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Quels sont les défis de la formation postsecondaire en ligne?

Introduction

L’apprentissage en ligne favorise la démocratisation du savoir à l’ensemble de la population apprenante, indépendamment de son statut et de sa provenance, de même que la possibilité pour celle-ci de consulter et d’interagir, au-delà des frontières, grâce aux multiples ressources mises à sa disposition. Cette avenue est empruntée par de nombreuses institutions d’enseignement postsecondaire du Canada et répond à un besoin grandissant exprimé par des apprenants adultes de choisir librement le lieu, le moment et le rythme de leur formation. Les horaires personnels surchargés, les obligations familiales, la non-disponibilité de certains cours en mode présentiel, la distance séparant l’apprenant de l’établissement d’éducation ou l’accès limité à un moyen de transport, constituent les principales raisons évoquées par les apprenants qui optent pour l’apprentissage en ligne. Si celui-ci présente des avantages certains pour l’apprenant de même que pour le développement de ses connaissances et de ses compétences, cette nouvelle façon de vivre et de concevoir l’apprentissage comporte également des défis non négligeables auxquels ses usagers, de même que leurs formateurs, doivent faire face.

Un mode d’apprentissage des plus avantageux

Il semble que l’usage de la technologie n’enlève rien à la richesse des apprentissages effectués. Pour les apprenants, c’est de la compétence du formateur-concepteur que relève la qualité des méthodes pédagogiques mises de l’avant lors d’une formation en ligne, pas des dispositifs technologiques. Dans un tel contexte éducatif, la salle de classe traditionnelle est remplacée par la classe virtuelle, de format web, sur laquelle les plans et notes de cours, les textes à lire, les activités d’apprentissage proposées et les forums de discussion sont disponibles pour les apprenants. Qui plus est, ce mode d’enseignement favorise une orientation constructiviste de l’apprentissage; l’apprenant est appelé à trouver par lui-même les sources documentaires, l’information, les ressources et les outils dont il a besoin, ce qui contribue à développer son autonomie, sa discipline et sa responsabilité en regard de son cheminement pédagogique. Il rend aussi possible l’accès aux études à des apprenants qui ne pourraient se déplacer vers une institution d’enseignement en raison de leurs obligations personnelles, familiales ou professionnelles. En outre, l’apprentissage en ligne remet en question l’efficience de l’approche traditionnelle de l’enseignement généralement en vigueur dans les collèges et universités.

L’apprentissage en ligne présente d’autres vertus. Il permet aux apprenants d’appréhender les connaissances à acquérir selon divers points de vue tout en les autorisant à sélectionner les contenus qui répondent le mieux à leurs attentes. La classe virtuelle étant accessible en tout temps, les apprenants ont alors la possibilité de s’approprier la matière à l’étude à leur rythme et d’effectuer un retour réflexif avec plus de profondeur qu’ils ne pourraient le faire lors d’un cours en mode présentiel, en raison des limites de temps imposées par la structure de ce dernier. De plus, toutes les « traces » d’enseignement et d’apprentissage sont gardées en mémoire au moyen des documents affichés sur la plate-forme web et des échanges enregistrés sur les forums ou lors des séances de clavardage, ce qui accroît la richesse du cours pour les formateurs autant que pour les apprenants. Enfin, l’utilisation optimale du temps alloué à l’étude, l’abolition des contraintes temporelles et spatiales de même que la nature et la qualité des débats favorisés par les outils de discussion constituent d’autres avantages de ce mode d’apprentissage. 

Des défis pour les apprenants 

La valeur et les possibilités de l’apprentissage en ligne dépendent largement de la faculté de l’utilisateur d’en exploiter le plein potentiel. La sophistication et la complexité des ressources employées exigeront de la part de l’apprenant à la fois une augmentation et une diversification de ses habiletés. Les embûches peuvent être multiples : problèmes liés aux logiciels et à l’équipement informatique utilisés, défis relevant des caractéristiques individuelles et culturelles des apprenants ou qualité et pertinence des modalités pédagogiques et méthodologiques au regard du développement des compétences visées dans le cadre du cours, pour ne citer que ces exemples.

Les cours en ligne, malgré leur popularité croissante, enregistrent un taux d’abandon supérieur à ceux délivrés en mode traditionnel. Les travaux de King[i], de Palmer et Holt[ii] ainsi que de Saadé, He et Kira[iii] ont souligné que les frustrations et le mécontentement des apprenants envers les dispositifs techniques et technologiques, l’anxiété, la confusion de même que les délais dans la réception des rétroactions du formateur comptent parmi les causes de ce phénomène. La solitude et l’isolement des apprenants attribuables à l’impossibilité de parler avec les autres participants ou avec le formateur pendant les pauses ou avant et après les cours sont eux aussi ressentis comme des freins à l’apprentissage en ligne puisque ces conversations informelles favorisent grandement l’autorégulation des apprenants en regard de leur cheminement. Le soutien professionnel et technique, pour sa part, n’est pas toujours accessible ou approprié aux besoins de l’apprenant; de plus, les longues heures passées devant l’écran de même que le haut degré d’attention et de concentration qui y sont associées peuvent entraîner, pour l’apprenant, des surcharges cognitive et sensorielle considérables.

Par ailleurs, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les apprenants en ligne investissent plus de temps à l’étude et à l’exécution de leurs travaux qu’ils ne le feraient lors d’un cours en mode présentiel. 

Les caractéristiques personnelles de l’apprenant peuvent également influencer l’expérience d’apprentissage de celui-ci. Les chercheurs mentionnés précédemment évoquent à ce propos des exemples tels que l’attitude, la motivation, les attentes ressenties envers le cours et les connaissances susceptibles d’y être acquises, le degré d’appréciation de l’environnement virtuel et de la structure du cours, la gestion du temps, le sentiment d’efficacité de l’apprenant à propos de son aptitude à communiquer et à apprendre selon ce mode, son engagement dans la communauté d’apprentissage, les compétences qu’il possède en regard des objectifs à atteindre et la capacité à évaluer lui-même son rendement. En outre, l’apprentissage en ligne exige une bonne discipline, un sens de l’organisation et une certaine rigueur de la part des apprenants qui doivent construire activement leurs apprentissages et assurer une gestion de ce processus de façon indépendante et autonome; cette gestion des apprentissages peut s’avérer épineuse pour des apprenants n’ayant pas développé ces facultés. La réalisation de tâches en collaboration avec d’autres apprenants nécessite, pour sa part, la manifestation d’un esprit d’initiative et d’un niveau de débrouillardise supérieurs à ce qu’un cours en mode présentiel réclame habituellement. Par ailleurs, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les apprenants en ligne investissent plus de temps à l’étude et à l’exécution de leurs travaux qu’ils ne le feraient lors d’un cours en mode présentiel. Finalement, d’après Delfino et Persico[iv] les compétences de nombreux apprenants à effectuer les opérations techniques requises lors de l’apprentissage en ligne ainsi qu’à naviguer sur la Toile semblent insuffisantes, ceux-ci n’ayant jamais été exposés à ce type de modalités pédagogiques et technologiques auparavant.

Des défis aussi pour les formateurs!

Il va sans dire que l’apprentissage en ligne contribue à enrichir l’expérience pédagogique des formateurs; il les incite entre autres à développer leurs compétences liées aux TIC (technologies de l’information et de la communication) et à expérimenter avec les apprenants un partage plus grand de leurs responsabilités quant à l’apprentissage de ces derniers. Cette nouvelle façon de penser l’enseignement permet aux formateurs de vivre un rapport au temps et au lieu d’enseignement différent, mais aussi de moderniser et de démocratiser leur rôle puisque de « maîtres », ils deviennent personnes-ressources, facilitateurs et collaborateurs du processus d’apprentissage.

L’apprentissage en ligne pose toutefois de nombreux défis au formateur puisqu’il augmente considérablement sa tâche d’enseignement; celui-ci doit, entre autres, développer un programme d’études et des activités d’apprentissage qui s’y rapportent puis les rendre accessibles sur la plate-forme web du cours, en tenant compte de la diversité des degrés d’autonomie des apprenants et de leurs différents rythmes de travail. Il doit également assurer la gestion quotidienne de cette plate-forme, trouver des textes et des ressources pédagogiques variées qui sont disponibles en ligne et accorder un temps considérable à la rédaction des réponses aux questions acheminées par les apprenants. En plus d’être un expert de la discipline enseignée et de l’apprentissage des apprenants adultes, le formateur en ligne doit aussi présenter des compétences élevées dans les domaines associés à l’utilisation des TIC; ajoutons que le soutien de la part d’un technicien en informatique ou d’un assistant d’enseignement ne contribue pas nécessairement à alléger la tâche du formateur.

Pour Jereb et Šmitek[v], l’usage des TIC ne garantit en aucun cas la compréhension et la signifiance du contenu offert. Conséquemment, le formateur doit porter une attention particulière à la configuration de l’espace virtuel et à la préparation des documents mis à la disposition des apprenants. Selon ces chercheurs, le recours aux images, aux tableaux, aux diagrammes ainsi qu’aux dessins ou aux personnages animés favorise la rapidité d’acquisition des savoirs et leur mémorisation. De plus, les méthodes d’autoévaluation proposées par le formateur devraient permettre aux apprenants de situer leur rendement relativement aux connaissances et aux compétences à développer. L’élaboration d’un cours en ligne, selon Delfino et Persico[vi], requiert une planification minutieuse ainsi qu’une étroite collaboration entre le formateur, l’assistant d’enseignement et le concepteur du cours lorsque ces rôles ne sont pas assumés par la même personne. Le formateur, en plus de déterminer et de développer les modalités d’apprentissage qui assureront l’atteinte des objectifs, doit notamment associer convenablement ces modalités aux ressources technologiques disponibles, assembler ces dernières de manière cohérente et compréhensible par l’entremise de l’environnement virtuel et, enfin, évaluer le cours ainsi créé. Ce processus est itératif et s’enrichit grâce au retour réflexif du formateur et à la rétroaction des apprenants.

Shea, Li et Pickett[vii] rappellent que le rôle de la communauté d’apprentissage en tant que facilitatrice de l’acquisition des connaissances ne peut être ignoré en ce qui a trait à la réussite en contexte de formation des adultes. La création et la cohésion de cette communauté sont tributaires de la présence et de la participation du formateur dans l’environnement en ligne. Celles-ci se manifestent par une conception et une organisation du cours facilitant l’apprentissage, soit par la mise à disposition d’amorces et par une orientation des discours encourageant la communication entre les différents acteurs, en exprimant aux apprenants des rétroactions et des encouragements dans un court délai ainsi qu’en partageant ses expériences personnelles avec la communauté d’apprentissage qu’il dirige activement. En outre, le soutien offert à la population apprenante doit être différencié en fonction des besoins de chacun, l’environnement en ligne favorisant avantageusement une approche centrée sur l’apprenant. Le formateur doit alors veiller à ce que chacun des participants possède les habiletés et les outils requis à l’accomplissement de la formation et, si cela est nécessaire, les stratégies de même que les ressources pour les acquérir. L’apprentissage et le développement personnel doivent être visés en concomitance; le formateur devra établir des liens entre le vécu et les aspirations des apprenants ainsi que les contenus abordés dans le cadre du cours. Bien que ce soit souhaitable, il s’avère par ailleurs difficile de répondre aux besoins spécifiques de chaque apprenant dans une classe virtuelle, particulièrement lorsqu’un nombre important de participants y sont inscrits.

L’apprentissage en ligne au niveau postsecondaire propose de nombreux défis aux apprenants qui s’y engagent comme aux formateurs responsables de concevoir et d’enseigner de tels cours.

Conclusion

L’apprentissage en ligne au niveau postsecondaire propose de nombreux défis aux apprenants qui s’y engagent comme aux formateurs responsables de concevoir et d’enseigner de tels cours. Par surcroît, l’imputabilité de ces derniers ne s’applique pas uniquement à leurs fonctions de concepteurs, de facilitateurs ou de personnes-ressources, mais les formateurs portent également une part appréciable de responsabilités dans la qualité de l’expérience d’apprentissage vécue par les participants. Il est capital de souligner que si les formateurs œuvrant en milieu collégial et universitaire bénéficient d’un minimum d’assistance technique lors du développement de la plate-forme de leurs cours en ligne, peu de soutien pédagogique leur est également attribué quand vient le temps d’adapter à la formation en ligne un cours ayant initialement été créé pour l’enseignement dans un contexte traditionnel. Il en va de même pour la formation visant l’acquisition de stratégies appropriées à l’enseignement en mode virtuel qui leur est rarement offerte. À la lumière des propos exposés dans cet article, il apparaît primordial que des dispositifs formels d’accompagnement et de formation ponctuelle et continue soient développés et dispensés aux formateurs en ligne par les établissements d’éducation qui emploient leurs services.

RECAP – Abundant research exists on information and communication technologies and their applications in post-secondary education. This new teaching and learning method has significantly transformed the roles traditionally attributed to users and educators, given that the sophistication and complexity of the resources used require both groups to diversify their skills. Growing interest in e-learning as part of college and university programs urges us to examine not only the many advantages it offers but also the challenges it poses both to adult learners (its primary users) and to the educators in charge of implementing it. Yet these educators receive only a minimum of technical and educational support for developing their online courses and very little training to acquire appropriate e-teaching strategies. In the education systems employing their services, does it not seem crucial, even urgent, to implement formal mechanisms for providing them with assistance, along with ad hoc training and continuing education?


[i] King, F. B. (2002). A virtual student. Not an ordinary Joe. The Internet and higher education, 5(2), 157-166.

[ii] Palmer, S. R. et Holt, D. M. (2009). Examining student satisfaction with wolly online learning. Journal of computer assisted learning, 25(2), 101-113.

[iii] Saadé, R. G. et He, X. et Kira, D. (2007). Exploring dimensions to online learning. Computers in human behavior, 23(4), 1721-1739.

[iv] Delfino, M. et Persico, D. (2007). Online or face-to-face? Experimenting with different techniques in teacher training. Journal of computer assisted learning, 23(5), 351-365.

[v] Jereb, E. et Šmitek, B. (2006). Applying multimedia instruction in e-learning. Innovations in education and teaching international, 43(1), 15-27.

[vi] Delfino, M. et Persico, D. (2007). Op. cit.

[vii] Shea, P., Li, C. S. et Pickett, A. (2006). A study of teaching presence and student sense of learning community in fully online and web-enhanced college courses. The Internet and higher education, 9(3), 175-190.

Apprenez-en plus sur

Claire Duchesne

Professeure agrégée à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa

Claire Duchesne est professeure agrégée à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa. Ses intérêts de recherche portent sur les questions associées à la formation, à l’apprentissage et au développement des adultes, à la formation initiale et continue des enseignants ainsi qu’à l’insertion professionnelle des nouveaux enseignants issus de l’immigration.

Claire Duchesne is an assistant professor at the Faculty of Education of the University of Ottawa. She teaches undergraduate and graduate courses focusing on learning processes and adult education. Her main research interests are adult learning and teacher training.

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