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Enseignement

Vers une implication de l’apprenant

Introduction

Les distorsions engendrées par une rupture entre les intentions communicatives constituent pour le pédagogue et l’éducateur des opportunités favorables au repère des disparités intersubjectives au contact des apprenants.

Introduction

Les distorsions engendrées par une rupture entre les intentions communicatives constituent pour le pédagogue et l’éducateur des opportunités favorables au repère des disparités intersubjectives au contact des apprenants.

Ces disparités nécessitent la médiation d’une dynamique d’interaction enseignants-enseignés et enseignés-enseignés, l’enseignant introduisant les enseignés à la prise en compte des différents points de vue exprimés d’une part et l’argumentation de leurs interventions d’autre part, tout ceci au rythme des tours de parole instaurés dans les échanges. L’apprenant est ainsi impliqué avec ses pairs et le formateur référent dans une dynamique langagière où il peut se poser en acteur partageant des usages sociaux communs qui prennent en compte les différences intersubjectives.

Dans la pratique on envisage ainsi une pédagogie qui considère l’apprenant comme une entité expérimentant un langage et une culture dans un contexte où les apprentissages s’effectuent au moyen de modalités communicatives favorables à l’expression des cultures et à l’utilisation des langues en présence, où l’individu construit des savoir-faire en développant un esprit critique attentif aux points de vue de ses interlocuteurs dans toute la diversité de leurs subjectivités.  L’enjeu de la situation de communication est en effet, comme nous pouvons l’observer avec C. Brassac[1], l’intercompréhension entre des personnes qui interagissent dans le cadre d’une « communiaction ».

La fertilité des différences : lieu de nouvelles modalités situationnelles

Une approche heuristique des relations adultes-enfants[2] a montré que les différences interindividuelles constituent le fondement des situations d’apprentissage où chaque acteur contribue au processus d’intercompréhension, constituant le lieu de la co-construction du savoir. Il importe, dans ce contexte, d’étudier les conditions et modalités les plus favorables à  une expression optimale des disparités intersubjectives.

L’acteur s’inscrit ici, avec d’autres individus, dans des rapports interactifs où chacun s’efforce,  suivant les  moyens  dont  il dispose, de préserver sa liberté d’agir.

Ces rapports se construisent et se développent à travers des «systèmes de relations ou d’actions»[3] qui caractérisent l’organisation tout en étant susceptible de la transformer au bénéfice des  uns ou des autres.

«Tout  changement  pour l’épanouissement des individus, le développement de leurs activités ou l’amélioration du  climat  ou  des  performances  de  l’ensemble qu’ils constituent, passe  par  la transformation de ces systèmes».[4] Les systèmes d’actions sont ces moyens dont disposent les acteurs pour prendre part à l’organisation à laquelle ils appartiennent.

Modalités inductives d’une co-construction

Il n’est plus question ici d’envisager un dispositif où le bénéficiaire serait considéré comme une personne au centre d’un système organisé pour lui. Il convient plutôt de prendre en compte la situation de la personne concernée qui, dans le cadre d’un processus de développement interactif, prend une part active à la conception, à l’organisation et au déroulement d’un programme ciblé avec elle. Le système ainsi perçu inclut donc la personne en question parmi les acteurs qui s’animent autour d’une situation devenant l’objet de l’enjeu collectif d’une co-construction.

Ceci demande de la part du formateur référent une disposition à l’élaboration inductive des savoir-faire, d’où une invitation à une démarche réflexive face à toutes les tâches à effectuer étape après étape. Les modalités susceptibles de favoriser l’induction dans ce contexte sollicitent des conduites autonomes fondées sur l’autoévaluation programmée des compétences face aux savoir-faire ciblés collectivement.

Ces modalités sont relatives à une organisation stratégique se fondant non seulement sur les exigences d’une situation donnée mais aussi sur les motivations et intentions des protagonistes d’une action commune qui doivent adopter des conduites adaptées dans une perspective de construction et d’élaboration sémantique constituant un préalable à tout processus de développement producteur d’une plus value cognitive.

Dans la pratique, l’apprenant confronte systématiquement son point de vue à l’argumentation dans le cadre de la mise en place de son accompagnement. Les modalités de la situation d’apprentissage ne sont donc pas prédéfinies mais construites, voir co-construites avec ses pairs et le formateur.

Figure 1

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Le référentiel fixant le cadre passe tour à tour par une interprétation personnelle et partagée avant sa mise en œuvre effective. Par exemple l’élève apprend et développe des savoir-faire dans un cadre ritualisé et des modalités qu’il contribue à construire avec son enseignant en élaborant des stratégies adaptatives se fondant sur l’appréhension d’un contenu mais aussi sur une intercompréhension des intentions communicatives enseignés-enseignants autour d’une démarche  formative activant la créativité de chacun qui s’inscrit dans un processus évolutif commun.

Ainsi, pour découvrir et appréhender les enjeux d’un enseignement, l’apprenant devra contribuer activement à l’organisation méthodologique de sa mise en œuvre.

C’est dans ces conditions et dans ce cadre qu’il sera possible à la personne accompagnée d’accéder à une conduite autonome de son parcours formatif.

Figure 2

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En se montrant attentif aux distorsions entre son action communicative et celle de son interlocuteur, le locuteur parvient à appréhender le point de vue de l’autre et à rétroagir sur le point de vue de celui-ci, favorisant ainsi un ajustement mutuel des deux points de vue par une activation du processus d’intercompréhension.

L’apprenant peut en effet induire la prise en compte des distorsions en interpellant ses interlocuteurs sur les disparités intersubjectives qui se manifestent dans les interactions, de manière à optimiser la transmission et l’appropriation de l’information.

Conclusion

Une dynamique impliquant l’éducateur, le référentiel et l’éduqué  mobilise favorablement les ressources et potentiels de ce dernier qui contribue ainsi à l’élaboration des réponses à ses questionnements. L’organisation de l’encadrement n’est, par conséquent, plus sous la seule autorité de l’encadrant mais implique aussi l’encadré qui bénéficie d’une application adaptée à l’ensemble des situations qu’il est amené à vivre dans le cadre de son éducation.

La perspective d’un encadrement référencé par l’ensemble des acteurs impliqués requiert la mobilisation d’une culture de la diversité rendant accessible l’expression des différences à des fins pédagogiques et tout simplement humaines.

Il importe pour cela qu’une nouvelle orientation soit donnée aux méthodes éducatives mises en pratique dans les structures et établissements chargés d’encadrer de jeunes apprenants. Cela passe notamment par l’introduction de ces nouvelles méthodes dans la formation des enseignants, éducateurs et autres formateurs. 

Première publication dans Éducation Canada, mars 2015


[1] Brassac, Ch., L’interaction communicative, entre intersubjectivité et inter-objectivité, Nancy II, 2001.

[2] Miehakanda, M., Transmission et appropriation des langues en Martinique, Thèse de doctorat, UAG / Nancy II, 2010.

[3] Crozier, M., L’acteur et le système : les contraintes de l’action collective, 1981.

[4] Ibid. page 236.

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M’Badi MIEHAKANDA

M’Badi MIEHAKANDA, Ph.D., est Docteur en sciences de l'éducation et chercheur associé au Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Éducation et Formation (LIRDEF) à  Montpellier.

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