L’orientation sexuelle et le genre
Une histoire à la fois par GRIS-Montréal
Depuis près de 25 ans, le Groupe de recherche et d’intervention sociale (GRIS) de Montréal est un organisme de prévention universelle dont la mission est de démystifier la diversité des orientations sexuelles et, depuis 2019, les réalités trans et non binaires. Les ateliers offerts par le GRIS permettent de présenter des modèles positifs LGBT (lesbienne, gai, bisexuelle et trans) tout en aidant les enseignants à rendre ces réalités moins abstraites. L’approche du GRIS comble clairement un besoin tant au primaire qu’au secondaire : l’organisme est en croissance constante depuis sa création et d’autres GRIS ont depuis vu le jour ailleurs au Québec.
La méthode d’intervention de l’organisme est basée sur le vécu : les intervenants se présentent brièvement avant de passer la période à répondre aux questions des jeunes sur leurs expériences personnelles en lien avec la diversité sexuelle. Chaque intervention, réalisée conjointement par deux bénévoles LGBT, est immédiatement précédée et suivie d’un questionnaire permettant de comparer les attitudes des jeunes face à des situations liées à la diversité sexuelle. Ces questionnaires, en plus d’inciter les jeunes à réfléchir à ces situations, permettent à l’organisme de mesurer l’impact à court terme des interventions et d’observer l’évolution des attitudes dans la société.
L’approche du GRIS est fondée sur le fait que connaitre une personne LGBT permet de mieux comprendre les réalités vécues par celle-ci et d’ainsi faire diminuer les malaises envers une orientation sexuelle ou une identité de genre autre que la sienne. Les questionnaires recueillis par le GRIS montrent ainsi que les attitudes des jeunes changent positivement pendant l’intervention, mais aussi avant même l’intervention du GRIS, les jeunes connaissant déjà une personne LGBT sont plus à l’aise avec des situations liées à l’homosexualité ou la bisexualité. Les jeunes rencontrés reconnaissent eux-mêmes ceci, comme le note cet élève : « C’est une chance [d’avoir eu le GRIS], parce que s’il y a une personne qui n’aime vraiment pas les homosexuels et qui n’a pas eu d’intervenants du GRIS dans sa classe, elle va peut-être rester comme ça toute sa vie. […] Alors que, comme c’est le cas dans ma classe, après le cours avec les personnes du GRIS, il y en a qui ont carrément changé d’avis » (garçon de 14 ans, attiré par les filles).
La rétroaction des jeunes permet de prendre conscience de certains sujets qui créent des malaises particuliers, tels que la religion, l’expression de genre ou la sexualité. Ainsi, nos recherches montrent que, au-delà de la religion d’appartenance, c’est surtout la pratique religieuse d’un individu qui influence négativement ses perceptions face à l’homosexualité et à la bisexualité. Il est particulièrement frappant de constater que certains jeunes se trouvent déchirés entre les enseignements émanant de leur culture religieuse et les observations qu’ils font eux-mêmes entre autres lors de la visite en classe d’intervenants du GRIS. Par exemple, une élève a mentionné qu’elle se sentait « partagée vis-à-vis l’homosexualité et la bisexualité parce qu’en tant que chrétienne, l’homosexualité n’est pas considérée comme étant bien, mais en tant qu’humaine [elle n’a] pas de problème vis-à-vis l’homosexualité ni la bisexualité » (fille de 16 ans, attirée par les garçons).
La question des stéréotypes de genre semble marquer un nombre encore plus important d’élèves. Terrains particulièrement fertiles aux pressions sociales, les comportements et l’apparence sont des lieux importants de réitérations constantes de la conformité de genre, par exemple en s’attendant d’une femme qu’elle soit émotive ou d’un homme qu’il ait un grand intérêt pour le sport. Plusieurs auteurs ont souligné les liens entre les stéréotypes de genre et les attitudes envers la diversité sexuelle. Sans surprise, plusieurs élèves mentionnent retenir que les personnes LGB ne correspondent pas nécessairement aux stéréotypes véhiculés à propos de l’homosexualité et de la bisexualité, particulièrement ceux concernant l’expression de genre : « Avec mes amis, on a parlé du fait qu’ils avaient l’air normaux, alors qu’on s’attendait à voir un homme habillé comme une femme et une femme habillée comme un homme » (fille de 16 ans, attirée par les garçons et les filles). La visite d’intervenants qui dérogent de cette association amène donc une remise en question chez les jeunes rencontrés. Le défi reste cependant de s’assurer qu’en s’attaquant au préjugé liant systématiquement orientation sexuelle et inversion de genre, les intervenants ne présentent pas le fait de correspondre à ces stéréotypes d’inversion de genre comme étant une chose négative et, par le fait même, d’associer ces caractéristiques à une marque d’étrangeté ou de faiblesse. La sensibilisation aux normes sociales, associées à la masculinité et à la féminité et à la présentation de modèles variés, représente ainsi un enjeu essentiel à considérer dans la démystification de l’homosexualité et de la bisexualité au-delà de l’intervention du GRIS.
Finalement, la sexualité reste un sujet tabou, surtout dans un contexte où l’éducation à la sexualité avait disparu des classes. Les malaises couvrent la sexualité dans un grand nombre de ses dimensions (intimité sexuelle, âge des relations, descriptions d’actes sexuels) et reflètent des attitudes courantes dans la société en général. Malgré ces malaises, nous croyons que nous ne pouvons ignorer ce thème : non seulement parce que la sexualité est une des dimensions de l’orientation sexuelle, mais surtout parce que derrière la plupart de ces malaises se cachent des mythes que notre intervention vise justement à défaire.
Depuis un quart de siècle, le GRIS-Montréal a permis à des milliers de jeunes d’entrer en contact avec le vécu de personnes LGB, et maintenant trans et non binaires, dont certains pour la première fois de leur vie. Avec les années, les sujets ont évolué. Par exemple, un grand nombre de nos bénévoles sont parents et peuvent ainsi répondre aux nombreuses questions des jeunes et moins jeunes sur l’homoparentalité et la transparentalité, ce qui n’était pas le cas en 1994. Nos questionnaires et les rencontres avec les jeunes permettent d’observer que le travail de démystification est toujours nécessaire et est loin d’être terminé; l’équipe de bénévoles du GRIS n’est donc pas prête à cesser de se raconter.
Photo : Gracieusé de les auteurs Marie Houzeau et Olivier Vallerand
Première publication dans Éducation Canada, juin 2019