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Opinion

Un projet de loi qui ne règle aucun enjeu actuel

Cette pièce de blogue fait partie de notre série sur la Loi 86.

En matière d’éducation, il est malheureux de voir le gouvernement du Québec s’attarder sur un projet de réforme des structures plutôt que de développer une vision rassembleuse de l’éducation, de proposer des moyens pour la réussite de tous et d’investir les ressources nécessaires pour y parvenir. Non seulement son projet de loi 86 en vue de modifier l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires n’a pas sa place dans les priorités actuelles, mais ses principales orientations risquent même d’aggraver les problèmes au lieu de les résoudre. C’est pourquoi la Confédération des syndicats nationaux (CSN) réclame l’abandon complet de ce projet de loi.

Si le projet de loi est adopté, la CSN craint la disparition d’élections au suffrage universel dans plusieurs commissions scolaires, faisant du coup disparaître un pilier fondamental au cœur du réseau public de l’éducation : la démocratie élective au sein de la communauté. Si la CSN se réjouit de voir, par l’entremise d’un quotidien montréalais, une ouverture récente du premier ministre Philippe Couillard pour le maintien des élections scolaires, elle demeure prudente. L’arrimage avec les élections municipales semblait davantage un souhait qu’une possibilité. Reste à voir quelles seront les intentions de son nouveau ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, qui pilote actuellement ce projet de loi.

La CSN croit également que la composition du nouveau conseil scolaire, qui remplacerait l’actuel conseil des commissaires, pose de nombreux problèmes, dont le fait que très peu de membres auraient l’obligation de résider sur le territoire de la commission scolaire et que le milieu des employeurs pourrait y avoir son représentant. Mais le plus aberrant demeure l’exclusion des employé-es de soutien dans ce nouveau conseil scolaire alors que ceux-ci représentent le tiers du personnel des commissions scolaires. Ne détiennent-ils pas une expertise en éducation spécialisée, dans les services de garde éducatifs, en soutien administratif et dans l’entretien des bâtiments ?

Par ce projet de loi, le ministre de l’Éducation s’attribuerait de nouveaux pouvoirs, ce que la CSN dénonce férocement. Plusieurs articles pourraient légitimer son pouvoir d’ingérence dans la gestion et l’encadrement des commissions scolaires et de leur direction générale. Par exemple, le ministre pourrait surseoir à une décision du conseil scolaire concernant l’emploi du directeur général, mettre en tutelle une commission scolaire, ajuster les règles budgétaires en cours d’année et même forcer les regroupements de services et le partage des ressources entre des commissions scolaires ou d’autres organismes. L’analogie avec la récente réforme du réseau de la santé et des services sociaux (loi 10) s’impose à l’esprit et il serait important de ne pas reproduire les mêmes erreurs dans le secteur de l’éducation. La loi 10 vient de célébrer son premier anniversaire et a trouvé bien peu d’acteurs du milieu pour l’applaudir.

Autres aspects pernicieux du projet de loi 86 : limiter la persévérance et la réussite scolaire au plus grand nombre et inscrire l’adéquation formation-emploi dans la Loi sur l’instruction publique. Pour s’assurer de l’égalité des chances, l’école doit soutenir tous les élèves vers la réussite scolaire, qui d’ailleurs ne se limite pas qu’au taux de diplomation. Le gouvernement a également profité de l’occasion pour promouvoir l’une de ses priorités, soit l’adéquation entre la formation et les besoins de main-d’œuvre des entreprises. Or, l’éducation doit d’abord répondre aux besoins des élèves et assurer leur épanouissement. L’éducation et l’offre de formation ne peuvent se limiter aux seuls besoins à court terme de main-d’œuvre des entreprises.

Lors du dernier budget, le gouvernement du Québec a annoncé une hausse des budgets pour les commissions scolaires d’environ 3 %. Cette croissance ne permet ni de bonifier les services aux élèves ni de récupérer les sommes perdues lors des compressions des dernières années. On peut également douter que les investissements prévus permettront de combler les coûts du système. Le gouvernement entend aussi augmenter les investissements dans les infrastructures qui sont dans un état lamentable. Le Plan pour la réussite en éducation et en enseignement supérieur nous laisse donc sur notre appétit.

Pour toutes ces raisons, la CSN demande au  gouvernement du Québec d’abandonner son projet de loi qui n’apporte rien de constructif aux enjeux présents. Le 22 mars dernier, la CSN a présenté un mémoire en ce sens lors de la commission parlementaire à Québec.

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veronique de seve

Véronique De Sève

Véronique De Sève est vice-présidente à la CSN et elle est responsable de nombreux dossiers, dont le groupe de travail sur l’éducation, l’enseignement supérieur et les services de garde éducatifs à l’enfance. De plus, elle dirige le comité national de la condition féminine et le comité national des jeunes. Elle détient un baccalauréat en psychoéducation et a travaillé en tant qu’éducatrice en centre jeunesse. @verodeseve @lacsn www.csn.qc.ca

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