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Leadership, Opinion, Pratiques prometteuses

Relever le beau défi de changer l’éducation canadienne

Hormis le discours du 21e siècle, la transformation réussie de notre système d'éducation demeure problématique

D’avril à août 2014, l’ACE a organisé une série de rencontres-recherche régionales à travers le pays, en demandant aux éducateurs et aux intervenants en éducation de répondre à la question Qu’est-ce qui fait obstacle au changement en éducation? L’audace d’avoir posé cette question et d’avoir tenu ces événements provocateurs nous a valu force éloges et certaines critiques. Cela m’amène à croire que cette question est tout autant stimulante que menaçante, selon la place qu’on occupe dans le secteur. Mais il ne fait aucun doute que cette question directe a récolté des commentaires très perspicaces de la part des participants à nos événements, que nous diffuserons lors du lancement d’un rapport de suivi le 23 octobre 2014, à Toronto.

Je suis persuadé que l’absence d’un sentiment d’urgence et de confiance constitue des obstacles très importants au changement en éducation. Et pourtant, des leaders de districts scolaires me parlent souvent de la nécessité de « gérer » ce changement, pour qu’il se produise à l’échelle du système. Mais pour changer l’état de la situation, il ne suffira pas d’adopter une simple procédure de mise en place des conditions du sommet à la base ou de la base au sommet. Il faudra faire confiance à ces « leaders courageux » (des enseignants, des directeurs d’école, des surintendants, des administrateurs et des conseillers scolaires – ces véritables agents de changement qui œuvrent dans nos salles de classe et sont disposés à prendre des risques tous les jours; qui préfèrent demander pardon plutôt que la permission, et qui sortent des sentiers battus. Non seulement ces individus existent-ils au sein du système de l’éducation canadienne mais, dans certains cas limités, ils s’y épanouissent vraiment. Mais, dans l’ensemble, ils risquent de devenir des cas exceptionnels au sein des nombreux districts scolaires bien plus préoccupés de projeter l’image qu’ils soutiennent l’innovation, plutôt que de véritablement la mettre en place dans leurs écoles.

Notre étude Enseigner selon nos aspirations a clairement prouvé que l’enseignement novateur avait lieu dans nos salles de classe, mais que le « système » se contentait de le tolérer jusqu’à ce qu’il fasse des vagues. Comme cette étude l’a démontré, il s’ensuit que ces pratiques pédagogiques novatrices demeurent discrètes. Si nous l’associons à une autre étude intitulée organizational wisdom qui affirme que les systèmes considérés comme étant « peu intelligents » font grand cas de la conformité et du contrôle, alors que les organisations et les institutions prospères qui attachent clairement de l’importance à la créativité, à la prise de risque et à la pensée critiques sont qualifiées d’« avisées », vous comprendrez rapidement les défis qui nous attendent par rapport à la transformation du système. Nous savons fort bien que nos districts scolaires sont remplis de personnes brillantes qui travaillent au sein d’un système qui est fondamentalement « peu intelligent ». Comment pouvons-nous affranchir ces individus pour qu’ils puissent enseigner selon leurs aspirations et diriger selon leurs aspirations? En commençant par la confiance! Moins de règlements, plus de confiance!

Malheureusement, le discours creux sur le changement continue de prendre le pas sur la réalité. Pour un grand nombre d’organismes éducatifs, l’attention considérable consacrée à examiner les notions du 21e siècle par rapport aux programmes d’étude et à l’évaluation constitue une priorité. Lorsque je consulte les sites Web des districts scolaires, j’examine le contenu, tout particulièrement les sections décrivant leur vision. Je mène ensuite un test véritablement décisif, en visitant les sites Web de leurs écoles, pour vérifier s’ils font état d’orientations d’apprentissage similaires appartenant au 21e siècle. Hélas, dans de nombreux cas, je constate peu ou aucune indication de la vision du district, et encore moins d’indications de la présence de nouveaux apprentissages ou engagements, mais beaucoup d’importance sur la notation normalisée de la littératie et de la numératie. Et cela n’est guère étonnant, car les parents veulent connaître les classements et savoir comment leur école se mesure aux autres. C’est pourquoi nous constatons des stratégies « dictées par le marché » visant à éliminer toute tentative de nouvelles approches d’apprentissage et pédagogiques de la part des enseignants, de nouvelles rubriques d’évaluation qui mesurent plus que des compétences du 19e siècle et de nouvelles conceptions d’écoles et de salles de classe dont nous savons qu’elles créent de meilleurs environnements propices à un apprentissage efficace. (Je ne mentionnerai même pas un récent rapport de l’OCDE qui affirme que les données laissent entendre que les stratégies dictées par le marché visant à améliorer l’éducation ne fonctionnent pas. Ce sera le sujet d’un autre billet de blogue!) 

Nous devons donc lutter contre le fait que l’image l’emporte sur l’action. La plupart des leaders avec qui je m’entretiens admettront (après un peu d’insistance) que la réalisation du changement est un travail d’Hercule, qu’ils ont à peine amorcé le travail nécessaire, particulièrement alors que de nombreux critiques continuent de rejeter les pratiques novatrices fondées sur des données tangibles, ou de qualifier les toutes dernières découvertes de la neuroscience sur le fonctionnement du cerveau de « blablabla ».

Et ainsi, la transformation réussie du système d’éducation demeure problématique. À titre de médiatrice impartiale en éducation au Canada, l’ACE s’engage à veiller à ce qu’on poursuive les discussions et les débats éclairés sur l’établissement des conditions permettant au changement de prospérer dans nos écoles. Un grand nombre de participants à nos rencontres-recherche nous ont dit qu’ils savent fort bien ce qui fait obstacle au changement dans le système et n’ont pas besoin de définir de vision. Ce qu’ils veulent, par contre, c’est de trouver le « comment », qui se résume à comment diable allons-nous mettre l’épaule à la roue pour transformer l’éducation pour qu’elle convienne à tous nos élèves?

La thématique de notre prochain symposium, Le changement : un beau défi, portera sur le « comment ». Nous avons planifié une journée très stimulante pour notre groupe de participants pancanadiens. En fait, j’ai la conviction qu’il s’agira d’une journée très inspirante et très positive pour les éducateurs courageux qui veulent contribuer à ce qu’un véritable changement devienne réalité et je vous invite à vous joindre à notre discussion du 23 octobre, en personne ou à #CanEdChange.

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Ron Canuel

Ron Canuel

Ron Canuel is the former President and CEO of the Canadian Education Association. He has over 40 years of experience in the public education sector. As the former Director General of the Eastern Towns...

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