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Design technopédagogique, Pratiques prometteuses

Oser le design dans l’école

Un atout inestimable pour l’apprentissage!

Locaux fermés, bureaux individuels placés en rangs d’oignons, tableau situé à l’avant de la classe, luminosité restreinte, couleurs mornes…, la majorité des écoles québécoises ressemblent encore aux écoles d’antan. Pourtant, le monde de l’éducation est en effervescence!

Plus que jamais, les enseignants perfectionnent et varient leurs pratiques pédagogiques pour rendre leurs élèves plus actifs en classe afin daccroître leur motivation et leur niveau de compétences. Davantage d’efforts sont aussi déployés pour différencier les parcours, donc répondre aux besoins spécifiques du plus grand nombre d’élèves. Il n’est plus rare de voir des enfants jouer à des jeux sérieux pour apprendre les mathématiques, réaliser des expériences scientifiques, créer des petites entreprises, faire du jardinage en classe. Les têtes des enseignants du Québec débordent d’idées créatives, alors que les lieux dans lesquels ils travaillent se prêtent surtout aux méthodes plus frontales et traditionnelles.

Un espace scolaire inspirant des pratiques plus actuelles

 

Voilà quel était le souhait de l’Académie Sainte-Anne, école primaire de la famille Sainte-Anne, qui a ouvert ses portes en 2015 après une transformation extrême du bâtiment singulier qui l’abrite.

Le mandat donné aux designers était clair : penser les lieux et le design en cohérence avec la vision pédagogique de l’école : pédagogie active, différenciation, usage des technologies en classe, plaisir d’apprendre en faisant place à la créativité, au jeu, à l’enfance et à l’activité physique. Ils ont donc décloisonné, créé des zones adaptées aux activités, opté pour une charte de couleurs servant de repères aux élèves, intégré un mobilier servant, lui aussi, de langage par sa conception… bref, conçu un milieu inspirant, où les enfants peuvent s’épanouir. Les GRANDS PRIX DU DESIGN ont d’ailleurs salué leur savoir-faire en leur remettant trois prix, dont le Grand Prix Projet de l’année.

Sainte-Anne n’est pas la seule institution à repenser les espaces physiques pour ses écoles (primaire, secondaire, collégial). Par exemple, ces dernières années, plusieurs établissements scolaires scandinaves ont fait l’objet d’articles spécialisés en raison de leur design novateur. Des entreprises, comme Google et Apple, ont aussi fait leur apparition dans le monde de l’éducation en fondant des écoles à leur image.

DES ÉCOLES TOURNÉES VERS LE FUTUR

À l’heure où nous bâtissons l’école de demain, il est temps que les établissements se distinguent sur le plan de l’aménagement des lieux. Divers éléments y sont indispensables :

1. Espaces ouverts et lumineux

Les écoles actuelles n’offrent qu’une fenestration limitée. Pensons les bâtiments scolaires de sorte qu’ils laissent entrer la lumière naturelle! Ne sommes-nous pas plus productifs, heureux et motivés dans un milieu bien éclairé? Qui dégage une impression d’ouverture, de liberté?

Les nouvelles écoles ont, quant à elles, des espaces communs très vastes, aux plafonds hauts et aux parois souvent vitrées. Les élèves peuvent s’y rassembler sans se sentir écrasés, donc apprécier les pauses dans un environnement plus serein. Ces espaces peuvent aussi accueillir nombre d’élèves dans des contextes pédagogiques variés de façon à permettre aux enseignants de proposer des tâches différenciées, de collaborer avec d’autres enseignants et d’envisager des projets multidisciplinaires.

2. Classes collaboratives et polyvalentes

Imaginons cette classe : dans une section, l’enseignante fait une démonstration à un petit groupe d’élèves; dans une autre section, une équipe collabore à la réalisation d’un projet; ailleurs, des élèves s’adonnent à des tâches individuelles. Stimulant, non? Mais difficile à réaliser dans un petit local carré où les gros pupitres en bois occupent tout l’espace. Pourquoi ne pas penser des espaces ouverts, bien aérés, polyvalents, où la variation des stratégies et la différenciation n’exigent pas une logistique exhaustive? 

3. Mobilier aux nombreux atouts

Des classes plus polyvalentes exigent un mobilier adapté1. Puisque la collaboration s’avère une compétence importante à développer chez l’élève, il est primordial que le mobilier soit mobile. Et pourquoi pas, facilement rétractable. Un enseignant qui varie ses approches n’a pas besoin de pupitres toujours disponibles, mais souhaite qu’ils puissent être aisément déplacés, selon la disposition voulue.

Depuis quelques années, nous entendons parler du concept universel pour l’apprentissage, qui consiste à intégrer des mesures adaptatives au design d’un espace ou d’une pratique. Appliqué au design d’une école, cela peut se traduire par l’achat d’un mobilier ajustable et adapté aux diverses particularités physiques et cognitives des élèves. On peut aussi penser à des amplificateurs sonores dans les classes, à une insonorisation appropriée, à des installations de lecture immersive, bref, aux mesures physiques qui profiteront aux élèves à besoins particuliers et aux autres également.

Les murs et le mobilier ne doivent plus être des accessoires sacrés, mais des espaces intégrés, utiles à l’apprentissage. 

D’autres éléments de mobilier, tels des panneaux mobiles sur lesquels on peut écrire et projeter, peuvent s’avérer des atouts dans la variation des approches et le dynamisme pédagogique. Les possibilités sont immenses pour les esprits créatifs!

4. Apprentissages visibles

Il est démontré que les apprentissages sont plus durables quand la pensée de l’élève peut être rendue visible lors du processus d’apprentissage. Afin de permettre à l’enseignant d’utiliser davantage les stratégies métacognitives, envisageons de multiples lieux d’affichage et d’écriture. À Sainte-Anne, il est possible d’écrire sur les murs de certaines classes, sur les bureaux, voire dans les corridors. Les murs et le mobilier ne doivent plus être des accessoires sacrés, mais des espaces intégrés, utiles à l’apprentissage. 

5. Technologies en toile de fond

L’utilisation des technologies en classe n’est plus à débattre. Cependant, leur intégration peut parfois être laborieuse pour les enseignants, qui n’ont pas toujours le temps de conjuguer avec les aspects techniques de la chose.

Les espaces doivent donc être adaptés : connexions sans fil; outils de projection efficaces; sources de chargement multiples et facilement accessibles; lieux d’enregistrement pour les enseignants, etc.

Les technologies doivent favoriser des stratégies comme la collaboration synchrone, la ludification, la rétroaction intégrée… En diminuant les irritants techniques, nous encouragerons ces pratiques gagnantes.

6. Couleurs stratégiques

L’Académie Sainte-Anne a fait du bleu sa couleur de marque. Dans leur recherche, Mehta et Zhu2 ont démontré que cette couleur est la plus propice à l’émergence des idées. Pourquoi ne pas s’inspirer d’études sur les couleurs pour peindre les murs de la classe? Osons aussi accorder de l’importance à l’esthétisme! Parions que les élèves développeront un plus fort sentiment d’appartenance à une école qu’ils trouvent belle et dont ils sont fiers.

7. Lieux de détente et de divertissement

Les recherches sur l’apprentissage3 démontrent que le cerveau apprend mieux en présence d’émotions positives et que l’activité physique influe positivement sur l’apprentissage, tout comme le repos; celles sur les phases du processus créatif dans le cerveau4 mettent en lumière l’importance de la phase d’incubation, reliée à la détente et à l’oisiveté, qui précède l’émergence des idées. Pourquoi ne pas utiliser ces données dans le design de l’école?

Lorsque nous nous promenons dans les écoles, nous constatons qu’il est difficile d’y trouver des lieux de quiétude et de divertissement où les élèves peuvent se détendre ou s’adonner à des activités ludiques, sportives ou sociales qui développent des compétences autres qu’académiques.

8. L’expérience avant tout

On apprend mieux en faisant. L’importance de l’expérience n’est donc pas à négliger dans la conception d’une école. À l’Académie Sainte-Anne, on trouve une salle verte pour l’horticulture, un laboratoire, une classe de blocs construction, une classe d’art dramatique; au Collégial international, un makerspace, un local multimédia, des salles de créativité… Voilà des exemples d’espaces qui mettent à l’avant-plan le développement de compétences variées. Tous sont aussi des sources d’inspiration pour les enseignants qui désirent coller davantage leur cours à la réalité.

L’espace scolaire n’est pas l’unique chose qu’il faille repenser en éducation. Toutefois, arrimer la vision éducative de l’école à ses espaces physiques, penser des lieux qui contribueront à la motivation et à l’engagement des élèves, voilà des défis plus que stimulants! Alors que plusieurs écoles choisissent d’engloutir des sommes énormes dans la construction d’immenses salles de spectacle, de gymnases géants, il est plus urgent d’investir argent, audace et créativité dans des lieux d’apprentissage qui favorisent une pédagogie réinventée.

 


1  Repéré à www.udlcenter.org/aboutudl/whatisudl

2 Mehta R., Zhu RJ. (2009). Blue or red? Exploring the effect of color on cognitive task performances. www.uvm.edu/~pdodds/files/papers/others/2009/mehta2009a.pdf

3  Repéré à www.youtube.com/watch?v=V8Xjbb1CWVE

4 Andreasen, Nancy (2005). Creating brain: the neuroscience of genius, Dana Press.

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Isabelle Senécal

Isabelle Senécal est directrice de l’innovation pédagogique et de l’international au Collège Sainte-Anne (Lachine).

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