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Design technopédagogique, Pratiques prometteuses

Quand les TIC font mouche

Leur impact sur l’engagement scolaire des élèves

Quand les TIC (technologies de l’information et de la communication) transforment l’école

En quelques années à peine, les salles de classe de partout au Canada se sont métamorphosées. Difficile à croire? Il y a à peine plus de 13 ans, Google n’existait pas. Actuellement, il s’agit de la première source d’accès à l’information, tant pour les élèves que pour les enseignants. Une récente étude 1 a montré que plus de 80 % des étudiants universitaires ne consultent plus de livres « papier », mais plutôt des ressources en ligne, trouvées le plus souvent avec Google. Chaque jour, c’est plus de 1 milliard de questions qui lui sont posées2. On se demande parfois à qui étaient adressées ces questions A.G. (avant Google)? Mais Google n’est pas la seule technologie récemment incluse en éducation. Les médias sociaux le sont aussi. En effet, on annonçait récemment le milliard d’usagers pour Facebook, une plateforme qui n’a que 8 ans. En éducation, les médias sociaux représentent à la fois des avantages indéniables (notamment en ce qui a trait aux possibilités de collaboration en dehors de la salle de classe), mais aussi des défis majeurs. Pourtant, les médias sociaux sont encore rarement utilisés à des fins éducatives ou en contexte scolaire. Pourquoi ne pas tenter de canaliser l’engouement des jeunes pour Facebook à des fins éducatives? Pourquoi ne pas faire usage des médias sociaux pour favoriser l’engagement social ou affectif des jeunes à l’école? Et que penser de YouTube, troisième site le plus visité sur Terre, avec ses 800 millions de visiteurs chaque mois3. Thomas Edison avait une part de vérité quand il affirmait en 1911 que « les livres seront bientôt désuets. Les écoliers apprendront bientôt à travers leurs yeux. […] Notre système scolaire sera complètement transformé d’ici dix ans ». Dans son élan d’optimisme, il a toutefois un peu sous-estimé le temps nécessaire au changement. Mentionnons également Wikipédia, cette encyclopédie virtuelle devenue le 6e site le plus visité au monde (12,8 milliards de visites chaque mois4) en à peine 10 ans. Cette encyclopédie multilingue, universelle, librement diffusable, disponible sur le Web, écrite par des milliers d’internautes, est un bon exemple du glissement du Web 1.0 vers le Web 2.0. Elle est devenue l’un des outils pédagogiques les plus utilisés dans les institutions scolaires de tous les pays du monde. Aux dépens de la crédibilité et de la qualité de l’information, diront certains. En effet, si tout le monde peut éditer des entrées de l’encyclopédie, comment peut-on s’assurer que le contenu soit aussi juste que celui des vraies encyclopédies? Cette question a amené, en 2005, la prestigieuse revue Nature à lancer une étude dont l’objectif était de comparer la véracité de l’information trouvée dans Wikipédia et dans l’encyclopédie Britannica, surtout dans le domaine des sciences pures et appliquées. Résultat : aucune différence significative entre les deux encyclopédies. Le fait est que Wikipédia est tellement consultée – ce qui n’est pas nécessairement le cas des encyclopédies en bibliothèque – qu’il existe une certaine forme d’autorégulation du contenu diffusé. Si une information fausse est présente, elle est rapidement corrigée par un visiteur.

Quand les TIC représentent l’avenir même de l’éducation

Nous vivons à une époque de mutations rapides où les jeunes sont totalement captivés par les technologies. Ces dernières ont une influence importante sur l’évolution de l’ensemble des sociétés et affectent de façon significative toutes les dimensions économiques, sociales ou culturelles. Et même si les TIC sont avant tout des moyens efficaces de diffusion de l’information et de communication, elles se sont rapidement fait remarquer par l’étendue de leurs domaines d’application en éducation, surtout quand on arrive à canaliser l’enthousiasme des jeunes sur des tâches scolaires. Pour l’OCDE5 (Organisation de Coopération et de Développement Économiques), les technologies représentent « l’avenir même » de l’éducation. En outre, étant donné l’omniprésence sociale des technologies, leur maitrise par les nouvelles générations semble de plus en plus déterminante pour assurer leur réussite sociale et professionnelle. En effet, il y a tout lieu de croire que le fait de savoir s’autoformer, s’informer, et communiquer par différentes technologies forme désormais une condition essentielle pour pouvoir s’adapter à une société en mutation constante et devenir des acteurs sociaux à part entière. Ainsi, il y a tout lieu de croire que l’usage des technologies pour apprendre représente actuellement une compétence-clé pour permettre aux jeunes de mieux réussir en contexte éducatif, et plus largement dans la société du savoir dans laquelle nous vivons. Parallèlement, les technologies rendent l’éducation de plus en plus polymorphe, où la présence est souvent conjuguée de diverses façons avec la distance. Ainsi, à la classe technologiquement enrichie se sont ajoutées d’autres modalités d’enseignement et d’apprentissage : la formation à distance, la formation hybride et plus récemment le mobile learning ou l’apprentissage nomade, lesquels contribuent avant tout à diversifier non seulement les temps, mais les espaces d’apprentissage.

Pour l’OCDE, les technologies représentent « l’avenir même » de l’éducation. En outre, étant donné l’omniprésence sociale des technologies, leur maitrise par les nouvelles générations semble de plus en plus déterminante pour assurer leur réussite sociale et professionnelle.

Impact des TIC sur l’engagement des élèves : ce qu’en disent les recherches

Pendant plusieurs années, les chercheurs se sont demandé si les technologies avaient un impact en éducation, un peu comme si par magie le fait de mettre un ordinateur en classe permettrait aux élèves d’apprendre plus, d’apprendre mieux, d’apprendre plus vite. Ainsi, plusieurs chercheurs dont David Jonassen ont, entre autres, prétendu que les technologies avaient le pouvoir de faire apprendre, sans aucune intervention particulière de l’enseignant. D’autres se sont vivement opposés à cette thèse. Par exemple, en 1999, Thomas Russell a publié un livre – The no significant difference phenomenon – où il a répertorié quelque 355 études pour appuyer sa thèse : les technologies n’ont pas d’impact significatif sur l’enseignement et l’apprentissage.

De nos jours, la question de l’impact – ou non – des technologies en éducation parait mal posée. Cherchons plutôt à savoir dans quelles conditions les technologies peuvent avoir un impact positif sur l’engagement des jeunes. Aussi, pour mieux apprécier à sa juste valeur le potentiel des technologies pour l’engagement des élèves, la question de l’actualisation de ce potentiel est centrale. À ce chapitre, il est pour nous certain que l’efficacité des différentes technologies, même si toutes n’ont pas le même potentiel, est essentiellement déterminée par les usages qu’en font les enseignants. Dans cette perspective, l’enjeu actuel de l’usage des technologies en éducation consiste en grande partie à savoir comment rendre effectif leur potentiel pédagogique présumé par des usages réfléchis. Car si les usages ne sont pas adéquats, soit l’engagement diminuera, soit les élèves auront du plaisir, mais ils n’apprendront rien. En fait, pour que les technologies soient pertinentes, et on l’oublie parfois, leur intégration en contexte scolaire doit avant tout servir la mission de l’école : instruire, socialiser, qualifier.

Conclusion

Les technologies ont une influence croissante sur l’évolution de l’ensemble des sociétés et affectent de façon significative les dimensions économiques, sociales et éducatives. Depuis quelques années, ces métamorphoses se sont accélérées avec l’arrivée du Web 2.0 et des médias sociaux. Les technologies forment donc un impératif éducatif grandissant et changent les façons de faire des apprenants, sans pour autant que les systèmes éducatifs en prennent toujours la mesure. En effet, malgré l’importance que revêtent les technologies sur le plan éducatif, malgré leur impact sur l’engagement scolaire des élèves, on note au Canada et partout ailleurs dans le monde que l’usage pédagogique des TIC en contexte scolaire demeure toujours un immense défi6. Les conclusions de plusieurs recherches montrent comment l’aménagement des heures d’enseignement, l’organisation de la classe et la faible compétence technopédagogique des enseignants freinent parfois une intégration efficace des TIC en éducation, une intégration qui favoriserait avant tout l’engagement des élèves.

Il n’y a pas si longtemps, on disait que la télévision était devenue un phénomène quasi-naturel pour les élèves qui ont grandi avec. De nos jours, il en est de même avec les TIC, le Web 2.0 et les médias sociaux, qui sont omniprésents dans la vie de tous les jours des jeunes, mais pas toujours comme il se doit dans les salles de classe. Les technologies peuvent-elles enrichir, rehausser, approfondir les apprentissages qui se réalisent à l’école? Les TIC sont-elles susceptibles de favoriser l’engagement des élèves? Cela ne fait aucun doute. Avec l’omniprésence des TIC dans toutes les sphères de la société, avec cette nouvelle façon que les jeunes et moins jeunes ont d’accéder à l’information, avec la popularité grandissante des réseaux sociaux, il n’est plus possible de penser exclure les technologies de l’école. Mais pour que les TIC fassent mouche, pour qu’elles favorisent l’engagement des élèves, il faut trouver un juste équilibre entre la prudence et l’enthousiasme raisonnable, il faut en faire un usage intelligent lié à la mission de l’école, tout en donnant le gout aux élèves de s’engager pour leur réussite éducative.

Première publication dans Éducation Canada, janvier 2013

RECAP – This article argues that information and communication technologies (ICT) have immense potential to increase cognitive, emotional, and behavioural engagement among young people. The article demonstrates how ICTs exponentially transform our way of learning. It then focuses on young peoples’ passion for emerging technologies, Web 2.0, and social media, and the central role these types of technology play in the social and professional success of youth. Knowing how to self-educate, obtain information, and communicate using different technologies is now an essential condition to becoming a full participant in a constantly changing society. The author then presents a brief overview of research on technology in education, showing that it is no longer necessary to ask whether information technology has an impact – or not – on young peoples’ engagement, but that what really counts is determining how to effectively develop its educational potential.


1 Karsenti, T. et Dumouchel, G. (2012). Les compétences informationnelles des étudiants face au Web : quel bilan? Congrès annuel de l’ASTED (Montréal, 31 octobre).

2 http://www.google.com/competition/howgooglesearchworks.html

3 http://www.youtube.com/t/press_statistics

4 http://stats.wikimedia.org/wikimedia/squids/SquidReportPageViewsPerCountryOverview.htm

5 OECD. (2012). Connected minds: Technology and today’s learners. Paris : OECD Publishing.

Underwood, J., & Dillon, G. (2011). Chasing dreams and recognising realities: Teachers’ responses to ICT. Technology, Pedagogy and Education, 20 (3), 317–330.

Simon Collin

Simon Collin

Simon Collin, Ph.D., est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur une approche sociocritique du numérique en éducation et Directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante - Université du Québec (CRIFPE-UQ)
collin.simon@uqam.ca

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