RésuméLa direction scolaire joue un rôle déterminant dans l’ambiance qui règne dans son école. Le bien-être des directeurs et directrices améliore directement le bien-être du personnel, le rendement scolaire et social des élèves ainsi que la réussite globale de l’école. Lorsque l’on s’attache à soutenir le bien-être de la direction, par l’entremise de pratiques prometteuses comme des réseaux de soutien par les pairs et le développement du leadership, ces mesures peuvent avoir d’énormes répercussions sur le bien-être du personnel et des élèves. |
L’accueil des élèves le matin à leur arrivée – à l’instar des préposés à l’accueil chez Walmart – tout comme leur dire au revoir à la fin de la journée est l’un des aspects les plus gratifiants de mon travail de directrice d’une école élémentaire. J’ai toujours pensé qu’enseigner aux enfants de la première année était le meilleur boulot, car les enfants se transformaient littéralement entre le début et la fin de l’année scolaire. Aujourd’hui, en tant que directrice, je vois tout l’impact qu’ont le personnel enseignant et l’environnement global de l’école sur de nombreux enfants. L’essence même du travail de directrice est de soutenir le personnel pour qu’il puisse avoir une influence positive sur les enfants. Le travail peut s’avérer exigent et épuisant, mais il en vaut la chandelle.
La priorité de tous les districts scolaires au pays est d’offrir des milieux sécuritaires, accueillants et inclusifs qui soutiennent le bien-être et l’apprentissage des élèves. Outre se vouloir un lieu d’apprentissage, les écoles sont aussi des lieux de travail pour les personnes qui se dévouent au sein du système de l’éducation. En accordant la priorité à la sécurité, à la bienveillance et à l’inclusion, nous offrons un milieu propice pour les enfants et rehaussons le bien-être général et l’efficacité du personnel.
S’il est vrai que tout un chacun au sein de la communauté scolaire peut influencer la culture de l’école, la direction exerce, pour sa part, une influence considérable à titre de gestionnaire et de leader didactique. Il est généralement reconnu dans la documentation sur la gestion que les leaders jouent un rôle crucial dans l’établissement de la culture organisationnelle. Dans son livre Organizational Culture and Leadership, Edgar Stein souligne l’importance des leaders dans la gestion de la culture. La qualité du leadership influence aussi pratiquement toute mesure de santé au travail1. Les études en éducation primaire et secondaire confirment qu’en tant que chefs de file, les directeurs et directrices jouent un rôle essentiel dans l’établissement du climat scolaire, le soutien de l’apprentissage et l’amélioration du bien-être et du maintien en poste du personnel enseignant2.
Le rôle du directeur ou de la directrice dépasse le cadre de la gestion et englobe le leadership didactique. Un leadership didactique efficace consiste à donner la priorité à sa propre croissance professionnelle. En améliorant constamment ses connaissances et compétences, le directeur ou la directrice peut mieux guider et encadrer le personnel enseignant et le personnel de soutien, leur permettant de favoriser un milieu d’apprentissage plus dynamique et efficace.
Il y a une forte corrélation entre le bien-être de la direction et celui de l’école. Il est très probable que si le directeur ou la directrice se sent bien, ses décisions auront un effet positif sur le personnel, les élèves et la communauté dans son ensemble.
Le bien-être de la direction est primordial non seulement pour le personnel et les élèves, mais aussi pour le rendement scolaire et social des élèves et la réussite globale de l’école3. Le bien-être positif est associé au leadership constructif, tandis que le bien-être négatif est associé à un style de leadership destructeur4.
« Si un bon leadership est au cœur de toute bonne école, un leader qui n’est pas bien autant dans son corps que dans sa tête pourrait avoir un effet désastreux sur le bien-être d’une école et de ceux et celles qui y évoluent. 5 »
Les directeurs et directrices qui éprouvent une détérioration de leur santé mentale seront moins efficaces à mobiliser les élèves, et le fonctionnement et le bien-être de l’école en seront négativement affectés6. La recherche indique que le stress au niveau de la direction peut contribuer à la faible performance du personnel enseignant et à un roulement élevé de la direction, deux facteurs qui ont une grande influence sur la réussite des élèves7.
Étant donné le rôle important que joue la direction dans le façonnement du milieu scolaire, ce n’est donc pas un caprice de cultiver le bien-être de la direction. Cela est essentiel.
De nombreux facteurs au sein de l’école, du district et de la communauté peuvent influencer le bien-être de la direction. La plupart des études réalisées se sont penchées sur les facteurs qui ont une influence négative sur le bien-être des directeurs et directrices. Les changements dans le paysage de l’éducation ont imposé un lourd fardeau sur les directions d’école. Parmi les défis courants, notons l’intensification de la charge de travail, les longues heures, le sentiment d’isolement, la pénurie de personnel et les enjeux de sécurité8. Le rôle de la direction englobe d’importantes tâches administratives et de gestion et peu d’occasions d’apprentissage pour enrichir ses capacités.
S’appuyant sur la théorie bifactorielle de Hartzberg, Shirley et coll. (2020) font valoir que « l’accroissement du bien-être et la suppression du mal-être sont deux choses distinctes9. » Le fait de s’attaquer à des facteurs tels que la charge de travail, bien que cela soit essentiel, peut supprimer le mal-être, mais ne peut à lui seul soutenir le bien-être.
Les facteurs qui améliorent le bien-être se retrouvent bien souvent au cœur du travail lui-même : la collaboration, le soutien des collègues et des supérieurs, les relations fondées sur la confiance et le respect, l’autonomie décisionnelle et la possibilité d’exécuter son travail d’une façon qui a de la signifiance et qui apporte un sentiment d’accomplissement10.
Les directeurs et directrices jouent un rôle crucial dans le façonnement du milieu scolaire et ils le font le plus efficacement lorsqu’ils vont bien. De nombreuses stratégies prometteuses ont vu le jour pour soutenir le bien-être de la direction et l’efficacité professionnelle, autant mises de l’avant par la direction elle-même que par ceux et celles qui travaillent à leur côté et les soutiennent.
Je suis d’avis que diriger une école est un merveilleux rôle. En tant que directeurs ou directrices, nous sommes témoins d’incroyables apprentissages; nous forgeons des relations avec les élèves et jouons un rôle de premier plan dans la création d’un « second foyer » pour les élèves. Nous travaillons avec des enseignantes et enseignants dévoués, des aides pédagogiques et d’autres membres de la communauté scolaire pour relever des défis intéressants et être témoins de remarquables expériences d’apprentissage. Lorsque les directions sont épanouies, les employés, les élèves et les écoles réussissent. Que pourrions-nous demander de mieux pour l’avenir de l’éducation?
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Sommaire
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Le présent article, rédigé conjointement par Bien dans mon travail et par les employés d’un regroupement d’écoles publiques de Regina, se penche sur les nombreux liens entre le bien-être et la diversité, l’équité et l’inclusion. Nous commençons par cerner les liens étroits entre la santé et la sécurité psychologiques, l’inclusion et le bien-être en milieu de travail. En nous inspirant de l’expérience des employés d’un regroupement d’écoles publiques de Regina et des connaissances qu’ils ont acquises, nous présentons leur engagement collectif à créer des environnements sécuritaires et équitables, et glanons leurs témoignages sur ce que sont la santé et la sécurité psychologiques – tout comme ce qu’elles ne sont pas. L’établissement de solides fondements pour l’inclusion et la sécurité psychologique sont les pierres angulaires permettant de faire en sorte que les expériences de travail et d’apprentissage soient plus bienveillantes, plus inclusives et, en définitive, plus réussies.
L’un des éléments importants de la sécurité psychologique est la valorisation de la diversité, de l’équité et de l’inclusion. Dans le milieu de l’éducation, nous convenons que la création d’environnements de travail et d’apprentissage inclusifs, accueillants et sécuritaires sur les plans physique et social doit commencer en mettant l’accent sur la santé et la sécurité psychologiques.
La santé psychologique et l’inclusion sont interdépendantes et exigent souvent des efforts conjoints. L’inclusion est reconnue, dans bien des cas, comme étant un facteur de santé et de sécurité psychologiques, et vice-versa. L’ouvrage de Timothy Clark sur les quatre étapes de la sécurité psychologique7 (Four Stages of Psychological Safety) fait de l’inclusion la première étape. De même, les indicateurs de sécurité psychologique en milieu de travail (tels ceux de l’outil « Protégeons la santé mentale au travail ») comprennent souvent l’inclusion.
La sécurité psychologique au travailQuand nous sommes en situation de sécurité psychologique, nous nous sentons à l’aise de prendre des risques interpersonnels, de prendre la parole, d’exprimer ouvertement notre désaccord et de soulever nos préoccupations sans crainte de subir des conséquences négatives. L’inclusion au travailL’inclusion est la mesure dans laquelle les employés sentent qu’ils appartiennent à leur milieu de travail et sont à l’aise de communiquer leurs suggestions et leurs inquiétudes. Cela comprend aussi la capacité d’exercer une influence sur les politiques, procédures et environnements d’apprentissage favorisant l’inclusion. |
Bien dans mon travail appuie les circonscriptions scolaires à l’échelle du pays afin qu’elles adoptent une approche globale et systémique en matière de bien-être en milieu de travail. Notre expérience de collaboration avec ces circonscriptions indique que lorsqu’on commence en se concentrant sur la santé et la sécurité psychologiques, on jette les bases du bien-être en milieu de travail.
Interrogés à propos de ce qui soutient leur bien-être au travail, les employés de tous les niveaux dans le milieu de l’éducation répondent le plus souvent que c’est le sentiment de communauté et d’attachement à leur travail. En tant qu’êtres humains, nous avons un besoin inné de liens sociaux8. Le sentiment d’appartenance et d’inclusion favorise la santé mentale et physique, alors que le sentiment d’exclusion nuit à la santé et au bien-être général. L’effet de l’exclusion sociale sur notre bien-être global peut être plus marqué que celui de risques bien connus tels que le tabagisme et l’inactivité physique9,10.
Le bien-être est un prédicteur reconnu de l’engagement et du rendement des employés, ainsi que de l’apprentissage des élèves. Quand les employés se sentent vraiment bien, ils font leur meilleur travail11. Ils se révèlent des plus créatifs, bienveillants, compatissants, collaboratifs et favorisent un environnement où les étudiants peuvent s’épanouir. À l’inverse, lorsque les employés éprouvent des difficultés et que leur fenêtre de tolérance se rétrécit, ils sont plus portés à devenir dépassés et à adopter des comportements réactifs.
Figure 1: The Build Up. (Source: The Awkward Yeti)
* Traduction en français:
L’accumulation
1er quadrant: traumatisme passé,
2ème quadrant: traumatisme passé, mauvaise nouvelle, pandémie, stress,
3ème quadrant: traumatisme passé, mauvaise nouvelle, pandémie, stress, léger inconvénient,
4ème quadrant: je pense que ta réaction est excessive.
Le cœur et le cerveau
Regina Public Schools, un regroupement d’écoles publiques de Regina, est une grande circonscription scolaire urbaine et diversifiée de la Saskatchewan, qui englobe plus de 26 000 élèves et de 3 000 employés provenant de divers milieux, et dont les 53 écoles desservent des familles provenant de 100 pays différents. Nous croyons que la diversité est une force, ce que reflète notre plan stratégique de 2023-2027, qui donne la priorité à la santé mentale, à un environnement accueillant, inclusif et sécuritaire, ainsi qu’à un soutien indéfectible de la diversité, de l’équité et de l’inclusion.
Deuxième priorité stratégique du regroupement d’écoles publiques de Regina : Un environnement équitable et sécuritaireFournir un environnement inclusif, sécuritaire et accueillant, inspiré de pratiques sensibles aux traumatismes, où l’on s’engage à respecter les principes de la diversité, de l’équité et de l’inclusion. But 2.1 : Améliorer, renforcer et promouvoir la santé et le bien-être mental chez les élèves et le personnel. But 2.2 : Approfondir la conscientisation, la compréhension et l’engagement en matière de diversité, d’équité et d’inclusion. But 2.3 : Créer des milieux de travail et d’apprentissage sécuritaires, inclusifs et responsables. |
Comme nous sommes conscients que tout le personnel du regroupement a un rôle à jouer dans la création d’un environnement sécuritaire et équitable, nos plus récents efforts ont surtout consisté à prioriser la sécurité psychologique et à favoriser une compréhension commune de ce concept parmi tous les membres de notre personnel, allant des techniciens de l’installation principale aux psychologues agréés. Nous avons donc organisé une série de discussions avec l’ensemble du personnel du regroupement et avec des groupes plus restreints d’employés pour définir ce qu’est la sécurité psychologique, comment on en fait précisément l’expérience, et ce qu’elle n’est pas. Certains des points marquants de ces discussions sont relevés ci-dessous.
Notre expérience au sein du regroupement d’écoles publiques de Regina montre que les stratégies efficaces de diversité, d’équité et d’inclusion commencent en mettant l’accent sur l’appartenance et sur l’inclusion. Par exemple, nous continuons de mieux comprendre que l’embauche axée sur la diversité se fonde sur le mérite, en veillant particulièrement à ce que les procédures soient moins empreintes de préjugés fondés sur l’âge, la race, l’identité de genre, la religion, l’orientation sexuelle et d’autres caractéristiques personnelles sans lien avec le rendement au travail. Le maintien de la diversité exige que tous les employés se sentent valorisés et respectés. Commencer par mettre l’accent sur la sécurité psychologique permet aux employés d’être pleinement eux-mêmes au travail (avec leur race, leur ethnicité, leur identité de genre, leur orientation sexuelle, leurs antécédents, leur religion, leur situation familiale et toutes les autres facettes de leur identité), sans être jugés.
Figure 2: Equity, Diversity, Inclusion and Belonging. (Source: DIA Diversity Equity and Inclusion Statement)
* Traduction en français:
Équité, diversité, inclusion et appartenance
Bulle L’inclusion: Les pensées et les idées de tous sont importants.
Bulle L’équité: Un traitement, un accès et des possibilités justes et équitables.
Bulle La diversité: La représentation de multiples identités.
Bulle L’appartenance: Sentiment de communauté. Une organisation qui mobilise tout le potentiel des individus, favorise l’innovation et sait intégrer les points de vue, les croyances et les valeurs.
Chaque facette de l’identité d’une personne (sa race, son identité de genre, son habilité, sa langue) fournit des degrés divers de privilège et de marginalisation, un concept appelé intersectionnalité. Ce terme provient des ouvrages de Kimberlé Crenshaw (Ph. D.) et décrivait à l’origine la discrimination vécue par des femmes noires en raison de leur race et de leur genre12. Kimberlé Crenshaw nous rappelle que les personnes qui sont marginalisées à cause d’une ou de plusieurs dimensions de leur identité sont plus portées à vivre des microagressions, de la discrimination et du harcèlement qui leur posent des défis quand elles évoluent dans des environnements physiques et sociaux.
Pour instaurer la sécurité psychologique dans un milieu de travail, il est important de comprendre que l’identité d’une personne comporte plusieurs facettes et qu’elle ne se concentre pas sur un seul aspect. Quand nous déclarons qu’un espace est inclusif ou psychologiquement sécuritaire, nous devons nous demander : « Pour qui? ». Un espace qu’on croit psychologiquement sécuritaire pour une personne ne l’est pas nécessairement pour tous. Par conséquent, les réalités particulières des expériences que connaît, par exemple, une femme racialisée ou une personne transgenre exigent qu’on se penche intentionnellement sur les dimensions multiples qui composent l’identité, et qu’on mette en place une planification délibérée afin de créer et de soutenir des pratiques d’inclusion.
La création d’équipes de travail inclusives et psychologiquement sécuritaires a des effets significatifs sur les résultats scolaires. La recherche démontre que l’efficacité collective des enseignants est le facteur le plus influant sur la réussite scolaire, d’où l’importance de la collaboration et d’un travail d’équipe efficace dans les écoles13. Non seulement la sécurité psychologique insuffle-t-elle un sentiment d’appartenance et d’inclusion, mais elle a été identifiée comme étant la caractéristique la plus importante des équipes à rendement élevé14. Lorsqu’il y a de plus hauts niveaux de sécurité psychologique, les équipes deviennent plus habiles à exprimer des idées diversifiées et des points de vue anticonformistes, ce qui mène à une meilleure prise de décisions, à une hausse du rendement, et, en définitive, à de meilleurs résultats chez le personnel et les élèves.
Que nous amorcions le processus en adoptant une optique de bien-être en milieu de travail, ou en nous penchant sur les enjeux de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, nous constatons qu’une attention particulière portée à la sécurité psychologique et à l’inclusion jette les bases de notre travail. La sécurité psychologique et l’inclusion permettent des conversations cruciales et courageuses sur les privilèges et l’identité, tout en appuyant d’autres buts communs en éducation tels le soutien de la diversité, l’amélioration de l’apprentissage et du bien-être ainsi que la réussite scolaire.
Le diagramme ci-dessous illustre les voies par lesquelles les bases de la sécurité psychologique et de l’inclusion soutiennent la diversité, l’apprentissage et le bien-être, qui, à leur tour, favorisent des résultats positifs chez le personnel et les élèves.
Figure 3: Psychological Safety and Inclusion as the Foundation for Wellbeing, Diversity, Learning – and Improved Outcomes (Adapted from Tom Gehraghty – psychsafety.co.uk)
* Traduction en français: La sécurité psychologique et l’inclusion comme bases du bien-être, de la diversité et de l’apprentissage – pour de meilleurs résultats
Partout au pays, des circonscriptions scolaires telles que le regroupement d’écoles publiques de Regina trouvent des façons de poser des fondements solides pour la sécurité psychologique et l’inclusion. Ce faisant, elles jettent les bases d’expériences de travail et d’apprentissage plus bienveillantes, plus inclusives et, ultimement, couronnées de succès.
Bien dans mon travail et le regroupement d’écoles publiques de Regina s’engagent à apprendre et à découvrir, sur une base continue, les liens entre le bien-être en milieu de travail, la diversité, l’équité et l’inclusion. Si votre école ou votre circonscription scolaire travaille à établir des liens entre la sécurité psychologique et l’inclusion, veuillez communiquer avec Kathleen à klane@edcan.ca.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
1 Dixon-Fyle, S., Dolan, K., Hunt, D.V., & Prince, S. (2020). Diversity Wins. McKinsey. Consulté le 11 janvier 2024 : https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/diversity-wins-how-inclusion-matters
2 Duhigg, C. (2016). What Google Learned From Its Quest to Build the Perfect Team. The New York Times Magazine. Consulté le 11 janvier 2024 : https://www.nytimes.com/2016/02/28/magazine/what-google-learned-from-its-quest-to-build-the-perfect-team.html
3 Hamfelt, A. (2019). Social Inclusion: The key determinant of mental wellness. Canadian Mental Health Association – BC Division. Consulté le 11 janvier 2024 : https://bc.cmha.ca/wp-content/uploads/2019/12/POL_BuildingEquitableFoundation_LitReview_8.5x11_2019_12_04.pdf
4 Office of the US Surgeon General. (2022) The US Surgeon General’s Framework for Workplace Mental Health and Wellbeing. Consulté le 11 janvier 2024 : https://www.hhs.gov/sites/default/files/workplace-mental-health-well-being.pdf
5 National Association of Chronic Disease Directors. (2018). Healthy Schools, Healthy Staff, Healthy Students: A Guide to Improving School Employee Wellness. Consulté le 11 janvier 2024 : https://chronicdisease.org/resource/resmgr/school_health/school_employee_wellness/nacdd_schoolemployeewellness.pdf
6 Dix, K., Ahmed, S.K., Carslake, T., Sniedze-Gregory, S., O’Grady, E, & Trevitt, J. (2020). Student health and wellbeing: A systematic review of intervention research examining effective student wellbeing in schools and their academic outcomes. Main report and executive summary. Evidence for Learning. Consulté le 11 décembre 2023 : https://evidenceforlearning.org.au/education-evidence/evidence-reviews/student-health-and-wellbeing
7 Timothy Clark’s Four Stages of Psychological Safety
8 Office of the US Surgeon General. (2022)
9 Hamfelt, A. (2019).
10 World Health Organization. (2023). WHO launches commission to foster social connection. Consulté le 11 janvier 2024 : https://www.who.int/news/item/15-11-2023-who-launches-commission-to-foster-social-connection
11 National Association of Chronic Disease Directors (2018) Healthy Schools, Healthy Staff, Healthy Students
12 Crenshaw, K. (1989). Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics. University of Chicago Legal Forum. Consulté le 11 janvier 2024 : https://chicagounbound.uchicago.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1052&context=uclf
13 Visible Learning. (2018). Collective Teacher Efficacy (CTE) according to John Hattie. Consulté le 11 janvier 2024 : https://visible-learning.org/2018/03/collective-teacher-efficacy-hattie/
14 Duhigg, C. (2016).
Nous avons tous été, à un moment ou à un autre, dans des milieux scolaires où les membres du personnel et les élèves s’épanouissent, apprennent, collaborent et créent des expériences d’apprentissage exceptionnelles. Nous avons aussi tous connu des milieux scolaires où le stress, les conflits interpersonnels et l’épuisement professionnel font partie des conversations à l’heure du midi. Les éducatrices et éducateurs peuvent sentir le fort lien qui existe entre le bien-être du personnel et l’apprentissage des élèves.
Mais ce n’est pas qu’une impression. Une récente méta-analyse révèle qu’il y a une corrélation positive entre le bien-être des enseignants et les relations enseignants-élèves, la qualité de l’enseignement ainsi que les expériences et les résultats des élèves1. Ce n’est pas que le personnel enseignant qui influence la réussite scolaire – tous les membres du personnel ont un rôle à jouer dans le développement des relations avec les élèves et dans la création d’un milieu scolaire stimulant, qui sont tous deux des éléments qui favorisent des résultats positifs pour les élèves2.
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AMÉLIORE LA QUALITÉ DE L’ENSEIGNEMENTLes enseignantes et enseignants sont largement considérés comme les personnes au sein de l’école qui ont le plus d’influence sur la réussite, la satisfaction et le rendement des élèves3. Le bien-être du personnel enseignant est étroitement lié à la qualité de l’enseignement4. Selon une étude, le bien-être des enseignants expliquait 8 % de la variation sur le plan du rendement scolaire5. Par expérience, nous savons que c’est quand on sent au meilleur de notre forme qu’on donne le meilleur de nous-mêmes. |
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RENFORCE LES RELATIONS AVEC LES ÉLÈVESIl est bénéfique pour les élèves d’avoir un adulte bienveillant à l’école7. Des relations étroites entre les élèves et leurs enseignants ont une influence positive sur le rendement scolaire8, et le bien-être accru des enseignants améliore ces relations9. Tout adulte faisant partie de la communauté scolaire peut devenir cette personne bienveillante, que ce soit un membre du personnel de soutien ou d’entretien, un chauffeur d’autobus ou un membre de la direction. |
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FAVORISE l’établissement d’un MILIEU SCOLAIRE STIMULANTLe personnel de l’école influence de façon importante le milieu scolaire10,11. Lorsque l’école offre un milieu d’apprentissage sûr et favorable, les élèves peuvent s’épanouir12; l’absence d’un tel environnement nuit au bien-être et à l’apprentissage des élèves. Toutefois, pour créer un environnement scolaire sûr, accueillant et inclusif, comme le prévoient les plans stratégiques des districts scolaires, il faut que le personnel se sente bien. |
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INFLUENCE DIRECTeMENT LE BIEN-ÊTRE DES ÉLÈVESLorsque les enseignants se sentent bien, ils contribuent au bien-être social, émotif, cognitif, spirituel et physique de leurs élèves13. De multiples études ont démontré des liens directs entre le bien-être des enseignants et celui des élèves – y compris un rapport direct entre le niveau de stress des enseignants et les niveaux de cortisol des élèves14. La recherche sur le lien entre l’apprentissage et le bien-être des élèves montre clairement que le bien-être des élèves améliore l’apprentissage15. |
Un personnel qui est en santé et se sent bien crée un environnement scolaire stimulant et entretient des relations bienveillantes avec les élèves. Il fournit un enseignement de qualité qui favorise le bien-être et la réussite des élèves. Le fait de voir les élèves s’épanouir accroît notre sentiment de bien-être – après tout, c’est la principale raison pour laquelle la majorité d’entre nous avons décidé d’œuvrer dans le domaine de l’éducation. Lorsque les élèves s’épanouissent, ils sont aussi plus susceptibles d’adhérer aux normes de comportement et de traiter leurs camarades de classe avec bienveillance et respect, ce qui, à son tour, rend le milieu scolaire plus positif. C’est un cycle vertueux.
Lorsque les élèves ou les membres du personnel éprouvent des difficultés, ce cycle peut se transformer en cycle vicieux. Notre société fait face à de nombreux défis, que ce soit le changement climatique, la polarisation politique, l’inflation et l’insécurité alimentaire ou du logement. Les difficultés auxquelles font face les élèves à la maison peuvent se manifester sous forme de problèmes de santé mentale ou de comportements perturbateurs en classe. Ces éléments peuvent à leur tour avoir une influence sur l’environnement dans la salle de classe et alourdir la charge du personnel de l’école, tant sur le plan émotif que du travail. En outre, le personnel scolaire fait face aux mêmes difficultés que les élèves et leur famille. À mesure que ces facteurs de stress s’accumulent, le bien-être diminue et le personnel est moins en mesure de créer un milieu scolaire sûr et stimulant.
Les éducatrices et éducateurs partout au Canada et dans le monde reconnaissent l’interaction complexe entre le bien-être des élèves et celui du personnel. La recherche démontre que cette interaction peut créer un cycle vertueux où les élèves et les membres du personnel s’épanouissent. Ou elle peut créer un cycle vicieux qui entraîne du stress, de l’anxiété et un mal-être.
Si nous voulons véritablement que nos élèves soient en santé et prêts à apprendre, il est essentiel d’investir dans le bien-être et la culture de notre personnel. Nous voulons tous faire partie d’une école qui favorise la collaboration, le soutien et l’apprentissage. Aidons plus d’écoles à offrir un milieu stimulant en investissant dans leur personnel.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
1 Dreer, B. (2023) On the outcomes of teacher wellbeing: a systematic review of research. Front. Psychol. 14:1205179. doi: 10.3389/fpsyg.2023.1205179
2 McCallum, F. (2021). Teacher and Staff Wellbeing: Understanding the Experiences of School Staff. In M.L. Kern & M.L. Wehmeyer (Eds.) The Palgrave Handbook of Positive Education. (pp. 715-740). Palgrave MacMillan. Retrieved 11 December 2023 from: https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-030-64537-3
3 Hattie, J. (2009). Visible learning: A synthesis of over 800 meta-analyses to achievement. London: Routledge.
4 Mingren, Z., & Shiquan, F. (2018). Rural teacher identity and influencing factors in western China. Chinese Education & Society,51(2), 91–102.
5 Briner, R., & Dewberry, C. (2007). Staff wellbeing is key to school success: A research study into the links between staff wellbeing and school performance. London: Worklife Support.
6 National Association of Chronic Disease Directors. (2018). Healthy School, Healthy Staff, Healthy Students: A Guide to Improving School Employee Wellness. Retrieved 11 December 2023 from: https://chronicdisease.org/resource/resmgr/school_health/school_employee_wellness/nacdd_schoolemployeewellness.pdf
7 American Institutes for Research (n.d.) Understanding the Importance of Creating Positive School Climates to Support Students Facing Adversity and Trauma. School Climate Improvement Resource Package. Retrieved 11 December 2023 from: https://safesupportivelearning.ed.gov/sites/default/files/NCSSLE-Trauma-Adversity-Brief-508.pdf
8 Quin, D. (2017). Longitudinal and Contextual Associations Between Teacher–Student Relationships and Student Engagement: A Systematic Review. Review of Educational Research, 87(2), 345–387.
9 Kelty Mental Health (n.d.). Fostering and Supporting Teacher and Staff Well-being. Retrieved 11 December 2023 from: https://keltymentalhealth.ca/school-professionals/fostering-and-supporting-teacher-and-staff-well-being#:~:text=Teachers%20play%20a%20key%20role,more%20supportive%20teacher%2Dstudent%20relationships.
10 Astor, R.A. and Moore, H. (2021). Positive school climate for school staff? The roles of administrators, staff beliefs, and school organization in high and low resource school districts. Journal of Community Psychology. (https://www.researchgate.net/publication/354451658_Positive_school_climate_for_school_staff_The_roles_of_administrators_staff_beliefs_and_school_organization_in_high_and_low_resource_school_districts
11 Dinsdale,R. (2017). The Role of Leaders in Developing a Positive Culture. BU Journal of Graduate Studies in Education, Volume 9, Issue 1.https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-64537-3_28
12 Lindorff A (2020) The impact of promoting student wellbeing on student academic and non-academic outcomes: An analysis of the evidence. Retrieved 11 December 2023 from: https://oxfordimpact.oup.com/home/wellbeing-impact-study
13 Hattie, J. (2009). Visible learning: A synthesis of over 800 meta-analyses to achievement. London: Routledge.
14 Oberle, E., & Schonert-Reichl, K. A. (2016). Stress contagion in the classroom? The link between classroom teacher burnout and morning cortisol in elementary school students. Social Science & Medicine, 159, 30-37
15 Dix, K, Ahmed, S.K., Carslake, T, Sniedze-Gregory, S, O’Grady, E, & Trevitt, J (2020). Student health and wellbeing: A systematic review of intervention research examining effective student wellbeing in schools and their academic outcomes. Main report and executive summary. Evidence for Learning Retrieved 11 December 2023 from: https://evidenceforlearning.org.au/education-evidence/evidence-reviews/student-health-and-wellbeing
Les personnes œuvrant dans le milieu de l’éducation des niveaux primaire et secondaire jouent un rôle essentiel dans le bien-être et la réussite scolaire des jeunes, mais doivent aussi composer avec des taux élevés de stress et d’épuisement professionnel. Le faible niveau de bien-être mine le moral des membres du personnel de l’éducation et entraîne des défis en matière de dotation. Cette situation a aussi des répercussions négatives sur le bien-être et la réussite des élèves.
Cet article se penche sur la pertinence de l’outil d’évaluation Protégeons la santé mentale au travail (Protégeons la santé mentale) pour améliorer sensiblement le bien-être en milieu de travail dans les conseils scolaires canadiens. Protégeons la santé mentale évalue la santé et la sécurité psychologiques – des facteurs affectant le bien-être en milieu de travail. Les conclusions du sondage peuvent favoriser des échanges constructifs avec le personnel en vue de promouvoir un environnement de travail et d’apprentissage plus favorable et plus sécuritaire sur le plan psychologique.
Plusieurs conseils scolaires souhaitent favoriser le bien-être de leurs effectifs – ils offrent donc des applications de pleine conscience, des cours de yoga gratuits et des trucs pour favoriser le mieux-être, ce qui peut être utile pour certaines personnes. D’autres conseils scolaires réalisent des sondages internes accompagnés d’auto-évaluations du bien-être et demandant des commentaires sur des mesures mises en place.
La première étape nécessaire à des améliorations notables et durables consiste à déterminer les enjeux sous-jacents qui minent le bien-être du personnel. Protégeons la santé mentale traite des enjeux et des conditions de travail influençant le bien-être et permet d’avoir un aperçu des sentiments et des perceptions du personnel de l’éducation et de la façon dont leur environnement de travail influe sur leur bien-être.
Le sondage qui s’appuie sur des éléments probants et porte sur les facteurs de santé et de sécurité psychologiques aide à mettre en relief les aspects du milieu de travail exigeant une attention particulière. Chaque élément du sondage comprend des sous-énoncés aidant à rendre les enjeux plus concrets et fournit des indices pour la mise en œuvre de mesures ciblées. Le facteur Participation et influence, par exemple, comprend des énoncés tels que « Mes suggestions sont prises en compte au travail » ou « Je suis rapidement informé des changements importants au travail ». Si les participant-e-s ont répondu que ces énoncés sont « grandement préoccupants », le conseil scolaire dispose alors un champ d’action concret pour améliorer le bien-être du personnel.
Les conseils scolaires regroupent un large éventail d’employé-e-s. Les défis que rencontre un membre du corps enseignant sont bien différents de ceux d’un concierge. Bien qu’il soit pertinent de savoir que 55 % des membres du personnel ont de la difficulté avec la conciliation travail-vie personnelle, savoir que c’est le cas pour 72 % du personnel enseignant permet aux conseils scolaires de se concentrer sur des solutions adaptées à ce segment de leurs effectifs au lieu de préconiser des solutions génériques.
La segmentation par groupes du personnel des conseils scolaires peut fournir des renseignements plus nuancés sur ce qui se passe sur le terrain. Pour les conseils scolaires, cette segmentation a été extrêmement précieuse, car elle les a aidés à concevoir des stratégies sur mesure pour répondre aux besoins de groupes particuliers. La segmentation fait toutefois en sorte de multiplier le volume des rapports devant être analysés. L’équipe de conseiller-ère-s de Bien dans mon travail a créé des outils et des ressources précis pour aider les conseils scolaires à comprendre les données de leurs rapports Protégeons la santé mentale et à passer à l’action.
Protégeons la santé mentale détermine les secteurs qui se portent bien et les aspects où il est nécessaire d’agir pour améliorer le bien-être au travail. En mettant en relief des enjeux essentiels tels que l’intimidation, le harcèlement ou la discrimination, Protégeons la santé mentale aide les dirigeants à agir rapidement et à éviter les risques pour le personnel et l’organisation. Le sondage évalue des enjeux critiques tels que l’épuisement professionnel, les traumatismes, le stress ou l’inclusion. En englobant ces aspects incontournables, Protégeons la santé mentale aide les conseils scolaires à créer un environnement de travail inclusif, favorisant le bien-être et répondant aux besoins diversifiés du personnel.
Les rapports Protégeons la santé mentale guident aussi les dirigeant-e-s du monde de l’éducation vers des stratégies reposant sur des données probantes pour les aspects précis qui posent problème. Des données performantes et des stratégies fondées sur des éléments probants permettent aux dirigeants de prendre des mesures éclairées et d’amorcer des changements positifs qui amélioreront le bien-être au travail.
Plusieurs conseils scolaires canadiens ont pu constater que Protégeons la santé mentale est indispensable pour améliorer le bien-être dans leur milieu de travail. Cet outil est conforme aux normes d’avant-garde et se penche sur des aspects concrets d’amélioration; ses stratégies fondées sur des données probantes en font un outil essentiel pour comprendre l’état de bien-être qui prévaut au sein d’une organisation. La première étape pour amorcer un changement est de comprendre l’état de bien-être dans le milieu de travail concerné. Protégeons la santé mentale est un excellent moyen d’amorcer cette démarche.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Ces dernières années, le thème du bienêtre est devenu un axe important et noble des réformes en éducation (Espinosa et Rousseau, 2018). En tant que leaders scolaires, êtes-vous de ceux qui, comme nous, souhaitez favoriser le bienêtre des élèves et du personnel scolaire? Si c’est le cas, ce qui suit pourrait vous inspirer. Nous souhaitons vous faire part de certains savoirs professionnels et théoriques, issus de nos recherches pour favoriser le bienêtre au sein d’une organisation apprenante, c’est-à-dire une organisation où les actions interdépendantes des leaders soutiennent le développement individuel et collectif autour d’une vision partagée (Gagnon, 2020a; Gagnon et Lachapelle, 2022; Gagnon et al., 2023 a,b; Guay et Gagnon, 2021a). Ces savoirs sont synthétisés sous la forme de cinq action fondamentales à mettre en oeuvre.
Pour favoriser le bienêtre au sein d’une organisation apprenante, il est souhaitable de le faire dans une perspective systémique (Gagnon, 2020a ; Gagnon et Lachapelle, 2022; Guay et Gagnon, 2020). Concrètement, cela signifie éviter les actions en silo et reconnaitre l’interdépendance du bienêtre des personnes qui évoluent au sein de l’organisation, dont les élèves, les enseignants, les directions d’établissements, le personnel des services et la direction générale. Désormais, dans les ouvrages scientifiques et professionnels, on retrouve d’ailleurs certains modèles, ou cadres de référence, permettant aux leaders d’orienter leurs actions en ce sens. C’est le cas du modèle écosystémique proposé par le Conseil supérieur de l’éducation (2020), du modèle de Bowen et al. (2022) et celui du collectif Réverbère (Borris-Anadon et al. 2021). Ceux-ci proposent des principes et des outils pour que tous les membres d’une communauté éducative, dont l’apprenant lui-même, entreprennent des projets collaboratifs, cohérents et interreliés, en soutien à leur bienêtre et à celui des autres, dont ils sont tous co-responsables.
Pour favoriser le bienêtre au sein d’une organisation apprenante, nous encourageons les leaders à soutenir la mise en oeuvre de projets prioritaires sur ce thème en cohérence avec la vision, la mission, les valeurs et les objectifs prioritaires de l’organisation. Un tel projet appelle globalement un état des lieux (situation actuelle), la détermination d’une intention de transformation (situation désirée), l’élaboration d’un plan d’actions prioritaires, la mise en oeuvre de ces actions, leur régulation et l’évaluation de leurs retombées diffusées dans l’ensemble du système. Le projet gagne à être entrepris et concrétisé par des personnes volontaires engagées dans des dispositifs collaboratifs, dont la communauté d’apprentissage (Goyette et al., 2020). De tels dispositifs favorisent le développement individuel et la collaboration de tous à la réussite et au bienêtre en misant sur les forces de chacun des membres d’une équipe (Gagnon, 2020b; St-Vincent et al., 2022). Par exemple, des enseignantes de trois cycles d’une école primaire ont défini leur agir compétent en psychopédagogie du bienêtre et elles ont créé et expérimenté des ressources en classe avec leurs élèves. Par la suite, elles ont transmis ces ressources à l’ensemble des membres de leur équipe-école pour favoriser le bienêtre des élèves de façon cohérente et concertée (Gagnon, 2020b). Pour concrétiser ce projet, cette équipe était accompagnée de la direction d’établissement et de deux conseillères pédagogiques.
Pour être en mesure de mettre en oeuvre un projet qui favorise le bienêtre au sein de l’organisation apprenante, nous suggérons au(x) leader(s) d’être accompagné(s) par des personnes de confiance avec lesquelles ils auront établi une alliance de travail explicite fondée sur leurs besoins, leurs attentes mutuelles et leur mode de fonctionnement (Gagnon, 2020a: Guay et Gagnon, 2021a; Gagnon et al., 2023b). L’équipe d’accompagnement aide à garder le cap au fil de ces actions. Cette équipe d’accompagnement, qu’elle soit composée de chercheurs et/ou de praticiens agissant sur le terrain, peut soutenir les leaders dans la mise en place du projet (Guay et Gagnon, 2021a,b). Elle y soutient la pratique réflexive, les apprentissages individuels et collectifs, une communication efficace ainsi que la collaboration et l’interdépendance positive. Également, elle supporte l’essentiel processus de mobilisation et de formalisation de savoirs théoriques (issus de la recherche) et de savoirs professionnels (issus de projets organisationnels antérieurs) sur le bienêtre.
La littérature scientifique et professionnelle en éducation rend visible une variété de définitions du bienêtre et tout autant d’approches et d’outils pour le favoriser en contexte scolaire. C’est pourquoi, dans une organisation apprenante, les leaders gagnent à mettre à jour et à partager leur conception du bienêtre. En ce sens, il est utile de savoir que le bienêtre peut être abordé selon différentes perspectives. En écho à nos recherches sur le développement du leadership, nous avons observé qu’une conception du bienêtre est largement tributaire des besoins prioritaires des leaders et des organisations scolaires. Comme il est brièvement détaillé dans la figure 1 ci-dessous, quatre grandes conceptions du bienêtre sont tirées de la documentation et peuvent être associées à l’une des perspectives suivantes, c’est-à-dire une perspective conformiste, performante, pluraliste et évolutive (Gagnon et Guay, acceptée). Par exemple, un leader ou une équipe
de leaders dont les besoins fondamentaux sont la sécurité, la stabilité et le sentiment d’appartenance au groupe (perspective conformiste) envisage généralement le bienêtre en tant que perception/sensation de ces besoins particuliers comblés. Or, un leader ou un groupe de leaders dit performant, qui a comblé ces besoins, est plus enclin à concevoir et à définir le bienêtre en tant que sensation ou perception de compétence, d’autonomie et d’épanouissement. Une fois ces besoins comblés, un leader ou un groupe de leaders dit pluraliste apprécie davantage une conception du bienêtre en tant que perception ou sensation d’équilibre sur le plan émotionnel, physique, cognitif et relationnel. Enfin, dans une perspective dite évolutive, les leaders, individuellement et collectivement, envisagent généralement le bienêtre en tant que perception ou sensation de paix et de cohérence interne, indépendamment des contextes, tout en étant capable de l’appréhender dans les autres perspectives susmentionnées. De notre point de vue, dans une perspective intégrée, au sein d’une organisation apprenante, il importe de prendre en compte la diversité des besoins humains et d’envisager que le bienêtre est essentiellement une perception ou sensation subjective individuelle ou collective, variant en fonction des besoins prioritaires contextualisés de ceux qui le conçoivent et le ressentent. En effet, une telle définition nous incite, en tant que leaders, à accueillir la diversité des besoins des collaborateurs et à favoriser leur bienêtre individuel et collectif d’un point de vue différencié et contextualisé.
Figure 1. Quatre conceptions du bienêtre variant en fonction des besoins de ceux qui le conçoivent et le ressentent
*Cliquez pour agrandir l’image.
Pour être en mesure de favoriser le bienêtre dans une organisation apprenante, il s’avère essentiel d’incarner la conception du bienêtre dont les leaders de l’organisation se sont donné une vision partagée. Voici quelques pistes de questionnement proposées aux leaders qui aspirent à être un modèle de bienêtre. Dans quelle mesure suis-je conscient de mes propres besoins, valeurs, forces, croyances, zones de vulnérabilité et émotions concernant mon bienêtre? Dans quelle mesure suis-je attentif au vraisemblable des autres concernant leur bienêtre? Dans quelle mesure suis-je capable d’incarner les manières d’être, de faire et de penser me permettant d’être bien et de contribuer au bienêtre des autres? Inspiré de telles questions, un leader gagne à être présent à lui-même et à s’accompagner pour être en mesure de prendre soin des autres (Rondeau, 2019; Gagnon et al. 2023a,b). Le ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique (2021) en a d’ailleurs fait un élément essentiel de sa stratégie sur la santé mentale (bienêtre psychologique) en proposant aux directions d’établissements de se développer autour des trois axes suivants : 1) travail sur soi, 2) travail sur les relations et la présence à l’autre et 3) travail sur le système en général. En agissant en leader authentique et bienveillant au regard de ses besoins et de ceux de ses collaborateurs, un leader peut espérer que ces derniers puissent agir, à leur tour, de la même façon afin d’inspirer le personnel scolaire de leur milieu (Gagnon, 2020a). En ce sens, au sein des groupes de leaders que nous accompagnons, sur le thème du bienêtre ou sur d’autres objets, chacun des leaders est invité à se donner un projet de développement professionnel pour demeurer un apprenant et développer un agir compétent et conscient favorisant le bienêtre de tous. Un tel agir compétent et conscient correspond aux actions prioritaires qu’un leader ou un groupe de leaders veut et peut poser dans le contexte où il évolue, inspiré d’intentions et de présupposés conscients et explicites (Guay et Gagnon, 2021a; Guay et Gagnon, 2023). Ce projet lui permet de développer des manières de penser, d’être et de faire propres à influencer le développement de telles ressources lors d’accompagnement de ses collaborateurs dans ce même cheminement. Voici deux exemples de projet de développement professionnel formulés par des leaders engagés dans une recherche-action portant sur l’amélioration ou le maintien de leur bienêtre en contexte de changement (Gagnon et al., 2023) : Comment incarner des pratiques de leadership relatives au bienêtre dans mon école afin d’accroitre le bienêtre individuel et collectif de mon personnel? Comment puis-je dégager du temps pour prendre soin de moi sans négliger mon équipe-école et mes engagements professionnels à leur égard ?
Voilà qui fait un tour d’horizon des cinq actions fondamentales à prendre pour espérer favoriser le bienêtre dans une organisation apprenante. Elles sont illustrées de façon interreliée dans la figure 2 et associées à des questions pour favoriser le bienêtre dans une perspective systémique. Cette figure rappelle l’importance d’intégrer toutes les parties prenantes d’une organisation scolaire dans des projets collaboratifs cohérents ancrés dans une vision partagée du bienêtre. Cette figure explicite également l’essentiel apport des équipes d’accompagnement dans le soutien au développement d’un agir compétent et conscient, individuel et collectif, chez toutes ces parties prenantes. Elle souligne enfin l’importance, pour les leaders, quel que soit leur statut, d’agir à titre de modèle d’apprenants et d’agents, soucieux de leur bienêtre et de celui des autres.
Figure 2. Favoriser le bienêtre au sein d’une organisation apprenante
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Borris-Anadon, C., Desmarais, M-É., Rousseau, N. Giguère, M-H. et Kenny, A. (2021). Le bienêtre et la réussite en contexte de diversité. Un cadre enrichi pour le RÉVERBÈRE. https://periscope-r.quebec/cms/1652815652599-cadre-diversite-reussite-reverbere-2022_final.pdf
Bowen, F., Morissette, E., Levasseur, C., Marion, É., Carpentier, G., Poirel, E., Beaumont, C., Leadbeater, B., Beaulieu, J., Ouellet-Morin, I., St-Cyr, C., Cantin, S. et Fullan, M. (2022). Vers un partenariat pour la création de milieux scolaires favorisant durablement et de façon efficiente la socialisation et le bienêtre psychologique des élèves et du personnel. Revue canadienne de santé mentale communautaire. Vol. 41 (3). p. 123-138. https:// cjcmh.com/doi/abs/10.7870/cjcmh-2022-025
Conseil supérieur de l’éducation, (2020). Le bienêtre de l’enfant à l’école : faisons nos devoirs. Gouvernement du Québec. https:// cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2020/06/50-0524-AV-bien-etre-enfant-2.pdf
Espinosa, G. et Rousseau, N. (2018). Le bienêtre à l’école et l’apport de la psychopédagogie. Dans Rousseau, N. et Espinosa, G. (dir.). Le bienêtre à l’école; enjeux et stratégies gagnantes. Presses de l’Université du Québec.
Gagnon, B. (2020a). Recherche-action sur le leadership authentique et postconventionnel et la prise en compte du bienêtre du personnel scolaire en contexte de changement. [Essai doctoral], Université de Sherbrooke. http://hdl.handle.net/11143/16932
Gagnon, B. (2020b). La psychopédagogie du bien-être, une voie porteuse pour favoriser l’épanouissement des enfants et des adultes qui les accompagne. Revue Hybride en éducation. https://doi.org/10.1522/rhe.v4i4.1170
Gagnon, B., Bazinet, J, Denis, S. et Waelput-Lavallée, T. (2023a). Développement de ressources pour prendre en compte son bienêtre en tant que leader scolaire en contexte de changements continu. CTREQ. 5e symposium sur le transfert des connaissances en éducation. Université Laval, Québec. 19 avril 2023.
Gagnon, B. Bruneau, I, et Denis S. (2023b). Accompagner des leaders scolaires dans un projet de développement professionnel portant sur le maintien ou l’amélioration de leur bienêtre en fonction de leurs besoins prioritaires: démarche et ressources proposées par une équipe d’accompagnement dans le cadre d’une recherche-action. ACFAS. Symposium 509. La psychopédagogie du bien-être: une clé de voûte pour favoriser le bienêtre des acteurs en éducation. 9-10 mai 2023.
Gagnon, B. et Lachapelle, D. (Mai, 2022). Agir ensemble de façon cohérente et concertée dans un centre de services scolaire pour prendre en compte le bienêtre du personnel scolaire en contexte de changement. Symposium, 515. Santé mentale et bienêtre scolaire des personnels scolaires au Québec. ACFAS, Université Laval. 12-13 mai 2022.
Gagnon, B. et Guay, M.-H. (2023). Comment les leaders scolaires conçoivent-ils le bienêtre et en soutiennent-ils la prise en compte dans leur établissement ? Actes de colloque. Biennale de Paris 2023. Se construire avec et dans le monde : part d’autrui, part de soi. 20-23 septembre 2023.
Goyette, N. Gagnon, B. Bazinet, J. et Martineau, S. (2020). La communauté d’apprentissage au service du développement de l’agir compétent d’enseignantes du primaire en lien avec la psychopédagogie du bien-être. Dans Goyette, N. et Martineau S. (dir.). Le bienêtre en enseignement. Tensions entre espoirs et déceptions. Presses de l’Université du Québec.
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2020). Un modèle d’accompagnement du développement pédagogique et organisationnel pour soutenir la mise en œuvre d’un modèle de réponse à l’intervention. Enfance en difficulté, 7, 27–50. https://doi.org/10.7202/1070382ar
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2021a). Quel leadership incarner en tant que chercheures-praticiennes en contexte de recherche-action pour inspirer celui des directions générales des centres de services scolaires et des commissions scolaires du XXIe siècle? Biennale internationale de l’éducation, de la formation et des pratiques professionnelles, Sept. 2021. Paris, France. https://hal.science/hal-03500166
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2021b). La recherche-action. Dans I. Bourgeois. Recherche sociale. De la problématique à la collecte de données. Presses de l’Université du Québec.
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (acceptée). Accompagner les leaders dans la modélisation de leur leadership en contexte de recherche-action ou de formation universitaire. Questions Vives.
Ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique. (2021). Promotion de la santé mentale dans le réseau scolaire primaire et secondaire. Principes directeurs et stratégies. https://www2.gov.bc.ca/assets/gov/education/administration/kindergarten-to-grade-12/fr-key-principles-and-strategies-for-k-12-mental-health-promotion.pdf
Rondeau, K. (2019). La présence au service de l’accompagnement de soi, source de mieuxêtre et vivre. Dans Rondeau, K et Jutras, F. (dir.). L’accompagnement du développement personnel et professionnel en éducation. S’accompagner, accompagner, être accompagné. Presses de l’Université du Québec.
St-Vincent, L-A., Gélina-Proulx, A., Labelle, J., Carlson Berg, L., Huot, A. Laforme, C. et B-Lamoureux, B. (2022). La gestion du changement organisationnel pour le bienêtre et la réussite en éducation : ce qu’en dit la recherche. Presses de l’Université du Québec.
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Alors que la réflexion sur le bienêtre ou la « bonne vie » était déjà bien entamée à l’époque de Platon et d’Aristote, elle a certainement été relancée par l’avènement de la psychologie positive au tournant des années 2000. S’étant étendue jusque dans la vie scolaire, cette réflexion peut mener à des stratégies visant le développement du bienêtre et ayant plusieurs visées comme celles de répondre à certaines difficultés, prévenir les risques, augmenter la productivité ou encore tendre vers un épanouissement personnel en phase avec les aspirations individuelles. Plusieurs questions demeurent toutefois : si l’élève est au centre des préoccupations scolaires, le bienêtre à l’école doit-il seulement le concerner ? En admettant que le bienêtre individuel puisse notamment avoir des retombées sur les relations interpersonnelles positives, dans une perspective scolaire, est-il judicieux de concentrer les efforts pour favoriser le bienêtre d’une poignée de personnes en fonction de leur rôle dans la communauté scolaire? Si l’on convient que le bienêtre de tous membres de la communauté scolaire doit être pris en considération, qui en est responsable? L’individu? Ces questions, bien ancrées dans les réflexions actuelles, amènent à réfléchir au bienêtre à l’école dans une perspective systémique.
En théorie comme en pratique, il est difficile, voire impossible, de s’entendre sur une définition unique du bienêtre. Néanmoins, comme le rappelaient Ryan et Deci (2001, p. 142), « La façon dont nous définissons le bienêtre influence nos pratiques en matière de gouvernance, d’enseignement, de thérapie, de parentalité et de prédication, car tous ces efforts visent à améliorer les êtres humains et requièrent donc une certaine vision de ce qu’est le “mieux” ». Par ailleurs, un corpus grandissant de recherches montre désormais comment les actions ancrées dans les différentes conceptions du bienêtre peuvent engendrer des retombées différentes pour les individus. En ayant l’objectif de répondre au mieux aux besoins des élèves, des personnes enseignantes et des autres membres de la communauté scolaire, il est essentiel de s’y intéresser de façon collective même si l’exercice est fastidieux.
En éducation, l’ancrage des définitions du bienêtre provient parfois des sciences de la santé, de la psychologie, des sciences de l’éducation ou d’autres sources. Par ailleurs, de façon individuelle, lorsqu’on laisse une personne définir le bienêtre, sa réponse sera nécessairement orientée vers son vécu ou encore ses idéaux. Chose certaine, si tout le monde peut tenter une définition personnelle du bienêtre, il s’agit d’un phénomène complexe et difficile à cerner. Sans prendre position, nous pouvons affirmer qu’une confusion existe d’ailleurs avec plusieurs autres concepts proches comme le bonheur ou la qualité de vie ou encore d’autres états considérés à tort ou à raison antagonistes, comme le stress ou l’épuisement professionnel (Voyer et Boyer, 2001). La compréhension du bienêtre peut aussi tomber sous l’ombrelle de concepts plus généraux, comme le « mieux-être », ce qui le rend d’autant plus difficile à circonscrire. Ces perceptions plurielles de ce qui est entendu par le bienêtre peuvent aussi créer une confusion en ce qui a trait à la compréhension du phénomène et à la visée des interventions mises en place.
Par exemple, dans une recension systématique au sujet des interventions visant à développer le « bienêtre » au travail chez les personnes enseignantes, Dreer et Gouasé (2021) ont identifié 27 interventions différentes sur les 29 textes retenus. Bien que toutes ces activités visaient à développer le « bienêtre », les résultats escomptés étaient différents selon les propositions (p. ex. réduction du stress, meilleure gestion de classe, développement du sentiment de gratitude). Ces constats sont intéressants puisqu’ils informent sur les raccourcis à éviter lorsque des activités favorisant le développement du bienêtre en contexte scolaire sont envisagées. En effet, on ne peut pas s’attendre aux mêmes retombées d’une intervention qui vise l’augmentation des émotions positives quotidiennes et d’une autre qui cible le développement du sentiment de compétence en gestion de classe. Néanmoins, ces distinctions sont souvent masquées par une utilisation générique du terme « bienêtre » qui ne précise pas le type de bienêtre ni ses composantes. C’est pourquoi il est important de dépasser la simple déclaration selon laquelle ces interventions visent à favoriser le « bienêtre ». Les questions suivantes peuvent aider à clarifier la situation :
Autrement, il est facile de perdre de vue les différents fondements qui sont associés au phénomène que l’on souhaite circonscrire et cela ouvre la porte à des interventions qui ne sont pas ancrées dans des postulats scientifiques. Dans d’autres cas, il devient difficile de trouver des pratiques gagnantes et de répondre aux besoins de la communauté scolaire.
Dans les textes retraçant les ancrages du concept de bienêtre, plusieurs clés de compréhension sont dégagées pour arriver à démêler les différentes propositions de définition. Par exemple, Veronica Huta (2016, p. 215) suggère de regrouper les définitions en quatre catégories :
De façon parallèle, tirées de perspectives psychologiques, on retrouve également les conceptions centrées sur des expériences vécues à court terme, soit les affects (émotions) positifs, négatifs et la satisfaction de vie, ainsi que des orientations à plus long terme, associées à des sphères de la vie qui contribuent à viser l’atteinte du plein potentiel (p. ex. relations interpersonnelles positives, sentiment de compétence, etc.). Beaucoup d’encre a coulé pour déterminer quelle était la conception qui permettait le mieux cerner le concept. Désormais, plusieurs s’entendent pour dire que les deux perspectives, soit que les affects (positifs et négatifs) et les éléments qui contribuent à ce que l’individu tende vers le développement de son plein potentiel soient considérés de façon simultanée pour obtenir une vision plus holistique du phénomène du bienêtre.
Plusieurs chercheurs adaptent leur conception du bienêtre à la situation où il est mesuré. C’est pourquoi des expressions adaptées à la situation des acteurs scolaires sont parfois employées, comme « bienêtre au travail », « bienêtre à l’école » ou encore « bienêtre pédagogique ». En ce qui concerne les personnes enseignantes, les précisions sont en cohérence avec le courant actuel en psychologie du travail qui soutient que le bienêtre se construit à travers soi, les relations interpersonnelles, mais aussi à travers l’organisation (l’école). Du côté de l’élève, il est aussi entendu que le bienêtre de l’enfant à l’école est tributaire des différents aspects de l’environnement scolaire dans lequel il évolue. Ainsi, l’individu évolue dans un contexte donné et il n’est pas l’unique responsable de son bienêtre. Bien que cela soit plus difficile à cibler en contexte scolaire, il faut également prendre en considération les autres environnements de vie de la personne dans l’équation.
Afin d’avoir une vision plus globale du bienêtre à l’école, plusieurs choisissent d’adopter une perspective systémique. S’il y a plusieurs façons de l’appréhender, ce point de vue peut mettre de l’avant les liens bidirectionnels qui unissent l’individu et son environnement. Cela permet notamment d’identifier les éléments contextuels avec lesquels la personne doit composer ; les obstacles, les contraintes, les demandes, mais aussi les ressources. Cette perspective permet également d’obtenir un point de vue plus holistique sur la communauté scolaire plutôt que de seulement envisager des interventions ciblées ou individuelles. Le modèle élaboré par Bronfenbrenner et Morris (1998) peut être intéressant pour illustrer la portée d’une perspective systémique en contexte scolaire. Il s’agit d’un modèle développemental qui tente de prendre en considération plusieurs composantes de la vie de l’individu afin de mieux comprendre les processus dynamiques qui ont lieu au quotidien et qui vont modifier l’expérience de la personne. L’élève, la personne enseignante ou tout autre membre de la communauté scolaire peut être le point focal du modèle (voir Papazian-Zohrabian et Mamprin, 2020, pour lire un exemple contextualisé durant la pandémie). Si l’école est, sans contredit, un espace de développement pour l’élève, on oublie parfois que les personnes enseignantes titulaires ou suppléantes, les directions et les autres membres de la communauté scolaire sont aussi en développement. Ces individus sont engagés dans un processus de développement personnel et professionnel et l’école devrait aussi leur permettre d’atteindre leur plein potentiel.
Quatre composantes forment la dernière itération du modèle proposé par Bronfenbrenner et Morris :
Ces éléments permettent d’amorcer une réflexion sur le bienêtre à l’école en tenant compte des caractéristiques et des besoins de la personne, de son contexte de vie, mais aussi de la perspective temporelle qui peut avoir des retombées sur certaines situations. Cela sous-entend également que les actions mises en œuvre pour favoriser le développement du bienêtre n’ont pas à être limitée à des interventions individuelles, mais que tout changement dans le contexte de vie de l’individu (où il est impliqué directement ou indirectement) peut aussi avoir des retombées importantes sur ce dernier.
Par exemple, la perspective systémique peut aider à voir comment le bienêtre (ou le mal-être) d’un membre de la communauté scolaire peut avoir des retombées sur les autres personnes avec qui il interagit au quotidien. Pour illustrer ce lien, prenons par exemple la relation éducative qui unit l’élève et la personne enseignante. Une relation éducative de qualité doit reposer sur la disponibilité de l’élève et de la personne enseignante à créer et maintenir ces liens (Papazian-Zohrabian et Mamprin, 2020). Cette relation est dynamique et évolue dans le temps. Une personne enseignante qui présente des symptômes d’épuisement professionnel ne sera peut-être pas aussi disponible pour s’investir dans la relation éducative. Elle se sentira peut-être aussi moins compétente pour répondre aux besoins de l’élève. Si l’on veut soutenir cette personne enseignante et favoriser le développement de son bienêtre, il devient important d’étudier le contexte de travail de cette dernière (p. ex. manque-t-elle de temps ou de ressources? Le défi de soutenir les élèves de sa classe au quotidien lui semble-t-il réaliste? La collaboration avec les parents est-elle possible? Quelles sont les structures d’aide qu’elle pourrait solliciter?). Si plusieurs personnes enseignantes sont dans une situation similaire, quelles sont les interventions qui doivent être mises en place? Ces interventions doivent-elles être ancrées en classe? À l’école? Dans les politiques du système scolaire? Ces éléments de réflexion pourront permettre de cibler certaines initiatives pertinentes.
Pour certains, la perspective systémique veut aussi dire que « le système » est impliqué et est complémentaire à la proposition théorique de Bronfenbrenner et Morris. Il est donc question du système d’éducation ainsi que des initiatives globales et à long terme (p. ex. changements dans les politiques, les conditions de travail) qui dépassent les actions ciblées pour certaines personnes ou certains groupes. Dans tous les cas on tend vers une responsabilité partagée qui étudie le contexte scolaire pour en dégager les éléments qui pourraient favoriser ou entraver le développement du bienêtre.
La réflexion sur le bienêtre à l’école gagne à s’inscrire dans une approche systémique qui considère les liens dynamiques entre l’individu et les diverses composantes de son environnement (p. ex. les relations en classe, les politiques, les conditions de travail, les conditions d’études, le rapport de la société à l’éducation). Bien que la définition du bienêtre puisse varier selon les perspectives et les conceptions, il est essentiel d’y voir plus clair pour mettre sur pied des initiatives qui répondent aux besoins de la communauté scolaire en dépassant les propositions qui infèrent que l’entière responsabilité du bienêtre est individuelle. Les interventions visant à favoriser le bienêtre doivent tenir compte des réalités des différents membres de la communauté scolaire, de la responsabilité partagée du bienêtre et prendre en considération les caractéristiques spécifiques des milieux scolaires. Pour ce faire, des initiatives impliquant des changements de fond graduels et ayant un caractère durable (p. ex. politiques, cultures scolaires) où tous sont engagés dans la transformation doivent être envisagées. En adoptant cette approche, les actions entreprises pourront soutenir le bienêtre et la vitalité de la communauté scolaire.
Bronfenbrenner, U. et P. A. Morris (1998). The ecology of developmental processes, dans W. Damon et R.M. Lerner (dir.), Handbook of child psychology (vol. 1): Theoretical models of human development, New York, John Wiley, 993-1028.
Dreer, B. et Gouasé, N. (2022). Interventions fostering well-being of schoolteachers: A review of research. Oxford Review of Education, 48(5), 587-605.
Huta, V. (2016). An overview of hedonic and eudaimonic well-being concepts. Dans L. Reinecke et M. B. Oliver (dir.), Handbook of media use and well-being (pp. 14-33). Routledge.
Papazian-Zohrabian, G. et Mamprin, C. (2020). L’école en temps de pandémie : comment favoriser le bien-être des élèves et des enseignants. https://fse.umontreal.ca/fileadmin/fse/documents/pdf/publications/Guide_pandemie_Final_1 6.09.2020.pdf
Ryan, R. M. et Deci, E. L. (2001). On happiness and human potentials: A review of research on hedonic and eudaimonic well-being. Annual review of psychology, 52(1), 141-166.
Voyer, P. et Boyer, R. (2001). Le bienêtre psychologique et ses concepts cousins, une analyse conceptuelle comparative. Santé mentale au Québec, 26(1), 274-296.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Depuis les années 2000, plusieurs directions et directions adjointes d’établissement (DÉ) ont pris leur retraite du Centre de services scolaire des Draveurs (CSSD) en Outaouais et dans l’ensemble du Québec (Gouvernement du Québec, 2008). Au CSSD, on observe qu’il y a de moins en moins de candidats dans la banque de futures DÉ, que la relève n’est pas suffisante pour pallier les départs et que des DÉ quittent après seulement quelques mois en fonction. Bien que de nouvelles DÉ en insertion professionnelle (IP) disent éprouver de la satisfaction sur le plan de l’accomplissement personnel, elles témoignent du fait que le rôle s’est grandement transformé et complexifié, réduisant considérablement le sentiment de bienêtre. Ces directions évoquent différents facteurs à la source de cet état de fait dont l’imputabilité accrue, le sentiment d’isolement, la lourdeur de la tâche, la pénurie de main-d’œuvre, les demandes croissantes des parents et la difficulté à concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Le soutien à la quête de l’équilibre de soi, tant au plan cognitif qu’au plan affectif, s’avère nécessaire afin de réduire les irritants énumérés et de favoriser une IP satisfaisante et axée sur le bienêtre (Pelletier, 2017). Quels dispositifs favorisant l’IP des DÉ existent-ils au Québec et quelles en sont les retombées? Après avoir rappelé l’existence des dispositifs mis en place pour favoriser l’IP des DÉ au Québec, cet article détaille celui déployé au sein du CSSD et ses retombées sur le bienêtre des nouvelles DÉ de cette organisation.
Au Québec, plusieurs dispositifs ont été mis en place afin de favoriser l’IP des nouvelles DÉ sous la responsabilité tantôt du gouvernement, des centres de services scolaires (CSS) et commissions scolaires (CS), des associations professionnelles, des universités et des DÉ elles-mêmes. Un dispositif d’IP est ici entendu comme un moyen visant à soutenir le développement professionnel de DÉ dans les premières années d’exercice de leur profession. Depuis 2001, le gouvernement introduit un premier dispositif en associant 30 crédits de deuxième cycle en administration scolaire ou dans un domaine connexe afin d’exercer la profession. À ce jour, différents dispositifs ont été déployés dans les CSS et CS pour soutenir le développement professionnel des DÉ dans un contexte de turbulence et de transformation des pratiques (Guay, Daoust, et Francoeur, 2023). Ainsi, certaines organisations privilégient, en tout ou en partie, les composantes suivantes : un accompagnement de proximité, un programme de mentorat, le coaching par une ressource externe, la formation continue (capsules d’information et formations) et le réseautage (Doré, Daoust, et Francoeur, 2023).
En guise de dispositif d’IP, le CSSD a choisi de s’appuyer sur les principes de l’organisation apprenante pour développer une culture réflexive et l’alignement organisationnel (Lessard, 2021). Concrètement, cela signifie que le dispositif intègre les pratiques collaboratives pour donner une cohésion au processus collectif. Il s’agit de soutenir le développement du leadership et d’élaborer une vision stratégique commune dans une culture bienveillante, collaborative, ouverte et apprenante (Guay et Gagnon, 2022). En adressant la perception du rôle et les présupposés chez la DÉ en IP, on cherche à transformer une spirale du pire en une spirale du meilleur (Morneau, 2012). Le dispositif est élaboré avec et pour les DÉ et est appelé à se transformer selon les besoins communs et individuels exprimés. Notons que l’IP est une priorité pour la direction générale et son équipe. Ainsi, une direction expérimentée (la directrice en accompagnement) est libérée de ses fonctions habituelles pour coordonner le dispositif et soutenir l’IP des nouvelles DÉ. De plus, elle participe à une communauté de pratiques provinciale afin d’échanger sur les pratiques d’IP adoptées au Québec. Au CSSD, le dispositif offert aux DÉ en IP comporte les cinq composantes suivantes :
Le dispositif est mis en œuvre dès qu’un membre du personnel évoque le souhait de devenir DÉ. Une première rencontre est organisée avec la direction en accompagnement et la direction générale afin de présenter l’IP et de répondre aux préoccupations des aspirants à la fonction de DÉ. Pour la direction en accompagnement, ce premier lien permet de préparer une transition harmonieuse d’un poste à l’autre et de répondre aux préoccupations individuelles. Dans les mots d’une direction en accompagnement :
Je vois une diminution du stress, une augmentation du sentiment de bienêtre et un équilibre tant recherché chez les DÉ en IP que j’accompagne. Parce que cela a été une question dès le début quand je parle de changement de posture : est-ce que ce travail se fait par du vrai monde? Oui, ça se fait par du vrai monde.
Un accompagnement personnalisé et différencié par la direction en accompagnement permet aux nouvelles DÉ d’échanger confidentiellement sur les enjeux qui les touchent. On y aborde leurs incertitudes et on cible des pistes de solution adaptées au contexte particulier. Pour une nouvelle DÉ participant au projet :
C’est un temps d’arrêt de nos journées folles pour discuter des points importants et des procédures. Ça permet de s’arrêter et de réfléchir par rapport à nous. Comment doit-on réagir? C’est vraiment rassurant. On est capable d’aller plus loin.
Le dispositif se poursuit sous forme de communautés de partage de pratiques (CoP) animées par la direction en accompagnement où sont abordées des problématiques complexes vécues dans les milieux. Dans cet espace, les nouvelles DÉ s’approprient leur rôle par le réseautage et l’apprentissage par les pairs. Lors de la première année de la mise en œuvre du dispositif, une première cohorte formée de 22 DÉ en IP a été créée ainsi qu’une cohorte de 10 DÉ expérimentées. La participation à une communauté de pratique est libre et volontaire et les participants y sont invités à adopter une posture apprenante et éthique. Du point de vue de la direction en accompagnement, le dispositif permet aux nouvelles DÉ, et à celles plus expérimentées, de s’approprier leurs rôles tout en favorisant leur bienêtre. Interrogée sur la question, elle indique à ce thème :
Je me suis rendue compte que celles qui ont été nommées dans les dernières années sont plus isolées que les nouvelles parce que le réseautage n’a pas été fait, parce qu’elles ont été nommées en pandémie ou pré-pandémie. L’isolement est un facteur important quand on regarde les tensions de rôle. On aborde comment vivre avec ces tensions de rôle, les reconnaitre et composer avec.
Au CSSD, sur une base annuelle, 16 formations ciblées et adaptées au contexte organisationnel sont offertes aux DÉ en IP. Coordonnées par la direction en accompagnement, elles portent sur une diversité de thèmes dont : la reddition de comptes, les encadrements légaux, les politiques ministérielles, le leadership pédagogique et la gestion des ressources. Les directions de services y présentent également les dossiers propres à leur secteur d’activités et les enjeux reliés à leur champ d’expertise. Un lien privilégié se développe entre les nouvelles DÉ et la direction en accompagnement. Pour cette dernière :
Il faut développer des compétences et des habiletés chez les DÉ en IP. Ne serait-ce que comment gérer des priorités, comment les définir, comment gérer des urgences, comment planifier une journée, quels outils peuvent être favorisants pour atteindre les buts fixés. Parce qu’elles sont capables de voir venir les choses, le dispositif permet d’agir sur le stress et améliore le bienêtre des DÉ en IP.
Enfin, six groupes de mentors ont été mis en place tant dans les écoles, les centres et les services. En plus de la direction en accompagnement, une recherche-action a été déployée, en collaboration avec l’Université du Québec en Outaouais, afin de soutenir la mise en œuvre des meilleures pratiques en IP. Il s’agit également d’une mesure de reconnaissance qui vise le bienêtre et qui prend appui sur l’expérience des DÉ. Pour une direction qui participe au dispositif en tant que mentor, exercer ce rôle lui permet de contribuer au sentiment de sécurité pendant l’entrée en fonction des nouvelles DÉ. Dans ses mots :
Il y a tant à apprendre, le stress et la pression sont omniprésents. Aussi, mon plus grand constat lorsque je suis passée de l’enseignement à la direction, c’est à quel point nous devenons soudainement isolées. En effet, les occasions d’échanger sans filtre se font beaucoup plus rares. Le mentorat permet de briser cet isolement et je ressens le bienêtre que cela procure à mes mentorées. Avec le temps, la proximité s’installe et je réalise que les aider me fait autant de bien qu’à elles. Pouvoir échanger et réfléchir avec elles, créer des liens, les rassurer, les encourager, rire et parfois même pleurer : quel privilège!
Le dispositif d’IP pour les DÉ du CSSD s’appuie sur les encadrements provinciaux et s’inspire des initiatives déployées dans plusieurs centres de services scolaires du Québec. Il se déploie par le biais de cinq composantes qui permettent de mettre en valeur l’expertise des acteurs, de favoriser le réseautage et le soutien aux nouvelles DÉ tout en tenant compte des contextes, de la disponibilité des ressources et de la complexité. Le dispositif a permis de doubler le nombre de candidats au bassin des DÉ dès la première année de sa mise en œuvre. Enfin, une nouvelle DÉ adjointe rapporte que le dispositif lui permet de réseauter, de partager ses expériences et d’apprendre. Pour elle, il améliore considérablement son bienêtre et l’appropriation de son rôle. Dans ses mots :
Dès le lendemain, je peux être proactive dans mon milieu au lieu de chercher à gauche et à droite et que ça prenne deux semaines. Dès le lendemain, je peux appliquer ce que j’ai appris.
Ainsi, le dispositif mis en place au CSSD permet d’améliorer l’IP et favorise le bienêtre des nouvelles DÉ. Un exemple concret pour inspirer d’autres CSS à soutenir l’IP des directions d’établissements dont l’apport est essentiel à la réussite des élèves.
Doré. E., Chevrier, J. et Guay, M-H. (2023). J’accompagne mon équipe-école… et qui m’accompagne? État des réflexions de la communauté émergente des directions en accompagnement sur leur contribution au développement professionnel des directions d’établissements du Québec. Congrès annuel ADGSQ.
Gouvernement du Québec (2008). La formation à la gestion d’un établissement d’enseignement : les orientations et les compétences professionnelles. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.
Guay, M-H. et Gagnon, B. (2022). Et les directions générales scolaires, comment les former à agir avec compétence et conscience au cœur de la complexité actuelle. Le Réseau EdCan, (consulté en ligne le 19 septembre 2022).
Guay. M.H., Daoust, F., et Francoeur, N. (2014). Illustration du rôle d’un intermédiaire en soutien au développement pédagogique et organisationnel au sein d’une commission scolaire. Communication présentée au Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ).
Lessard, C. (2021). Diriger un établissement scolaire : un leadership plus affirmé, mais multiforme, dans Progin, L., Letor, C., Étienne, R. et Pelletier, G. (dir.). Les directions d’établissement au cœur du changement, De Boeck supérieur, 11-18.
Morneau, D. (2012). Auto-évaluation par les gestionnaires de l’impact du codéveloppement sur l’acquisition de compétences en gestion. Thèse doctorale. Université de Sherbrooke.
Pelletier, G. (2017). Devenir dirigeant en éducation : défis d’identité, défis de savoirs d’action. Enseignement et recherche en administration de l’éducation, 1(1), 31- 48.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Au nom de l’Ontario Principals’ Council
La majorité des initiatives en éducation commencent par l’introduction d’un nouveau mot. Il suffit de penser à « bien-être » ou « bienêtre », à « équité » ou à « réconciliation ». Chaque terme est un phare qui illumine de nouvelles couches de complexité en éducation, révèle d’autres besoins des élèves ou exigences du système, motive des objectifs plus porteurs et ouvre la voie à de meilleures pratiques d’enseignement et de leadership.
Or, à mesure que chaque mot est incorporé au jargon quotidien de l’éducation, sa lueur particulière commence à faiblir. Son pouvoir et son potentiel d’innovation pâlissent. Les termes qui incitaient auparavant les membres de la communauté éducative à élargir la portée et la profondeur de leur réflexion pédagogique sont utilisés si fréquemment – et parfois si nonchalamment – qu’ils perdent de leur sens. Ironiquement, les mots supposés attirer notre attention, susciter un sentiment d’urgence ou nous sensibiliser à la complexité de l’expérience humaine risquent souvent de devenir un nouveau mot à la mode parmi tant d’autres.
Le mot « traumatisme1 » fait incontestablement partie de ces mots. Ayant fait son apparition dans le milieu de l’éducation il y a moins de vingt ans, ce terme – de même que les expressions composées qui en découlent – est maintenant entré dans la langue courante. Dans le contexte de la pandémie, l’idée que les écoles, loin d’être uniquement des lieux d’apprentissage, devraient aussi être des lieux de « guérison », a gagné en popularité dans le milieu.
Mais où en sommes-nous lorsqu’il s’agit de venir réellement en aide aux élèves ayant vécu des traumatismes? Où se situent les membres du personnel scolaire par rapport à leur compréhension des traumatismes et à leur capacité d’aborder les complications fréquentes des traumatismes en classe? L’Ontario Principals’ Council (OPC) a récemment mené un sondage en ligne et une étude qualitative auprès de directions d’école de la province pour mieux comprendre cette question. En tout, 652 personnes (directions et directions adjointes) représentant des écoles élémentaires et secondaires de 25 conseils scolaires publics de langue anglaise des quatre coins de la province y ont répondu. Le rapport complet (disponible seulement en anglais) peut être consulté à l’adresse
www.principals.ca/RPR.
On a d’abord demandé aux directions d’école d’estimer le pourcentage d’élèves touchés par des traumatismes dans leurs écoles, avant et après la pandémie. Près du tiers estimaient que 10 % ou moins de leurs élèves avaient vécu des traumatismes avant la pandémie. Toutefois, ce taux augmentait de manière significative lorsqu’on leur demandait de tenir compte du contexte pandémique. Près du quart des personnes participantes croyait que de 20 à 30 % de leurs élèves avaient vécu un traumatisme. Le nombre de directions d’école qui croyaient que de 30 à 50 % de leurs élèves avaient vécu un traumatisme doublait avec le contexte pandémique.
Lorsqu’on leur demandait d’évaluer, sur une échelle de 1 à 10 (où 1 correspond à une incidence faible et 10 à une incidence élevée), l’incidence négative des traumatismes sur le rendement scolaire, les personnes participantes étaient majoritairement d’avis que les traumatismes nuisaient aux résultats et influençaient le comportement et d’autres éléments comme l’assiduité et l’attitude générale face à l’école (voir la figure 1). Ainsi, plus du quart des directions d’école ont évalué l’incidence des traumatismes sur les résultats scolaires à 10/10. Plus du tiers ont évalué l’incidence des traumatismes sur le comportement à 10/10, et plus du quart ont évalué l’incidence des traumatismes sur l’assiduité ou l’attitude générale à 10/10.
Figure 1 : Globalement, quelle est selon vous l’incidence des traumatismes sur les résultats scolaires, le comportement et d’autres éléments comme l’assiduité et l’attitude des élèves face à l’école?
Vu la prévalence des traumatismes, les directions d’école ont indiqué qu’une portion importante du temps d’enseignement est consacrée à la gestion des problèmes découlant des traumatismes des élèves. Par exemple, la moitié des personnes répondantes ont estimé que leur personnel consacrait de 10 à 30 % de son temps d’enseignement à régler ce type de problèmes. Et une personne sur dix estimait que de 40 à 60 % du temps d’enseignement était consacré à ces problèmes.
Les traumatismes des élèves ont aussi une incidence sur les membres du personnel scolaire. Par exemple, sur une échelle de 1 à 10 (où 1 correspond à une incidence faible et 10 à une incidence élevée), 80 % des directions d’école ont évalué à 7/10 ou plus l’incidence négative sur leur bienêtre de la gestion des problèmes découlant des traumatismes. Le tiers des personnes répondantes a évalué l’incidence à 9/10 ou plus. Les directions d’école ont également indiqué avoir ressenti l’incidence de la gestion des traumatismes des élèves sur leur propre bienêtre. Près des trois quarts des personnes participantes ont évalué cette incidence à 7/10 ou plus. Et près d’une personne sur cinq l’a évaluée à 10/10 (voir la figure 2).
Figure 2 : Dans quelle mesure la gestion des traumatismes des élèves a-t-elle une incidence négative sur le bienêtre de votre personnel ou sur votre propre bien-être?
Préoccupés par la prévalence des traumatismes chez les élèves et par leur incidence sur les résultats scolaires, les directions d’école étaient fortement en faveur de l’adoption d’une approche sensible aux traumatismes dans le milieu de l’éducation, plus de la moitié évaluant cette nécessité à 10/10, tandis que près de 85 % la chiffrent à 8/10 ou plus.
Les directions d’école avaient toutefois tendance à évaluer la capacité actuelle de leur établissement à soutenir les élèves victimes de traumatismes comme « modérée ». Sur une échelle de 1 à 10, où 1 correspondait à « faible » et 10 à « excellente », près d’une personne sur dix a accordé une note égale ou inférieure à 2. Moins de 2 % des personnes répondantes ont accordé le score de 9/10 ou plus. Un peu plus de la moitié a évalué la capacité de leur établissement à 5/10 ou moins.
Vu leur difficulté à répondre efficacement aux traumatismes des élèves, on a demandé aux directions d’école d’indiquer quels étaient les obstacles auxquels se heurtait le personnel dans la mise en œuvre efficace d’une approche tenant compte des traumatismes.
L’obstacle le plus courant, cité par 86 % des personnes répondantes, était le stress et l’épuisement du personnel scolaire, suivi de près par le manque de formation, le manque de temps et la pression liée au curriculum (voir la figure 3).
Figure 3 : Y a-t-il des éléments qui nuisent à la capacité de votre personnel à adopter une approche sensible aux traumatismes? (Vous pouvez cocher plus d’une réponse.)
Les directions d’école ont également été confrontées à des obstacles importants dans la mise en œuvre d’une approche sensible aux traumatismes. L’obstacle le plus fréquemment cité (par les trois quarts des personnes répondantes) était les exigences simultanées des autres tâches administratives. Les deux tiers des directions d’école ont cité le stress et l’épuisement professionnel, suivi de près par le manque de temps. Et la moitié ont mentionné le manque de formation, suivi du manque de soutien par le système.
Les entrevues ont clairement démontré que les directions d’école et leur personnel considèrent les traumatismes des élèves comme une priorité. Toutefois, il est aussi évident que la majorité des membres du personnel scolaire peinent à réagir efficacement aux traumatismes. Elles et ils veulent s’améliorer, mais sont déjà épuisés par les demandes existantes et accablés à l’idée d’assumer plus de responsabilités, particulièrement pour quelque chose qu’elles et ils estiment souvent hors de leur champ d’expertise.
Parfois, lorsqu’il y a beaucoup de problèmes liés aux traumatismes, aux comportements des élèves, à l’anxiété et au stress du personnel, cela met beaucoup de pression sur l’administration. Je commence à ressentir de l’épuisement, tout comme mes collègues à qui je parle de la situation.
J’ai de plus en plus de difficulté à démontrer le niveau d’empathie et de patience que je trouve nécessaire auprès du personnel et des élèves. J’en ai « assez » si on peut dire. Cette fatigue accablante a une grande incidence sur le niveau de résilience dont je peux faire preuve, à la fin de la semaine, pour résoudre efficacement les problèmes. J’essaie de gérer les effets cumulatifs des traumatismes – comme un grand nombre de mes collègues. Pour être honnête, il y a trop de choses qui entrent en jeu dans notre rôle de leader. Nous ne sommes PAS des spécialistes de la santé et des traumatismes, et le conseil scolaire n’a pas non plus de connaissances à ce sujet. Les membres ignorent comment soutenir les personnes en première ligne. Les écoles battent de l’aile, et le moral aussi. Laissez-nous faire notre travail à l’abri de toutes ces autres exigences imprévues qui touchent les écoles! Je suis extrêmement sensible au lien entre les traumatismes (ou les traumatismes perçus) et le comportement des élèves. J’ai conscience que mon expertise dans l’identification des traumatismes et la gestion des comportements qui en découlent est limitée au quotidien. Or, en tentant de répondre chaque jour aux besoins des élèves, nous avons tissé, nous les membres du personnel, des liens solides dans notre établissement. |
Les traumatismes des enfants sont avant tout une violation fondamentale de la sécurité de leurs relations avec des adultes. Par conséquent, la sécurité peut uniquement être restaurée par les relations avec les adultes. Malgré tout, bien que la guérison doive se faire par les adultes, elle est rarement facile ou évidente, surtout en classe.
Il est souvent éprouvant de venir en aide aux élèves ayant vécu des traumatismes. L’expérience de chaque élève est unique et les traumatismes peuvent les toucher de manières différentes et complexes. Certains peuvent présenter des comportements d’opposition, tandis que d’autres seront trop obéissants ou feront complètement preuve de manque d’intérêt. Les élèves ont souvent besoin de beaucoup de temps et de soutien, les progrès sont lents et les solutions sont le fruit d’essais-erreurs. Il faut tester les limites, tant personnelles que systémiques, remettre en question ses croyances fondamentales et s’attendre à ce que ses émotions personnelles soient chamboulées.
Les membres du personnel scolaire ont un rôle important à jouer pour aider les élèves à surmonter les répercussions des traumatismes. Mais pour tenir efficacement compte des traumatismes, il faut plus que simplement ajouter des approches sensibles aux traumatismes à leur charge de travail. Si cela implique l’adoption d’outils pratiques en classe, il faut aussi élargir la notion de bienêtre pour tenir compte des multiples sources de pression avec lesquelles elles et ils doivent déjà composer. Il faut mettre en place des changements systémiques pour alléger quelque peu la pression et renforcer les structures organisationnelles afin de favoriser le bienêtre du personnel scolaire. Cela comprend la création d’environnements de travail où elles et ils se sentent à l’aise de se montrer vulnérables et de parler de leurs réussites et de leurs échecs à l’abri du jugement. Il faut arrêter de simplement rappeler à ces personnes de prendre soin d’elles et prendre des engagements organisationnels en faveur du soutien mutuel. Il faut s’assurer que le personnel ne se sente pas isolé en classe. Mais surtout, il faut se rappeler que de toutes les « stratégies » d’enseignement, celle qui importe le plus est de s’assurer que les membres du personnel ont ce dont ils ont besoin pour faire leur travail.
[1] Traumatisme : Un traumatisme psychique est une réaction émotive persistante qui fait souvent suite à un évènement extrêmement éprouvant de la vie. Le fait de vivre un évènement traumatisant peut compromettre le sentiment de sécurité et le sentiment d’identité ainsi que la capacité à réguler les émotions et à s’orienter dans ses rapports avec les autres. Longtemps après avoir vécu un évènement traumatisant, la personne ressent fréquemment une peur intense accompagnée d’un sentiment de honte ou d’impuissance. (The Centre for Addiction and Mental Health)
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Dans le cadre de son plan stratégique 2019-2023, le Conseil scolaire acadien provincial (CSAP) a arrêté son choix sur cinq priorités stratégiques favorisant entre autres la réussite éducative et le bienêtre de tous ses élèves, tant au niveau physique que mental. Comme c’est le cas de la priorité du recrutement et de la rétention, la consultation et les données recueillies dans notre communauté scolaire nous ont incités à cibler autant le personnel que les élèves. C’est donc en pleine pandémie que nous avons amorcé cette démarche visant à développer une stratégie de santé et de bienêtre à l’intention de tous les membres du personnel.
Ayant peu de données pour bien comprendre les forces et les enjeux rencontrés par nos employés, nous avons embauché la firme Descormiers et Associés qui a sondé, en janvier 2021, l’ensemble du personnel. Ce sondage a permis de constater que dans l’ensemble, le taux de satisfaction des employés était assez élevé, même s’il pouvait fluctuer d’un lieu de travail à un autre et d’un groupe d’employés à un autre.
À la suite d’une première analyse des données, nous avons posé trois gestes importants qui ont lancé le signal que des changements concrets prenaient place. Le premier fut de fournir un budget à chacune des écoles et des bureaux pour permettre à tous les groupes d’employés de cerner eux-mêmes leurs besoins prioritaires. Ce budget vise à encourager l’innovation et l’engagement de tous envers leur bienêtre.
Ensuite, comme le personnel de quelques écoles montrait un peu plus de mécontentement dans le sondage, un appui soutenu d’une coach certifiée a été fourni à l’administration scolaire de ces écoles par l’entremise de l’embauche de la professeure Mireille Demers, Ph.D., de l’Université de Moncton. Tout indique que cette approche individualisée est utile dans des contextes bien précis; nous continuons par conséquent à offrir ses services au besoin.
Comme troisième mesure importante prise à la suite à l’analyse préliminaire des résultats, nous avons recherché une expertise externe pouvant nous accompagner dans l’analyse des besoins et dans le développement d’une stratégie qui ciblerait bien les besoins de notre organisation. C’est ainsi qu’après des recherches soutenues, nous avons été en contact avec les responsables du Réseau ÉdCan. Après plusieurs échanges, nous sommes devenus le premier client francophone de l’initiative Bien dans mon travail du Réseau ÉdCan. D’ailleurs, nous avons pu compter sur l’expertise de Mme Manon Séguin, ancienne surintendante de la commission scolaire catholique d’Ottawa.
Dès janvier 2022, Mme Séguin et toute l’équipe de l’initiative Bien dans mon travail du Réseau ÉdCan ont pris connaissance des données du sondage administré un an plus tôt, en plus d’autres documents mis à leur disposition. Elle a pu rencontrer l’équipe de gestion du CSAP ainsi que certains de ses membres individuellement, dont la nouvelle direction générale. Elle a ensuite rencontré plusieurs groupes d’employés représentant les enseignants et le personnel d’appui dans le cadre de trois rencontres distinctes et documentées. Toutes ces informations ont permis de produire le rapport intitulé « Bien-être en milieu de travail – rapport de base et recommandations », préparé par Manon Séguin en avril 2022 précisant trois points forts à développer et cinq points à améliorer. Tout ceci fait partie de la nouvelle stratégie de santé et bien-être du personnel 2023-2026 du CSAP.
En août 2022, nous avons commencé l’année scolaire avec la présentation de ce rapport à toutes les directions de secteurs, des coordonnateurs, des directions ainsi que des directions adjointes des écoles du CSAP. Par la suite, c’est tout le personnel du CSAP et les membres du conseil élu qui ont pu participer à une présentation du rapport. Tous ont eu la chance de faire part de leurs commentaires. Ces rétroactions ont aussi été considérées lors de la rédaction de la stratégie. De plus, tel que recommandé dans le rapport de Mme Séguin et du Réseau ÉdCan, nous avons revu la composition du comité directeur de l’initiative santé et bienêtre du personnel pour qu’elle représente chaque groupe d’employés. Un horaire des rencontres personnel-employeur pour tous nos groupes d’employés syndiqués et non-syndiqués a été établi, car il n’y a rien de plus important que d’établir des mécanismes qui favorisent une communication bidirectionnelle. D’ailleurs, selon Seth Godin, entrepreneur américain, ancien responsable marketing de Yahoo, « Le leadership consiste à donner aux gens un espace pour diffuser des idées qui fonctionnent ».
La stratégie santé et bienêtre du personnel 2023-2026 met en avant certains principes directeurs. Tout d’abord, l’engagement envers le respect et la reconnaissance de l’identité culturelle, linguistique et des systèmes de connaissances de chaque membre du personnel est primordial. Comme indiqué dans le paragraphe précédent, la stratégie du bienêtre au travail valorise la voix des employés eux-mêmes, ainsi que leurs choix, car nous souhaitons les aider à atteindre leurs objectifs de développement professionnel.
Il est essentiel que chaque membre du personnel se sente apprécié et accueilli au sein de son équipe et que tous les aspects de leur expérience quotidienne soient pris en compte. Dans cette optique, le CSAP privilégie un environnement de travail inclusif qui réunit des groupes d’employés au sein d’une même communauté scolaire, tout en étant flexible pour répondre aux aspirations et aux besoins individuels de chacun. À cet égard, les nouveaux employés participent à une séance d’insertion professionnelle présentement offerte annuellement au mois d’août. Aussi, les nouveaux enseignants peuvent compter sur l’appui individualisé de consultants pendant leur première année d’enseignement. Selon les besoins, ils pourront aussi avoir une journée de jumelage avec un collègue ou un consultant pour les aider à approfondir certaines approches sur le plan de la gestion de classe ou de l’enseignement. En ce qui concerne l’accueil et le climat dans nos écoles, le personnel reçoit une formation dans le domaine de la pédagogique sensible à la culture et la langue (PSCL). Il est important d’offrir cette formation à nos employés car, en plus d’avoir un effet direct sur les élèves, cette approche relationnelle préconise des relations saines et empathiques entre tous les membres du personnel par le biais d’une validation et d’une affirmation d’autrui.
Un milieu de travail inclusif doit aussi passer par l’utilisation de données objectives pour définir un système de dispositifs de soutien et pour évaluer son efficacité. En utilisant des informations concrètes, le CSAP peut mettre en place des mesures adaptées et évaluer les impacts sur la santé et le bienêtre du personnel.
Nous sommes présentement en train de jeter les bases du nouveau plan stratégique qui s’échelonnera sur une période de sept ans. Les quatre principaux axes de ce dernier sont la mise en place de pratiques pédagogiques fondées sur des données probantes, la construction identitaire et pédagogique sensible à la culture et à la langue, le leadership pédagogique et efficace et le bienêtre et la santé pour un milieu sain et sécuritaire. Nous aurons donc la chance de mettre en œuvre notre nouvelle stratégie en santé et bienêtre puis de faire une évaluation et des recommandations pour une version 2.0 avant la fin de la mise en œuvre de ce nouveau plan.
*Cliquez pour agrandir les images.
Et, pour les trois prochaines années, nous allons concentrer nos efforts en fonction des cinq priorités suivantes :
En conclusion, le CSAP reconnaît l’importance cruciale du bien-être physique et de la santé mentale de tous les membres de son personnel. Ce ne sont pas nos belles écoles, nos livres et les formations offertes à notre personnel qui ont le plus d’effets auprès de nos enfants et de nos jeunes, mais bien la passion de tous ces employés qui, jour après jour, changent positivement la vie de nos élèves. Il importe également de reconnaitre ceux et celles qui sont au service de ces employés, pour qu’ils puissent, quotidiennement, offrir la meilleure éducation possible à tous nos élèves. C’est d’ailleurs ce que souligne le rapport « Bien-être en milieu de travail – rapport de base et recommandation ». Le CSAP, c’est plus qu’un emploi, c’est une mission que l’on se donne d’enrichir nos communautés acadiennes/francophones, un enfant à la fois. C’est cette fierté de travailler qui repose sur un désir sincère d’avoir le bienêtre de nos employés comme priorité. Il est plus facile de faire face aux défis quotidiens si nous pouvons favoriser de bonnes relations de travail. C’est avec assurance et sur ces bases solides que nous comptons offrir ensemble au CSAP une vision vers 2030.
François Rouleau, Direction régionale – regroupement Nord, CSAP, vous expliquera comment le CSAP a intégré le bienêtre du personnel dans son plan stratégique et vous fera part de certaines des mesures qu’il a prises pour soutenir le bienêtre du personnel.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Les personnes enseignantes suppléantes jouent un rôle vital dans le système éducatif puisqu’elles sont employées afin de pallier l’absence des personnes enseignantes régulières pour des raisons d’activités de formation ou d’administration, de maladie ou encore d’urgence familiale (Liu et al., 2022). Leur nombre a fortement augmenté au cours des dernières années en raison de la pénurie d’enseignants et d’un taux d’absentéisme élevé. Si le manque de personnes enseignantes a été signalé dans plusieurs régions du Canada, en mai 2023, la vérificatrice générale du Québec s’est alarmée pour sa part de la proportion importante et croissante de ce personnel suppléant puisque les élèves passent désormais une partie non négligeable de leur parcours scolaire à ses côtés. Le personnel suppléant constitue alors une clé dans l’éducation, mais ces personnes aux profils multiples sont souvent confrontées à des difficultés particulières en raison de leur statut.
Les personnes enseignantes suppléantes se différencient en fonction de plusieurs éléments. En premier lieu, la notion d’obligation ou de choix les distingue; alors que certaines personnes subissent ce statut précaire dans l’attente d’un poste permanent, d’autres privilégient la variabilité des contextes de travail et l’absence de routines. Elles peuvent apprécier, d’une certaine manière, une charge de travail de préparation pédagogique qui se révélerait moindre lorsque les suppléances sont de courtes durées. Ensuite, les personnes enseignantes suppléantes se distinguent du personnel régulier en fonction de l’hétérogénéité de leur profil de qualification qui s’étend d’un diplôme d’études secondaires jusqu’à un doctorat, en passant par un baccalauréat en éducation avec accréditation. Cette multitude de profils peut avoir des retombées sur les motivations des personnes enseignantes suppléantes d’intégrer le système éducatif. En effet, il peut s’agir de personnes diplômées et certifiées en éducation qui attendent d’obtenir un contrat de titulaire; de personnes étudiantes en cours de formation en éducation qui souhaitent financer leurs études et acquérir de l’expérience; de personnes retraitées provenant du système éducatif ou d’autres domaines qui désirent arrondir leurs fins de mois; de personnes en questionnement professionnel qui veulent tenter le milieu de l’enseignement avant d’entamer des études dans le domaine de l’éducation ou, encore, par nécessité financière au cours d’une période de transition professionnelle.
Au-delà de la diversité des profils et des contextes, les personnes enseignantes suppléantes peuvent vivre des expériences sensiblement similaires. Toutefois, les personnes universitaires du domaine de l’éducation, qu’elles soient canadiennes ou issues d’autres pays, se sont peu intéressées aux situations vécues par les personnes enseignantes suppléantes et à leurs conséquences sur leur bienêtre au travail. En revanche, Reupert et ses collègues (2023) ont réalisé une revue systématique de l’expérience de cette catégorie de personnel. Les enjeux peuvent former trois ensembles de vécus : au sein de la profession enseignante, en salle de classe et en tant que membre de la communauté scolaire.
Sans grande surprise, le statut de personne enseignante suppléante est synonyme de précarité, car les suppléances sont proposées à l’improviste et varient de quelques heures à plusieurs mois. Les personnes enseignantes suppléantes peuvent accepter ou refuser une proposition de suppléance en fonction de critères comme la distance de leur domicile, la réputation de l’école, la matière à enseigner, les dates et la durée. Néanmoins, les personnes enseignantes suppléantes qui ont pour objectif d’obtenir de plus longues suppléances ou des contrats de permanence ne peuvent dire non à une proposition même si celle-ci ne leur convient pas, de peur de se voir refuser dans le futur d’autres occasions de suppléances. Puisque leur avancement professionnel se joue, on peut constater facilement combien cette situation peut devenir difficile à supporter et nuire directement à leur bienêtre.
Les problèmes recensés par les personnes enseignantes suppléantes sont généralement la gestion du comportement des élèves, la difficulté à développer des relations avec les élèves et les difficultés à mener à bien le programme d’enseignement prévu. Ainsi, les personnes enseignantes suppléantes se sentiraient moins respectées par les élèves que leurs collègues titulaires et cela contribuerait à exacerber leurs difficultés à gérer les comportements. En d’autres mots, moins le personnel suppléant se sent à l’aise, moins il inspire le respect chez les élèves qui parfois en profitent pour dévier des directives ou tout simplement pour semer le chaos. Néanmoins, cela se révèle moins vrai pour les personnes enseignantes suppléantes expérimentées qui afficheraient une meilleure confiance en elles, exprimeraient plus d’ouverture au changement et adapteraient leur pédagogie en fonction du contexte.
En raison de la nature temporaire de leur travail, les personnes enseignantes suppléantes se sentiraient marginalisées et déconnectées de la communauté éducative. Les interactions sont peu nombreuses avec les membres réguliers. De par leur statut, elles sont généralement exclues des stratégies pédagogiques et du déroulement du programme. Ainsi leur point de vue est ignoré, ce qui crée une distinction marquée entre permanents et suppléants quant au processus décisionnel. Dans le cas où leur avis serait pris en compte, il n’est pas dans l’intérêt des personnes enseignantes suppléantes de remettre en question les pratiques au sein de l’établissement scolaire afin de ne pas mettre à risque leurs possibilités d’emploi. À cela s’ajoute que les personnes enseignantes suppléantes ont moins accès aux ressources pédagogiques. Les possibilités de formation sont rares hormis si elles se trouvent dans une école au moment d’une activité de développement professionnel.
Ces expériences souvent négatives rapportées varient en fonction des individus et des contextes et ne sont pas généralisables à l’ensemble des personnes enseignantes suppléantes. Toutefois, celles-ci font face à des difficultés particulières puisque la précarité professionnelle, qui se traduit par une absence de contrôle sur leur emploi du temps, une difficulté à se projeter dans l’avenir et un équilibre très précaire entre la sphère professionnelle et personnelle, les amène à vivre du stress et de l’anxiété et affecte leur bienêtre au travail (Mercieca, 2017). Le fait d’être moins respecté par les élèves combiné à la situation de marginalisation au sein de l’école aurait également un effet négatif sur l’expérience de travail, car elles peuvent se percevoir comme des travailleurs de seconde classe. Le bienêtre au travail du personnel suppléant, comme du personnel régulier, est primordial puisqu’il est lié à celui des élèves (Harding et al., 2019) et, par extension, à leur réussite éducative (Kaya et Erdem, 2021). Cependant, malgré l’importance des personnes enseignantes suppléantes, peu d’études ont été réalisées au sujet de leur bienêtre. C’est sur ces prémisses et dans une perspective postpandémique que les auteurs se sont engagés dans une recherche d’envergure visant à étudier le vécu et le bienêtre au travail d’une population de personnes enseignantes suppléantes. Dans un premier temps, cette étude est prévue au Nouveau-Brunswick francophone et dans un deuxième temps, ils étendront leurs travaux à d’autres provinces canadiennes.
Harding, S., Morris, R., Gunnell, D., Ford, T., Hollingworth, W., Tilling, K., Evans, R., Bell, S., Grey, J., Brockman, R., Campbell, R., Araya, R., Murphy, S. et Kidger, J. (2019). Is teachers’ mental health and wellbeing associated with students’ mental health and wellbeing? Journal of Affective Disorders, 242, 180–187. doi.org/10.1016/j.jad.2018.08.080
Kaya, M. et Erdem, C. (2021). Students’ well-being and academic achievement: A meta-analysis study. Child Indicators Research, 14(5), 1743-1767. doi.org/10.1007/s12187-021-09821-4
Liu, J., Loeb, S. et Shi, Y. (2022). More than shortages: The unequal distribution of substitute teaching. Education, Finance and Policy, 17(2), 285–308. doi.org/10.1162/edfp_a_00329
Mercieca, B. (2017). What are we doing to our early career teachers? The issue of the casualisation of the teaching workforce. Australian Educational Leader, 39(1), 38–41. doi.org/10.3316/ielapa.774999617302248
Reupert, A., Sullivan, A., Tippett, N., White, S., Woodcock, S., Chen, L. et Simons, M. (2023). An Exploration of the Experiences of Substitute Teachers: A Systematic Review. Review of Educational Research, XX(X). doi.org/10.310 2/00346543221149418
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Très cher coronavirus,
Je parie que toi-même tu t’étonnes de tous les chambardements que tu as causés, et que tu causes encore, dans les systèmes d’éducation du monde entier.
Ton estime personnelle doit se trouver à son sommet considérant la prolifération de nouvelles politiques de santé publique, les consignes sanitaires, les commandes de matériel de prévention et tout le brouhaha de la vaccination des élèves, du personnel scolaire, des parents.
Lorsque tu t’es manifesté, aurais-tu pensé, ne serait-ce qu’un instant, que tu aurais autant de répercussions? Au Canada, tu t’es propagé à un moment où l’école était déjà ébranlée par un manque de motivation notable des élèves, par un personnel scolaire fatigué, par des départs à la retraite en masse. Des pénuries de suppléants se pointaient déjà à l’horizon, allant parfois jusqu’à annuler les si précieuses journées de formation pour un personnel appelé à composer avec des besoins qui se complexifiaient de jour en jour. Et toi, COVID-19, tu as choisi ce moment-là pour t’installer!
Jamais avions-nous assisté à une telle créativité lexicale avec un nouvel arrivant : couvre-visage, coude-à-coude, écouvillons, immunité collective, délestage, asymptomatique, cas confirmés par liens épidémiologiques, comorbidité et combien d’autres encore. Le domaine scolaire a hérité de sa bonne part de néologismes d’occasion : contagiosité, distanciation, groupes-bulles, auto-isolement, doses de rappel, apprentissage en mode synchrone et asynchrone, en présentiel, partage d’écran, salle virtuelle, cotravail à domicile…
Ce numéro d’avril montre que malgré cet éboulis de nouveaux termes auxquels les jeunes ont été exposés, les élèves les plus faibles au primaire accuseraient vraisemblablement d’importants retards en lecture, tandis que les plus forts ne se seraient pas trop laissés ébranler par tes humeurs pandémiques (Côté, Haeck, Larose et coll.), (p. 18).
Dans le domaine de l’évaluation, la recherche déplore le manque de données prépandémiques pour donner plus de validité à leurs études. Tout un paradoxe, car la période prépandémique souffrait selon certains d’un surplus d’évaluations! Qu’évaluait-on au juste pour que maintenant, il nous manque des données pour se comparer à avant?
Deslandes Martineau, Charland et coll. (p. 32) ont recueilli les perceptions du personnel scolaire quant aux effets que tu as eus sur les élèves. Verdict général : ta propagation aurait eu plus d’effets sur les compétences disciplinaires (math, français, sciences…) au primaire et davantage d’effets sur les habiletés scolaires (attention, organisation, résolution de problèmes) au secondaire.
Les élèves francophones auraient subi de façon mitigée les effets de ton invasion. (p. 10). Il est connu qu’en contexte minoritaire francophone au pays, l’école joue souvent le rôle compensatoire pour l’absence de services, de possibilités et de modèles langagiers en langue française. Selon Dalley, en fermant les écoles à répétition au point d’en altérer les systèmes de soutien nécessaires au perfectionnement d’une langue, tu aurais, entre autres, marqué des points contre l’apprentissage du français.
Et que dire des ravages que tu as faits sur le personnel enseignant? Trudel et Sokal (p. 14) les décline en cinq catégories allant de la mobilisation à l’inefficacité. Vraiment, COVID-19, tu aurais pu passer ton chemin.
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
Ces quelques dernières années, plus de 90 % des élèves du monde entier ont subi les contrecoups des fermetures d’écoles engendrées par la pandémie de COVID-19. Cette situation, qui a créé une crise mondiale en éducation, nous rappelle à quelle vitesse les droits acquis peuvent être supprimés. Pour répondre à cette situation et pour aider les pays à atteindre les enfants et les jeunes vulnérables, l’UNESCO, l’agence des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, a lancé la Coalition mondiale pour l’éducation.
Au Canada, ces trois dernières années, les fermetures d’écoles ont touché quelque 5,7 millions d’élèves du primaire et du secondaire. Selon Statistique Canada, cette situation a eu d’importantes conséquences sur le succès scolaire, la santé mentale et physique, et le statut socioéconomique des enfants. Du point de vue de l’inclusion et de la diversité, la COVID-19 a été particulièrement dommageable dans certaines populations surreprésentées parmi les groupes vulnérables.
La Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) a réagi en réunissant des ressources éducatives en ligne gratuites et accessibles pour les partager avec les enseignantes et enseignants, les élèves et les parents de partout au pays. La CCUNESCO a aussi collaboré avec le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) pour appuyer le travail de collecte de données de l’UNESCO sur les conséquences de la pandémie sur l’éducation. Enfin, la CCUNESCO a récemment créé un groupe de travail où des expertes et des experts discutent des multiples répercussions de la pandémie dans les provinces et territoires.
Comme la plupart le savent, au Canada, l’éducation est une compétence provinciale et territoriale. Il est donc de la plus haute importance que nous discutions ensemble des leçons apprises et des occasions saisies durant la pandémie. Les innovations appliquées dans une région doivent être diffusées et soulignées à l’échelle du pays. Il importe aussi de discuter des difficultés persistantes rencontrées. Nous espérons poursuivre les échanges et la collaboration avec toutes les parties prenantes du milieu de l’éducation canadien. Nous devons travailler ensemble pour créer un avenir inclusif, accessible et durable pour l’éducation.
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
French:
EFFETS DE LA COVID-19 EN ÉDUCATION
Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sont importantes dans le milieu de l’éducation. À l’échelle internationale, plus de 1,6 milliard d’enfants et de jeunes, soit 91,3 % de la population d’âge scolaire du monde, ont vu leur école fermer, et ce, dans 188 pays. Un bon nombre de systèmes scolaires, d’enseignant(e)s et de parents se sont retrouvés dans cette situation sans la planification ou les technologies nécessaires pour que tout se passe bien.
Pour répondre à cette situation, l’UNESCO a lancé la Coalition mondiale pour l’éducation afin d’aider les pays à rejoindre les enfants et les jeunes vulnérables. Elle assure aussi le suivi des fermetures d’écoles, met au point des solutions d’apprentissage à distance et des recommandations et offre d’autres formes de soutien.
Au Canada, la Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) a lancé un groupe de travail d’experts pour explorer les divers impacts de la pandémie par province et territoire. Cette édition spéciale explore ce que nous avons appris jusqu’à présent, trois ans après la déclaration d’une pandémie.
Dans ces circonstances, les actions professionnelles administratives et pédagogiques conscientes – le savoir agir- que ce soit pour assurer un leadeurship réfléchi et stimulant susceptible de rendre plus attrayant le choix d’étudier ou d’enseigner dans les écoles de langue française ou le bienêtre et l’épanouissement de tous les élèves et du personnel scolaire sont plus déterminantes que jamais.
Il est aujourd’hui de plus en plus connu que les fermetures d’écoles survenues à partir du printemps 2020 en raison de la pandémie de COVID-19 ont eu et continuent d’avoir des effets importants sur les milieux scolaires et toutes les personnes qui en font partie. L’UNESCO (2022) estime que plus d’un milliard et demi de jeunes ont été affectés par la crise de l’éducation liée à la COVID-19. Cette crise aurait fragilisé encore davantage des systèmes d’éducation déjà vulnérables, entre autres en raison des pénuries de personnel, de la qualité non optimale de l’enseignement-apprentissage, ou encore d’inégalités liées au genre, à l’origine ethnique, à la langue, au statut socioéconomique ou à des handicaps, notamment (UNICEF, 2015). Bien que l’on commence à prendre la mesure des effets de cette crise, davantage de recherche et de données de terrain sont nécessaires afin de mieux les comprendre et pour mieux guider les efforts de reconstruction (Donnelly et Patrinos, 2022).
Notre étude
L’objectif général de notre étude, menée par la Chaire UNESCO de développement curriculaire (CUDC) en partenariat avec le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ), est de mieux comprendre les effets de la crise de la COVID-19 sur les milieux scolaires au Québec. Plus spécifiquement, le projet vise à décrire l’incidence de la COVID-19 sur : 1) l’organisation et les établissements scolaires; 2) les élèves; et 3) le personnel enseignant. Dans le cadre du présent article, nous nous concentrerons sur les perceptions du personnel enseignant des effets négatifs de la COVID-19 sur leurs élèves.
D’où proviennent nos données?
Notre étude, de nature mixte, a été menée en deux temps auprès du personnel enseignant du primaire et du secondaire de trois centres de services scolaires (CSS), afin de mesurer l’évolution des effets de la COVID-19 sur différentes dimensions. Près de 500 enseignantes et enseignants ont répondu à un questionnaire en ligne à l’automne 2020, et près de 350 l’ont fait au printemps 2021. Parmi ces répondantes et répondants, des volontaires ont également participé à des entretiens semi-dirigés au printemps 2021 afin d’approfondir certains aspects abordés dans les questionnaires.
Dans les questionnaires, il a été demandé au personnel enseignant d’évaluer la situation à leur école, d’abord pour le début de l’année scolaire (pour la collecte de données à l’automne), puis pour la deuxième moitié de l’année scolaire (pour la collecte de données au printemps). À ces deux temps, les enseignantes et enseignants ont notamment évalué, de manière quantitative, dans quelle mesure la COVID-19 a eu des effets négatifs sur leurs élèves, plus précisément sur leurs apprentissages, leur autonomie, leur collaboration, leur capacité de résolution de problèmes, leur attention et leur capacité d’organisation.
Les résultats quantitatifs ainsi obtenus sont étayés par des données de nature qualitative. Pour l’automne 2020, il s’agit des réponses à une question ouverte dans le questionnaire en ligne, où il était demandé au personnel enseignant de nommer les trois aspects les plus importants sur lesquels la COVID-19 a eu des effets négatifs sur leurs élèves. Pour le printemps 2021, il s’agit des points soulevés par le personnel enseignant participant aux entretiens.
Les principaux effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves selon le personnel enseignant
De manière générale, on constate que les enseignantes et enseignants du primaire perçoivent davantage d’effets sur les compétences disciplinaires (les compétences spécifiques à une discipline : français, mathématiques, sciences, etc.), alors que celles et ceux du secondaire perçoivent plus les effets négatifs sur les habiletés scolaires (les habiletés relatives au rôle d’élève : attention, organisation, résolution de problèmes, etc.). Quand il leur est demandé de nommer, dans une question ouverte, les aspects les plus touchés par la COVID-19, ce sont l’aspect social, puis l’attention et la lecture qui sont les plus mentionnés pour le primaire, alors que ce sont plutôt la motivation, la participation, l’attention et l’aspect social qui sont surtout soulevés au secondaire.
Au primaire
Au primaire, à l’automne, les trois domaines d’apprentissage les plus touchés par la COVID-19 étaient le niveau des élèves en grammaire, en écriture, en éducation physique et en santé (figure 1). Il semblerait, selon les perceptions du personnel enseignant, que l’écart entre les élèves les plus forts et les élèves ayant déjà certaines difficultés au préalable s’est accru entre la fermeture des écoles et la reprise à l’automne 2020. En lien avec les effets sur le niveau des élèves en grammaire et en écriture, des enseignantes et enseignants ont souligné, en réponse à la question ouverte du questionnaire, que ces difficultés étaient particulièrement importantes chez plusieurs élèves allophones ayant potentiellement manqué d’occasions de développer leurs compétences en français durant le confinement. Pour ce qui est des difficultés en éducation physique et de la santé, chez les tout-petits, certaines difficultés en lien avec la motricité fine ont pu être observées.
Au printemps, les trois principaux domaines d’apprentissage les plus touchés par la COVID-19 selon le personnel enseignant du primaire étaient les suivants : la capacité d’attention, la capacité à résoudre des problèmes et le niveau en grammaire des élèves (figure 2). Concernant la capacité d’attention des élèves, des enseignantes et enseignants ont mentionné que les élèves semblaient rencontrer des difficultés avec leur rôle en tant qu’élèves, dont notamment la capacité à demeurer attentifs, tant en classe qu’à distance, et la capacité à résoudre des problèmes d’ordre scolaire ou d’ordre socioémotionnel. Pour ce qui est des difficultés en grammaire, comme dans les réponses à la question ouverte du questionnaire de l’automne, des enseignantes et enseignants du primaire ont mentionné aux entretiens du printemps que les difficultés en français étaient particulièrement importantes chez les élèves allophones.
Au secondaire
Au secondaire, à l’automne, les enseignantes et enseignants ont souligné des effets négatifs surtout sur les capacités d’attention, d’organisation et de résolution de problèmes de leurs élèves (figure 3). Il est intéressant de noter que les effets sur les apprentissages dans la discipline enseignée par les répondantes et répondants étaient relativement faibles (il ne s’agissait alors que du 7e domaine d’apprentissage le plus nommé). Concernant l’attention et l’organisation, selon les réponses à la question ouverte du questionnaire, ces difficultés ont surtout été vécues en enseignement à distance, puisque les interventions étaient plus difficiles en ligne qu’en présentiel, mais elles se sont aussi manifestées à l’école. En ligne, davantage de distractions faisaient en sorte que conserver l’attention des élèves était perçu comme un défi par le personnel enseignant. En présentiel, l’organisation scolaire irrégulière (horaires, bulles-classes, déplacements, matériel scolaire, plateformes et outils d’apprentissage numériques, etc.) dans le respect des mesures sanitaires en vigueur s’est avérée difficile à suivre pour plusieurs élèves. Pour ce qui est de la résolution de problèmes, les enseignantes et enseignants ont souligné qu’il s’agissait d’une importante difficulté des élèves en mathématiques.
Au printemps, les deux premiers effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves perçus par le personnel enseignant touchaient toujours les capacités d’attention et d’organisation des élèves, suivies par leur autonomie et leur niveau dans la discipline enseignée (figure 4). Comme leurs collègues du primaire, les enseignantes et enseignants du secondaire ont souligné en entretien avoir remarqué un effet plus important de la COVID-19 sur les élèves déjà en difficulté au préalable, ainsi que des grands écarts d’adaptation au retour à l’école entre les élèves les plus forts et les élèves en difficulté. Des enseignantes et enseignants du secondaire ont mentionné en entretien que plusieurs élèves avaient peu de soutien à la maison, et que l’enseignement hybride1 contribuerait très probablement à creuser encore davantage les écarts entre les élèves forts, qui réussiraient de toute manière, et les élèves plus à risque d’échec, pour qui le risque augmenterait. On note également que le niveau des élèves dans la discipline enseignée est monté au 4e rang des principaux effets négatifs de la COVID-19. On peut supposer que le retard accumulé tant durant la fermeture des écoles que durant l’année scolaire où les contenus enseignés ont dû être ramenés « à l’essentiel »2 a fini par se faire sentir chez les élèves comme chez le personnel enseignant.
Quelques mises en garde
Avant de conclure, il est nécessaire de mentionner que, comme toute étude, celle-ci comporte ses limites. D’abord, comme dans la grande majorité des études sur les effets de la COVID-19, tant en éducation que dans d’autres domaines, il est impossible d’établir un portrait prépandémique de la population étudiée. Il est donc difficile de déterminer ce qui relève spécifiquement des impacts de la COVID-19 et ce qui relève de situations ou d’influences préalables. Ensuite, bien que notre échantillon comporte plusieurs centaines d’élèves et d’enseignantes et enseignants, il ne représente qu’une petite proportion de la population étudiée. Par ailleurs, il se peut que le personnel enseignant ayant répondu aux questionnaires et s’étant porté volontaire pour les entretiens corresponde à celles et ceux qui avaient le plus de choses à dire sur la situation ou qui avaient vécu plus difficilement que les autres cette année scolaire particulière.
Une école à reconstruire, des élèves à ne pas perdre de vue
Bien que les effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves perçus par le personnel enseignant sont relativement importants, on constate, tant dans les questionnaires que dans les entretiens, que la totalité du personnel enseignant participant a souligné la grande résilience des élèves durant l’année scolaire 2020-2021. Plusieurs ont également mentionné que les mesures d’aide aux élèves (Conseil supérieur de l’éducation, 2021) avaient été très aidantes. Par ailleurs, il est intéressant de mentionner que les élèves, de leur côté, ont déclaré que les effets de la COVID-19 sur leurs apprentissages étaient plutôt faibles, alors que, comme nous l’avons montré, les enseignantes et enseignants les perçoivent de leur côté comme assez importants. Il est alors permis de se demander si les élèves sous-estiment les effets de la COVID-19 ou si les enseignantes et enseignants les surestiment : la réalité se trouve probablement quelque part entre les deux. Concernant les perceptions du personnel enseignant, soulignons que le stress usuel lié à la profession enseignante (Eblie Trudel et al., 2021), en plus du stress lié à la pandémie, aux mesures sanitaires et aux bouleversements de l’organisation scolaire durant l’année 2020-2021 peut avoir influencé leur représentation des effets de la COVID-19 sur leurs élèves.
Puisqu’on ne connait pas les effets à long terme de la COVID-19 sur les élèves, il importe de continuer la recherche sur les milieux scolaires québécois pour les accompagner et les outiller dans leur reconstruction. De plus, il est primordial que le personnel enseignant et tout personnel scolaire travaillant auprès des élèves soient adéquatement formés pour soutenir et aider les élèves à court, moyen et long terme, par exemple à l’égard de l’accompagnement dans le deuil, le stress et le trauma, de la collaboration entre l’école et la famille, ou encore de l’accompagnement des élèves présentant diverses difficultés (Müller et Goldenberg, 2020).
Ce projet a été financé par le Conseil de recherche du Canada en sciences humaines (CRSH) et le ministère de l’Éducation du Québec, dans le cadre du programme Engagement partenarial – initiative spéciale COVID-19.
Remerciements
Ce texte a été rédigé par Marion Deslandes Martineau, Patrick Charland, Yannick Skelling-Desmeules, Olivier Arvisais et Marie-Hélène Bruyère. Les auteurs et auteures tiennent à remercier les partenaires du ministère de l’Éducation et des centres de services scolaires concernés, de même que les collègues, cochercheurs et cochercheuses, collaborateurs et collaboratrices à l’étude : Jonathan Bluteau, Isabelle Plante, Isabelle Gauvin, Stéphane Cyr, Tegwen Gadais, Éric Dion, Joanna Trees Merckx et Jay S. Kaufman.
Conseil supérieur de l’éducation. (2021). Revenir à la normale? Surmonter les vulnérabilités du système éducatif face à la pandémie de COVID-19. Le Conseil. https:// cse.gouv.qc.ca/rebe20-21-covid/
Donnelly, R. et Patrinos, H. A. (2022). Learning loss during Covid-19: An early systematic review. PROSPECTS, 51(4), 601–609. doi.org/10.1007/s11125-021-09582-6
Eblie Trudel, L., Sokal, L. et Babb, J. (2021). Teachers’ Voices: Pandemic Lessons for the Future of Education. Journal of Teaching and Learning, 15(1), 4–19. doi.org/10.22329/jtl.v15i1.6486
Müller, L.-M. et Goldenberg, G. (2020, 5 juillet). Education in times of crisis: The potential implications of school closures for teachers and students. Chartered College of Teaching. https://my.chartered.college/wp-content/uploads/2020/05/CCTReport070520_FINAL.pdf?fbclid=IwAR0t62tROapzSQv28ofnIVc3AhE44UuFTP19dg6_V0-o7y8NqAFkEawAWZ8
UNESCO. (2022). Education : from school closure to recovery. UNESCO. https:// unesco.org/en/covid-19/education-response
UNICEF. (2015, 19 janvier). The Investment Case for Education and Equity. UNICEF, Education Section. https:// unicef.org/reports/investment-case-education-and-equity
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 L’enseignement hybride consiste en un enseignement qui se fait parfois à distance et parfois en présentiel. Pour une bonne partie de l’année scolaire 2020-2021, c’est l’horaire qui a été imposé aux élèves du 2e cycle du secondaire (soit des élèves de 14 à 17 ans).
2 Le ministère de l’Éducation a rendu disponibles des listes de savoirs essentiels sur lesquels se concentrer dans chaque discipline, au détriment d’autres notions faisant normalement partie des programmes d’enseignement.
« Des problèmes constants de dotation, un personnel laissé sans soutien quotidien pour endosser la reprise postpandémique, des annulations quotidiennes d’autobus, des familles qui n’ont pas l’aide des services sociaux et ne savent pas se retrouver dans les méandres du système. On met l’accent sur le « rattrapage » alors que d’énormes enjeux structurels posent encore des défis de taille. L’idée prédominante veut que nous soyons de retour à la normale, mais tous les jours amènent des défis pour le personnel et les familles. Le tout exerce une pression incroyable sur les gestionnaires et le personnel qui demeurent à leur poste et finit par épuiser des membres du personnel essentiel. Étant donné les problèmes prédominants de main-d’œuvre et la possibilité de grève, on se demande combien de temps le système pourra encore tenir. » – La direction d’une école primaire du Nord de l’Ontario.
Le début de l’année scolaire 2022-2023 a été le plus normal qu’aient connu les élèves, les familles et les éducateurs depuis septembre 2019. Mais comment se portent vraiment les écoles, les éducateurs et les élèves? Trois ans après le début de la pandémie, les nouvelles constatations du sondage annuel réalisé par l’organisme People for Education dans les écoles ontariennes fournissent de précieuses indications. Le présent article se penchera surtout sur les données recueillies par ce sondage1,auquel ont répondu 1 044 directions représentant la totalité des 72 conseils scolaires d’écoles publiques de la province.
Quand les écoles ont fermé en mars 2020, les défis surgissaient les uns à la suite des autres. Un important corpus de recherche documente à présent combien le passage constant de la fermeture des écoles, au distanciel, au système hybride, puis au présentiel a déclenché une réaction en chaîne d’enjeux multiples pour les familles qui devaient faire du dépannage technologique, jongler avec le distanciel et le travail et tous ceux et celles qui tâchaient de s’y retrouver dans les changements apportés aux protocoles de santé et de sécurité. Personne n’ayant encore jamais vécu de pandémie mondiale, il était normal de fixer notre attention sur la logistique de la COVID-19 : le suivi des nombreux cas positifs, les outils de dépistage, la distanciation sociale, le masque obligatoire en quittant la maison, ou non. Et pendant ce temps, notre santé et notre bienêtre s’effritaient sous l’effet de l’anxiété, de l’isolement, de la dépression, pour ne nommer que ceux-là (Vaillancourt et coll., 2021).
Le premier sondage de cet organisme mené après l’arrivée de la COVID-19 a immédiatement dévoilé le fardeau qu’avait fait peser la pandémie, surtout sur le bienêtre des directions d’écoles. Plus de la moitié des 1 173 répondants de l’année scolaire 2021-2021 étaient en désaccord ou entièrement en désaccord que leur niveau de stress leur semblait gérable (People for Education, 2021b). La même constatation est survenue lors de l’année scolaire suivante, celle de 2021-2022, tout comme ont transparu leurs inquiétudes au sujet de la santé et du bienêtre du personnel et des élèves (People for Education, 2022). Les directions avaient alors des perceptions mitigées sur l’accessibilité de ressources scolaires pour soutenir la santé mentale et le bienêtre du personnel et des élèves :
Cependant, quand on leur a demandé, en octobre 2022, d’indiquer le niveau de soutien dont elles avaient besoin de la part des conseils scolaires et du ministère de l’Éducation pour se remettre de la COVID-19, la grande majorité des écoles (91 %) signalaient qu’elles avaient besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien à la santé mentale et au bienêtre, alors que près de la moitié (46 %) signalaient avoir besoin de beaucoup de soutien.
Au début de la pandémie, les écoles se concentraient surtout sur la sécurité liée à la COVID-19 et sur la logistique de l’enseignement à distance. Après trois ans de pandémie, la santé mentale et le bienêtre sont devenus les grandes priorités. De nombreuses directions nous ont fait part des défis particuliers qu’elles devaient relever au cours de la présente année scolaire.
« Les enfants sont excités d’être de retour à l’école et l’énergie fuse de partout. Cela dit, plusieurs enfants n’ont jamais connu l’école avant la COVID-19 et ont besoin de soutien quant aux attentes fondamentales sur le comportement à adopter à l’école. Nous remarquons de grands défis d’autodiscipline au primaire, de l’anxiété et la peur de venir à l’école au premier cycle du secondaire, et beaucoup de jurons, de langage inapproprié ou à caractère sexuel chez les élèves du secondaire intermédiaire. Les élèves de tous les niveaux ont des difficultés à résoudre des conflits. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto.
« Les besoins des jeunes ont augmenté considérablement en raison de la COVID-19 : en matière d’autodiscipline, de littératie, de numératie, de bienêtre mental. Les répercussions de la pandémie ont entraîné un plus grand nombre de défis chez les élèves. Nous nous y attaquons du mieux que nous pouvons avec les ressources dont nous disposons. Les ressources humaines sont la ressource la plus importante. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto
Même si la santé mentale et le bienêtre ont été signalés comme les domaines où les écoles ont davantage besoin de soutien, la dotation du personnel s’est aussi dégagée comme un enjeu prédominant. Cette constatation n’a rien d’étonnant, puisque :
« Le fait de soutenir les besoins croissants en santé mentale chez les enfants, sans disposer de plus de ressources, stresse le personnel et fait augmenter l’absentéisme. Et le manque de personnel substitut (surtout chez les assistants en éducation et les éducateurs de la petite enfance) a un effet boule de neige sur la situation. » – La direction d’une école primaire, Sud-Ouest de l’Ontario.
Au cours des trois dernières années, on a régulièrement fait ressortir l’insuffisance de personnel (People for Education, 2021a, 2022). Au début de 2022, une vague du variant Omicron très transmissible a déclenché une enquête sur les absences de personnel dans bon nombre de conseils scolaires, qui a révélé que le nombre de postes vacants quotidiens dans l’enseignement connaissait, en moyenne, une hausse graduelle (Teotonio et Rushowy, 2022). Les conseils scolaires ont eu recours à diverses stratégies pour compenser les pénuries de personnel, comme retirer le plafond de jours de travail imposé aux enseignants retraités, permettre aux stagiaires en enseignement de travailler, attribuer aux enseignants du temps de classe pendant leur temps de planification et réaffecter les directions au travail en classe.
Il y a eu, cependant, un prix à payer pour ces tactiques de survie, celui de la santé mentale et du bienêtre du personnel et des élèves. Quand on lui a demandé si elle composait avec les défis, jusqu’à maintenant, au cours de l’année scolaire, la direction d’une école primaire du Nord de l’Ontario a écrit :
« Les gens tombent en épuisement beaucoup plus rapidement depuis la COVID-19, en partie en raison des pénuries de personnel. Les besoins des élèves en matière d’apprentissage et de santé mentale ont été exacerbés après la pandémie. La pénurie de personnel a une répercussion sur le triage quotidien des besoins des enfants en raison de la maladie et du manque de personnel suppléant. On s’attend à ce que ce soit une année parfaitement normale, sans donner aux éducateurs le répit salutaire dont ils ont besoin avant de replonger et de donner tout ce qu’ils ont. »
La constatation selon laquelle 91 % des écoles de l’Ontario ont besoin d’un certain soutien, ou de plus de soutien sur le plan de la santé mentale et de bienêtre est étroitement liée à la constatation voulant que 82 % des écoles ontariennes ont signalé avoir besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien en matière de personnel de soutien. Après tout, l’une des premières façons de s’occuper de la santé mentale et du bienêtre est de disposer de plus de personnel spécialisé dans le domaine. Comme l’expliquait la direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario, « On a besoin d’intervenants en santé mentale à temps plein dans les écoles pour qu’ils soient sur place et disponibles pour soutenir les besoins des élèves et des familles de façon QUOTIDIENNE et pour aider les membres du personnel qui doivent se battre avec des dynamiques de classe qui éclatent en raison de problèmes de santé mentale. »
Quoique 78 % des écoles ont déclaré avoir besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien pour le personnel enseignant, seulement 19 % ont signalé avoir besoin de beaucoup de soutien, ce qui est nettement inférieur aux 35 % des écoles qui ont exprimé avoir besoin de beaucoup de soutien pour le personnel de soutien (soit les assistants en éducation, les administrateurs, les gardiens d’école, etc.) (voir la figure 2). Cette constatation est importante, étant donné les moyens de pression et les négociations syndicales des travailleurs de l’éducation survenus récemment dans la province (McKenzie-Sutter, 2022). Même s’il y a une réelle pénurie d’enseignants, on assiste actuellement à une demande encore plus forte pour des travailleurs de soutien en éducation. Comme le décrivait la direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario, « Les pénuries de personnel mènent actuellement à une crise en éducation. Le gouvernement doit avoir comme priorité de résoudre ces pénuries chez tous les groupes d’employés. »
Si l’on se tourne vers le reste de l’année scolaire 2022-2023, il est essentiel de songer aux actions qui seront nécessaires pour répondre aux besoins des écoles publiques de l’Ontario. Voici quelques idées mises de l’avant par les directions d’école :
Les trois années de pandémie ont mis en évidence à quel point la santé mentale et le bienêtre sont importants, tout autant que l’immense rôle que l’école joue dans nos vies. Si l’école publique est à la base de notre société et renferme la solution à plusieurs de ses problèmes actuels, il est essentiel que nous tirions des leçons des défis qui sont survenus ces dernières années et que nous fixions les bonnes priorités en préparant un avenir plus heureux, plus sain et plus optimiste.
« Un plan de reprise pour une pandémie mondiale, oui… Je crois que c’est l’occasion de repenser certains aspects de l’école publique. Ce pourrait être une occasion extraordinaire. » – La direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario
Mckenzie-Sutter, H. « What you need to know about the Ontario education workers’ strike », Global News, 4 novembre 2022. https://globalnews.ca/news/9253376/ontario-cupe-education-worker-strike-explained
People For Education. (2021a), « Challenges and innovations: 2021-20 annual report on Ontario schools ». https ://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2021/10/2020-21-AOSS-Final-Report-Published-110721.pdf
People For Education. (2021b), « Ontario principals’ challenges and well-being: Annual Ontario School Survey 2021 ». https://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2021/02/People-for-Educations-report-on-Ontario-Principals-Challenges-and-Wellbeing-AOSS2021.pdf
People For Education. (2022), « A perfect storm of stress: Ontario’s publicly funded schools in year two of the COVID-19 pandemic ». https://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2022/05/People-for-Education_A-Perfect-Storm-of-Stress_May-2022.pdf
Teotonio, I. et Rushowy, K. « ‘Really severe challenges’: Ontario school boards struggle with unprecedented staff absences », The Toronto Star, 7 février 2022. www.thestar.com/news/gta/2022/02/07/really-severe-challenges-ontario-school-boards-struggle-with-unprecedented-staff-absences.html
Vaillancourt, T., Szatmari, P., et al. « The impact of COVID-19 on the mental health of Canadian children and youth », FACETS, 6 (1), 1628–1648. doi.org/10.1139/FACETS-2021-0078
Illustration : iStock
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 Ce sondage de 2022-2023 est le 26e réalisé dans les écoles primaires de l’Ontario et le 23e mené dans les écoles secondaires de la province.
L’école fait partie intégrante de la vie des enfants et des jeunes. C’est non seulement un lieu propice au développement intellectuel, mais aussi à l’acquisition de nombreuses aptitudes sociales et compétences fondamentales. Au cours des trois dernières années, les provinces et territoires ont mis en place une variété de mesures pour contrer la transmission de la COVID-19, notamment la fermeture d’écoles et l’apprentissage à distance. Ces mesures, qui visaient à réduire le nombre de cas de COVID-19 et les décès causés par la maladie, ont influencé la vie des élèves.
Même si nous tentons toujours de comprendre l’impact de la pandémie sur les élèves, nous savons qu’elle a eu d’énormes répercussions sur l’ensemble des systèmes d’éducation au Canada. Elle a entre autres nui à la santé mentale du personnel scolaire et des élèves, creusé les inégalités entre les élèves, aggravé la pénurie de main-d’œuvre et les problèmes chroniques d’absentéisme, hypothéqué l’apprentissage, entraîné l’annulation d’activités sportives et parascolaires et imposé une formule d’apprentissage en ligne à laquelle tous ont dû s’adapter. La pandémie a cependant donné lieu à de nouvelles possibilités, dont le perfectionnement des compétences numériques du personnel enseignant, l’apprentissage à l’extérieur des salles de classe, l’éducation autochtone axée sur le territoire, la priorisation de l’apprentissage authentique et l’amélioration des programmes d’études dans quelques provinces et territoires.
Tout examen de l’impact de la COVID-19 sur les élèves doit tenir compte de leurs identités intersectionnelles. Il faut éviter de généraliser les expériences de tous les jeunes, puisque les répercussions de la pandémie peuvent différer en fonction des communautés et des élèves.
Nous souhaitons partager dans ce texte nos expériences pendant la pandémie. Ces réflexions traduisent nos expériences personnelles et non de l’ensemble des élèves canadiens.
Apprentissage en ligne
Fiona : Mon école nous a annoncé en janvier 2020 que les cours se donneraient désormais en ligne. À ce moment-là, je ne connaissais pas les plateformes Zoom et Google Classroom. En l’espace d’une semaine, mes camarades et moi avons été catapultés dans un univers totalement inconnu.
Pendant un cours d’une heure, nous regardions des écrans noirs parfois traversés de réactions émojis envoyées par des élèves à moitié endormis. Au lieu de participer à des séances interactives, nous devions visionner des cours magistraux préenregistrés, généralement sur Zoom, par les enseignants. Malgré tous leurs efforts pour rendre les cours intéressants, cette formule n’était tout simplement pas aussi efficace.
Dans un cours de science de 9e année, par exemple, nous devions nous familiariser avec les différentes couleurs présentes dans les flammes. Avant la pandémie, les élèves participaient à des expériences complexes et pouvaient voir en classe les différents types de flammes. Durant le cours en ligne, l’enseignant nous montrait une variété de photos de flammes sur son écran et les décrivait une par une. Nous n’avions pas la chance d’apprécier de visu les couleurs vives de la flamme et de vivre l’excitation du moment. Par conséquent, nous n’avons pas aussi bien assimilé la matière couverte.
Raeesa : L’apprentissage en ligne a été difficile par moments. Par exemple, la mauvaise connexion Internet qui perturbait certains cours, l’aide que je devais fournir aux plus jeunes de ma famille souvent confus après leurs leçons et l’obligation de fixer un écran pendant de longues périodes ont fait ressortir les lacunes de cette formule. J’ai remarqué qu’un moins grand nombre d’élèves parlaient ou répondaient aux questions durant les cours en ligne, ce qui compliquait la tâche des enseignants. En raison de la participation limitée des élèves, les cours semblaient s’éterniser et devenaient parfois ennuyeux. C’était particulièrement flagrant lorsque l’enseignant devait attendre la réponse d’un élève. L’apprentissage et l’intérêt des élèves ont écopé parce que les cours n’étaient pas aussi intéressants ni stimulants qu’en salle de classe.
Sur une note plus positive, j’ai apprécié le fait d’étudier dans le confort de ma maison, car je disposais de mon propre espace pour apprendre. Comme j’ai eu l’occasion d’explorer et d’utiliser la technologie plus souvent pour mes travaux, je serai mieux préparée pour l’avenir, puisque la plupart d’entre nous devront utiliser des applications pour nos futurs devoirs et projets.
Manque de structure, besoin de plus d’autonomie
Fiona : Nous avions l’habitude des programmes scolaires structurés et des attentes strictes, comme arriver à l’heure et assister aux cours. Cependant, avec l’avènement des cours en ligne, il n’y avait personne pour vérifier les présences, et certains cours ont été annulés en raison de l’instabilité du réseau. Comme l’enseignement n’était pas aussi efficace, j’ai dû trouver d’autres façons d’apprendre par moi-même et j’ai commencé à visionner des cours intensifs sur YouTube et sur la plateforme Khan Academy. De nombreux camarades de classe ont aussi eu recours à ces sources d’information. Nous avons fini par perdre la connexion avec nos enseignants, qui n’étaient plus ceux vers qui nous nous tournions pour répondre à nos préoccupations et questions.
Raeesa : Comme je n’avais plus de professeur pour s’assurer que je faisais mes devoirs pendant la pandémie, j’ai dû apprendre à me responsabiliser et à gérer mon temps pour effectuer mes travaux scolaires à la maison. J’ai aussi réalisé toute l’importance de communiquer avec les enseignants. Nous avions la chance de pouvoir clavarder avec les enseignants et de leur envoyer des textos. Je me suis donc habituée à prendre l’initiative et à demander de l’aide à mes enseignants.
Répercussions sociales
Raeesa : J’ai toujours considéré l’école comme un endroit qui m’offre une foule de possibilités et me permet de pratiquer des activités sportives ou artistiques et d’adhérer à différents clubs. La pandémie a interrompu un grand nombre d’activités en présentiel, comme les assemblées scolaires et les sports d’équipe.
Fiona : Si l’on envisage la situation dans son ensemble, la pandémie a empêché un grand nombre d’élèves de découvrir leurs passions. Je crois qu’une passion se développe grâce à des rencontres enrichissantes avec nos camarades et nos enseignants. À cause de la COVID, des cours auparavant populaires sont devenus banals et ennuyeux. Nous avions moins d’interactions avec les professeurs et moins de communications en personne. La 8e, la 9e et la 10e année sont des années cruciales pour explorer ses intérêts, et certains élèves ont été limités dans leur exploration.
Je dois avouer, par contre, que la pandémie m’a aidée à apprécier les ressources que j’ai autour de moi. Avant, j’étais toujours à la course. Je jouais au hockey et au rugby, je pratiquais une foule d’activités parascolaires, je participais à des débats, etc. À notre retour de l’école, ma mère nous emmenait à toutes sortes d’activités parascolaires. Ma sœur et moi mangions en vitesse, puis allions faire nos devoirs dans notre chambre. Après le début de la pandémie, de nombreuses activités ont été annulées ou transférées en ligne, ce qui nous a donné beaucoup plus de temps en famille. J’ai eu l’occasion de discuter davantage avec ma mère et de mieux comprendre son parcours d’immigrante au Canada. Ces conversations ont renforcé mon esprit de famille et permis d’apprécier tout ce que ma mère a sacrifié pour s’établir au Canada.
Leadership des jeunes
Fiona : La pandémie a donné lieu à une énorme montée du nombre de jeunes militants et leaders qui ont abordé des problèmes de plus en plus préoccupants liés aux ressources éducatives, à la technologie et à l’itinérance. Devant les répercussions de la COVID sur leurs collectivités, les jeunes ont eu envie de se faire entendre et de venir en aide aux membres de leur communauté. Personnellement, je dirige un organisme sans but lucratif appelé United Speakers Global, qui vise à améliorer l’accès des jeunes à des ressources sur l’art de parler en public. La pandémie a frappé tout juste après mon entrée en poste, et l’organisme est devenu complètement virtuel, ce qui m’a d’abord semblé problématique. Toutefois, grâce à la demande accrue pour ce genre de programme, nous avons pu recruter davantage d’élèves non seulement dans le Grand Toronto, mais aussi dans 11 villes du monde entier. J’ai d’ailleurs eu la chance de rencontrer des jeunes leaders du Koweït, de Shanghai, de la Zambie, des États-Unis et d’autres pays.
Mot de la fin
Raeesa : Malgré les répercussions négatives de la pandémie sur mon apprentissage, j’ai quand même profité de quelques avantages et de plusieurs occasions intéressantes. Selon moi, c’est une question de perspective. J’aurais pu considérer la pandémie comme un obstacle impossible à franchir. J’ai préféré envisager la situation comme une occasion d’apprentissage et voir les obstacles comme des étapes vers une plus grande ouverture d’esprit envers des perspectives et des modes d’apprentissage différents. Ces défis m’ont aidée à aller de l’avant au lieu de freiner mon élan. Au bout du compte, c’est notre perception qui façonne notre vie et notre façon de vivre.
Photo : iStock, Fiona Shen et Raeesa Hoque
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
Récemment encore, elles avaient été de proches collègues et amies. Et voilà que Morgan, Ashley, et Mackenzie se retrouvaient sur le seuil de la porte de leurs classes, à une distance physique qui leur rappelait brutalement la frontière émotionnelle les séparant désormais. Dans un élan de compassion après plus d’un an de conditions pandémiques, Ashley s’est exclamée : « J’aimerais tellement que les administrateurs sachent ce que nous ressentons actuellement. Je ne me suis jamais sentie aussi découragée ni isolée. Une autre journée pédagogique sur les méthodes du distanciel est bien la DERNIÈRE chose dont j’ai besoin. » Morgan acquiesça : « Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’écoute et de respect – et d’une pause. Ouais, une pause serait bienvenue. J’en ai assez! ». Mackenzie, elle, ne disait rien. Elle avait attendu avec hâte cette journée pédagogique. L’enseignement à distance lui avait semblé une interruption souhaitable du statu quo, et après un peu de difficultés, elle s’y était adonnée entièrement, avec un sentiment de réussite. Elles se sont regardées toutes les trois, dans un silence prolongé. Puis la cloche a sonné. Le travail reprenait.
En avril 2020, quand est survenue la pandémie de COVID-19, la fermeture des écoles à l’échelle planétaire a déclenché une période de bouleversement historique. Au Canada, cette fermeture, prévue pour quelques semaines, a finalement duré plusieurs mois, alors que les écoles composaient avec les vagues déferlantes de la pandémie et que le personnel enseignant a dû se repositionner pour passer du présentiel au distanciel et adopter constamment de nouvelles pédagogies. Le présent article se penche sur une étude financée par le CRSH (Babb et coll., 2022) que notre équipe de recherche a lancée en avril 2020 et qui est toujours en cours. Nous avons interrogé 2 000 enseignants canadiens pendant près de trois années de pandémie afin de comprendre plus profondément leurs expériences, à la lumière des exigences auxquelles ils devaient alors se conformer et des ressources qu’on leur offrait comme soutien.
L’enseignement au cours des premiers mois de la COVID-19
Les premières données d’entrevues recueillies auprès des enseignants canadiens au début de la pandémie ont démontré que l’équilibre était difficile à maintenir (Eblie Trudel et coll.). Bien des élèves n’avaient pas un accès adéquat à la technologie, manquaient de soutien à la maison dans leur langue d’enseignement et recevaient moins d’aide pour relever les défis liés à de nouveaux besoins d’apprentissage. Bon nombre de parents, déjà débordés sous le poids du travail et de la garde de leurs enfants, étaient dépassés ou incapables d’appuyer leurs jeunes dans leur éducation. De surcroît, les enseignants se débattaient pour prioriser les besoins de base des élèves, tisser des partenariats essentiels entre l’école et les familles, et puiser la confiance qui leur était nécessaire pour stimuler les jeunes avec de nouveaux modes d’enseignement.
Au fil de notre recherche, nous avons constaté que les enseignants répondaient de façon prévisible aux critères des deux modèles d’épuisement professionnel généralement reconnus qui balisaient notre étude, et qu’ils exprimaient de façon fort diversifiée leur appréciation de l’enseignement en temps de pandémie. Le modèle des exigences et des ressources en matière d’emploi (Bakker et Demerouti, 2007) nous a permis de prendre conscience que les expériences variées, mais uniques qu’ils vivaient menaient certains enseignants à l’épuisement professionnel, en raison d’exigences accrues et de ressources de soutien inadéquates. Un modèle établi par Maslach et Jackson (1981) nous a permis d’estimer l’évolution de l’épuisement le long d’un spectre associé à des périodes de stress professionnel, en notant les dimensions d’épuisement, de dépersonnalisation, ou de cynisme, et d’accomplissement réduit sur le plan professionnel. Nous avons observé que l’épuisement pouvait être attribuable à des exigences particulières que la personne associait à un rôle précis, et que la perte d’efficacité pouvait résulter du manque de ressources pour répondre à ces exigences. Certains enseignants épuisés se sont isolés des élèves et de leurs collègues, ou évitaient complètement le travail, des comportements associés à la dépersonnalisation (un sentiment de perte de sens de soi-même) ou au cynisme dans la documentation sur l’épuisement professionnel. Compte tenu de l’influence potentielle de cet isolement sur la réussite et le bienêtre des élèves, il est apparu que de nouvelles solutions pour réduire le stress des enseignants et améliorer leur adaptation seraient vitales pour assurer un enseignement de qualité et éviter l’épuisement professionnel.
Un casse-tête insoluble en lui-même
Parce qu’elle supposait que le processus de recherche se comparait à l’assemblage d’un grand casse-tête, notre équipe a tenté de recourir aux méthodes statistiques traditionnelles pour brosser un portrait concis de l’adaptation des enseignants tout au long de la pandémie. Mais il s’est révélé difficile de peindre une image claire de l’expérience des enseignants. Au moment même où nous pensions avoir compris les tendances, de nouvelles données nous parvenaient, incongrues, tout comme si l’on cherchait à résoudre un casse-tête avec des pièces provenant d’autres casse-tête, pièces qui ne s’inséraient pas dans l’ensemble. En passant à un nouveau type d’analyse statistique, nous avons découvert qu’il s’agissait, en fait, de cinq casse-tête différents à examiner. Nos constatations ont révélé cinq profils (ou modèles) distincts de réactions à l’enseignement en temps de pandémie, chacun étant relié à différentes combinaisons d’exigences selon les rôles ainsi qu’à l’accès à des ressources personnelles ou fournies par l’employeur (voir la figure 1).
Cinq casse-têtes
Plus précisément, nous avons isolé deux groupes d’enseignants qui s’épanouissaient, que nous avons nommés « mobilisés » et « impliqués ». Même s’ils éprouvaient des niveaux d’épuisement modérés et percevaient que les exigences étaient élevées, les enseignants de ces deux groupes accédaient à un plus grand nombre de ressources et affichaient des niveaux d’accomplissement personnel plus grands que les autres sujets de l’étude. Tout comme Mackenzie dans notre scénario de départ, ces enseignants bénéficiaient de soutien pour répondre aux exigences de leur travail en période de pandémie, même si les enseignants « impliqués » étaient légèrement plus repliés sur eux-mêmes que les enseignants « mobilisés ».
Un troisième groupe d’enseignants frôlaient l’épuisement professionnel et ont été reconnus comme étant « surchargés ». Comme Morgan, ils faisaient face à un certain manque de ressources pour répondre aux exigences de leur travail et se trouvaient à un seuil critique avant les symptômes d’épuisement. Ils éprouvaient les niveaux d’épuisement presque les plus marqués et se repliaient modérément sur eux-mêmes, mais affichaient encore de hauts niveaux d’accomplissement personnel. Enfin, nous avons isolé deux autres catégories d’enseignants qui éprouvaient des niveaux d’épuisement allant de modérés à élevés et se sentaient nettement repliés sur eux-mêmes. Tout comme Morgan, les enseignants de ces groupes dépérissaient et présentaient des symptômes d’épuisement professionnel. Nous les avons désignés comme étant « détachés » et « inefficaces », ces derniers ayant affiché les plus faibles niveaux d’accomplissement personnel. Nos partenaires du Réseau ÉdCan ont communiqué ces résultats au moyen d’un article et d’un document infographique (tous deux en anglais).
De façon plus significative, nous avons trouvé que, dans chaque groupe, ce n’était pas le nombre d’exigences ou de ressources qui prédisait l’épuisement professionnel, mais plutôt le ratio des ressources par rapport aux exigences qui prédisait le niveau de stress et d’épuisement perçu par les enseignants. Ce constat a renversé la pensée voulant que tous les enseignants étaient dans « le même bateau » pendant la pandémie. Certains filaient dans des yachts tandis que d’autres flottaient sur des radeaux. Certains naviguaient sous de bons vents, d’autres subissaient d’affreuses tempêtes. Tout dépendait s’ils disposaient ou non des ressources adéquates pour répondre aux exigences de leur contexte d’enseignement spécifique.
La résolution des cinq casse-tête
Des travaux ultérieurs menés avec nos partenaires d’une grande division scolaire du Manitoba nous ont permis de dégager des observations comparatives sur les données nationales et provinciales. Nous avons été inquiets de découvrir que 46 % des enseignants du Manitoba affichaient des schèmes propres aux deux groupes en difficulté, comparativement à une proportion de à 27 % à l’échelle canadienne. En fait, une plus grande proportion d’enseignants canadiens atteignait le seuil critique dans le groupe dit « surchargé », alors que de plus nombreux enseignants manitobains étaient déjà passés à l’étape du détachement et de l’inefficacité. Quand le gouvernement du Manitoba a été informé de ces constatations, il a accordé plus d’un million de dollars à nos partenaires de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) (mbwpg.cmha.ca/) dans la province pour améliorer le bienêtre des personnes et des organisations du secteur de l’éducation. L’ACSM a établi un site Web (careforallineducation.com/fr/) pour aider tous les travailleurs en éducation du Manitoba, notamment les enseignants, à accéder en temps réel, par téléphone ou clavardage, à des spécialistes du bienêtre. L’ACSM a aussi mis au point une série d’ateliers dans le cadre d’un mécanisme d’intervention multiniveau. Cette initiative a reconnu la nécessité pour les particuliers, les administrateurs, les organisations et le gouvernement de travailler conjointement pour faire en sorte que le secteur de l’éducation reçoive le soutien indispensable à son rétablissement et à son développement.
Bakker et de Vries (2021) ont constaté que s’ils bénéficiaient du soutien des organisations scolaires, les enseignants avaient plus de chance de préserver leur résilience sur le plan personnel, tout en assumant leurs responsabilités professionnelles. Non seulement pouvaient-ils adopter eux-mêmes des stratégies d’adaptation individuelles (délimiter le temps et l’espace de travail, adopter une saine alimentation et de meilleures habitudes de sommeil, faire de l’exercice et pratiquer l’autocompassion), mais ils pouvaient aussi prendre part à des programmes systémiques de bienêtre en milieu de travail.
Les occasions simultanées fournies par l’employeur qui répondaient le mieux aux besoins particuliers du groupe des enseignants épanouis étaient notamment :
Les interventions recommandées sur le plan individuel auprès d’enseignants se trouvant sur le seuil critique, dépérissant ou subissant une tension quant à leur rôle pourraient comprendre les suivantes :
Il est important de rappeler que les employés ne peuvent pas se remettre du stress dans des milieux de travail où règne un déséquilibre entre les exigences et les ressources. Aussi, il est essentiel d’apporter des changements simultanés dans le milieu de travail pour faciliter et encourager des stratégies individuelles qui mènent au rétablissement et au ressourcement. Voici les stratégies suggérées en matière de leadership :
L’idée maîtresse de ce scénario est que les enseignants peuvent pratiquer l’autorégulation en cernant leur niveau de stress, pour ensuite choisir activement des stratégies individuelles et organisationnelles afin de mieux s’adapter et d’optimiser leur bienêtre. Pour y parvenir, cependant, il est fondamental de concevoir l’épuisement professionnel comme une responsabilité collective, plutôt qu’individuelle, et de pratiquer des interventions sur le plan personnel et organisationnel.
Plusieurs bateaux sous une seule tempête
Holmes et ses collaborateurs (2020) ont reconnu l’importance de concevoir le stress que vivent les enseignements comme un moyen pour mieux soutenir le secteur de l’éducation. Comme l’a exprimé une personne interviewée : « Les enseignants vivaient la pandémie de façons différentes. Certains s’épanouissaient et épousaient les nouveautés de l’enseignement et de la technologie, alors que d’autres vivaient un traumatisme et des tensions, regrettant les pratiques prépandémiques. » En nous dotant d’une meilleure connaissance des diverses réactions d’adaptation survenues pendant la pandémie, notre recherche a démontré qu’on pouvait aider les enseignants à comprendre et à repérer leurs facteurs de stress et les mesures de soutien dont ils ont besoin, et leur donner ainsi l’accès, lorsque cela est nécessaire, à des ressources supplémentaires les aidant à faire face et à faire contrepoids à la tension inhérente aux exigences de leur travail. Qui plus est, en s’appuyant sur ces connaissances, les conseils scolaires et les organismes intervenants pourraient être mieux préparés à fournir du soutien et des ressources afin d’aider les employés à concilier ou réconcilier leur travail et leur vie personnelle, et à rehausser ou à retrouver leur bienêtre. Notre équipe assure une veille et poursuit sa recherche avec l’ACSM pour évaluer l’efficacité des ressources personnelles et organisationnelles pour favoriser le bienêtre à mesure que se poursuit la reprise postpandémique. Nous savons maintenant que les enseignants ne sont pas tous dans le même bateau en naviguant dans leur travail et dans leurs rôles, et qu’une série d’interventions collectives sera nécessaire si l’on veut qu’ils arrivent à bon port en toute sécurité.
Babb, J., Sokal, L. et Trudel, L. E. (2022). « THIS IS US : Latent profile analysis of Canadian teachers’ resilience and burnout during the COVID-19 pandemic », Revue canadienne de l’éducation, 45(2), 555-585. doi.org/10.53967/cje-rce.v45i2.5057
Bakker, A. B. et Demerouti, E. (2007). « The job demands-resources model: State of the art », Journal of Managerial Psychology, 22(3), 2007, 309-328. doi.org/10.1108/02683940710733115
Bakker, A. et de Vries, J. (2021). « Job Demands-Resources theory and self-regulation: New explanations and remedies for job burnout », Anxiety, Stress & Coping, 34(1), 1-21. doi.org/10.1080/10615806.2020.1797695
Trudel, L. E, Sokal, L. et Babb, J. (2021). « Teachers’ voices: Pandemic lessons for the future of education », Journal of Teaching and Learning, 15(1), 2021. doi.org/10.22329/jtl.v15i1.6486
Holmes, E., O’Conner, R. et coll. (2020). « Multi-disciplinary research priorities for the COVID-19 pandemic: a call for action for mental health sciences », Lancet Psychiatry, 7(6), 547-560. doi.org/10.1016/S2215-0366(20)30168-1
Maslach, C. et Jackson, S. E. (1981). « The measurement of experienced burnout », Journal of Occupational Behaviour, 2(2), 99-113. doi.org/10.1002/job.4030020205
Sokal, L., Trudel, L. E. et Babb, J. (2020a). « It’s okay to be okay too. Why calling out teachers’“toxic positivity” may backfire », Education Canada, 60(3), www.edcan.ca/articles/its-ok-to-be-ok-too
Sokal, L., Trudel, L. E. et Babb, J. (2020b). « COVID 19: Supporting teachers in times of change », Education Canada, Infographic Series. https://edcannetwork.wordpress.com/2020/09/02/teacher-covid-survey
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
Comment pouvons-nous améliorer l’expérience scolaire des élèves en difficulté, des élèves dit « réguliers » et également tenir compte de notre propre ressenti dans divers efforts d’inclusion scolaire? Assistez à un échange animé entre professionnels de l’éducation stimulés par le guide de discussion d’ÉdCan sur l’inclusion scolaire, enfin au service de l’ensemble des élèves et du personnel. Poursuivez cette discussion entre collègues à l’aide du Guide de discussion « Pour une pédagogie véritablement inclusive ».
Guide de discussion du Réseau ÉdCan : l’occasion d’approfondir, seul ou en discutant entre collègues, les propos du chercheur, José Ndzeno, qui portent sur l’inclusion scolaire et l’individualisation de l’enseignement.
Ces ressources supplémentaires :
sont aussi disponibles dans l’édition d’automne d’Éducation Canada et offrent un excellent point de départ à cette réflexion professionnelle.
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Que vous soyez un assistant pédagogique, un enseignant, un directeur d’école ou un surintendant, nous vous encourageons à investir dans votre apprentissage continu et celui de votre équipe grâce à ces ressources de développement professionnel faciles à utiliser et abordables qui favorisent la pensée critique et stimulent le développement de stratégies pratiques pour des contextes scolaires uniques.
En référence à l’article L’individualisation scolaire
Par : José Ndzeno
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Trousse de discussion
Les statistiques sont criardes, pires, alarmantes : c’est 25 % à 30 % d’enseignants qui abandonnent l’enseignement juste après la première année au Québec ; et ce chiffre grimpe assez rapidement et atteint 40 % à 50 % pour ceux qui abandonnent après 5 ans en enseignement (Kamanzi et al., 2015). Si vous pensez que ceci est une réalité singulière à la province du Québec, détrompez-vous ! C’est aussi le cas dans d’autres provinces au Canada, comme l’Alberta qui compte 40 % de décrochage dans les cinq premières années (Kamanzi et al., 2015). Les causes de ces abandons sont multiples ; et parmi elles, on peut citer la complexité de l’enseignement, son hétérogénéité, une exigence de compétences exogènes aux compétences disciplinaires usuelles (Tardif, 2012, cité par Kamanzi et al., 2015). Cette complexité et hétérogénéité de l’éducation sont les résultats d’une transformation graduelle du système éducatif. Cette transformation du système, associée à l’intégration scolaire et même à une menace d’assimilation, est surtout à la recherche de solutions pour rendre le système d’éducation réellement inclusif. Dans cet article, nous proposons une solution portant sur l’autonomisation des élèves, l’usage stratégique des nouvelles technologies, l’évaluation individualisée et le rôle de l’enseignant-coach.
Si vous vous interrogez sur la différence entre les termes « intégration » et « inclusion », vous n’êtes pas seuls ! Les chercheurs, eux aussi, s’entremêlent dans ces définitions. En effet, le terme intégration implique déjà une exclusion, car il sous-entend qu’on se fixe pour but d’intégrer un élève au courant dominant et l’inclusion vient alors rectifier ce manque à l’intégration, car il considère tout le monde dès le départ (Doré 2001). Effectivement, comme le mentionne Dalley (2014), les provinces et territoires au Canada sont à la recherche permanente d’un système scolaire inclusif, et pas seulement le Canada d’ailleurs, plusieurs autres pays et en majorité les pays développés. Dans cette quête effrénée de l’inclusion, ils émettent des politiques et des programmes qui concourent à toutes fins utiles.
Au Canada, l’intégration scolaire était utilisée pour contrer les pratiques de « ségrégation » des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA), mais graduellement, les pratiques se sont transformées et retransformées comme une ritournelle pour tenter de concourir à un système scolaire inclusif (Dalley, 2014 ; Doré, 2001).
Dalley (2014) définit les termes « intégration », « assimilation » et « inclusion » suivant deux axes : le continuum qui part de la fixité du Soi jusqu’au changement complet du Soi, et l’autre qui part de la fixité de l’Autre jusqu’au changement complet de l’Autre. Le Soi représentant celui ou celle qui prend sa vision du monde comme la règle et qui impose ses normes. Et l’Autre, celui ou celle qui est en position précaire avec peu de pouvoir.
Alors, vue sous cet angle, l’intégration serait l’état des rapports entre le Soi et l’Autre où le Soi et l’Autre demeurent dans la fixité. En classe, cela représenterait un enfant qui entre dans un groupe sans que ni lui ni le groupe ne vivent de changements. Dans le contexte de l’intégration, l’assimilation est un rapport entre le Soi et l’Autre où d’une part le Soi est en position de changement et l’Autre en position de fixité ; ou inversement, c’est-à-dire que le Soi est en position de fixité et l’Autre en position de changement. Un nouvel élève qui fournit des efforts pour s’adapter aux autres élèves de la classe tandis qu’aucun n’essaye de s’adapter à lui serait un exemple d’assimilation, et vice versa, si certains élèves de la classe essayent de s’adapter à un nouvel élève et que celui-ci ne fournit aucun effort pour s’adapter aux autres, là aussi, on parlera d’assimilation. Et finalement, l’inclusion serait l’opposée de l’intégration, car ici le Soi et l’Autre sont tous en position de changement. Par exemple, un enfant qui intègre un groupe vivra des changements selon l’influence du groupe et vice versa pour le groupe.
Ces rapports complexes pouvant rester difficiles à comprendre, nous vous proposons également de définir l’inclusion en présentant certains indicateurs de réussite d’une école inclusive. La plupart des écrits se servent de données d’élèves potentiellement précaires vis-à-vis des élèves « non-identifiés »1 comme indicateurs de réussite. Ces données sont liées :
Dans ce processus d’inclusion, on va très souvent omettre de prendre en compte l’élève qui n’a pas été catégorisé pour un défi d’apprentissage ou de comportement. Or, il est reconnu que l’inclusion scolaire ne devrait en aucun cas pénaliser ou freiner le progrès de l’élève non identifié ; elle ne devrait pas non plus faire régresser le comportement de ceux-ci. De façon indirecte, d’autres indicateurs sur l’inclusion des élèves en situation précaire sont reliés au personnel enseignant, notamment le climat de coopération au sein même de l’établissement, la participation aux projets scolaires internes sur l’inclusion, le taux de satisfaction au travail, le taux d’utilisation des congés de maladie, la capacité de mobiliser les élèves et d’encourager l’inclusion, peuvent servir d’indicateurs de réussite d’une école inclusive.
Effectivement, une école inclusive devrait prendre en compte tout le monde. Ce qui se passe habituellement, selon notre expérience en tant qu’enseignant, est que la considération du bonheur de l’enseignant est négligeable, et les besoins de certains élèves non identifiés sont noyés au profit des élèves ayant un programme ou des attentes particuliers. Avec peu de ressources et un défaut de formation adéquat en inclusion scolaire, les enseignants se retrouvent en situation d’épuisement professionnel et d’abandon. Mais aussi, certains parents soucieux de l’avenir de leur enfant vont choisir de changer d’école, vu qu’ils sont influencés négativement ou freinés par les difficultés de la course à l’inclusion scolaire.
Attention, il n’est pas pour autant question de renoncer à une école inclusive, mais plutôt d’ouvrir le débat et d’apporter des pratiques authentiques à une école inclusive qui prend en compte les besoins de tout le monde ; plus principalement ceux des élèves et du personnel enseignant. Dans les paragraphes qui suivent, nous explorons en quatre volets une solution pour faire face aux difficultés de l’inclusion.
Le premier volet de notre proposition touche l’indépendance de l’élève. L’enseignant qui veut réussir le projet de l’école inclusive doit être prêt à reconsidérer l’indépendance de l’élève. Cette indépendance passe par des pratiques pédagogiques autonomisantes se traduisant « sous forme d’attitudes et de comportements du personnel enseignant visant à favoriser le vécu autonomisant et la satisfaction des besoins fondamentaux des élèves. » (Godin, Landry et Allard, 2022). Par exemple en classe, cela signifie de bien connaitre les compétences et les intérêts des élèves afin de mieux concevoir un programme leur permettant de réinvestir leurs compétences de manière autonome dans l’apprentissage de nouvelles connaissances.
« Cela peut se faire en rendant les tâches proposées aux élèves authentiques et signifiantes, en leur expliquant les raisons des objectifs d’apprentissage visés, en laissant des choix aux élèves dans les activités, en valorisant leurs efforts et accomplissements, en favorisant le travail en groupe, l’accueil et l’appartenance de tous et de toutes » (Landry et coll., 2010, cité dans Godin, Landry et Allard, 2022).
Donner son indépendance à l’apprenant, c’est donc une façon d’individualiser son enseignement ; c’est surtout « s’insurger contre les dangers d’un enseignement qui ignore les spécificités individuelles et contraint tous les enfants à entrer dans un même moule » (Meirieu,1991). Notamment, l’indépendance de l’élève est une révolution à l’encontre des héritiers du projet de Ferry, ce projet qui, Meirieu nous le rappelle, était de « transformer à l’École le sujet de fait – avec toutes ses particularités et ses adhérences psychologiques, culturelles et sociales – en sujet de droit, réceptif à l’expression de la raison encyclopédique qui s’expose » (1991). Placé en situation d’autonomie, chaque élève pourra trouver son compte et continuer à cheminer dans ses apprentissages. Le personnel enseignant qui exploite des modèles d’apprentissage tels que la pédagogie par projet, l’apprentissage expérientiel, la pédagogie ouverte pourront en témoigner.
On peut penser, par exemple, proposer aux élèves de 6e année de travailler avec des élèves de la 2e année dans le cadre d’une foire. Ainsi, les élèves peuvent se regrouper par équipes d’intérêt afin de trouver et d’organiser une activité pour les élèves de 2e année. La responsabilité du personnel enseignant sera alors d’accompagner les groupes d’élèves dans la délégation des tâches individuelles en s’assurant de la pertinence dans les apprentissages de chacun.
En outre, rendre indépendant c’est aussi ce que Meirieu cherche à traduire par « l’ouverture de lieux de négociations, d’espaces de confrontation, de moments de prise de risque où l’élève peut s’engager et réfléchir ensuite sur ses engagements. » Et ce risque n’est possible que si l’enseignant pratique la retenue. La retenue « c’est cette manière de donner de la place à l’autre sans y paraitre, c’est une sorte de rétractation confiante, une manière de s’éclipser en encourageant, de ne pas s’imposer parce qu’on sait que l’autre, maintenant, va pouvoir aller jusqu’au bout de lui-même » (1991). Ces stratégies d’autonomisation des élèves permettent au personnel enseignant de mieux gérer son temps d’enseignement et de soutenir davantage les élèves qui en ont besoin pour compléter leurs tâches et appuyer ceux qui ont besoin d’encouragement à trouver de manière individuelle des solutions aux difficultés rencontrées dans leurs activités. Ainsi, les élèves en difficulté, tout comme ceux dits réguliers, contribuent à la réalisation du projet d’équipe et augmentent leur sentiment d’appartenance et leur capacité d’apprendre seul.
Même si certains enseignants ont encore du mal à se servir des outils technologiques, ou plutôt ne sont pas toujours convaincus des bienfaits des technologies de l’information et de la communication (TIC), il faut reconnaitre que ces outils font désormais partie de façon inconditionnelle du mode de vie de notre génération. Pour éviter d’abandonner l’élève, jeune et parfois naïf, à la merci des vautours de la désinformation ou de le livrer aux multiples dangers de l’internet et des réseaux sociaux, l’enseignant se doit d’initier l’élève à l’utilisation des TIC.
De plus, n’oublions pas que l’utilisation des TIC peut contribuer énormément à l’apprentissage autonome de tous les élèves, quel que soit leur potentiel d’apprentissage. Mieux encore, certaines recherches à l’instar de Lebrun (2004), montrent que l’une des finalités de la formation des enseignants à l’utilisation des TIC est de mieux les outiller pour favoriser le développement des compétences requises chez les apprenants.
Manifestement, l’utilisation des TIC étant relativement récente dans le domaine de l’éducation, il sera surtout recommandé aux enseignants de l’utiliser de façon réfléchie, optimale, en préservant le bienêtre physique et mental de tous les apprenants.
La compétition en milieu scolaire a toujours fait l’objet de discussions (Saillot, 2019). L’évaluation qui a pour fin de classer et de mettre en compétition les élèves peut être malsaine pour le progrès et la santé mentale de ceux-i-ci. Il convient de repenser de façon utile à notre façon d’évaluer : à mettre l’évaluation au service du progrès de l’élève pris individuellement. Les évaluations à privilégier sont celles qui comparent les compétences de l’élève d’hier et d’aujourd’hui. Ce sont les évaluations qui s’assurent de respecter ce que Vygotsky qualifie de Zone Proximale de Développement (ZPD) de l’élève. Ce sont aussi des évaluations associées aux stratégies d’apprentissages révisables, car comme le dit Meirieu (1991), on ne devrait pas avoir une pédagogie « où tout serait prévu et/ou un diagnostic rigoureux porté sur chaque apprenant permettrait de lui affecter un travail individuel précis ». Comme Meirieu (1991), nous préférons une pédagogie et une évaluation « individualisée tâtonnante où l’on cherche ensemble, avec les apprenants, des modalités de regroupement provisoires, où l’on examine les difficultés rencontrées, où il reste de «l’ouvert» dans l’organisé, où l’organisé est constamment repensé et reconstruit en fonction de ce qui se passe dans cet «ouvert». »
Si nous nous trouvons désormais à cette phase où l’élève est indépendant des enseignements de son maitre, il faut signaler cependant que le rôle du maitre reste crucial plus que jamais, mais en tant que guide. Ce qui nous amène à rappeler la notion de coaching.
C’est quoi le coaching ? Eh bien, comme le dit Barreau (2017, cité par Machouart, 2020) le coaching est « un processus progressif au cours duquel la demande du coaché est analysée, puis l’objectif précis est formulé par le coaché lui-même et l’utilisation d’outils ou de pratiques est ensuite proposée par le coach ». En d’autres termes, c’est une pratique où le maitre-coach guide l’élève de façon stratégique et astucieuse en laissant l’élève être maitre de lui-même. On peut voir les avantages d’une telle approche notamment pour les élèves en difficulté qui ont besoin de prendre confiance en eux-mêmes. Il se trouve très souvent que juste en donnant de l’attention à l’élève, celui-ci remet en question lui-même certains de ses comportements. Afin de mieux soutenir nos propos, en voici un petit extrait illustrant un coaching avec un élève ayant des défis à respecter les règles de classe.
Ainsi, l’élève ne se sent pas puni, mais est invité à réfléchir à ses comportements, il ressent sans doute qu’on lui accorde de l’attention. Il ressent une appartenance au groupe à travers cet instant de discussion et cette inclusion se traduit par un sentiment d’appartenance.
Certains apprenants vivent des événements qui nécessitent l’assistance de l’enseignant-coach. Il peut s’agir de nouveaux arrivants, d’élèves vivant des défis d’ordre culturel, économique ou même de ceux en pleine construction identitaire linguistique, culturelle, sexuelle. À titre d’exemple, Dalley (2013 ; 2014) pose plusieurs cas d’élèves ayant soit des conflits identitaires ou des conflits assimilationnistes, qui requièrent l’aide d’un l’enseignant-coach. Le coach ne donne pas de leçon et encore moins de solution à l’élève, mais il le guide à trouver lui-même ses solutions.
Également, et comme le rappelle Machouart, 2020, l’enseignant-coach va surtout aider l’élève à se retrouver dans le flux d’information croissant qui l’entoure.; il offre aussi la chance d’avoir un face-à-face avec chaque élève et l’occasion aux élèves réservés et timides de s’exprimer. Surtout, il se rend disponible pour un élève ou un groupe d’élèves afin de les accompagner dans la recherche des nouvelles connaissances.
D’ailleurs, n’est-ce donc pas dans Dalley (2013) que des auteurs disaient que « Chaque enfant a une voix ; c’est l’adulte qui doit apprendre à l’écouter » ? Le coaching offre l’occasion d’écouter ces enfants. C’est encore Dalley qui remet en question l’éducation en salle de classe en disant qu’« il devient important de reconsidérer les conditions sous lesquelles les enfants se disent en classe. » (2013). Ceci se traduit par remettre en question nos pratiques en salle de classe et tendre plus l’oreille aux enfants, par qui très souvent vient la solution.
Manifestement, l’enseignement ici est au service du coaching, tout comme le coaching est au service de l’enseignement. En d’autres termes, c’est la réalité vécue comme enseignant qui permettra au coach de poser les bonnes questions à l’élève et de l’accompagner d’une part ; mais c’est aussi l’expérience vécue durant le coaching qui permettra à l’enseignant d’adapter ses stratégies d’enseignement.
Pour le personnel enseignant, la motivation de demeurer dans la profession viendra de plusieurs choses. Grâce au coaching, les enseignants sauront mieux contenir les élèves qui ont des difficultés. Mais aussi, rendre les élèves autonomes libère du temps à l’enseignant pour encadrer les autres et cela augmente son sentiment d’efficacité personnel de réaliser des changements autour de lui et de voir des élèves réussir tout en étant mentalement forts.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2022
1 l’élève qui n’a pas été catégorisé pour une difficulté d’apprentissage ou de comportement.
Dalley, P. (2014). Assimilation, intégration ou inclusion : Quelle vision pour l’éducation de langue française en contexte minoritaire. La francophonie dans toutes ses couleurs et les défis de l’inclusion scolaire en milieu minoritaire francophone canadien, 13-35.
Dalley, P. et M. Cotnam-Kappel (2013). Vers une pédagogie des droits et de la citoyenneté mondiaux de l’enfant en Ontario français. Revue d’éducation, 3(2), 4-5. http://education.uottawa.ca/assets/revue_edu_fr_automne_2013.pdf
Doré, R. (2001). Intégration scolaire. Document consulté le 20 novembre 2010.
Godin, G., Landry, R. et Allard, R. (2022). Conscientisation, engagement communautaire et pratiques pédagogiques du personnel enseignant en contexte francophone minoritaire. Minorités linguistiques et société / Linguistic Minorities and Society, (18), 3–36. https://doi.org/10.7202/1089178ar
Lebrun, M. (2004). La formation des enseignants aux TIC : allier pédagogie et innovation. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 1(1), 11-21. https://doi.org/10.18162/ritpu.2004.9
Machouart, M. (2020). Réveil des talents à l’université et place de l’enseignant-coach. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 36(1).
Meirieu, P (1991). Individualisation, différenciation, personnalisation : De l’exploration d’un champ sémantique aux paradoxes de la formation. Association des enseignants et chercheurs en sciences de l’éducation (AECSE).
Saillot, É. (2019). Évaluation par compétences : les préoccupations des enseignants en matière d’évaluation au cours d’une expérimentation des « classes sans notes » dans un collège français. Mesure et évaluation en éducation, 42(2), 35–61. https://doi.org/10.7202/1071515ar