n’y avait jamais rien à compter dans le monde? S’intéresserait-on autant à la physique si le phénomène de la gravité n’était présent que dans le laboratoire? Si ces exemples semblent excessifs, ils résonnent pourtant chez le personnel des écoles où la langue promue occupe un espace trop restreint dans l’environnement socio-institutionnel.
Sans vitalité linguistique en dehors du contexte scolaire, l’engagement du personnel enseignant perd son sens pratique. Or, coupés de part et d’autre du monde extérieur pour près de deux années, la question se pose et s’impose : quelle forme a pris cette vitalité linguistique pendant la pandémie? Quels contacts sensifiants en français les élèves ont-ils vécus en plein isolement? À quels modèles de personnalités francophones ont-ils été exposés dans leur quotidien?
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La nécessité est la mère de l’invention. Ici et là au pays, on a vu l’émergence pendant cette période d’une collaboration indéfinissable entre l’école et le reste de la francophonie. Tantôt une enseignante retraitée diffusait l’heure du conte, un autre s’installait à son piano pour inviter les enfants à former une chorale zoom improvisée. Des parents ont transmis des recettes faciles à faire en famille. Une enseignante encourage la communication orale et rend disponibles de nouvelles stratégies adaptées à ce contexte exceptionnel. Réseaux sociaux aidant, un coin du pays s’intéresse à un autre; une région en découvre une autre; les accents se promènent sur la Toile, tout ça pendant que le pays entier est en quarantaine. Serait-ce que l’isolement social a bousculé l’isolement systémique? La pandémie aurait-elle créé des ponts essentiels que le système d’éducation peine à établir et à maintenir?
Il est peu probable qu’un inventaire de ces initiatives existe et qu’on puisse savoir ce qu’elles sont devenues. Ces collaborations existent sous d’autres formes, dira-t-on. Soit, les écoles de langue française disposent d’outils pour alimenter le volet culturel de leur mission. Cependant, dans quelle mesure ces stratégies et ces interventions sont-elles en appui direct à l’enseignement et à l’apprentissage? Comment sait-on que cet aspect du bienêtre— unique et spécifique à la condition minoritaire, rappelons-le — est pris en compte dans les décisions administratives liées à la concordance des efforts école-famille-communauté? Le bienêtre du personnel enseignant des écoles de langue française en contexte minoritaire ne peut faire abstraction de cet aspect. En tant qu’agent de changement, le personnel a besoin d’indicateurs clairs qui attestent que le sort de la francophonie ne repose pas uniquement sur ses épaules.
Et les élèves dans tout ça? En voyant passer le monstre jaune et s’agiter les petites têtes qui dépassent à peine des fenêtres, ou les plus grandes qui sont déjà à l’heure des choix, il est permis de penser qu’il y a à bord de brillantes futures ministres et de grands chefs d’entreprise en devenir. Quelles décisions auront un jour à faire ces individus? Ce faisant, quelle place accorderont-ils à la langue française? Il n’y a qu’un pas pour imaginer que c’est aujourd’hui que se prennent les décisions de demain.
L’élève qui aura grandi dans la convergence systémique de l’action scolaire et sociale considérera la vie en français non seulement comme possible, mais souhaitable, voire indispensable. N’est-ce pas là ce que nous souhaitons?
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*sensification : néologisme qui désigne un des quatre concepts de la Pédagogie à l’école de langue française (PELF) et qui précise l’importance pour les élèves et le personnel enseignant de vivre des apprentissages contextualisés qui donnent du sens à ce qu’ils vivent par rapport à la francophonie.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Dans le cadre de son plan stratégique 2019-2023, le Conseil scolaire acadien provincial (CSAP) a arrêté son choix sur cinq priorités stratégiques favorisant entre autres la réussite éducative et le bienêtre de tous ses élèves, tant au niveau physique que mental. Comme c’est le cas de la priorité du recrutement et de la rétention, la consultation et les données recueillies dans notre communauté scolaire nous ont incités à cibler autant le personnel que les élèves. C’est donc en pleine pandémie que nous avons amorcé cette démarche visant à développer une stratégie de santé et de bienêtre à l’intention de tous les membres du personnel.
Ayant peu de données pour bien comprendre les forces et les enjeux rencontrés par nos employés, nous avons embauché la firme Descormiers et Associés qui a sondé, en janvier 2021, l’ensemble du personnel. Ce sondage a permis de constater que dans l’ensemble, le taux de satisfaction des employés était assez élevé, même s’il pouvait fluctuer d’un lieu de travail à un autre et d’un groupe d’employés à un autre.
À la suite d’une première analyse des données, nous avons posé trois gestes importants qui ont lancé le signal que des changements concrets prenaient place. Le premier fut de fournir un budget à chacune des écoles et des bureaux pour permettre à tous les groupes d’employés de cerner eux-mêmes leurs besoins prioritaires. Ce budget vise à encourager l’innovation et l’engagement de tous envers leur bienêtre.
Ensuite, comme le personnel de quelques écoles montrait un peu plus de mécontentement dans le sondage, un appui soutenu d’une coach certifiée a été fourni à l’administration scolaire de ces écoles par l’entremise de l’embauche de la professeure Mireille Demers, Ph.D., de l’Université de Moncton. Tout indique que cette approche individualisée est utile dans des contextes bien précis; nous continuons par conséquent à offrir ses services au besoin.
Comme troisième mesure importante prise à la suite à l’analyse préliminaire des résultats, nous avons recherché une expertise externe pouvant nous accompagner dans l’analyse des besoins et dans le développement d’une stratégie qui ciblerait bien les besoins de notre organisation. C’est ainsi qu’après des recherches soutenues, nous avons été en contact avec les responsables du Réseau ÉdCan. Après plusieurs échanges, nous sommes devenus le premier client francophone de l’initiative Bien dans mon travail du Réseau ÉdCan. D’ailleurs, nous avons pu compter sur l’expertise de Mme Manon Séguin, ancienne surintendante de la commission scolaire catholique d’Ottawa.
Dès janvier 2022, Mme Séguin et toute l’équipe de l’initiative Bien dans mon travail du Réseau ÉdCan ont pris connaissance des données du sondage administré un an plus tôt, en plus d’autres documents mis à leur disposition. Elle a pu rencontrer l’équipe de gestion du CSAP ainsi que certains de ses membres individuellement, dont la nouvelle direction générale. Elle a ensuite rencontré plusieurs groupes d’employés représentant les enseignants et le personnel d’appui dans le cadre de trois rencontres distinctes et documentées. Toutes ces informations ont permis de produire le rapport intitulé « Bien-être en milieu de travail – rapport de base et recommandations », préparé par Manon Séguin en avril 2022 précisant trois points forts à développer et cinq points à améliorer. Tout ceci fait partie de la nouvelle stratégie de santé et bien-être du personnel 2023-2026 du CSAP.
En août 2022, nous avons commencé l’année scolaire avec la présentation de ce rapport à toutes les directions de secteurs, des coordonnateurs, des directions ainsi que des directions adjointes des écoles du CSAP. Par la suite, c’est tout le personnel du CSAP et les membres du conseil élu qui ont pu participer à une présentation du rapport. Tous ont eu la chance de faire part de leurs commentaires. Ces rétroactions ont aussi été considérées lors de la rédaction de la stratégie. De plus, tel que recommandé dans le rapport de Mme Séguin et du Réseau ÉdCan, nous avons revu la composition du comité directeur de l’initiative santé et bienêtre du personnel pour qu’elle représente chaque groupe d’employés. Un horaire des rencontres personnel-employeur pour tous nos groupes d’employés syndiqués et non-syndiqués a été établi, car il n’y a rien de plus important que d’établir des mécanismes qui favorisent une communication bidirectionnelle. D’ailleurs, selon Seth Godin, entrepreneur américain, ancien responsable marketing de Yahoo, « Le leadership consiste à donner aux gens un espace pour diffuser des idées qui fonctionnent ».
La stratégie santé et bienêtre du personnel 2023-2026 met en avant certains principes directeurs. Tout d’abord, l’engagement envers le respect et la reconnaissance de l’identité culturelle, linguistique et des systèmes de connaissances de chaque membre du personnel est primordial. Comme indiqué dans le paragraphe précédent, la stratégie du bienêtre au travail valorise la voix des employés eux-mêmes, ainsi que leurs choix, car nous souhaitons les aider à atteindre leurs objectifs de développement professionnel.
Il est essentiel que chaque membre du personnel se sente apprécié et accueilli au sein de son équipe et que tous les aspects de leur expérience quotidienne soient pris en compte. Dans cette optique, le CSAP privilégie un environnement de travail inclusif qui réunit des groupes d’employés au sein d’une même communauté scolaire, tout en étant flexible pour répondre aux aspirations et aux besoins individuels de chacun. À cet égard, les nouveaux employés participent à une séance d’insertion professionnelle présentement offerte annuellement au mois d’août. Aussi, les nouveaux enseignants peuvent compter sur l’appui individualisé de consultants pendant leur première année d’enseignement. Selon les besoins, ils pourront aussi avoir une journée de jumelage avec un collègue ou un consultant pour les aider à approfondir certaines approches sur le plan de la gestion de classe ou de l’enseignement. En ce qui concerne l’accueil et le climat dans nos écoles, le personnel reçoit une formation dans le domaine de la pédagogique sensible à la culture et la langue (PSCL). Il est important d’offrir cette formation à nos employés car, en plus d’avoir un effet direct sur les élèves, cette approche relationnelle préconise des relations saines et empathiques entre tous les membres du personnel par le biais d’une validation et d’une affirmation d’autrui.
Un milieu de travail inclusif doit aussi passer par l’utilisation de données objectives pour définir un système de dispositifs de soutien et pour évaluer son efficacité. En utilisant des informations concrètes, le CSAP peut mettre en place des mesures adaptées et évaluer les impacts sur la santé et le bienêtre du personnel.
Nous sommes présentement en train de jeter les bases du nouveau plan stratégique qui s’échelonnera sur une période de sept ans. Les quatre principaux axes de ce dernier sont la mise en place de pratiques pédagogiques fondées sur des données probantes, la construction identitaire et pédagogique sensible à la culture et à la langue, le leadership pédagogique et efficace et le bienêtre et la santé pour un milieu sain et sécuritaire. Nous aurons donc la chance de mettre en œuvre notre nouvelle stratégie en santé et bienêtre puis de faire une évaluation et des recommandations pour une version 2.0 avant la fin de la mise en œuvre de ce nouveau plan.
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Et, pour les trois prochaines années, nous allons concentrer nos efforts en fonction des cinq priorités suivantes :
En conclusion, le CSAP reconnaît l’importance cruciale du bien-être physique et de la santé mentale de tous les membres de son personnel. Ce ne sont pas nos belles écoles, nos livres et les formations offertes à notre personnel qui ont le plus d’effets auprès de nos enfants et de nos jeunes, mais bien la passion de tous ces employés qui, jour après jour, changent positivement la vie de nos élèves. Il importe également de reconnaitre ceux et celles qui sont au service de ces employés, pour qu’ils puissent, quotidiennement, offrir la meilleure éducation possible à tous nos élèves. C’est d’ailleurs ce que souligne le rapport « Bien-être en milieu de travail – rapport de base et recommandation ». Le CSAP, c’est plus qu’un emploi, c’est une mission que l’on se donne d’enrichir nos communautés acadiennes/francophones, un enfant à la fois. C’est cette fierté de travailler qui repose sur un désir sincère d’avoir le bienêtre de nos employés comme priorité. Il est plus facile de faire face aux défis quotidiens si nous pouvons favoriser de bonnes relations de travail. C’est avec assurance et sur ces bases solides que nous comptons offrir ensemble au CSAP une vision vers 2030.
François Rouleau, Direction régionale – regroupement Nord, CSAP, vous expliquera comment le CSAP a intégré le bienêtre du personnel dans son plan stratégique et vous fera part de certaines des mesures qu’il a prises pour soutenir le bienêtre du personnel.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Il est aujourd’hui de plus en plus connu que les fermetures d’écoles survenues à partir du printemps 2020 en raison de la pandémie de COVID-19 ont eu et continuent d’avoir des effets importants sur les milieux scolaires et toutes les personnes qui en font partie. L’UNESCO (2022) estime que plus d’un milliard et demi de jeunes ont été affectés par la crise de l’éducation liée à la COVID-19. Cette crise aurait fragilisé encore davantage des systèmes d’éducation déjà vulnérables, entre autres en raison des pénuries de personnel, de la qualité non optimale de l’enseignement-apprentissage, ou encore d’inégalités liées au genre, à l’origine ethnique, à la langue, au statut socioéconomique ou à des handicaps, notamment (UNICEF, 2015). Bien que l’on commence à prendre la mesure des effets de cette crise, davantage de recherche et de données de terrain sont nécessaires afin de mieux les comprendre et pour mieux guider les efforts de reconstruction (Donnelly et Patrinos, 2022).
Notre étude
L’objectif général de notre étude, menée par la Chaire UNESCO de développement curriculaire (CUDC) en partenariat avec le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ), est de mieux comprendre les effets de la crise de la COVID-19 sur les milieux scolaires au Québec. Plus spécifiquement, le projet vise à décrire l’incidence de la COVID-19 sur : 1) l’organisation et les établissements scolaires; 2) les élèves; et 3) le personnel enseignant. Dans le cadre du présent article, nous nous concentrerons sur les perceptions du personnel enseignant des effets négatifs de la COVID-19 sur leurs élèves.
D’où proviennent nos données?
Notre étude, de nature mixte, a été menée en deux temps auprès du personnel enseignant du primaire et du secondaire de trois centres de services scolaires (CSS), afin de mesurer l’évolution des effets de la COVID-19 sur différentes dimensions. Près de 500 enseignantes et enseignants ont répondu à un questionnaire en ligne à l’automne 2020, et près de 350 l’ont fait au printemps 2021. Parmi ces répondantes et répondants, des volontaires ont également participé à des entretiens semi-dirigés au printemps 2021 afin d’approfondir certains aspects abordés dans les questionnaires.
Dans les questionnaires, il a été demandé au personnel enseignant d’évaluer la situation à leur école, d’abord pour le début de l’année scolaire (pour la collecte de données à l’automne), puis pour la deuxième moitié de l’année scolaire (pour la collecte de données au printemps). À ces deux temps, les enseignantes et enseignants ont notamment évalué, de manière quantitative, dans quelle mesure la COVID-19 a eu des effets négatifs sur leurs élèves, plus précisément sur leurs apprentissages, leur autonomie, leur collaboration, leur capacité de résolution de problèmes, leur attention et leur capacité d’organisation.
Les résultats quantitatifs ainsi obtenus sont étayés par des données de nature qualitative. Pour l’automne 2020, il s’agit des réponses à une question ouverte dans le questionnaire en ligne, où il était demandé au personnel enseignant de nommer les trois aspects les plus importants sur lesquels la COVID-19 a eu des effets négatifs sur leurs élèves. Pour le printemps 2021, il s’agit des points soulevés par le personnel enseignant participant aux entretiens.
Les principaux effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves selon le personnel enseignant
De manière générale, on constate que les enseignantes et enseignants du primaire perçoivent davantage d’effets sur les compétences disciplinaires (les compétences spécifiques à une discipline : français, mathématiques, sciences, etc.), alors que celles et ceux du secondaire perçoivent plus les effets négatifs sur les habiletés scolaires (les habiletés relatives au rôle d’élève : attention, organisation, résolution de problèmes, etc.). Quand il leur est demandé de nommer, dans une question ouverte, les aspects les plus touchés par la COVID-19, ce sont l’aspect social, puis l’attention et la lecture qui sont les plus mentionnés pour le primaire, alors que ce sont plutôt la motivation, la participation, l’attention et l’aspect social qui sont surtout soulevés au secondaire.
Au primaire
Au primaire, à l’automne, les trois domaines d’apprentissage les plus touchés par la COVID-19 étaient le niveau des élèves en grammaire, en écriture, en éducation physique et en santé (figure 1). Il semblerait, selon les perceptions du personnel enseignant, que l’écart entre les élèves les plus forts et les élèves ayant déjà certaines difficultés au préalable s’est accru entre la fermeture des écoles et la reprise à l’automne 2020. En lien avec les effets sur le niveau des élèves en grammaire et en écriture, des enseignantes et enseignants ont souligné, en réponse à la question ouverte du questionnaire, que ces difficultés étaient particulièrement importantes chez plusieurs élèves allophones ayant potentiellement manqué d’occasions de développer leurs compétences en français durant le confinement. Pour ce qui est des difficultés en éducation physique et de la santé, chez les tout-petits, certaines difficultés en lien avec la motricité fine ont pu être observées.
Au printemps, les trois principaux domaines d’apprentissage les plus touchés par la COVID-19 selon le personnel enseignant du primaire étaient les suivants : la capacité d’attention, la capacité à résoudre des problèmes et le niveau en grammaire des élèves (figure 2). Concernant la capacité d’attention des élèves, des enseignantes et enseignants ont mentionné que les élèves semblaient rencontrer des difficultés avec leur rôle en tant qu’élèves, dont notamment la capacité à demeurer attentifs, tant en classe qu’à distance, et la capacité à résoudre des problèmes d’ordre scolaire ou d’ordre socioémotionnel. Pour ce qui est des difficultés en grammaire, comme dans les réponses à la question ouverte du questionnaire de l’automne, des enseignantes et enseignants du primaire ont mentionné aux entretiens du printemps que les difficultés en français étaient particulièrement importantes chez les élèves allophones.
Au secondaire
Au secondaire, à l’automne, les enseignantes et enseignants ont souligné des effets négatifs surtout sur les capacités d’attention, d’organisation et de résolution de problèmes de leurs élèves (figure 3). Il est intéressant de noter que les effets sur les apprentissages dans la discipline enseignée par les répondantes et répondants étaient relativement faibles (il ne s’agissait alors que du 7e domaine d’apprentissage le plus nommé). Concernant l’attention et l’organisation, selon les réponses à la question ouverte du questionnaire, ces difficultés ont surtout été vécues en enseignement à distance, puisque les interventions étaient plus difficiles en ligne qu’en présentiel, mais elles se sont aussi manifestées à l’école. En ligne, davantage de distractions faisaient en sorte que conserver l’attention des élèves était perçu comme un défi par le personnel enseignant. En présentiel, l’organisation scolaire irrégulière (horaires, bulles-classes, déplacements, matériel scolaire, plateformes et outils d’apprentissage numériques, etc.) dans le respect des mesures sanitaires en vigueur s’est avérée difficile à suivre pour plusieurs élèves. Pour ce qui est de la résolution de problèmes, les enseignantes et enseignants ont souligné qu’il s’agissait d’une importante difficulté des élèves en mathématiques.
Au printemps, les deux premiers effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves perçus par le personnel enseignant touchaient toujours les capacités d’attention et d’organisation des élèves, suivies par leur autonomie et leur niveau dans la discipline enseignée (figure 4). Comme leurs collègues du primaire, les enseignantes et enseignants du secondaire ont souligné en entretien avoir remarqué un effet plus important de la COVID-19 sur les élèves déjà en difficulté au préalable, ainsi que des grands écarts d’adaptation au retour à l’école entre les élèves les plus forts et les élèves en difficulté. Des enseignantes et enseignants du secondaire ont mentionné en entretien que plusieurs élèves avaient peu de soutien à la maison, et que l’enseignement hybride1 contribuerait très probablement à creuser encore davantage les écarts entre les élèves forts, qui réussiraient de toute manière, et les élèves plus à risque d’échec, pour qui le risque augmenterait. On note également que le niveau des élèves dans la discipline enseignée est monté au 4e rang des principaux effets négatifs de la COVID-19. On peut supposer que le retard accumulé tant durant la fermeture des écoles que durant l’année scolaire où les contenus enseignés ont dû être ramenés « à l’essentiel »2 a fini par se faire sentir chez les élèves comme chez le personnel enseignant.
Quelques mises en garde
Avant de conclure, il est nécessaire de mentionner que, comme toute étude, celle-ci comporte ses limites. D’abord, comme dans la grande majorité des études sur les effets de la COVID-19, tant en éducation que dans d’autres domaines, il est impossible d’établir un portrait prépandémique de la population étudiée. Il est donc difficile de déterminer ce qui relève spécifiquement des impacts de la COVID-19 et ce qui relève de situations ou d’influences préalables. Ensuite, bien que notre échantillon comporte plusieurs centaines d’élèves et d’enseignantes et enseignants, il ne représente qu’une petite proportion de la population étudiée. Par ailleurs, il se peut que le personnel enseignant ayant répondu aux questionnaires et s’étant porté volontaire pour les entretiens corresponde à celles et ceux qui avaient le plus de choses à dire sur la situation ou qui avaient vécu plus difficilement que les autres cette année scolaire particulière.
Une école à reconstruire, des élèves à ne pas perdre de vue
Bien que les effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves perçus par le personnel enseignant sont relativement importants, on constate, tant dans les questionnaires que dans les entretiens, que la totalité du personnel enseignant participant a souligné la grande résilience des élèves durant l’année scolaire 2020-2021. Plusieurs ont également mentionné que les mesures d’aide aux élèves (Conseil supérieur de l’éducation, 2021) avaient été très aidantes. Par ailleurs, il est intéressant de mentionner que les élèves, de leur côté, ont déclaré que les effets de la COVID-19 sur leurs apprentissages étaient plutôt faibles, alors que, comme nous l’avons montré, les enseignantes et enseignants les perçoivent de leur côté comme assez importants. Il est alors permis de se demander si les élèves sous-estiment les effets de la COVID-19 ou si les enseignantes et enseignants les surestiment : la réalité se trouve probablement quelque part entre les deux. Concernant les perceptions du personnel enseignant, soulignons que le stress usuel lié à la profession enseignante (Eblie Trudel et al., 2021), en plus du stress lié à la pandémie, aux mesures sanitaires et aux bouleversements de l’organisation scolaire durant l’année 2020-2021 peut avoir influencé leur représentation des effets de la COVID-19 sur leurs élèves.
Puisqu’on ne connait pas les effets à long terme de la COVID-19 sur les élèves, il importe de continuer la recherche sur les milieux scolaires québécois pour les accompagner et les outiller dans leur reconstruction. De plus, il est primordial que le personnel enseignant et tout personnel scolaire travaillant auprès des élèves soient adéquatement formés pour soutenir et aider les élèves à court, moyen et long terme, par exemple à l’égard de l’accompagnement dans le deuil, le stress et le trauma, de la collaboration entre l’école et la famille, ou encore de l’accompagnement des élèves présentant diverses difficultés (Müller et Goldenberg, 2020).
Ce projet a été financé par le Conseil de recherche du Canada en sciences humaines (CRSH) et le ministère de l’Éducation du Québec, dans le cadre du programme Engagement partenarial – initiative spéciale COVID-19.
Remerciements
Ce texte a été rédigé par Marion Deslandes Martineau, Patrick Charland, Yannick Skelling-Desmeules, Olivier Arvisais et Marie-Hélène Bruyère. Les auteurs et auteures tiennent à remercier les partenaires du ministère de l’Éducation et des centres de services scolaires concernés, de même que les collègues, cochercheurs et cochercheuses, collaborateurs et collaboratrices à l’étude : Jonathan Bluteau, Isabelle Plante, Isabelle Gauvin, Stéphane Cyr, Tegwen Gadais, Éric Dion, Joanna Trees Merckx et Jay S. Kaufman.
Conseil supérieur de l’éducation. (2021). Revenir à la normale? Surmonter les vulnérabilités du système éducatif face à la pandémie de COVID-19. Le Conseil. https:// cse.gouv.qc.ca/rebe20-21-covid/
Donnelly, R. et Patrinos, H. A. (2022). Learning loss during Covid-19: An early systematic review. PROSPECTS, 51(4), 601–609. doi.org/10.1007/s11125-021-09582-6
Eblie Trudel, L., Sokal, L. et Babb, J. (2021). Teachers’ Voices: Pandemic Lessons for the Future of Education. Journal of Teaching and Learning, 15(1), 4–19. doi.org/10.22329/jtl.v15i1.6486
Müller, L.-M. et Goldenberg, G. (2020, 5 juillet). Education in times of crisis: The potential implications of school closures for teachers and students. Chartered College of Teaching. https://my.chartered.college/wp-content/uploads/2020/05/CCTReport070520_FINAL.pdf?fbclid=IwAR0t62tROapzSQv28ofnIVc3AhE44UuFTP19dg6_V0-o7y8NqAFkEawAWZ8
UNESCO. (2022). Education : from school closure to recovery. UNESCO. https:// unesco.org/en/covid-19/education-response
UNICEF. (2015, 19 janvier). The Investment Case for Education and Equity. UNICEF, Education Section. https:// unicef.org/reports/investment-case-education-and-equity
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 L’enseignement hybride consiste en un enseignement qui se fait parfois à distance et parfois en présentiel. Pour une bonne partie de l’année scolaire 2020-2021, c’est l’horaire qui a été imposé aux élèves du 2e cycle du secondaire (soit des élèves de 14 à 17 ans).
2 Le ministère de l’Éducation a rendu disponibles des listes de savoirs essentiels sur lesquels se concentrer dans chaque discipline, au détriment d’autres notions faisant normalement partie des programmes d’enseignement.
Cet article contient des pronoms inclusifs.
Dans une perspective écologique inspirée de la théorie du développement humain de Bronfenbrenner, la résilience est un processus engagé par des systèmes lorsqu’ils se trouvent en contexte d’adversité (Ungar, 2018). Dans le cadre de cet article, il est question de la résilience d’élèves pendant la pandémie de la COVID-19, et plus particulièrement de la résilience langagière en contexte minoritaire francophone.
Selon le modèle de Ungar (2018), chaque être humain est un système en soi, tout en étant un constituant d’autres systèmes. Ainsi, l’élève est un système en interaction avec d’autres – son école, sa ou ses communautés, sa famille, par exemple. C’est en interaction avec ces systèmes que l’élève se construit, construit son sens du monde et participe à la (re)production des autres systèmes.
La résilience est un processus ayant pour fin le retour du système individuel1 au bienêtre ou encore au mieux-être. La pandémie de la COVID-19 a placé des nations toutes entières en contexte d’adversité sanitaire. Nous avons vu comment elles ont su mobiliser diverses ressources internes (moyens financiers, savoirs, attitudes, capacités) et externes (vaccins, connaissances, alliéEs) au sein d’un réseau de systèmes internationaux.
Dans ce grand branlebas, familles, parents, enfants, élèves, personnel enseignant et directions d’écoles ont pour leur part mobilisé des ressources internes et externes dans un processus de résilience enclenché par la fermeture des établissements scolaires et la création ad hoc d’un espace scolaire virtuel. Nous avons donc été en mesure de confirmer à quel point l’école est non seulement un espace d’apprentissage, mais également un système concomitant des systèmes familiaux et sociaux pour ce qui est de l’encadrement des enfants. Par ailleurs, la place de l’école dans la réduction des inégalités sociales s’est confirmée lors de la plus grande prise en charge de la scolarisation des enfants par les systèmes familiaux. Pensons, d’une part, à la plus faible disponibilité du réseau Internet et d’équipement informatique performants dans les foyers à faible revenu ou situés loin des centres urbains du pays. D’autre part, des familles ayant les ressources internes nécessaires ont créé des « cellules scolaires » et recruté une personne qualifiée en enseignement pour assurer la scolarisation continue de leurs enfants, cela alors que le système scolaire peinait à combler ses besoins en personnel enseignant et que d’autres enfants faisaient un minimum d’heures de classe virtuelle, avec ou sans la supervision ou l’appui d’un adulte à la maison. Cela rappelle la création de groupes de jeux par certains parents afin d’assurer la disponibilité d’un espace de langue française pour leurs enfants d’âge préscolaire en contexte anglodominé, ainsi que la tendance notée par la recherche dans le domaine du choix scolaire : seules certaines familles font un choix actif de l’école de leurs enfants. Ainsi, la mobilisation par un système, ici familial, de ressources internes et externes dépend en grande partie de leurs disponibilités, de leurs accessibilités et de leurs pertinences.
En contexte minoritaire francophone, il importe également de tenir compte de l’accessibilité à la langue française pendant la pandémie, et après. Nous savons déjà que dans les communautés francophones et acadiennes les plus anglodominées, l’école est le seul espace public où la langue française jouit d’un statut officiel plus important que celui de la langue anglaise, bien que cette dernière profite d’un statut social très élevé dans les interactions entre élèves. Cela est le cas par exemple à Halifax (Liboy et Patouma, 2021), à Toronto (Heller, 1994; Heller, 2006) et en Ontario de manière plus générale (Gérin-Lajoie, 2004), au Manitoba (Cormier, 2020) et à Vancouver (Levasseur, 2020). La mise de l’avant du concept de l’école communautaire citoyenne par la FNCSF (Fédération nationale des conseils scolaires francophones) en 2011 et l’identification du rôle sociolinguistique du système d’éducation à titre d’enjeu de taille par l’AEFO (Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens) en 2022 confirment la centralité de l’école pour la résilience langagière communautaire en contexte anglodominé. Au sein de l’école, les élèves trouvent des espaces d’interaction sociale propices à une production et reproduction langagière contextualisée. La fermeture des écoles et des centres communautaires place donc les jeunes en contexte d’adversité langagière.
La pandémie a eu des conséquences importantes pour la santé mentale des adolescentEs (Vaillancourt et al., 2021), notamment en raison de l’isolement social qui a réduit de manière significative les contacts entre pairs. Même lorsque les mesures sanitaires ont été assouplies pour permettre la fréquentation en distanciation sociale, les jeunes en contexte minoritaire peuvent avoir rencontré des difficultés à créer des moments de rencontre avec leurs amiEs francophones, disperséEs sur un territoire dépassant les limites de leur quartier. En effet, bien que certaines communautés francophones ou acadiennes historiques occupent un espace géographique bien défini (la population brayonne de la ville d’Edmundston, acadienne de Pubnico ou franco-ontarienne de Hearst, par exemple), elles sont pour la plupart imbriquées dans une municipalité à majorité anglophone, diminuant ainsi les occasions de se voisiner en français. Dans de telles conditions, il devient nécessaire de faire le choix de mobiliser des ressources internes et externes qui peuvent soutenir la résilience langagière en français.
Des données récoltées en Ontario et à l’Île-du-Prince-Édouard en marge de communications à différents groupes du système scolaire, au Nouveau-Brunswick dans le cadre du volet recherche du Réseau canadien des écoles ludiques et d’une thèse de maitrise en Nouvelle-Écosse permettent de constater que la fermeture des écoles pendant la pandémie de la COVID-19 a eu un effet marquant sur la disponibilité et l’accessibilité de ressources externes et internes pertinentes à la résilience langagière de certains jeunes locuteurices de la langue française. Dans nos conversations le personnel enseignant et des parents en Ontario et à l’Île-du-Prince-Édouard ont dit avoir remarqué une diminution des capacités chez certains enfants et de la motivation chez d’autres à parler français au cours de la pandémie. À l’élémentaire, le personnel enseignant de certains milieux a noté qu’un nombre plus important d’élèves qui n’ont pas fait la garderie en raison de la pandémie est entré à l’école avec peu ou aucune connaissance de la langue française. Le personnel enseignant d’une école, rencontré dans le cadre du colloque annuel de l’ACELF, estime que 70 % des élèves ne parlaient pas français à leur arrivée à l’école en septembre 2022.
Au secondaire, là où les élèves passaient de l’anglais au français lorsqu’un membre du personnel enseignant était à proximité dans les couloirs de l’école, après deux ans de bris dans la coprésence, cet automatisme semblait avoir généralement disparu au retour à l’école en présentiel. Par ailleurs, des enseignantEs ont rapporté que certains élèves refusaient tout bonnement de parler français en salle de classe, même avec le personnel. Une étude de maitrise menée auprès de trois jeunes du secondaire en Nouvelle-Écosse nous informe sur les facteurs qui peuvent avoir contribué à de tels changements et en quoi l’école en présentiel agit à titre de système concomitant en appui au processus de résilience langagière des élèves (Sutherland, 2022).
Trois jeunes en fin d’études secondaire dans des écoles dispersées sur le territoire de la Nouvelle-Écosse ont participé à des conversations narratives individuelles en ligne au cours de la deuxième année de la pandémie de la COVID-19. Malgré des profils socio-langagiers distincts, chacunE2 a témoigné de l’importance de l’école pour leur résilience langagière (Sutherland, 2022). Les ressources qu’iels mobilisent au sein de l’école sont l’accès au français scolaire dans les cours de français, la légitimation de la variété locale du français (l’acadjonne) par certains membres du personnel et les activités parascolaires. L’école de langue française met donc à disposition de ces élèves trois espaces dans lesquels circulent différentes ressources langagières (l’interaction en français scolaire, en acadjonne et le parler des jeunes) et normes de communication en français. Bien que l’acadjonne soit disponible pour deux de ces élèves à la maison – la dernière parlait un français plus près de la norme scolaire avec ses parents –, la pandémie a fortement réduit l’accès quotidien de ces jeunes au français scolaire et aux interactions avec leurs pairs en français.
Lors de la fermeture de leurs écoles, les élèves des écoles de langue française ont eu accès à un nombre réduit de cours. Les cours de français ont été maintenus, mais l’accessibilité au français scolaire s’est néanmoins trouvée réduite, la tendance s’étant déplacée vers un enseignement plus magistral que participatif. Les personnes rencontrées par Sutherland ont relevé la pertinence de l’interaction en classe de français en particulier pour leur accès à la langue scolaire. Considérant que cette variété linguistique était, pour deux d’entre iels, illégitime en milieu familial et communautaire, mais nécessaire à leur légitimité à titre de francophones à l’extérieur de ces milieux, l’interaction en français scolaire s’est avérée une ressource nécessaire à la résilience langagière postsecondaire pour ces élèves.
Par ailleurs, les élèves ont témoigné de l’importance d’un espace où le français est de mise, puisque leur propension à utiliser la langue dominante avec leurs pairs a fait qu’en l’absence d’activités parascolaires organisées par l’école, iels se sont tournées vers les médias sociaux pour communiquer avec leurs amiEs. Or, iels utilisent majoritairement, si non uniquement, l’anglais dans l’espace de socialisation numérique. Pour ces personnes, la fermeture de l’école pendant la pandémie s’est traduite en retrait d’espaces d’interaction sociale pertinents à la production et reproduction langagière contextualisée du/des français.
Or, contrairement à un nombre grandissant de jeunes évoluant en contexte minoritaire, celles rencontrées par Sutherland avaient accès à des ressources en langue française dans leurs familles et dans leurs communautés respectives. Iels comptent également parmi les jeunes qui mobilisent les activités parascolaires de l’école comme ressource pour leur résilience en général et pour leur résilience langagière en particulier. En Ontario, des parents de milieux davantage minorisés, mais qui utilisent le français à la maison et mobilisent des ressources de langue française dans leurs interactions avec leurs enfants, ont remarqué pour leur part que leurs enfants ont parlé et fait la lecture plus fréquemment en français. Cela aurait eu pour conséquence une amélioration de leur vocabulaire en langue française et une capacité améliorée à passer d’une situation de communication translangagière (la mobilisation créative par des plurilingues de l’ensemble de leurs ressources linguistiques pour créer du sens et communiquer un message) à une situation unilingue. La fermeture de l’école aurait-elle éloigné leurs enfants d’un espace de socialisation entre jeunes où le français est peu mobilisé (les couloirs de l’école, par exemple) et ainsi contribué à leur résilience langagière en français?
En contexte minoritaire, la société environnante ne peut assurer aux élèves et à leurs familles un accès soutenu aux ressources langagières et linguistiques distribuées par l’école de langue française. De ce fait, le potentiel de cette dernière à titre de ressource externe pour la résilience langagière des élèves est grand. Dans les conditions actuelles, elle ne peut jouer pleinement ce rôle en contexte de pandémie ou d’apprentissage en ligne. Par ailleurs, certaines données anecdotiques suggèrent qu’elle contribue négativement à la résilience langagière de certains élèves. Il y a donc encore beaucoup à apprendre au sujet de l’interaction entre l’école et les autres systèmes de l’écologie langagière des élèves ainsi que sur l’apport de cette interaction sur la résilience langagière à court et à long terme.
Bronfenbrenner, U. (1979). The Ecology of Human Development: Experiments by Nature and Design. Harvard University Press, Cambridge.
Cormier, G. (2020). Perspectives et définitions scolaires de l’identité linguistique en milieu minoritaire : comment les établissements scolaires de langue française répondent-ils aux besoins des élèves du 21e siècle face aux nombreuses transformations sociales, culturelles et démographiques en cours? Éducation et francophonie, 48(1), 53–72. https://doi.org/10.7202/1070100ar
Gérin-Lajoie, D. (2004). La problématique identitaire et l’école de langue française en Ontario. Francophonies d’Amérique, (18), 171–179. doi.org/10.7202/1005360ar
Heller, M. (1994). Crosswords: Language, education, and ethnicity in French Ontario. Mouton de Gruyter.
Heller, M. (2006). Linguistic minorities and modernity: A sociolinguistic ethnography (2e éd.). Continuum.
Levasseur, C. (2020). Être plurilingues et francophones : représentations et positionnements identitaires d’élèves de francisation à Vancouver. Éducation et francophonie, 48(1), 93–121. doi.org/10.7202/1070102ar
Liboy, M.-G., et Patouma, J. (2021). L’école francophone en milieu minoritaire est-elle apte à intégrer les élèves immigrants et refugies récemment arrives au pays? Canadian Ethnic Studies Journal, 53(2), 23-40.
Sutherland, H. (2022). De l’insécurité linguistique à la résilience linguistique : le rôle de l’école de langue française dans la formation de la résilience linguistique des adolescents [thèse de maîtrise, Université d’Ottawa]. RechercheuO. https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/43860
Vaillancourt, T., Beauchamp, M., Brown, C., Buffone, P., Comeau, J., Davies, S., igueiredo, M., Finn, C., Hargreaves, A., McDougall, P., McNamara, L., Szatmari, P., Waddell, C., Westheimer, J. et Whitley, J. (2021). Les enfants et les écoles pendant la COVID-19 et au-delà : interactions et connexion en saisissant les opportunités. Société royale du Canada. https://rsc-src.ca/sites/default/files/C%26S%20PB_FR.pdf
Ungar, M. (2018). Systemic resilience: Principles and processes for a science of change in contexts of adversity. Ecology and Society, 23(4). doi.org/10.5751/ES-10385-230434
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 Gauvin -Lepage et Lefebvre (2010) font leurs recherches au niveau de la résilience familiale. Dans ce contexte, les ressources internes appartiennent à la famille et les ressources externes sont situées dans les systèmes qui les entourent.
2 Ces personnes étaient de sexe féminin, mais leur identité de genre n’ayant pas été dévoilée ou discutée lors des conversations narratives, nous privilégions l’écriture neutre avec des accords au féminin lorsqu’il est question d’iels.
L’école fait partie intégrante de la vie des enfants et des jeunes. C’est non seulement un lieu propice au développement intellectuel, mais aussi à l’acquisition de nombreuses aptitudes sociales et compétences fondamentales. Au cours des trois dernières années, les provinces et territoires ont mis en place une variété de mesures pour contrer la transmission de la COVID-19, notamment la fermeture d’écoles et l’apprentissage à distance. Ces mesures, qui visaient à réduire le nombre de cas de COVID-19 et les décès causés par la maladie, ont influencé la vie des élèves.
Même si nous tentons toujours de comprendre l’impact de la pandémie sur les élèves, nous savons qu’elle a eu d’énormes répercussions sur l’ensemble des systèmes d’éducation au Canada. Elle a entre autres nui à la santé mentale du personnel scolaire et des élèves, creusé les inégalités entre les élèves, aggravé la pénurie de main-d’œuvre et les problèmes chroniques d’absentéisme, hypothéqué l’apprentissage, entraîné l’annulation d’activités sportives et parascolaires et imposé une formule d’apprentissage en ligne à laquelle tous ont dû s’adapter. La pandémie a cependant donné lieu à de nouvelles possibilités, dont le perfectionnement des compétences numériques du personnel enseignant, l’apprentissage à l’extérieur des salles de classe, l’éducation autochtone axée sur le territoire, la priorisation de l’apprentissage authentique et l’amélioration des programmes d’études dans quelques provinces et territoires.
Tout examen de l’impact de la COVID-19 sur les élèves doit tenir compte de leurs identités intersectionnelles. Il faut éviter de généraliser les expériences de tous les jeunes, puisque les répercussions de la pandémie peuvent différer en fonction des communautés et des élèves.
Nous souhaitons partager dans ce texte nos expériences pendant la pandémie. Ces réflexions traduisent nos expériences personnelles et non de l’ensemble des élèves canadiens.
Apprentissage en ligne
Fiona : Mon école nous a annoncé en janvier 2020 que les cours se donneraient désormais en ligne. À ce moment-là, je ne connaissais pas les plateformes Zoom et Google Classroom. En l’espace d’une semaine, mes camarades et moi avons été catapultés dans un univers totalement inconnu.
Pendant un cours d’une heure, nous regardions des écrans noirs parfois traversés de réactions émojis envoyées par des élèves à moitié endormis. Au lieu de participer à des séances interactives, nous devions visionner des cours magistraux préenregistrés, généralement sur Zoom, par les enseignants. Malgré tous leurs efforts pour rendre les cours intéressants, cette formule n’était tout simplement pas aussi efficace.
Dans un cours de science de 9e année, par exemple, nous devions nous familiariser avec les différentes couleurs présentes dans les flammes. Avant la pandémie, les élèves participaient à des expériences complexes et pouvaient voir en classe les différents types de flammes. Durant le cours en ligne, l’enseignant nous montrait une variété de photos de flammes sur son écran et les décrivait une par une. Nous n’avions pas la chance d’apprécier de visu les couleurs vives de la flamme et de vivre l’excitation du moment. Par conséquent, nous n’avons pas aussi bien assimilé la matière couverte.
Raeesa : L’apprentissage en ligne a été difficile par moments. Par exemple, la mauvaise connexion Internet qui perturbait certains cours, l’aide que je devais fournir aux plus jeunes de ma famille souvent confus après leurs leçons et l’obligation de fixer un écran pendant de longues périodes ont fait ressortir les lacunes de cette formule. J’ai remarqué qu’un moins grand nombre d’élèves parlaient ou répondaient aux questions durant les cours en ligne, ce qui compliquait la tâche des enseignants. En raison de la participation limitée des élèves, les cours semblaient s’éterniser et devenaient parfois ennuyeux. C’était particulièrement flagrant lorsque l’enseignant devait attendre la réponse d’un élève. L’apprentissage et l’intérêt des élèves ont écopé parce que les cours n’étaient pas aussi intéressants ni stimulants qu’en salle de classe.
Sur une note plus positive, j’ai apprécié le fait d’étudier dans le confort de ma maison, car je disposais de mon propre espace pour apprendre. Comme j’ai eu l’occasion d’explorer et d’utiliser la technologie plus souvent pour mes travaux, je serai mieux préparée pour l’avenir, puisque la plupart d’entre nous devront utiliser des applications pour nos futurs devoirs et projets.
Manque de structure, besoin de plus d’autonomie
Fiona : Nous avions l’habitude des programmes scolaires structurés et des attentes strictes, comme arriver à l’heure et assister aux cours. Cependant, avec l’avènement des cours en ligne, il n’y avait personne pour vérifier les présences, et certains cours ont été annulés en raison de l’instabilité du réseau. Comme l’enseignement n’était pas aussi efficace, j’ai dû trouver d’autres façons d’apprendre par moi-même et j’ai commencé à visionner des cours intensifs sur YouTube et sur la plateforme Khan Academy. De nombreux camarades de classe ont aussi eu recours à ces sources d’information. Nous avons fini par perdre la connexion avec nos enseignants, qui n’étaient plus ceux vers qui nous nous tournions pour répondre à nos préoccupations et questions.
Raeesa : Comme je n’avais plus de professeur pour s’assurer que je faisais mes devoirs pendant la pandémie, j’ai dû apprendre à me responsabiliser et à gérer mon temps pour effectuer mes travaux scolaires à la maison. J’ai aussi réalisé toute l’importance de communiquer avec les enseignants. Nous avions la chance de pouvoir clavarder avec les enseignants et de leur envoyer des textos. Je me suis donc habituée à prendre l’initiative et à demander de l’aide à mes enseignants.
Répercussions sociales
Raeesa : J’ai toujours considéré l’école comme un endroit qui m’offre une foule de possibilités et me permet de pratiquer des activités sportives ou artistiques et d’adhérer à différents clubs. La pandémie a interrompu un grand nombre d’activités en présentiel, comme les assemblées scolaires et les sports d’équipe.
Fiona : Si l’on envisage la situation dans son ensemble, la pandémie a empêché un grand nombre d’élèves de découvrir leurs passions. Je crois qu’une passion se développe grâce à des rencontres enrichissantes avec nos camarades et nos enseignants. À cause de la COVID, des cours auparavant populaires sont devenus banals et ennuyeux. Nous avions moins d’interactions avec les professeurs et moins de communications en personne. La 8e, la 9e et la 10e année sont des années cruciales pour explorer ses intérêts, et certains élèves ont été limités dans leur exploration.
Je dois avouer, par contre, que la pandémie m’a aidée à apprécier les ressources que j’ai autour de moi. Avant, j’étais toujours à la course. Je jouais au hockey et au rugby, je pratiquais une foule d’activités parascolaires, je participais à des débats, etc. À notre retour de l’école, ma mère nous emmenait à toutes sortes d’activités parascolaires. Ma sœur et moi mangions en vitesse, puis allions faire nos devoirs dans notre chambre. Après le début de la pandémie, de nombreuses activités ont été annulées ou transférées en ligne, ce qui nous a donné beaucoup plus de temps en famille. J’ai eu l’occasion de discuter davantage avec ma mère et de mieux comprendre son parcours d’immigrante au Canada. Ces conversations ont renforcé mon esprit de famille et permis d’apprécier tout ce que ma mère a sacrifié pour s’établir au Canada.
Leadership des jeunes
Fiona : La pandémie a donné lieu à une énorme montée du nombre de jeunes militants et leaders qui ont abordé des problèmes de plus en plus préoccupants liés aux ressources éducatives, à la technologie et à l’itinérance. Devant les répercussions de la COVID sur leurs collectivités, les jeunes ont eu envie de se faire entendre et de venir en aide aux membres de leur communauté. Personnellement, je dirige un organisme sans but lucratif appelé United Speakers Global, qui vise à améliorer l’accès des jeunes à des ressources sur l’art de parler en public. La pandémie a frappé tout juste après mon entrée en poste, et l’organisme est devenu complètement virtuel, ce qui m’a d’abord semblé problématique. Toutefois, grâce à la demande accrue pour ce genre de programme, nous avons pu recruter davantage d’élèves non seulement dans le Grand Toronto, mais aussi dans 11 villes du monde entier. J’ai d’ailleurs eu la chance de rencontrer des jeunes leaders du Koweït, de Shanghai, de la Zambie, des États-Unis et d’autres pays.
Mot de la fin
Raeesa : Malgré les répercussions négatives de la pandémie sur mon apprentissage, j’ai quand même profité de quelques avantages et de plusieurs occasions intéressantes. Selon moi, c’est une question de perspective. J’aurais pu considérer la pandémie comme un obstacle impossible à franchir. J’ai préféré envisager la situation comme une occasion d’apprentissage et voir les obstacles comme des étapes vers une plus grande ouverture d’esprit envers des perspectives et des modes d’apprentissage différents. Ces défis m’ont aidée à aller de l’avant au lieu de freiner mon élan. Au bout du compte, c’est notre perception qui façonne notre vie et notre façon de vivre.
Photo : iStock, Fiona Shen et Raeesa Hoque
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
L’école se trouve être le milieu où l’élève passe la plupart de son temps. Ainsi, cet endroit s’avère une voie cruciale pour favoriser le bienêtre des élèves, mais là n’est pas sa seule mission. Promouvoir le bienêtre à l’école est une affaire dans laquelle interviennent plusieurs groupes de personnes : personnel enseignant, personnel administratif et même parents.
Débutant en fin 2019, la pandémie de COVID-19 que nous suivions dans les médias partout dans le monde est vite devenue la réalité de la planète entière. Aux quatre coins du monde, la pandémie a bousculé le système d’éducation. La fermeture d’écoles à répétition et l’enseignement à distance ont quant à eux bouleversé le quotidien des élèves, des enseignant.e.s et du personnel scolaire qui devaient, chacun de leur côté, s’adapter à cette nouvelle réalité jusqu’à une date indéterminée. Pour ce faire, plusieurs initiatives prometteuses ont vu le jour afin de permettre la continuité de l’école et des activités d’enseignement : réaménagement des espaces de cours; division des groupes d’élèves; formation à distance; planification des cours et adaptation des contenus; trousses d’enseignement à la maison, etc.
Par ailleurs, la pandémie a occasionné du stress et du mal-être généralisés sur la planète. La situation impose jusqu’à présent des ajustements pour chacun et chacune : télétravail, enseignement et apprentissage à distance, garde des enfants à la maison, licenciement d’employé.e.s, etc. Face à cette situation et à la pression vécue collectivement, le bienêtre des personnes s’avère l’enjeu attirant l’attention particulièrement en milieu scolaire.
Adopter la psychologie positive pour comprendre le bienêtre
Parler de bienêtre semble corréler avec l’essor de la psychologie que l’on appelle positive, d’où les termes « science du bienêtre » ou « champ d’investigation du bienêtre » qu’on lui donne dans les écrits. Bien que l’idée de s’intéresser au positif remonte à plusieurs années, le courant est en émergence depuis une vingtaine d’années et, tout récemment, même si la fin de la pandémie de COVID-19 semble difficile à prédire, la psychologie positive post-pandémique semble gagner du terrain.
Considérant la psychologie comme une discipline ayant préconisé pendant longtemps le travail sur les faiblesses et les aspects négatifs de la personne, la psychologie positive met la lumière sur les aspects positifs de l’être humain et tout ce qui va bien chez lui (Gaucher, 2010). Elle va en effet à l’encontre de l’idée stipulant l’existence d’une psychologie totalement tournée vers les souffrances.
Pour bien comprendre les deux aspects liés à la psychologie positive, Gable et Haidt (2011) l’ont comparée à une médaille qui a deux côtés, soit un négatif et un positif. Cet exemple met en relief le fait que les personnes opérant dans ce champ reconnaissent entièrement l’existence d’aspects désagréables, mais sont attentives à l’autre côté prometteur de la médaille qui fonctionne bien. Plus concrètement, il s’agit de se tourner vers les personnes épanouies et qui ressentent de la joie au lieu de ne se préoccuper que de celles qui souffrent. Cela rejoint les propos de Lecomte (2014) selon lesquels le fait d’adopter la psychologie positive ne consiste pas à voir le monde avec des lunettes roses dans le sens où l’attention ne devrait pas être mise que sur ce qui est idéal et parfait.
Depuis quelques années, tant la communauté de la pratique que celle de la recherche ne cessent de s’intéresser à la question du bienêtre à l’école en vue de promouvoir une santé mentale positive en milieu scolaire. On parle désormais d’éducation positive qu’on perçoit comme une approche fondée sur les compétences psychosociales des élèves autant que scolaires, considérant ces multiples avantages documentés dans les recherches comme susceptibles de promouvoir le bonheur, de favoriser la satisfaction à l’égard de la vie, de l’apprentissage, de la réussite, de la créativité et, à long terme, d’avoir une bonne santé physique. À titre d’exemple, il est admis que les enfants réussissent le mieux quand ils sont encouragés et reçoivent des compliments de leurs parents.
L’Organisation mondiale de la Santé considère une bonne santé mentale comme un état de bienêtre qui permet à la personne de surmonter les tensions quotidiennes de la vie, d’accomplir du bon travail et de servir sa collectivité. De fait, à n’importe quel moment, toute personne peut faire face à un élément perturbateur ou à une difficulté qui affecte son bienêtre. La santé mentale peut être envisagée comme un continnum1 de couleur à trois zones :
Ainsi, il semble que globalement les élèves passent à un moment ou à un autre en zone jaune et parviennent à regagner la zone verte par la suite. Cela dit, ils peuvent se trouver à un moment donné en période difficile qui s’avère généralement passagère du fait qu’ils arrivent à surmonter la situation et ressentent à nouveau du bienêtre, processus qu’on nomme dans les écrits « l’adaptation » ou « l’ajustement ». Pour comprendre ces situations, il s’avère incontournable de se pencher sur ce qui a aidé l’élève à éprouver du bienêtre par le biais d’une observation approfondie visant à démystifier les changements qui ont pu avoir lieu entre-temps. Plus spécifiquement, il s’agit de cibler les stratégies personnelles employées par l’élève pour traverser la situation stressante. À titre d’exemple, un élève pourrait se contenter d’évitement ou de repli sur soi pour oublier la situation et passer à autre chose alors qu’un autre pourrait demander l’aide de son enseignant ou enseignante ou de ses parents.
D’après le conseil supérieur de l’éducation du Québec2, les nombreux et sérieux facteurs impliqués dans la santé mentale exigeraient la planification de mesures comblant les différents domaines d’influence soit l’école, la collectivité, le/la jeune, ses camarades et sa famille tout au long du cheminement scolaire. Ainsi, écoles et / ou parents doivent trouver les meilleures façons de soutenir le bienêtre des élèves. Pour ce faire, voici quelques pistes d’action :
Considérant le nombre grandissant d’initiatives et de pistes prometteuses en ce qui concerne le bienêtre des élèves dont quelques-unes sont citées plus haut, l’école constitue un lieu clé pour assumer ce rôle. Surtout dans un contexte de pandémie, il devient de plus en plus urgent de se mobiliser pour favoriser le bienêtre. Ainsi, il ressort que le bienêtre est la priorité de tous mais surtout la responsabilité de tous. C’est donc en travaillant ensemble, familles et écoles, que nous pourrons envisager le bienêtre de chacun, celui des élèves et de leur entourage.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2021
Gable, S. et Haidt, J. (2011). Qu’est-ce que la psychologie positive (et pourquoi) ? Dans C. Martin-Krumm et C. Tarquinio, Traité de Psychologie Positive: fondements théoriques et implications pratiques (pp. 30-40). Bruxelles : De Boeck.
Gaucher, R. (2010). La psychologie positive: Ou l’étude scientifique du meilleur de nous-mêmes. Éditions L’Harmattan.
Lecomte, J. (2014). Introduction à la psychologie positive. Dunod.
Dès la fermeture des écoles en mars 2020, les parents d’élèves ont été aux premières loges, souvent désemparés, pour constater les effets de la pandémie et des changements dans la fréquentation scolaire sur leurs enfants. Dans ces circonstances exceptionnelles, les parents ont entre autres observé un manque de motivation des jeunes, des difficultés d’adaptation à l’école à distance et une baisse des résultats scolaires après la réception du premier bulletin, selon les résultats de sondages réalisés par la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ) depuis le début de l’année scolaire 2020-2021. À titre d’exemple, des parents dont les enfants réussissent bien à l’école en temps normal ont constaté une baisse des résultats scolaires de leurs jeunes, qui ont souffert du manque de socialisation et d’activités motivantes. Ces parents, sans offre de soutien supplémentaire pendant plusieurs mois, se sont sentis isolés et impuissants pour accompagner leurs enfants vers la réussite.
Dès mai 2020, 63 % des 43 000 parents ayant participé à un sondage de la FCPQ indiquaient ne pas pouvoir offrir un encadrement et un soutien adéquats à leurs enfants dans un contexte d’école à distance. Les parents ont rapidement tiré la sonnette d’alarme pour demander du soutien au milieu scolaire et au gouvernement.
Nous devons toutefois souligner que, malgré les difficultés et les choix effectués dans le reste du pays, le gouvernement québécois a pris la décision de rouvrir les écoles primaires à l’extérieur du Grand Montréal au printemps et a priorisé de garder toutes les écoles ouvertes depuis la rentrée 2020-2021, sauf en cas d’éclosions. Pour les parents, l’école en présence est garante d’une plus grande réussite des élèves, notamment des élèves en difficulté ou ayant des besoins particuliers. En effet, le personnel scolaire est davantage en mesure de remarquer les difficultés et d’offrir du soutien et des services lorsque les élèves sont physiquement à l’école. L’école assure aussi un filet social pour les élèves vulnérables qu’il est primordial de garder en place. Lorsque les écoles ont fermé au printemps 2020, de nombreux élèves bénéficiant de services éducatifs et de soutien personnalisés se sont retrouvés sans cet accompagnement.
Les élèves de 3e à 5e secondaire (10e et 12e année) qui n’étaient physiquement à l’école qu’un jour sur deux ont été particulièrement touchés par les baisses de résultats et le manque de motivation. L’école à distance a chamboulé les modes d’apprentissage et la concentration, ce qui a eu un effet sur les résultats scolaires et le bienêtre des élèves.
La perspective du retour à la « normale », pour nos écoles et l’ensemble de la société, est donc accueillie avec soulagement par plusieurs. Elle est cependant vue avec appréhension par d’autres. La normale ne signifie pas le meilleur dans tous les domaines et pour tout le monde.
La pandémie a exacerbé des problèmes qui existaient déjà. Nous pouvons penser à la pénurie de personnel scolaire et à la désuétude de bâtiments, qui sont discutées dans l’espace public et qui méritent l’attention des décideurs. Le retour à la « normale » ramène ces défis et plusieurs autres sur la table.
Les comités de parents mettent de l’avant un autre enjeu qui a été mis en lumière pendant la pandémie : les communications entre l’école et les familles. Dans l’impossibilité de se rendre à l’école pour rencontrer les enseignantes et enseignants, beaucoup de parents ont constaté que les communications bidirectionnelles entre l’école et la maison peuvent être difficiles. Il s’agit parfois d’un manque de volonté de communiquer d’un côté ou de l’autre, mais d’autres facteurs peuvent aussi expliquer ces difficultés, tels que le manque de temps, le choix du moyen de communication ou le manque d’information sur l’importance de ces communications.
Pourtant, l’implication et la collaboration de tous les adultes entourant l’enfant est un facteur clé de sa réussite. Chacun a son rôle à jouer pour accompagner les élèves, c’est ce qu’on appelle la coéducation. La compréhension de son rôle et du rôle des autres est primordiale pour mener à bien cette mission. C’est pourquoi il faut défaire les silos entre l’école et la maison, pour le bénéfice des élèves.
Pourquoi la participation des parents est-elle importante? De nombreuses études montrent l’importance de l’engagement parental dans la réussite éducative et une des formes que peut prendre cet engagement est la communication avec l’école (Beauchesne, 2021).
La pandémie est un obstacle qui a perturbé nos façons de faire, mais nous pouvons aussi la voir comme une occasion de cibler des problèmes et d’améliorer les processus dans le milieu scolaire.
Les parents ont leur mot à dire et ont leur place à l’école, en tant que premiers responsables de l’éducation de leurs enfants, mais aussi parce que leur engagement est porteur de réussite pour les élèves. Ce fait démontré est cependant méconnu, non seulement des équipes-écoles, mais aussi des parents eux-mêmes.
Un grand nombre de parents ont toutefois réalisé pendant la pandémie que leur implication dans l’éducation de leurs jeunes et dans le milieu scolaire était nécessaire et que leurs expériences et expertises pouvaient apporter beaucoup.
En conclusion, les parents « après-COVID » voudront faire partie des discussions et des solutions et n’accepteront plus d’être des spectateurs du milieu scolaire. Nous entamons dès maintenant une réflexion sur le retour à la normale de l’école et sur les façons d’améliorer cette normalité en réfléchissant à ces questions :
Les parents veulent et doivent faire partie de cette conversation. La FCPQ consulte les comités de parents qu’elle représente pour préparer le retour à la normale, tirer des leçons de la pandémie et de l’école à distance et ainsi proposer des améliorations au milieu scolaire, pour le bienêtre et la réussite de nos jeunes.
La Fédération des comités de parents du Québec a pour mission, depuis près de 50 ans, la défense et la promotion des droits et des intérêts des parents et des élèves des écoles publiques primaires et secondaire du Québec, en vue d’assurer la qualité des services éducatifs et la réussite de tous les élèves. La FCPQ représente les comités de parents de la forte majorité des centres de services scolaires, dans toutes les régions du Québec.
Photo : Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
Résultats de quatre sondages réalisés par la FCPQ depuis le début de l’année scolaire 2020-2021 auprès des parents d’élèves, https://www.fcpq.qc.ca/sites/24577/%c3%89tat%20des%20lieux%20-%204%20sondages(1).pdf
Résultats d’un sondage réalisé du 22 au 25 mai 2020 par la FCPQ, https://www.fcpq.qc.ca/sites/24577/CG_30mai2020_Re%cc%81ponses_Sondage-e%cc%81clair.pdf
Beauchesne, R. (mars 2021). Vivre la démocratie comme collaborateur de la gestion de son école. Revue Action Parents, p.4-5. https://www.fcpq.qc.ca/fr/archives/2021/action-parents-volume-44-numero-3
La COVID-19 a donné une occasion unique aux élèves de réfléchir sur l’avenir de notre planète. Aussi difficile soit-elle, la pandémie est instructive. Elle nous montre à quel point nous sommes interdépendants, la façon dont nous sommes soutenus par la nature et l’importance de nos gestes. Cette expérience fournit une occasion propice, tant pour les élèves que pour les éducateurs, de se pencher sur l’action qui favorise la durabilité en se fondant sur les objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU.
Ces importants objectifs, convenus par le Canada et presque tous les autres pays, ont une portée considérable. Ils ciblent 17 secteurs pour assurer la durabilité de la vie sur Terre – la vie humaine et sous toutes ses autres formes – ainsi que pour éradiquer la pauvreté et les iniquités, assurer la justice sociale et lutter contre les changements climatiques.
Compte tenu de l’importance grandissante de la question de la durabilité, on voit naître des stratégies pour aider les écoles et les éducateurs à faire comprendre aux élèves, de façon inspirante, que leur apprentissage et leur action communautaire contribuent à l’atteinte des objectifs à l’échelle mondiale. Ces approches rendent ces objectifs à la fois concrets et réalisables, à mesure que les jeunes prennent conscience de l’avancée des nouvelles idées et des progrès dans les différentes nations et régions du globe.
Le recours à des stratégies d’intégration des ODD par l’entremise d’une approche qui englobe toute l’école est l’un des principaux objectifs de LST, un organisme de bienfaisance canadien qui a pour mission de promouvoir les connaissances, les compétences, les valeurs, les perspectives et les pratiques essentielles à un avenir durable, par le moyen de l’éducation. LST travaille principalement avec les écoles et dans le cadre des politiques et des programmes scolaires, explique sa présidente et chef de la direction, Pamela Schwartzberg.
LST a d’abord lancé son approche globale avec soutien pour l’école publique Belfountain en Ontario en 2005 et a poursuivi sa démarche en instaurant le premier projet phare d’éducation au développement durable à l’école secondaire du district de Stouffville en 2006. En 2007, en partenariat avec le directeur de la Chaire UNESCO en réorientation de la formation vers le développement durable, de la faculté d’éducation et de la School of Business Schulich de l’Université York, LSF a commencé à offrir des séminaires dans le cadre de l’Académie de durabilité et d’éducation (ADEd) afin de mobiliser les dirigeants des conseils scolaires partout au Canada afin qu’ils puissent :
L’approche globale vise à aider les élèves, le personnel enseignant, de direction et de soutien, les parents et les membres de la communauté à intégrer les ODD dans la culture de l’école, les activités d’enseignement et d’apprentissage, les installations et le fonctionnement scolaire, ainsi que dans les partenariats communautaires. « Nous progressons davantage et plus rapidement lorsque nous travaillons de façon concertée dans toute l’école », de dire Pamela Gibson, consultante chez LST. Une approche globale contribue à renforcer les méthodes d’enseignement stimulantes et à inciter les écoles à adopter des pratiques favorisant la durabilité. Cela a des effets synergiques qui optimisent l’apprentissage et permet de mettre en pratique des compétences du 21e siècle, soit la collaboration, l’innovation et l’action.
En 2016, les ministres canadiens de l’Éducation avaient énoncé six compétences globales pancanadiennes qui : « permettent aux apprenantes et apprenants de répondre aux exigences changeantes et constantes de la vie, de travailler et d’apprendre, d’être actifs et réceptifs envers leurs communautés, de comprendre différentes perspectives et d’agir face aux enjeux d’importance mondiale. » Bien qu’elles varient quelque peu selon les provinces et territoires, les attitudes, compétences et connaissances essentielles pour les citoyens du 21e siècle incluent :
Ces compétences globales appuient l’ODD 4.7 (Éducation au développement durable et à la citoyenneté mondiale) ainsi que le volet éducation des autres 16 ODD.
De même, l’application d’une optique axée sur les ODD au contenu des cours et aux travaux faits en classe donne aux élèves l’occasion de mettre en pratique ces six compétences qui les aideront à réussir à l’école et dans leurs futurs rôles. Tout enjeu local ou scolaire choisi par les élèves doit être soutenu par un enseignement spécifique et une pratique guidée des compétences en communication orale, verbale et numérique de façon à obtenir un appui, à proposer des innovations et à trouver des partenaires avec qui collaborer. Les élèves doivent apprendre à recueillir et à organiser les données et la recherche et à réfléchir de façon critique sur ces éléments afin de déterminer les meilleures mesures à prendre. Les éducateurs ont à la fois les programmes-cadres et les stratégies pédagogiques pour renforcer ces compétences et aider les élèves à les mettre en pratique dans le cadre d’un projet qui, quelle qu’en soit la portée, peut contribuer à l’atteinte des ODD.
Prenons l’exemple d’un projet de verdissement de la cour d’école avec l’appui d’une pépinière ou quincaillerie locale. Songez à l’objectif 15 : Vie terrestre; l’objectif 13 : Protéger la planète et l’objectif 11 : Villes et communautés durables. La prise de mesures concrètes passe par de nombreuses étapes qui nécessitent des compétences en organisation, en planification et en autorégulation lorsque les plans ne fonctionnent pas comme prévu ou prennent plus de temps qu’on l’avait anticipé. Ces compétences renforcent les aptitudes fonctionnelles, l’adoption d’une vue d’ensemble et de solides habiletés et ressources favorisant le bienêtre. Les ODD donnent un sens à la pratique.
Présenter aux élèves des enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Ces enjeux varieront selon la collectivité et pourraient inclure, par exemple, la réduction des plastiques à usage unique, l’exploration des emplois verts, la compréhension du problème de l’insécurité alimentaire, etc. La recherche de partenaires communautaires constitue une première étape importante pour rendre l’enjeu choisi pertinent et intégrer des expériences pratiques.
Fournir un contexte et un but. L’apprentissage est plus solide lorsqu’on le met en pratique. Par exemple, la notion de gestion des données devient plus concrète lorsque les élèves sortent de la salle de classe et apprennent à mesurer et à illustrer sous forme de graphiques la quantité de déchets alimentaires détournée des lieux d’enfouissement dans leur école ainsi que le compost que cela a permis de produire. En établissant des liens entre ces tâches et des ODD précis (voir les objectifs 12 et 15, par exemple), des concepts abstraits deviennent plus concrets.
Transformer des stratégies pédagogiques et des outils de réflexion. L’apprentissage inquisitif, la pensée systémique et d’autres outils pour susciter l’intérêt des élèves peuvent servir à établir des liens entre le programme-cadre et des enjeux locaux, et ainsi mener à des projets de mobilisation liés à des ODD. Cela permet d’enrichir l’apprentissage, d’acquérir des aptitudes pratiques, de fournir de précieuses expériences de vie ou de travail, et plus encore. Par exemple, on peut lier l’étude et la plantation de plantes indigènes à l’objectif 13 (Lutte contre les changements climatiques) et l’objectif 11 (Villes et communautés durables).
Utiliser les ODD pour orienter le programme-cadre et les pratiques. Les éducateurs peuvent puiser dans la nature et l’environnement bâti environnants ou encore dans la communauté naturelle ou culturelle pour montrer aux élèves la façon dont leur apprentissage peut servir à apporter des améliorations ou des innovations dans leur milieu immédiat. Ils peuvent intégrer ce processus dans le programme d’études, par exemple en incorporant la budgétisation environnementale dans le programme de mathématiques ou les habiletés d’argumentation dans les exercices d’écriture. Cette approche adaptée au milieu peut être appliquée quelle que soit l’année d’études.
Adopter des modèles inclusifs de planification et de prise de décisions qui tiennent compte des ODD. La voix des élèves, enseignants, parents et membres de la collectivité est prise en compte au moment de prendre des décisions et de trouver des solutions. La consultation, que ce soit au moyen d’entrevues, de questionnaires ou de petits groupes de discussion, peut permettre de resserrer les liens. Un autre modèle est celui d’un « comité de tous les êtres », où les participants jouent le rôle des différentes parties concernées par une décision, incluant les gens, les plantes et les animaux. Il est aussi important d’inclure des partenaires des communautés autochtones ou des aînés ainsi que des experts locaux. Les ODD donnent aux discussions un plus large contexte qui peut contribuer à une prise de décision consensuelle.
LST a lancé le programme pilote Écoles pour un avenir durable (voir le graphique 1) qui fait la promotion d’une approche globale fondée sur les ODD et les compétences globales.
« Le programme deviendra une ressource pour les écoles qui souhaitent concevoir leur propre parcours pour faire progresser les ODD. Il ne s’agit pas d’un itinéraire tracé d’avance, mais plutôt d’une feuille de route et d’une série d’outils de planification qui s’appuient sur les ODD », indique Pamela Schwartzberg.
Il propose des outils et des stratégies pour suivre et évaluer les progrès accomplis, un élément crucial pour obtenir le soutien du conseil et des parents.
Graphique 1 : Cadre du programme Écoles pour un avenir durable de LST
La structure circulaire du cadre fait en sorte que l’école ou la classe peut commencer à partir de n’importe quel point. Le « soi durable » représente chaque enfant dont l’école a la charge, plaçant ainsi la croissance et le bienêtre de l’élève au centre de la communauté d’apprentissage. Les élèves développent une prise de conscience, nouent des relations bienveillantes avec les autres et avec la nature, acquièrent de nouvelles habiletés et connaissances, qui sont tous des éléments qui appuient une démarche d’action en vue d’améliorer leur vie et leur collectivité.
Dans la recherche comme dans la pratique, les dix éléments pédagogiques ci-dessous sont cités comme des outils de transformation en vue du changement. Le degré de compréhension et la mise en application de chaque élément peuvent varier selon l’éducateur. Il existe des ressources et des possibilités d’apprentissage professionnel pour chacun de ces éléments qui permettent aux enseignants de s’initier de façon autonome ou en compagnie d’un ou d’une collègue ou d’un partenaire local, dans le cadre d’un cours ou avec l’ensemble du corps professoral pour former une communauté d’apprentissage professionnel.
En 2020, avec l’appui de 3M Canada, LST a lancé le programme pilote Écoles pour un avenir durable à l’école publique Belfountain. Au début de l’année, toutes les classes ont appris les ODD. Dans le cadre des périodes de réflexion tout au long de l’année, le personnel enseignant a demandé aux élèves de penser à des façons de lier le contenu et les projets de leurs cours à l’un des 17 objectifs. L’inscription de ces liens sur des tableaux affichés sur les murs de la classe et leur mention lors de discussions de groupe a contribué à l’enseignement du cadre des ODD. Cela développait aussi la compréhension des objectifs par les élèves au fil du temps. Les liens ainsi établis témoignaient pour les élèves de la pertinence de leur apprentissage à l’école. Les jeunes pouvaient accéder à un site Web pour lier les objectifs de leur propre travail à une initiative visant des ODD, illustrant ainsi la façon dont leurs efforts s’inscrivaient dans une action positive à l’échelle de la planète.
Pour l’année scolaire 2020-2021, les ODD ont été davantage intégrés aux programmes de tous les niveaux de l’école. Le programme a débuté avec une assemblée virtuelle de l’école en octobre où on a lancé un appel à l’action sur le gaspillage alimentaire et l’ODD 2 : Éradiquer la faim et assurer la sécurité alimentaire. En novembre, chaque classe a fait part de ses apprentissages et de ses actions à l’égard des ODD au moyen de vidéos, de chansons et de présentations écrites.
En ayant une compréhension commune de la culture de l’école et de son unicité, on s’assure que le succès ne repose pas uniquement sur le leadership et le dynamisme d’un seul membre de la direction, du personnel enseignant ou d’un club scolaire! Il faut ensuite établir des liens entre l’action à l’échelle locale et un ou plusieurs ODD. Il est essentiel que l’imbrication des ODD dans le cadre de l’apprentissage scolaire fasse partie des priorités de l’école pour assurer le succès d’une approche globale. Lorsque l’école a des liens avec des partenaires locaux et est à l’écoute des préoccupations concrètes, les élèves, le personnel et les parents peuvent travailler ensemble pour prendre des mesures sur des questions d’importance pour eux, ce qui motive et soutient l’action découlant de l’apprentissage au fil du temps.
Selon Lynn Bristoll, directrice de l’école Belfountain : « Lorsque je suis arrivée en place, j’ai envoyé un court questionnaire aux parents pour savoir quelles étaient leurs priorités et préoccupations, et ce qu’ils aimaient de l’école. Ils ont dit accorder une très grande importance à l’environnement et aux activités extérieures. » Depuis de nombreuses années, le personnel de l’école, les élèves et les parents se sont rapprochés de la nature et de la collectivité.
« Il s’agit d’une valeur fondamentale de l’école et une pierre angulaire de sa culture. Les élèves s’appliquent à faire changer les choses, à l’échelle locale et planétaire, poursuit Mme Bristoll. Ils participent, par exemple, à un festival annuel de Moutarde à l’ail, un programme qui sollicite la participation des membres de la collectivité pour identifier cette espèce d’herbe envahissante et pour l’éliminer des espaces verts publics. Cela souligne l’importance de l’intégration des ODD dans notre réflexion et notre action. » (Pour un exemple, se reporter à l’enquête sur l’eau de la classe de 4e année à l’école Belfountain).
Les ODD contribuent également à accroître la sensibilisation à d’autres enjeux sociaux importants et prioritaires pour l’école, tels que le mouvement Black Lives Matter et le savoir autochtone, explique Lynn Bristoll. « Le but visé, c’est qu’à la fin de leur parcours scolaire, les élèves savent qu’ils peuvent prendre action sur la base de ce qu’ils ont appris. »
Les élèves de 4e année voulaient étudier et agir sur la question de l’eau. Comme ils vivent dans des maisons où l’eau potable provient d’un puits, c’est une question qui est importante pour eux. Ils sont également inquiets des répercussions qu’un éventuel projet d’aménagement dans la région pourrait avoir. Comme l’OOD 6 concerne l’eau propre et l’assainissement et que l’ODD 14 concerne la vie aquatique, le lien entre la portée à la fois locale et globale de cet enjeu devait clairement être établi.
« Emmenez les élèves à la rivière ». C’est ce que Pamela Gibson, consultante chez LST, a conseillé à l’enseignante. « Je lui ai dit que les élèves étaient comme des journalistes d’enquête qui cherchent à déterminer ce qui est important pour eux et leur communauté. Ils s’investissent ainsi davantage dans leur apprentissage. »
Les élèves ont observé la rivière près de l’école et recueilli des données. Ils sont revenus de leur visite initiale avec de nombreuses questions. Qu’arrivera-t-il à la nappe phréatique? D’où vient l’eau et où va-t-elle? L’eau est-elle propre? Ces questions orientaient leurs leçons et leurs travaux une fois de retour à l’école. Ils ont fait des recherches sur les puits artésiens, l’eau de surface et les rivières souterraines. Ils pouvaient s’atteler à plusieurs projets traitant de diverses facettes, simplement à l’aide de l’information recueillie et des connaissances qu’ils avaient acquises. Cette démarche permettait à l’enseignante d’établir de nombreux liens avec divers sujets du programme-cadre. L’activité extérieure a été un élément clé de cette démarche.
Il est important que le personnel enseignant aborde ce processus en se servant du programme-cadre. Des liens avec les sciences, les études sociales, les mathématiques et la langue ont pu être établis dès le début. Les enseignants peuvent déterminer ce qu’il est possible de faire et guider les apprenants vers les concepts du programme-cadre et les grandes idées. Grâce aux visites à la rivière et à l’enquête sur l’eau, l’enseignante a pu constater la façon dont on pouvait relier le programme-cadre, les ODD et l’intégration de nouvelles techniques pédagogiques.
« L’idée est de réfléchir aux expériences d’apprentissage en s’appuyant sur les ODD. De poser des questions : En quoi cela est-il relié à notre avenir? À notre communauté locale? Aux enjeux mondiaux? », conclut Pamela Gibson.
Janice Haines, enseignante de maternelle à l’école Belfountain et consultante chez LST, participe à la culture de durabilité de l’école depuis de nombreuses années. « Pour que les enfants comprennent les objectifs, vous devez les rendre concrets. Il faut établir un lien entre les grandes idées et leurs expériences au quotidien, explique-t-elle. Par exemple, les enfants peuvent saisir un principe scientifique comme l’adaptation lorsqu’ils observent les animaux dans la nature qui doivent se débrouiller pour survivre durant l’hiver. Ils comprennent très bien. » Il est particulièrement utile d’avoir des partenaires dans la communauté. « Un parent nous a aidés à travailler sur un projet de protection des écureuils il y a quelques années, et nous avons poursuivi le projet pendant cinq ans! »
Il est important de fournir un contexte aux élèves et de leur faire savoir que leurs gestes contribuent à changer les choses. « Nous ne souhaitons pas les stresser en parlant de catastrophes; nous essayons plutôt de faire le lien avec ce qui se passe sur le terrain de l’école, continue Janice Haines. Ce que je veux voir, ce sont des enfants heureux qui ont envie d’apprendre et de prendre une part plus active dans leur communauté, et qui savent qu’ils ont une voix. »
Cet article a été traduit de l’anglais. Certaines des ressources sont aussi disponibles en français; veuillez consulter les sites Web.
World’s Largest Lesson
https://worldslargestlesson.globalgoals.org/
Affiches et plans de leçon https://worldslargestlesson.globalgoals.org/resource/introducing-explorers-for-the-global-goals/
Vidéo d’introduction aux objectifs : Sustainable Development Goals: Improve life all around the globe
https://www.youtube.com/watch?v=kGcrYkHwE80&feature=youtu.be
Ressources de L’éducation au service de la Terre (http://lsf-lst.ca/fr)
Webinaires : http://resources4rethinking.ca/en/outdoor-learning
Ces webinaires à l’intention du personnel enseignant présentent les ODD et fournissent des occasions d’échanger idées et ressources sur l’intégration des ODD dans les plans de leçons et les projets d’action.
Ressources pour repenser : www.R4R.ca
Une base de données en ligne gratuite que les membres du milieu de l’éducation et du grand public peuvent interroger, par ODD, pour trouver des ressources pédagogiques, de la littérature pour enfants, des vidéos, des activités en plein air, ainsi que des applications et jeux de très grande qualité liés aux programmes-cadres et revus par des pairs.
Projet Notre Canada : www.ourcanadaproject.ca
Permet aux écoles de partager leurs projets d’action pour le développement durable afin d’encourager la participation des jeunes, de favoriser l’accès aux ressources et de faire des demandes de financement. Plus de 850 projets sont actuellement affichés et interrogeables par ODD.
Forums de jeunes leaders :
Ces forums favorisent la participation des élèves afin de trouver des solutions à des questions de développement durable locales, de leur fournir les connaissances et compétences nécessaires à l’apport de changements et de les habiliter à passer à l’action.
Photo de bannière : Adobe Stock
Images gracieuseté de L’éducation au service de la Terre
Lisez les autres articles de ce numéro
Council of Ministers of Education, Canada. (2016). Pan-global competencies.
https://www.cmec.ca/682/global_competencies.html
The Global Goals. (2015). The Global Goals for Sustainable Development.
www.globalgoals.org
Kozak, S., & Elliott, S. (2014). Connecting the Dots: Key strategies that transform learning for environmental education, citizenship and sustainability. Learning for a Sustainable Future.
http://lsf-lst.ca/dots
United Nations Department of Economic and Social Affairs. The 17 Goals. United Nations.
https://sdgs.un.org/goals
UNESCO International Bureau of Education. (2020). Canada establishes a Pan Canadian Global Competencies Framework for Education. UNESCO.
www.ibe.unesco.org/en/news/canada-establishes-pan-canadian-global-competencies-framework-education
Les 17 objectifs de développement durable, aussi connus sous le nom d’ODD ou d’objectifs mondiaux, indiquent la voie à suivre pour assurer un avenir juste et viable pour tous. En 2015, pas moins de 193 gouvernements autour du monde se sont engagés à poursuivre ces objectifs dans leurs pays, afin de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Programme 2030). Au cours de la prochaine décennie, ces États continueront de mobiliser des efforts pour éliminer la pauvreté, lutter contre les inégalités et les changements climatiques. Ces nouveaux objectifs interreliés succèdent aux objectifs du Millénaire pour le développement, tout en intégrant de nouveaux domaines prioritaires comme les changements climatiques, les inégalités économiques, l’innovation, la consommation responsable ainsi que la paix et la justice.
Les ODD ont un rôle primordial à jouer dans les classes d’aujourd’hui. En tant que feuille de route pour un monde meilleur, ces objectifs mondiaux peuvent favoriser l’engagement des élèves et orienter les plans de cours. La Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) aide les élèves et le personnel enseignant à les intégrer dans les salles de classe, par l’intermédiaire du Réseau des écoles de l’UNESCO, un réseau mondial d’écoles qui contribue à la réalisation du Programme 2030. Voici quelques exemples d’initiatives liées aux ODD que des écoles du réseau ont entrepris un peu partout au Canada.
À l’école Elm Creek, un établissement communautaire du Manitoba qui accueille des élèves de la maternelle à la 12e année, le comité UNESCO composé d’élèves et encadré par des enseignants a lancé un projet visant à mieux faire connaître les ODD et à favoriser leur réalisation. La Plus grande leçon du monde, amorcée en 2015 dans le but de sensibiliser les enfants de tous les pays à ces objectifs mondiaux, a été présentée à toute l’école dans le cadre d’une assemblée spéciale. Lors de cette assemblée des groupes d’élèves de différents niveaux ont été formés. L’équipe UNESCO a rassemblé diverses ressources imprimées et numériques, puis a assigné à chacun de ces groupes un ou deux objectifs à explorer. Ce travail de recherche a conduit l’ensemble de l’école à travailler ensemble pour mettre en œuvre des projets d’action qui pourraient répondre aux ODD. Voici quelques initiatives qui sont toujours en cours :
En 2020, la CCUNESCO et le Centre mondial du pluralisme ont lancé une formation en ligne pour le personnel enseignant intitulée « Parler de racisme dans la classe » en réponse à l’injustice raciale présente au Canada et dans les écoles. Plus de 1 000 enseignants ont montré leur intérêt, et plus de 500 ont suivi la formation en ligne : il était manifeste que le personnel enseignant et les administrateurs scolaires désiraient vivement être équipés et soutenus pour mener ces discussions et explorer la notion de racisme systémique dans les écoles.
Afin que se poursuive cette conversation importante avec les élèves, la CCUNESCO a fait équipe avec TakingITGlobal et le Centre pour l’éducation mondiale pour organiser une visioconférence, intitulée « #BlackLivesMatter in Canadian Schools », présentée en direct dans les écoles à travers le pays. Les deux conférencières étaient des élèves de l’école secondaire David Suzuki, située à Brampton, en Ontario. Membres de United Souls, un groupe de leadership d’étudiants noirs ayant pour idéal commun la promotion de l’excellence noire, elles ont parlé du racisme qu’elles ont elles-mêmes subi et de ce qu’on peut faire pour lutter contre le racisme systémique dans nos systèmes scolaires.
Pour favoriser la santé et le bien-être dans leur communauté, des élèves de l’école secondaire F. H. Collins à Whitehorse, au Yukon, ont préparé des trousses pour les personnes dans le besoin cet hiver. Ils ont acheté des chauffe-bras et des mitaines ainsi que des produits d’hygiène personnelle et du chocolat en vue d’une distribution locale. Les élèves ont aimé travailler ensemble pour propager l’esprit des Fêtes et poursuivre l’ODD 3 (Bonne santé et bien-être).
La lutte contre les changements climatiques est un incontournable du développement durable, qui, au fond, permet aux populations de profiter des ressources naturelles sans jamais les épuiser et sans priver les générations futures. Par exemple, il est essentiel de réduire les émissions de carbone pour respecter les limites de l’environnement, au même titre qu’il faut adopter des pratiques responsables en matière d’emballage, de traitement des déchets et de gestion des océans. Les mesures d’atténuation des changements climatiques sont un des piliers du développement durable. Il devient de plus en plus urgent de préserver nos écosystèmes et notre héritage naturel et culturel, et de protéger la Terre des effets dévastateurs des incendies, des inondations, des tempêtes violentes, et autres phénomènes météorologiques extrêmes.
À la Bruce Peninsula District School, une école ontarienne en région rurale, les élèves et le personnel ont mis sur pied un programme complet de lutte contre les changements climatiques comprenant astuces et défis mensuels. Toute l’école, de la maternelle à la 12e année, devait ainsi relever dix défis durant l’année scolaire. Ceux-ci cadraient avec ce que les élèves apprenaient en classe et mettaient à contribution les parents et la population. Pour que tout le monde garde le cap, l’école tenait une feuille de pointage sur les mesures climatiques et a fait élire un élève par classe pour vérifier que les mesures étaient bel et bien mises en œuvre.
À l’école secondaire Cavelier-De LaSalle, au Québec, la réduction des déchets est prise au sérieux. Après avoir installé un composteur industriel, l’école a composté 176 kg de déchets en 2017, et 200 kg en 2018. Elle a également réduit ses déchets de plastique durant l’année scolaire 2017-2018 en vendant des gourdes, que l’on peut remplir aux fontaines de l’école.
Afin de garantir la paix, la justice et des institutions efficaces au Canada, les droits des peuples autochtones doivent être respectés. Pour la Commission de vérité et réconciliation du Canada, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones constitue le cadre devant guider la réconciliation à tous les niveaux et dans tous les secteurs de la société canadienne. Le Réseau des écoles de l’UNESCO appuie les initiatives qui favorisent la réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones du Canada dans le cadre des programmes de l’UNESCO. Pour faciliter les discussions sur la réconciliation en classe, la CCUNESCO a fait équipe avec le Wapikoni, un organisme qui aide les jeunes Autochtones par le biais du cinéma et de la musique à développer leurs compétences artistiques, techniques, sociales et professionnelles, et à diffuser leurs films pour sensibiliser le public aux enjeux des communautés autochtones. Le résultat de cette collaboration : un guide pédagogique conçu pour encourager le personnel enseignant au secondaire à parler des enjeux actuels et de la diversité des cultures autochtones du Canada.
À l’école secondaire Allison Bernard Memorial, située sur le territoire de la Première Nation d’Eskasoni, en Nouvelle-Écosse, on utilise la musique et la technologie pour aider les élèves à se rapprocher, à partager et à célébrer leur identité culturelle. À titre d’exemple, des élèves ont créé une version musicale du célèbre poème I Lost My Talk, de Rita Joe. « La réconciliation par l’art, voilà l’idée au cœur du projet », explique l’enseignant Carter Chiasson. S’ajoute à cela la création d’une application visant à revitaliser la langue mi’kmaq.
Imaginez plus de 11 500 écoles dans 182 pays qui interagissent et apprennent les unes des autres, et où les élèves réfléchissent à des enjeux mondiaux comme la paix, la lutte contre les changements climatiques, les droits de la personne, la diversité culturelle et le développement durable tout en mettant en œuvre des changements positifs dans leurs communautés. Voici en quoi consiste le Réseau des écoles de l’UNESCO. Créé en 1953, le Réseau met en relation des écoles du monde entier afin de promouvoir l’enseignement de qualité pour tous dans une optique de paix et de développement. Il y a plus de cent écoles membres au Canada.
Les écoles canadiennes associées à l’UNESCO ont un rôle particulièrement important à jouer dans l’atteinte des ODD. Une trousse a récemment été créée pour le personnel enseignant et les élèves qui aimeraient mettre en application les valeurs de l’UNESCO dans leurs écoles. Bien que toutes les écoles aient accès aux ressources et aux publications éducatives de l’UNESCO et de la CCUNESCO, les écoles membres ont l’occasion d’apprendre les unes des autres dans le but commun de s’attaquer aux défis locaux et mondiaux liés aux ODD, pour ainsi bâtir un avenir meilleur et viable pour tous. Voici l’occasion de vous renseigner sur les ODD, de tisser des liens avec les écoles canadiennes et dans le monde, et de rejoindre le mouvement!
Photos : CCUNESCO
Lisez les autres articles de ce numéro
Commission canadienne pour l’UNESCO (12 janvier 2021). https://fr.ccunesco.ca
La plus grande leçon du monde (12 janvier 2021). https://worldslargestlesson.globalgoals.org/fr
« Parler de racisme dans la classe : Webinaire et ressources pour le personnel enseignant sur le racisme anti-Noir » (12 janvier 2021). https://www.pluralism.ca/fr/parler-racisme/
« Guide pédagogique Wapikoni : Introduction à la diversité des cultures autochtones du Canada » (12 janvier 2021).
http://www.wapikoni.ca/a-propos/services-offerts/guide-pedagogique-wapikoni
« Projet national de chanson inspirée de Rita Joe : Gentle Warrior » (12 janvier 2021).
https://nac-cna.ca/fr/ritajoesong/gentle-warrior
Réseau des écoles de l’UNESCO (12 janvier 2021).
https://fr.ccunesco.ca/nos-reseaux/reseau-des-ecoles-de-l-unesco
Commission canadienne pour l’UNESCO, « Trousse pour les enseignant.e.s : Réseau des écoles de l’UNESCO au Canada » (mars 2020).
https://fr.ccunesco.ca/-/media/Files/Unesco/Resources/2020/04/TrousseEnseignantsEcolesUNESCO.pdf
Le principe d’empreinte écologique qui permet de mesurer la pression que l’être humain exerce sur la nature nous est tous familier. Puisque nous comprenons désormais que les émotions sont contagieuses et, parmi elles, le stress, nous devons apprendre à mesurer et à régir notre empreinte émotionnelle dans nos milieux de vie, bien avant de demander aux autres de mieux gérer leurs humeurs. Cette notion fait ici référence à la portée et à l’influence des émotions sur notre environnement.
Le stress est contagieux. Sans le savoir, nous pouvons contaminer nos proches et eux, réciproquement, peuvent nous transmettre inconsciemment leurs tensions. Il s’agit de la résonnance du stress. Celle-ci fait partie des découvertes récentes en neuroscience qui ont prouvé qu’il existe bel et bien des relations humaines toxiques et que nous pouvons influencer ces échanges nuisibles en favorisant le bienêtre et la régulation émotionnelle dans nos divers milieux de vie. Plus le lien est signifiant entre les personnes, plus celles-ci sont vulnérables devant le transfert du stress. Ainsi, plus le personnel enseignant passe du temps avec les jeunes dans un espace éducatif, plus il peut les exposer à leur stress et vice-versa. C’est pourquoi les spécialistes en neuroscience nous invitent à apprendre à gérer notre stress et nos émotions avant même d’essayer de neutraliser ceux de nos proches. D’ailleurs, il a été démontré que lorsque les parents ou les enseignants autorégulent leur anxiété, le stress des enfants chute de moitié. Le bienêtre des adultes a un effet direct sur celui des jeunes et il favorise l’apprentissage. Les liaisons émotionnelles et relationnelles qui unissent une personne à son entourage sont assujetties à ses propres états d’âme. Voilà l’importance de mettre en place des approches et des stratégies qui favoriseront de saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles pour TOUS dans les écoles.
L’adoption d’un mode de vie actif et d’une alimentation saine est un facteur déterminant pour être en bonne santé. Pas étonnant que, depuis notre plus tendre enfance on nous martèle, à grands coups de slogans, qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour et faire trente minutes d’activité physique quotidiennement !
Mais depuis quelques années, des chercheurs abordent de plus en plus cette notion de saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles, concept émergent qui doit désormais être intégré au spectre des saines habitudes de vie telles qu’on les connaît déjà. Ces habitudes saines prennent toute leur importance en situation de crise. Elles auraient également une incidence positive sur la santé globale et la longévité. Selon Robert Waldinger, psychiatre de l’université Harvard et 4e directeur d’étude longitudinale sur la santé et le bonheur chez l’être humain, qui a duré 75 ans, c’est la qualité des relations sociales qui nous rendrait heureux et pourrait même contribuer à nous garder en bonne santé. Être proche de sa famille, de ses amis et de sa communauté serait bon pour nous ; ces connexions sociales contribuent à une vie plus longue et saine. Mais pour favoriser des relations de qualité, nous devons apprendre à mieux gérer nos émotions. Voilà pourquoi nous devons intégrer les saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles dans le spectre des saines habitudes de vie en plus de l’activité physique et de la saine alimentation.
On pourrait même se risquer à dire qu’elles sont plus importantes, puisqu’elles motiveront et guideront nos choix à travers l’ensemble des habitudes de vie et nous permettront d’optimiser notre bonheur et de bonifier notre espérance de vie. Alors, pourquoi ne pas faire la promotion des habitudes de vie émotionnelles et relationnelles durant cette pandémie? Pourquoi tant de campagnes gouvernementales sur des programmes de conditionnement physique et une alimentation saine, mais rien sur ces habitudes-là ? Est-ce une phobie collective qui nous empêche de voir notre monde émotionnel et relationnel, si capital à l’équilibre mental ?
De plus, les habitudes émotionnelles et relationnelles saines ont une influence sur l’ambiance au travail, sur la réussite éducative, sur l’engagement en faveur de la culture, de la communauté et, plus largement, de la société. Elles font la promotion de la diversité inclusive entre les personnes, élément essentiel en ce XXIe siècle qui évolue dans un esprit de mondialisation. Elles favorisent une plus grande harmonie familiale, une meilleure communication intergénérationnelle et permettent la mise en place d’approches collaboratives. Bref, elles ne peuvent qu’être positives.
En contexte de pandémie, au-delà des mesures de santé publique, les autorités doivent mettre en place des stratégies collaboratives pour favoriser la bienveillance au travail, car le bienêtre des enfants à l’école passe par celui du personnel scolaire (Goyette, 2019 ; Oberle et Schonert-Reichl, 2016). Les approches collaboratives, intégrées au curriculum de l’école, doivent prioriser le développement des compétences émotionnelles et relationnelles telles qu’une bonne conscience de soi, une bonne gestion des émotions et une valorisation du sentiment d’efficacité personnelle et collective.
Il est plus que temps de renverser la vapeur et de prendre soin de nous en adoptant de saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles. Voici quelques bienfaits :
En offrant des ressources d’aide psychosociale et émotionnelle aux enseignants, nous construisons des milieux bienveillants, positifs et sécurisants pour les élèves. Nous maintenons ainsi un climat sain qui favorise l’apprentissage. La santé mentale des intervenants scolaires doit devenir la priorité des autorités, car quand on prend soin des adultes on soutient les enfants qui leur sont confiés dans leur développement optimal.
https://fondationjasminroy.com/coffre-a-outils/
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Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Goyette, Nancy (2019). Le bien-être et la passion en enseignement : un défi incontournable et réalisable pour les enseignants du secondaire, Conférence présentée à la Commission de l’enseignement secondaire du Conseil supérieur de l’éducation, 15 mars 2019.
Oberle, Eva et Kimberly A. Schonert-Reichl (2016). « Stress contagion in the classroom? The link between classroom teacher burnout and morning cortisol in elementary school students », Social Science & Medecine, 159, juin, p. 30-37.
Chaque journée passée en classe avec les élèves amène son lot de défis et de frustrations : les imprévus, les crises, les attentes de tout un chacun, les émotions en ébullition, les dossiers qui s’empilent et les moments de doute et de découragement. Comment garder la tête hors de l’eau et apprivoiser chaque moment avec sérénité, lorsqu’il est si facile de s’y perdre ? Les deux autrices suisses, Katia Lehraus et Françoise Stuckelberger-Grobéty, proposent une démarche simple : la pleine conscience.
Ciblant d’emblée les enseignantes et les enseignants du primaire, Bien dans ma classe au quotidien grâce à la pleine conscience démystifie la pleine conscience pour les personnes débutantes en alliant théorie, pratique et méditations guidées. La première partie de l’ouvrage invite à l’établissement d’un diagnostic de l’environnement. Par le biais de fiches d’exploration personnelle et de questions pointues, on identifie les attentes, les contingences, les valeurs, les automatismes et les responsabilités affectant ou influençant le déroulement d’une journée d’enseignement. Cette section est efficace dans sa portée et sa présentation.
Les autrices enchaînent avec la partie pratique de l’ouvrage, où elles expliquent le concept de pleine conscience (mindfulness, dans le texte) et guident pas à pas l’intégration de cette pratique dans une journée d’enseignement. Au moyen de courtes méditations animées, on apprend à s’ancrer dans le moment présent, à vivre ce moment dans sa globalité et à agir sur celui-ci au lieu d’uniquement y réagir. Le chapitre 8 est révélateur car il aide à séparer les pensées des faits avérés, tout en rappelant qu’on ne peut changer une situation, mais qu’on peut changer notre relation à celle-ci. La technique de la pleine conscience étant plutôt simple, cette deuxième section se révèle répétitive et quelque peu infantilisante.
La pleine conscience permet de développer la confiance en soi et la tolérance aux imprévus en fournissant des outils pour gérer les émotions et les doutes inhérents à l’enseignement. L’ouvrage Bien dans ma classe au quotidien grâce à la pleine conscience révèle sa pertinence par l’introspection qu’il propose et par les techniques qu’il met de l’avant. Il s’adresse toutefois principalement aux débutants : si vous connaissez la pleine conscience, pratiquez le yoga ou maîtrisez la respiration océanique et la marche consciente, cet ouvrage vous laissera sur votre faim. Autrement, il s’avère une porte d’entrée intéressante pour qui souhaite apprendre à porter attention au présent et à vivre pleinement.
Lehraus, K. et Stuckelberger-grobéty, F., Bien dans ma classe au quotidien grâce à la peine conscience (Bruxelles : De Boeck Supérieur, 2019).
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
Deux phénomènes sont indéniables dans le milieu scolaire : le stress, qui concerne aussi bien les enseignants que les élèves1, et le décrochage du personnel enseignant, l’un entraînant parfois l’autre, mais pas toujours. D’entrée de jeu, précisons d’abord la nature du stress dans les écoles.
La notion du stress
Étymologiquement parlant, le terme stress vient du latin stringere et signifie « tendu de façon raide, serré »2. Le concept de stress a été défini de différentes manières par plusieurs auteurs. Les théories du stress issues des travaux de Selye3 considèrent le stress comme étant une réponse de l’organisme face à l’agression d’un agent causal interne ou externe dans le but de résister, de s’adapter et de rétablir son équilibre interne.
Pour Lazarus et Folkman4, le stress est le produit d’une transaction entre l’individu et l’environnement, qui est évaluée comme dépassant les ressources et menaçant le bien-être de l’individu. Pour les besoins de cet article, le stress prend le sens d’une réponse psychologique et physiologique d’un enseignant à une situation qui égale ou excède sa capacité d’adaptation. Dans cette définition, il y a lieu de distinguer trois éléments essentiels : le stress (la force exercée), l’objet ou l’agent (l’enseignant) et la déformation subie par l’objet. Un exemple peut bien illustrer notre définition. Le malaise provoqué par la gestion d’une classe où plusieurs élèves ont des troubles de comportement est en soi un stress, une force, une pression exercée sur l’enseignant qui est l’objet du stress. La conséquence, la déformation subie par l’objet (l’enseignant) est l’attitude adoptée face au stress, notamment, l’insatisfaction. La déformation subie est le comportement adopté par l’enseignant à la suite du stress, la nervosité par exemple.
Les facteurs du stress dans le milieu scolaire
Dans une étude5 sur le stress des enseignants du secondaire vis-à-vis de l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement dans leurs classes, l’effet du comportement des élèves sur le processus d’enseignement et la perte de satisfaction par rapport à leur enseignement sont reconnus comme les sources importantes de stress des enseignants. Cette recherche était menée auprès de 231 enseignants du secondaire au Québec. Dans une autre recherche sur les divers facteurs de stress reconnus par les jeunes enseignants du secondaire comme pouvant engendrer l’abandon prématuré de la profession, Rojo et Minier6 ont trouvé que les enseignants font face à des défis de taille qui génèrent du stress pouvant produire de l’insatisfaction, un sentiment d’incompétence et d’inconfort psychologique. Dans cette étude, les répondants sont des enseignants en fonction ayant songé à abandonner la profession et des enseignants ayant quitté leur carrière. Cette recherche a permis de hiérarchiser les défis responsables du stress enseignant en trois ordres :
Cette classification a fait connaître les différentes facettes du stress des enseignants provoqués par la gestion de classe difficile et l’exploration des facteurs stressants chez les enseignants en début de carrière. Il n’existe, à l’état actuel de la connaissance, aucune étude portant sur le stress des enseignants pouvant conduire à l’abandon de leur carrière et sur le stress de ceux qui l’ont réellement abandonnée9.
Les causes externes du stress
Les causes externes du stress sont liées à la profession et non à l’enseignant. Généralement, et ce pour toutes les professions, Delbrouck10 classe les facteurs de stress d’origine externe en six catégories :
En lien spécifique avec la profession enseignante, Rascle et Janot-Bergugnat11 précisent dix facteurs de stress externes :
Les causes internes du stress
Ce sont des déterminants liés à la personnalité des enseignants. Généralement, sur le plan interne et pour toute profession, Doudin et al.12 répertorient six catégories de causes dans lesquelles se retrouvent les facteurs à l’origine du stress :
Spécifiquement pour la profession enseignante, ces auteurs ciblent trois causes caractérisant la profession enseignante, notamment, les tâches lourdes à accepter (exemple : veiller à la sécurité des élèves pour des sorties scolaires avec une classe d’adolescents à problèmes de comportement), les échecs difficiles à accepter (exemple : être sous-évalué par la direction à l’issue d’une année scolaire estimée fructueuse), et les idéaux élevés (exemple : tous les élèves de la classe doivent réussir au test provincial de compétence linguistique avec A+).
Stratégies pour réduire les effets du stress sur l’individu
Pour réduire le stress, l’organisme humain développe le coping strategy13. Ce sont des mécanismes que l’organisme met en branle pour gérer le stress. Greenberg14 présente trois stratégies globales que chaque personne pourrait employer en vue de faire face au stress : gérer le stress, le combattre et le fuir. Il est à noter que les deux premières stratégies sont proactives du fait qu’elles utilisent des stratégies semblables pour composer avec le stress tandis que la troisième stratégie ne cherche qu’à baisser le niveau de tension chez une personne. Côté, Bertrand et Gosselin15 ont classé les stratégies d’adaptation (pour composer avec le stress) en douze catégories :
Le stress et le décrochage enseignant cohabitent à l’école. Même si le premier n’entraîne pas nécessairement le second, les deux sont indéniables dans le milieu scolaire. À travers les lignes précédentes, le but poursuivi était de conscientiser les lecteurs sur l’existence du stress à l’école chez les enseignants et son éventuelle incidence sur la décision de quitter la carrière enseignante. Malgré son existence à l’école, le stress n’a pas fait l’objet de beaucoup de recherches empiriques. Pour cette raison, nous avons brièvement relevé quelques écrits qui ont abordé le sujet, présenté les facteurs ainsi que les stratégies pour lutter contre le stress à l’aide d’exemples puisés dans le milieu scolaire. Les stratégies sont légion. Nous n’avons pas la prétention de les avoir cernées toutes.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Pelletier, M.-A., « La gestion des émotions face aux situations stressantes à l’école: les finissants stagiaires en éducation préscolaire et enseignement primaire se sentent-ils prêts? » Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 201–218.
2 Lassagne, M., Perriard, J., Rozan, A. et Trontin, C., « 1. Le concept de stress professionnel : définitions et évolutions ». Dans L’évaluation économique du stress au travail (Versailles, Éditions Quae, 2012), 9-16.
3 Selye, H., Le stress de la vie (Montréal : Alain Stanké, 1976).
4 Lazarus, R.S. et Folkman, S., Stress, Appraisal, and Coping (New York : Springer Publishing Company, 1984).
5 Massé, L., Bégin, J.-Y., Couture, C., Plouffe-Leboeuf, T., Beaulieu-Lessard, M. et Tremblay, J., « Stress des enseignants envers l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement ». Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 179–200.
6 Rojo, S. et Minier, P., « Les facteurs de stress reconnus comme sources de l’abandon de la profession enseignante au secondaire au Québec », Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 219–240.
7 Pelletier, G., La gouvernance en éducation. Régulation et encadrement dans les politiques éducatives (Bruxelles : De Boeck, 2009).
8 Heutte, J., Les fondements de l’éducation positive. Perspective psychosociale et systémique de l’apprentissage (Paris : Dunod, 2019).
9 Rojo, S. et Minier, P., « Les facteurs de stress reconnus comme sources de l’abandon de la profession enseignante au secondaire au Québec », Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 219–240.
10 Delbrouck, M., Venara, P., Goulet, F. et Ladouceur, R., Comment traiter le burnout, principes de prise en charge du syndrome d’épuisement professionnel (Bruxelles : Éditions De Boeck, 2011).
11 Janot-Bergugnat, L. et Rascle, N., Le stress des enseignants (Paris : Armand Colin, 2008).
12 Doudin, P.-A., Curchod-Ruedi, D., Lafortune, L. et Lafranchise, N., La santé psychosociale des enseignants et des enseignantes (Québec : Presses de l’Université du Québec, 2011).
13 Folkman, S., Lazarus, R. S., Dunkel-Schetter, C., De Longis, A. et Gruen, R. J., « Dynamics of a stressful encounter: Cognitive appraisal, coping, and encounter outcomes ». Journal of Personality and Social Psychology 50, no 5, 1986 : 992–1003.
14 Greenberg, S. F., Stress and the teaching profession (Paul H. Brookes Publishing Co. : 1984).
15 Côté, L., Bertrand, M. et Gosselin, « Le stress chez les enseignants : une analyse des stresseurs, des stratégies de coping et du processus de lâcher-prise », Psychologie du travail et des organisations 15, no 4, 2010 : 354-379.
Avoir planifié la rentrée scolaire sous l’angle d’un climat bienveillant et sécurisant pourrait faire la différence pour les élèves, mais aussi pour les directions d’établissement et leur personnel, tous ayant été éprouvés par la pandémie qui vient de frapper la planète. Au Québec, le retour à l’école a débuté en mai 2020, mais seulement pour une partie des enfants du primaire des régions moins touchées par la COVID-19. Si la rentrée massive des élèves de septembre 2020 a posé plusieurs défis sur les plans sanitaires, scolaires et organisationnels, il ne faut pas oublier le soutien socioémotionnel dont ils ont besoin pour s’adapter à cette période stressante. Comme la qualité du climat scolaire a largement été associée au bienêtre des élèves et à leur réussite éducative, de même qu’à la satisfaction professionnelle et au bienêtre des enseignants1, c’est sous cet angle que nous abordons la rentrée scolaire. Le cadre d’intervention proposé (Figure 1) vise à soutenir les directions et leur personnel dans la planification, la mise en œuvre et la régulation de leurs actions lors du retour à l’école. Considérant qu’un ensemble de facteurs externes à l’école peut aussi perturber la vie des élèves, des familles et des membres du personnel2, ce cadre d’intervention, fondé sur six facteurs externes à l’école et cinq dimensions du climat scolaire, vise la création d’un climat scolaire bienveillant et sécuritaire3.
Regardez Figure 1. Le cadre d’intervention
1. Six facteurs externes agissant sur le climat scolaire en temps de pandémie
2. Cinq dimensions du climat scolaire pour un retour à l’école réussi en contexte de pandémie
En gardant à l’esprit chacun de ces facteurs d’influence externes à l’école, des clés d’actions sont proposées aux directions et au personnel scolaire pour développer les cinq dimensions du climat scolaire retenues.
Cinq dimensions du climat scolaire et leurs pratiques
3. Clés d’action pour chaque dimension du climat scolaire
Quelques clés d’action sont proposées pour travailler chaque composante du climat scolaire.
C’est à partir des savoirs scientifiques et expérientiels que ces quelques clés d’action ont été élaborées dans le but de soutenir les directions d’établissement et les membres de l’équipe-école dans la planification, la mise en œuvre et la régulation d’actions concertées pour un retour en classe dans un climat scolaire bienveillant et sécuritaire. Il ne faut pas oublier que c’est sur le bienêtre de ces adultes que reposera celui de leurs élèves. Enfin, si ces clés d’action peuvent être applicables dans plusieurs milieux d’enseignement, il faut rappeler que pour donner du sens à ces pratiques, les milieux doivent se les approprier en les adaptant à leur réalité. Que ce soit pour gérer le retour en classe ou pour composer avec une autre catastrophe qui fragiliserait à nouveau le système scolaire (ex. : nouvelle vague de la COVID-19, catastrophes naturelles), un climat scolaire bienveillant et sécurisant pourra contribuer à aider les élèves, comme l’ensemble des adultes de l’école, à mieux s’adapter à ces situations.
Illustration : Diana Pham
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Poulin, R., Beaumont, C., Blaya C., et Frenette, E. (2015). Le climat scolaire : un point central pour expliquer la victimisation et la réussite scolaire, Revue canadienne de l’éducation, 38, 1, 1-23 ; Schonert-Reichl, K. A., Kitil, M. J., et Hanson-Peterson, J. (2017). To reach the students, teach the teachers: A national scan of teacher preparation and social and emotional learning. A report prepared for the Collaborative for Academic, Social, and Emotional Learning (CASEL). Vancouver, B.C.: University of British Columbia.
2 Bronfenbrenner, U. (1979). Basic concepts. Dans U. Bronfenbrenner (dir.), The ecology of human development (p. 3-15). Cambridge, MA: Harvard University Press.
3 Beaumont, C., Morissette, É., Côté, P., et Bergeron, N. (2020). Un climat scolaire bienveillant au service du retour à l’école en contexte de pandémie. Document pédagogique à l’intention du personnel scolaire, Chaire de recherche Bienêtre à l’école et prévention de la violence. [En ligne]. https://www.violence-ecole.ulaval.ca/
4 OECD (2019). Impacts of technology use on children: Exploring literature on the brain, cognition and well-being. [En ligne]. https://www.oecd-ilibrary.org/education/impacts-of-technology-use-on-children_8296464e-en
5 Morissette, É. (avril 2020). Webinaire intitulé : Le leadership après le confinement et la pandémie : répondre aux besoins des élèves et des adultes, assurer l’adaptation lors du retour à l’école. Université de Montréal. [En ligne]. https://catalogue.continuum.umontreal.ca/
6 Papazian-Zohrabian, G. (avril 2020). Traumatismes individuels et collectifs, stratégies de résilience : défis et pistes psychologiques et éducatifs dans le contexte actuel de pandémie. Université de Montréal. [En ligne]. https://www.calendrier.umontreal.ca/detail/880038-traumatismes-individuels-et-collectifs-strategies-de-resilience-en-contexte-de-pandemie
7 Ibid.
8 Lecomte, J. (2006). La résilience après maltraitance, fruit d’une interaction entre l’individu et son environnement social. Les cahiers psychologie politique [En ligne], numéro 8, janvier. [En ligne]. http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=1065
9 Beaumont, C. (2019). Cinq caractéristiques de l’adulte bienveillant à l’école : la méthode C.E.F.E.R. Réseau Périscope. [En ligne]. https://periscope-r.quebec/fr/articles/2019/09/cinq-caracteristiques-de-ladulte-bienveillant-a-lecole-pour-favoriser-la
10 Lecomte, J. (2006).
11 Papazian-Zohrabian, G. (avril 2020).
12 Lecomte, J. (2006).
13 Morissette, É. (avril 2020) ; Beaumont, C., Lavoie, J., et Couture, C. (2011). Les pratiques collaboratives en milieu scolaire : cadre de référence pour soutenir la formation. Document de formation, Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval, Québec. [En ligne]. https://crires.ulaval.ca/sites/default/files/guide_sec_nouvelle_version.pdf
Joanne était une enseignante de 3e année dans une école rurale en milieu défavorisé. Elle était très consciencieuse et se faisait beaucoup de soucis. Elle craignait de ne pas être à la hauteur, et se préoccupait de l’opinion que ses collègues et son directeur pouvaient avoir d’elle. Elle s’inquiétait également pour chacun de ses élèves et cherchait à les aider à progresser. Toute cette inquiétude l’a amenée à douter d’elle-même, à travailler encore plus fort, puis, avec le temps, à souffrir d’épuisement émotionnel, ce qui a ensuite affecté sa vie familiale et sa santé. Puis, un jour, un nouveau directeur est arrivé et a fait de l’apprentissage socio-affectif (ASA) un objectif primordial pour son école.
Joanne a appris à utiliser un programme d’études fondé sur des données probantes, et les membres du personnel de l’école ont formé un groupe de lecture sur l’ASA. Ils ont ensuite commencé un travail portant sur leur propre conscience socio-affective, ce qui comprenait de courts exercices de méditation de pleine conscience. Ils ont également collaboré afin d’établir une culture plus compatissante et bienveillante dans leur école, pour les enfants et les parents. Joanne a retrouvé sa force intérieure, a cessé graduellement de s’inquiéter et s’est réjouie du nouvel esprit de partenariat qui existait entre les enseignants et les autres membres du personnel. Elle a tissé des liens plus étroits avec ses élèves et leurs parents et, lentement, a retrouvé le plaisir d’enseigner.
Cette histoire illustre bien le pouvoir que la communauté, le leadership et l’introspection peuvent exercer sur le cheminement professionnel d’un enseignant. Ces trois facteurs ont encouragé Joanne et lui ont permis de cultiver ses compétences en enseignement. Au cours des dernières décennies, les recherches ont démontré que les enseignants qui développent et cultivent avec compassion leurs propres compétences socio-affectives sont ceux qui réussissent à créer une atmosphère de classe bienveillante et qui favorisent les compétences de leurs élèves à cet égard. De plus, lorsqu’on encourage les jeunes à utiliser leurs compétences socio-affectives et que l’école cultive de saines relations entre collègues et avec les élèves et leur famille, les apprenants s’intéressent davantage à leurs études et réussissent mieux.
La pandémie accentue l’importance de prendre soin de nous, d’avoir des objectifs réalistes, de cultiver nos liens entre collègues et surtout, avec nos élèves et leurs familles et de réaliser que les relations fiables et bienveillantes sont au cœur de l’apprentissage et du succès.
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
Ayant vécu trente rentrées scolaires dans ma carrière, je peux témoigner du fait qu’elles sont émotivement chargées : le retour au rythme sévère pour le corps : attendre au moment indiqué pour boire, manger ou aller aux toilettes, répondre aux besoins de plusieurs en même temps… Cette année, à tout ce stress habituel s’ajoute un arsenal de nouvelles situations stressantes, gracieuseté de la pandémie. Malgré tout, un certain niveau de fébrilité plane, on a l’impression qu’il est en train de se passer quelque chose d’essentiel.
Comme moi, vous assistez surement à des discussions sur l’école à l’épicerie ou autour du BBQ. Elles finissent souvent par un haussement d’épaules teinté d’angoisse et montrent à quel point la communauté compte sur l’école pour réguler ses propres activités. Est-ce qu’enfin l’opinion publique accordera au personnel scolaire la valeur qui lui revient? Quoi qu’il en soit, une pression importante pèse plus que jamais sur le personnel scolaire. À tel point qu’il devient parfois difficile d’imaginer que cette petite virulente de COVID-19, qui, avec son lot de détresse, transporte aussi un vent de fraicheur en termes d’appui pour le personnel scolaire et ses pratiques.
Comment une situation d’urgence sanitaire peut-elle apporter de la fraicheur? Notre dossier thématique vous offre des analyses reliées aux diverses sources de stress présentes dans le travail du personnel scolaire qui sont exacerbées, cet automne, par la pandémie. Un message est récurrent : le personnel scolaire étant essentiel au bienêtre des élèves, son propre bienêtre doit faire partie des priorités. L’article « Réussir le retour en classe en contexte de pandémie » (p. 44) propose notamment six facteurs pour guider le choix des interventions visant l’amélioration du climat scolaire et s’arrête sur les compétences émotionnelles et sociales des élèves et du personnel. Un autre article : « Les difficultés comportementales en classe », (p. 34) décrit comment réduire le stress du personnel dans des situations difficiles, tandis que : « La santé mentale positive pour tous à l’école » (p. 40) présente un processus concret pour régler des problèmes complexes en assurant la santé mentale positive de chacun.
Le terme « essentiel » répandu par la pandémie avait beaucoup servi pour le renouvellement des programmes d’études, mais n’avait jamais été associé au bienêtre du personnel scolaire. Or, en revoyant des visages d’élèves anxieux ou confiants, on comprend que l’essentiel est d’être là pour eux, de véritablement s’intéresser à ce qu’ils sont et à ce qu’ils aspirent à devenir.
Le personnel scolaire qui rend cela possible est incontestablement essentiel, son bienêtre l’est tout autant!
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
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Jack Dupuis a défendu les couleurs du Canada au Mondial des métiers en Russie en 2019. Il s’est mesuré aux meilleurs candidats dans son champ d’études lors d’épreuves chronométrées; il peut maintenant se targuer de faire partie de l’élite de la mécanique de machinerie lourde, après avoir remporté la médaille d’argent à cette compétition de haut niveau. « Les Olympiades ont changé ma vision du Diplôme d’études professionnelles (DEP). […] C’est une expérience qui développe la fibre entrepreneuriale et ouvre de nouvelles perspectives », considère le jeune homme de 22 ans, devenu récemment enseignant au Centre de formation en mécanique de véhicules lourds de Lévis (CFMVL) où il a lui-même obtenu son diplôme.
L’histoire de Jack Dupuis, si elle brille singulièrement par les succès remportés, représente le parcours des milliers de jeunes étudiants québécois qui sont passés par les olympiades. Événement pédagogique et compétitif, politique et économique? Pour les enseignants, c’est une nouvelle façon d’enseigner et d’intéresser les étudiants. Entre théorie et pratique, les olympiades concrétisent des mois d’enseignement en deux jours de compétitions. Pour les établissements de formation professionnelle et technique, c’est une porte ouverte pour la mise en valeur des disciplines enseignées et un véhicule de promotion pour attirer de nouveaux étudiants dans les centres de formation et les cégeps. Mieux, les olympiades sont une pratique intégrée annuellement dans la vie communautaire des établissements de formation. Enfin, pour le milieu économique et politique, ces jeunes représentent le futur de la main-d’œuvre du Québec.
Il faudra bientôt remplacer une génération de gens de métier. Avec la pénurie de main-d’œuvre spécialisée qui s’accentue, dans un contexte démographique de quasi-plein emploi qui laisse présager un recul de la diplomation, la promotion et la valorisation de la formation professionnelle et technique demeurent d’une actualité criante. En 1992, année où ont été implantées des compétitions de métiers au Québec, l’objectif premier était de proposer des modèles de réussite positifs pour contrer les préjugés face à la FPT. « Dans la deuxième moitié du xxe siècle, la majorité des pays industrialisés ont connu des pénuries de main-d’œuvre compétente », explique Jean-Rock Gaudreault, directeur général de Compétences Québec, l’organisme qui chapeaute les Olympiades des métiers. On cherchait des moyens originaux de promotion. Ces premières compétitions connaissent un véritable succès. Le Québec découvre ensuite que l’Ontario organise, depuis peu, elle aussi, des compétitions similaires et s’allie à sa province voisine pour lancer Skills/Compétences Canada. « Dès le départ, la mise en commun du système de formation canadien-anglais avec celui du Québec, totalement différent, est un défi de taille qui perdure encore aujourd’hui », indique M. Gaudreault. « On ne peut pas imaginer deux approches plus différentes en matière de formation à l’intérieur d’un même pays. Concilier ces systèmes est d’emblée un tour de force. » À cela s’ajoute aussi le défi d’organiser les compétitions.
L’aventure des Olympiades ne serait pas possible sans l’appui des établissements de formation ni sans le dévouement des enseignants. Entraîner un jeune a un coût. Il faut compter les frais de salaires pour libérer les enseignants sans compter le matériel, l’embauche de spécialistes, etc. Vincent Bolduc, enseignant en mécanique au Centre de formation professionnelle de Coaticook (CRIFA) s’investit dans les Olympiades depuis 2008, car c’est pour lui comme une grande bouffée d’optimisme dans sa pédagogie : « Les élèves motivés me donnent de l’énergie, et ils ont un formidable effet d’entraînement sur les autres élèves. » Selon Jozée Dulude, enseignante à l’École des métiers des Faubourgs-de-Montréal et doyenne des expertes québécoises, les Olympiades ont de nombreuses retombées positives pour les écoles de formation : « Pour performer avec nos élèves, nous devons nous perfectionner constamment et adopter de nouvelles approches dans nos métiers respectifs. Ma façon d’enseigner n’est pas celle que j’ai apprise ni celle que je proposais il y a dix ans. Je suis convaincue que les Olympiades ont fait de moi une meilleure enseignante. » Autre avantage constaté par Mme Dulude : les entreprises mettent à la disposition des candidats des équipements à la fine pointe des avancées technologiques; les centres de formation sont les premiers à profiter de cette constante mise à niveau. « Le principal obstacle auquel nous faisons face est un manque de reconnaissance médiatique, déplore-t-elle. Je crois que nos activités, positives et rassembleuses, devraient obtenir plus d’échos. »
Le réseau de formation de travailleurs spécialisés du Québec accueille chaque année près de 170 000 personnes dans 174 centres de formation professionnelle et 48 Cégeps. Collectivement, cela représente un investissement près de 1,5 milliard de dollars et près de 300 programmes de formation professionnelle ou technique. Malheureusement, les opportunités de formations qu’offre la formation professionnelle et technique demeurent méconnues, constate Albert Fanna, anciennement de chez Festo, entreprise commercialisant des systèmes d’automatisation et vice-président de Compétences Québec : « Le système d’éducation répond adéquatement aux besoins sans cesse croissants du marché du travail, mais les candidats manquent à l’appel. C’est là qu’interviennent les Olympiades. En valorisant l’excellence. En faisant connaître les attraits de ces parcours de formation. Il y a une émulation qui est bénéfique pour tous. D’ailleurs, de nombreux juges proviennent de l’industrie, et plusieurs entreprises profitent de l’événement pour recruter de futurs employés. » La directrice adjointe à l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe Isabelle Ménard considère que la bataille de l’image n’est jamais gagnée pour valoriser la formation professionnelle : « Il faut que la formation professionnelle devienne un premier choix, pas un choix de rechange. À ce titre, les Olympiades apparaissent comme une belle vitrine, notamment sur les réseaux sociaux, afin de changer l’image de la FP qui ne correspond pas à la réalité éducative et économique d’une société moderne. À travers des modèles de réussite, les Olympiades prouvent qu’il est possible de faire de grandes choses en FP. »
Les Olympiades suscitent d’ailleurs des initiatives qui ouvrent les portes de FPT aux plus jeunes en milieu scolaire. Les groupes scolaires du primaire et du secondaire sont invités à prendre part à de nombreuses activités interactives comme le rallye Touche-à-tout. Sur le modèle de compétitions amicales rappelant le concept des olympiades, Compétences Québec organise aussi depuis 2017 le Défi des recrues, un concours d’activités de sensibilisation aux métiers spécialisés visant à intéresser les élèves du secondaire aux formations professionnelles offertes dans leur région.
Le Québec a mis en œuvre des réformes majeures pour faire du réseau de la FPT l’un des plus performants au monde. Son approche par compétences est reconnue internationalement et de nombreux pays émergents s’en inspirent pour répondre adéquatement à leurs besoins en main-d’œuvre qualifiée. « Les Olympiades ont adopté le modèle de compétition de World Skills axé sur l’excellence, plutôt que sur un modèle valorisant la participation du plus grand nombre comme aux États-Unis, explique Jean-Rock Gaudreault, de Compétences Québec. Notre souci premier est d’intégrer les métiers du futur tout en poursuivant nos efforts de valorisation des métiers manuels en pénurie. Nous faisons également une belle place aux femmes qui intègrent des formations dans des métiers traditionnellement masculins et nous avons à cœur de parler directement aux plus jeunes, afin qu’ils envisagent la FP, et aux nouveaux arrivants. » Concrètement, Compétences Québec multiplie les initiatives de valorisation avec des plateformes comme Trouvetonmétier.com, portail d’informations généralistes sur les métiers spécialisés au Québec et les formations professionnelles et techniques ou le projet Les Pionnières de la compétence, une série de portraits de femmes dans des secteurs non traditionnels.
Selon Jean-Rock Gaudreault, les Olympiades des métiers et des technologies sont arrivées à maturité : « Nous sommes devenus le plus grand événement dédié à l’éducation au Québec et 95 % des enseignants considèrent les Olympiades comme un moyen de promotion efficace pour les métiers. » De nombreux ministères du gouvernement provincial et fédéral contribuent au rayonnement de ses activités. Les Centres de formation et les enseignants entraîneurs ont acquis une solide expertise des compétitions au niveau canadien et international. « Nos jeunes candidats ont en moyenne 21 ans. Lorsqu’ils se qualifient pour participer aux compétitions canadiennes, c’est pour la majorité d’entre eux, une première expérience en dehors du Québec. Les jeunes constituent notre source de motivation. Notre mission demeure de leur offrir des occasions d’échanges et des expériences enrichissantes au même titre que les concours et échanges qui sont offerts aux jeunes qui prennent la voie de l’université. »
En ce dimanche matin, plusieurs bénévoles et employés de Compétences Québec se sont donné rendez-vous à l’École nationale d’aérotechnique (ÉNA) où Laurie Breton réalise une séance d’entraînement en maintenance d’aéronefs devant public lors d’une journée portes ouvertes. La jeune femme de 21 ans en est à sa deuxième participation aux Olympiades canadiennes.
Portée par ses heures d’entraînement, elle représente la quintessence même des olympiades. Une pratique intégrée au cœur des établissements de formation qui offre aux étudiants la possibilité de se dépasser tant sur le plan des compétences que sur le plan humain. « C’est une expérience qui m’a fait grandir. Je suis vraiment compétitive et toute l’aventure est pour moi source de plaisir. Je veux aller au Mondial. Quelle fierté ce serait d’aller prouver de quoi nous sommes capables, ici! » résume-t-elle.
* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
La région de la Beauce, située au sud de la ville de Québec, est un fleuron d’entrepreneurs qui développent de l’expertise dans différents secteurs. La région est reconnue pour son tissu industriel et entrepreneurial rassemblant plus de 500 entreprises manufacturières de secteurs d’activités diversifiés, tels que les secteurs du métal, du bois, des textiles techniques et des matériaux composites. La Beauce désire également se positionner dans la transformation numérique. Ces entreprises sont invitées à profiter rapidement des opportunités de l’industrie 4.0 afin d’améliorer leur compétitivité et d’assurer leur pérennité. La mécatronique constitue donc un levier qui permet à ces entreprises d’adopter et d’implanter les pratiques du 4.0 dans leurs systèmes, processus et procédés manufacturiers. Les avantages de la mécatronique sont importants tant pour les entreprises de production manufacturière que pour les équipementiers.
Le domaine de la mécatronique est relativement nouveau : le mot mécatronique est apparu officiellement dans le dictionnaire Larousse en 20051. Il le définit ainsi : « un produit ou un procédé est mécatronique lorsque l’on retrouve dans ce produit ou dans ce procédé une combinaison synergique entre la mécanique, l’électronique, l’automatisation et l’informatique. L’objectif de l’utilisation de la mécatronique est d’augmenter et d’optimiser la fonctionnalité des produits et des procédés de production. »
Au printemps 2018, la région de la Beauce a accueilli la septième édition de Savoir Affaires. Cet événement annuel est « une démarche innovante proposée par l’Université du Québec qui fait appel au savoir et à la créativité d’étudiants de cycles supérieurs, de gens d’affaires et d’intervenants économiques pour développer de nouvelles occasions d’affaires axées sur la diversification économique et la dynamisation régionale2. » Le comité organisateur a alors ciblé le thème de la mécatronique pour l’une des journées de l’évènement. Mécanium, Centre collégial de transfert technologique (CCTT) qui œuvre dans l’innovation en mécanique industrielle situé à Saint-Georges en Beauce, a alors été sollicité pour parrainer la journée « mécatronique » et participer activement à l’organisation de cette journée. C’est au cours de ce grand rassemblement que la mécatronique a émergé comme projet mobilisateur. Fort de ce constat, le milieu du développement économique mise sur la création d’un pôle d’excellence en mécatronique. Ce projet régional structurant nécessite l’édification d’un écosystème mécatronique unissant l’éducation avec ses trois ordres d’enseignement, le développement économique et les entreprises. Cet écosystème assurera la viabilité du pôle d’excellence en mécatronique. C’est ainsi que les membres du Comité d’éducation interordres Beauce-Etchemin, comité composé de la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin, du Cégep Beauce-Appalaches et du Centre universitaire des Appalaches, ont convenu d’explorer et d’identifier les besoins de formation liés à la mécatronique pour les trois niveaux d’enseignement.
Afin d’identifier les besoins de formation en mécatronique pour les entreprises des territoires de la Beauce et des Etchemins, un projet stratégique de développement de main-d’œuvre a été déposé au Conseil régional des partenaires du marché du travail (CRPMT). Il s’ensuit l’administration d’un sondage afin de bien cerner les besoins du marché nous permettant d’offrir par la suite des formations adaptées répondant à l’adéquation formation-emploi de la région.
En collaboration avec les organismes de développement économique et Mécanium, le Comité d’éducation interordres Beauce-Etchemin avait comme objectif d’inventorier les besoins de formation actuels et anticipés liés à la mécatronique pour les travailleurs du secteur manufacturier de la Beauce et des Etchemins et de faire en sorte que notre région soit reconnue comme la Vallée de la mécatronique au Québec. Les besoins de formation identifiés ont été répartis vers chacun des niveaux d’enseignement. Ce projet constitue la première phase de l’intervention du Comité d’éducation interordres Beauce-Etchemin dans le domaine de la mécatronique. Ultimement, le déploiement de la formation en mécatronique contribuera à faire évoluer les entreprises vers le 4.0, rehaussera leur niveau technologique et favorisera l’innovation. Ces éléments auront un impact sur la compétitivité et les bénéfices retirés en matière de productivité. La combinaison de la mécatronique et de l’automatisation contribuera à diminuer la pression exercée par la pénurie de main-d’œuvre sur les entreprises manufacturières.
À court terme, les régions de la Beauce et des Etchemins, qui sont reconnues pour leur dynamisme et leur proactivité, intensifieront leur rayonnement et adopteront un positionnement plus technologique par le développement du pôle d’excellence en mécatronique. L’accroissement de la maturité numérique des entreprises manufacturières repose sur les compétences des travailleurs; en ce sens, une offre de formation appropriée dans le milieu participera au développement continu des expertises des travailleurs impliqués dans cet important virage.
Nous invitons d’autres régions du Canada à développer de tel partenariat et à rendre publiques les actions qui en découleront. Ainsi nous pourrons nous enrichir de nos expériences respectives.
Pour obtenir plus d’information sur le sujet, consultez l’article de Compétences Canada au sujet de la mécatronique3.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
Alors que se multiplient les possibilités d’emploi un peu partout sur le territoire, et qu’émergent continuellement de nouveaux métiers et de nouvelles professions, les jeunes de niveau secondaire continuent d’exprimer les mêmes questionnements en lien avec leur future profession. Quel est le meilleur choix? Comment faire pour bien « m’orienter »? Mes proches seront-ils d’accord et me soutiendront-ils dans mes décisions? Ces questionnements renvoient à un certain nombre de préoccupations encore plus importantes chez les jeunes, soit celles liées à la connaissance qu’ils ont d’eux-mêmes, à l’identification de leurs aspirations et de leurs projets de vie, à la compréhension qu’ils ont du marché du travail et du monde scolaire, et au soutien des pairs et de la famille.
De plus, à l’ère des réseaux sociaux, les jeunes sont constamment bombardés de publicités et de messages de toutes sortes portant notamment sur les « meilleures » possibilités d’emploi, les nombreux programmes de formation, les différentes institutions d’enseignements. Ces éléments se conjuguent aux nombreux écrits vantant notamment l’accomplissement professionnel, la réussite et, surtout, le bonheur au travail. Bref, la pression est grande et les choix sont abondants.
Par conséquent, il est normal que les jeunes se sentent démunis et désorientés face à leur choix de carrière, ce choix tant attendu et craint à la fois! Dans ce contexte, qu’en est-il des métiers spécialisés, de l’attrait des jeunes (ou non) à l’endroit de ce niveau de formation? Comment faire pour mieux comprendre les projets d’avenir des jeunes et le rôle que peut avoir la formation professionnelle?
Au préalable, il est important de bien comprendre ce qu’est l’orientation pour mieux aborder la place des métiers spécialisés dans le cheminement scolaire des jeunes. Précisons d’abord que « s’orienter » signifie, entre autres, saisir sa réalité propre, connaître et approfondir sa personnalité, l’intégrer et la transposer dans un projet de carrière à son image. C’est un exercice qui est fait tout au long de la vie, par le biais des expériences personnelles, sociales, professionnelles, et qui exige une certaine réflexion sur soi-même, un retour sur ses acquis, sur ses apprentissages, sur son passé.
Pour faciliter le cheminement de l’individu, le conseiller d’orientation est un professionnel, un guide qui l’accompagne notamment dans la connaissance de soi. Étant un expert en relation d’aide, en évaluation du fonctionnement psychologique, des ressources personnelles et des conditions du milieu, le conseiller d’orientation aide la personne à prendre conscience du monde qui l’entoure, de ses traits personnels, de ses valeurs, de ses aptitudes et intérêts, ceci afin de lui permettre de croire en lui-même et en ses projets et faire des choix appropriés et satisfaisants.
Pour les jeunes, le fait d’établir un projet de carrière à sa mesure permet également de persévérer à l’école et d’augmenter la motivation scolaire. En effet, quoi de mieux que de croire en soi et en un projet réaliste pour avoir le goût de mettre les efforts nécessaires à l’atteinte de ses buts? Il faut savoir toutefois que, bien que « trouver sa voie » peut sembler un exercice anodin, ce n’est pas toujours chose facile et c’est particulièrement vrai chez les jeunes qui éprouvent des difficultés d’apprentissage ou qui sont en situation de handicap.
Les raisons qui motivent une consultation chez les jeunes peuvent être de plusieurs ordres, comme l’indécision vocationnelle, l’anxiété face aux différents choix, les besoins spécifiques des jeunes en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, le manque d’information au regard des programmes de formation, le besoin de confirmer son choix, l’exploration des métiers et des professions, pour ne nommer que ces éléments.
Au même titre que la formation collégiale ou universitaire, la formation professionnelle est l’une des nombreuses possibilités qui se présentent aux jeunes dans leur exploration des mondes scolaire et professionnel. Explorer ces différentes avenues constitue une étape indispensable dans le processus d’orientation de carrière. Cela permet de découvrir ses aptitudes, de consolider certains apprentissages sur soi ou encore de valider des projets. Alors que certains s’accompliront dans un métier professionnel, d’autres rencontreront des obstacles comme les préjugés de leur entourage, le manque d’information sur les métiers ou encore des craintes par rapport au métier souhaité. Il n’est pas rare, malheureusement, que des jeunes abandonnent leur projet en raison du manque de soutien ou d’accompagnement de leurs proches…
Il faut savoir que les métiers spécialisés offrent des perspectives d’avenir très intéressantes pour les jeunes. Au Canada, de nombreux métiers sont en pénurie de main-d’œuvre et certains centres de formation professionnelle se voient même dans l’obligation de fermer des programmes d’études en raison du manque d’inscriptions. Seulement en construction, un rapport paru à l’automne 2019 (Association de la construction du Québec) indique qu’il y aura un déficit de plus de 20 000 travailleurs sur les chantiers d’ici les 10 prochaines années. Et c’est une réalité également présente dans une panoplie de métiers : grutiers, bouchers, serveurs, plombiers, etc. Il est donc faux de croire que les possibilités d’avenir sont restreintes pour ce type de travail et que l’avenir est peu reluisant pour ceux qui optent pour un métier spécialisé.
Mais il n’est pas question ici de privilégier ce type de formation au profit d’une autre formation. Tel que mentionné précédemment, le choix du jeune doit tenir compte de plusieurs éléments comme ses traits de personnalité, ses intérêts, ses aptitudes, ses valeurs, afin qu’il puisse se réaliser pleinement et maintienne sa motivation et sa persévérance dans la voie qu’il a choisie. Toutefois, la formation professionnelle doit faire partie des possibilités qui se présentent au jeune, ceci afin qu’il puisse explorer et considérer toutes les options envisageables. Autrement dit, il faut lui donner la chance de s’identifier, ou non, à ce type de formation qualifiante qui représente un fort pourcentage de ce qui peut lui être offert. Le fait d’y renoncer, pour certains, équivaut presque à renoncer à une partie de soi.
Les parents souhaitent généralement ce qu’il y a de mieux pour leur jeune et ceci est également vrai en ce qui concerne le choix de carrière. Les parents espèrent pour leur enfant des conditions d’emploi excellentes comme une sécurité d’emploi, un bon taux de placement et un salaire intéressant. Mais, dans les faits, la formation professionnelle est souvent teintée de certains mythes :
Pour explorer de façon exhaustive les formations existantes et contrer les préjugés liés aux métiers spécialisés, il est pertinent d’accompagner le jeune dans la découverte des métiers, notamment en visitant des foires d’emploi, des portes ouvertes dans les écoles de formation ou encore en l’encourageant à participer à des activités comme « étudiant d’un jour ». Une telle exploration l’aide assurément à reconnaître ce qui lui convient ou ce qui lui convient moins… Cela favorise du même coup sa connaissance de lui-même.
Il en va de même lorsque le jeune débute sa formation, les encouragements et le soutien parental sont toujours aussi importants pour sa réussite et sa persévérance scolaire. Il appréciera ce soutien et cet intérêt envers ses projets.
Les choix qui se présentent au jeune sont nombreux et répondent à toutes sortes de besoins. Que ce soit pour le jeune qui a des besoins particuliers, pour celui qui s’intéresse à la formation professionnelle, la formation collégiale ou encore universitaire, ou pour cet autre qui souhaite vivre une expérience de travail ou un stage à l’étranger, le jeune et ses parents sont confrontés à de toutes nouvelles expériences qui comportent leur lot de questionnements et d’incertitudes.
Pour aider les parents à mieux comprendre le processus d’orientation professionnelle et à accompagner leur jeune dans cette belle aventure, l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec a conçu un espace virtuel spécifiquement pour les parents désirant s’outiller pour mieux accompagner leur jeune dans son orientation scolaire et professionnelle. Le site est accessible via l’adresse suivante : Espaceparents.org. Une section complète a été développée pour les études postsecondaires, incluant la formation professionnelle. Des trucs, astuces et outils sont proposés pour mieux comprendre ce qu’est la formation professionnelle et constater tout ce qu’elle peut représenter dans le cheminement des jeunes. De plus, un conseiller d’orientation en ligne est disponible pour répondre aux questions des parents qui souhaitent accompagner leur jeune tout au long de son cheminement scolaire.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
Confronté à des niveaux croissants de stress et d’épuisement professionnel, le personnel des écoles de la maternelle à la 12e année doit avoir un milieu de travail positif qui les encourage à découvrir des façons de s’épanouir au sein de leur communauté scolaire. Quoique l’épanouissement puisse prendre différentes formes en fonction de ce qui donne à l’enseignant un sentiment personnel de valorisation et d’appartenance, un milieu scolaire propice à l’épanouissement présente généralement trois principales caractéristiques:
1. Le bien-être subjectif : des émotions positives, des relations satisfaisantes et le sentiment de faire une différence contribuent tous à l’épanouissement d’un membre du personnel.
2. Une communauté adaptative : un milieu qui encourage les membres du personnel à communiquer ouvertement avec leurs collègues, faire preuve de créativité et résoudre les conflits au sein des équipes dès qu’ils surviennent.
3. Des mentalités de leader : Les membres du personnel peuvent déterminer les façons dont leur travail contribue aux grands objectifs communs de la communauté scolaire, ce qui leur confère un sentiment accru d’appartenance, d’engagement et de partage du leadership.
1. La compassion : remarquer et vouloir soulager le stress chez les autres, et comprendre l’effet de ses pensées et de ses actions sur ses collègues.
2. La confiance : avoir le soutien et l’autonomie nécessaires pour innover et prendre des risques avec inventivité, ce qui reflète les relations positives entre collègues.
3. L’espoir : s’efforcer d’améliorer le milieu scolaire en tant que communauté scolaire globale en discernant à la fois les points forts et les défis, tout en bâtissant une vision commune tendant à l’amélioration.
Bien que les écoles se présentent sous des formes et tailles variées, une communauté scolaire propice à l’épanouissement est positive et donne aux membres du personnel un sentiment d’utilité et d’appartenance, leur permet de se sentir remarqués et valorisés, et, au bout du compte, donne un sens à leur travail.
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Growing Great Schools Worldwide
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