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Opinion

Projet de loi n° 86 – Et maintenant ?

Cette pièce de blogue fait partie de notre série sur la Loi 86.

Depuis des semaines, le projet de loi no 86 fait couler beaucoup d’encre. Au terme du long processus de consultation des parlementaires sur cette question sensible, il est important, aujourd’hui, de rappeler ce que le projet de loi peut faire, concrètement, pour améliorer l’état du réseau de l’éducation.

Depuis le 4 décembre dernier, date où le projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale, on le résume souvent à une question d’élections scolaires. Rien de plus faux ! Au-delà du mode de scrutin, le projet de loi contient de nombreuses bonifications et clarifications à l’actuelle Loi sur l’instruction publique. Il cherche aussi à codifier les bonnes pratiques qui ont déjà fait leurs preuves dans plusieurs milieux.

La Fédération des comités de parents demande d’ailleurs, depuis plusieurs années, des modifications au niveau de la gouvernance, des pouvoirs et de la décentralisation. Et cela passe obligatoirement par une bonification et une clarification de la loi ainsi que par la codification des bonnes pratiques.

Des outils pour chaque jour de l’année

Certes, le projet de loi évoque une modification au mode de scrutin. Même le ministre et le premier ministre, depuis la fin des consultations particulières sur la question, ont évoqué la possibilité de maintenir le suffrage universel…

Peu importe la décision qui sera prise, il ne faut jamais oublier que les élections se tiennent une fois aux quatre ans. Mais que c’est au quotidien que la loi sera utilisée en terme de gouvernance et de décentralisation. C’est pourquoi il ne faut pas jeter ce projet de loi aux oubliettes et surtout, ne pas baser son jugement uniquement sur cet aspect.

La démocratie peut s’appliquer de plusieurs façons. Ce n’est pas parce que le Directeur général des élections n’est plus responsable d’une élection qu’elle sera moins démocratique. Il importe toutefois que les choix locaux soient en fonction des particularités de chaque milieu et en étant représentatifs de la majorité.

L’école, les enseignants et les parents ne travaillent pas, au quotidien, avec des tableaux, des ratios, des problématiques ou des structures de gestion. Au quotidien, ils travaillent avec des Béatrice, des Louis-Philippe, des Peter, des Mohammed et des Kassandra.

Cela, en tout premier lieu, est la raison pour laquelle le statu quo n’est plus possible. Il faut absolument ramener des décisions près de ces enfants et assurer une application juste et équitable de la loi. Partout et en tout temps. Après tout, même les groupes qui se sont prononcés en défaveur du projet de loi estiment que des changements seraient pertinents ! 

Personne ne peut travailler efficacement, dans l’objectif ultime de la réussite de tous les enfants, dans un contexte d’interprétation. Surtout que la loi actuelle ne permet à personne, ni le directeur général ou le ministre, d’intervenir pour cesser cette application à géométrie variable. Cette dernière doit être appliquée, au même titre que n’importe quel autre texte législatif. Encore faut-il que tout le monde comprenne la même chose et ait les outils pour l’appliquer correctement ! 

Des milieux dont il faut s’inspirer 

Des solutions à une gestion plus efficiente du réseau et à une application correcte de la loi existent déjà. Dans plusieurs milieux, les bonifications et clarifications proposées par le projet de loi sont déjà mises en place et cela se passe très bien ! Pourquoi ne pas adopter ces propositions et généraliser ces bonnes pratiques ?

Par exemple, le changement du terme « approuver » par « adopter » dans les responsabilités du conseil d’établissement. Cette possibilité a toutefois provoqué des réticences chez plusieurs groupes quant à l’aspect pédagogique.

Il est important ici de rappeler que les parents engagés sont ouverts et ont un respect immense pour les qualités d’experts pédagogiques des intervenants de l’école. Par ce droit de vote de tous les membres sur des sujets qui peuvent toucher certains aspects éducatifs, les parents ne veulent pas intervenir dans les classes. Ils veulent pouvoir donner une couleur au milieu de leurs enfants, en fonction des réels besoins de ces derniers. Il est clair que pour les parents, l’expression « respectons les rôles et responsabilités de chacun » prend tout son sens. Pas question de jouer à l’enseignant ! Mais pour poser des questions, échanger et trouver ensemble les meilleures voies de succès pour tous les enfants, les parents répondent présents !

Même chose pour la participation parentale à l’élaboration du projet éducatif ou pour le droit de recevoir les mêmes documents que les autres membres du conseil d’établissement. Tous doivent être sur un même pied d’égalité, dans le plus grand respect des compétences.

Rappelons que le Rapport Beauchesne évoquait, en 2013, le fait que les parents ne se sentaient toujours pas comme de véritables partenaires du réseau, 10 ans après la réforme de 1998. La loi est pourtant claire : les parents sont une partie prenante du réseau. 

Réussite éducative

Pour plusieurs, le projet de loi no 86 n’aura aucun effet positif sur la réussite de nos enfants. Nous nous demandons plutôt : le statu quo est-il vraiment mieux ? Le projet de loi n’est peut-être pas un vaccin contre le décrochage, mais c’est le début de quelque chose.

En effet, décentraliser et rapprocher les décisions des enfants nous apparait un excellent moyen de favoriser la réussite éducative de tous. Des gestes de proximité, en fonction des besoins locaux, nous semblent être des facteurs de réussite assez déterminants. La recherche a démontré que pour réduire le décrochage, il faut avoir une approche systémique pour agir sur plusieurs facteurs : des facteurs personnels, des facteurs sociaux et des facteurs scolaires. Le projet de loi va en ce sens. Peut-être pas assez aux yeux de certains, mais nous croyons que le seul prétexte de la réussite ne doit pas être une raison pour le rejeter. 

Et la suite? 

Maintenant, la balle est dans le camp du ministre de l’Éducation, du gouvernement et des parlementaires pour la suite des choses. Des changements sont nécessaires et le temps presse. Ce projet de loi ne doit pas mourir au feuilleton! Pas après tout le travail qui a été fait. Après tout ce que le réseau a vécu cette année, nous croyons qu’il serait irresponsable de ne pas prendre de décisions rapidement. Irresponsable envers le réseau, les administrateurs, les parents engagés et surtout, les élèves. 

Le traitement dorénavant réservé au projet de loi no 86 doit être connu rapidement. Cela est non négociable. Il faut absolument que tous les partenaires soient informés rapidement. Tous doivent pouvoir s’engager dans ces changements en toute bonne foi et permettre que les espaces dédiés à chacun soient respectés. 

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corinne payne

Corinne Payne

Présidente, Fédération des comités de parents de Québec (FCPQ)

Corinne Payne est présidente de la Fédération des comités de parents du Québec. Par son implication, elle désire contribuer à l’amélioration du système public d’éducation au Québec, en s’assurant que les décisions qui y sont prises le soient toujours dans le meilleur intérêt des enfants.

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