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Design technopédagogique, Pratiques prometteuses

Multimodale, l’école du 21e siècle!

Il suffit de jeter un œil à diverses publications pédagogiques pour constater que les technologies influencent les modèles scolaires et transforment le paysage éducatif. La classe donne une plus large part aux approches collaboratives et multimodales (en présence et à distance). Les systèmes intelligents génèrent l’information en flux, gardent des traces du déroulement des apprentissages et fournissent des rétroactions personnalisées instantanées.

Il suffit de jeter un œil à diverses publications pédagogiques pour constater que les technologies influencent les modèles scolaires et transforment le paysage éducatif. La classe donne une plus large part aux approches collaboratives et multimodales (en présence et à distance). Les systèmes intelligents génèrent l’information en flux, gardent des traces du déroulement des apprentissages et fournissent des rétroactions personnalisées instantanées.

Si les activités éducatives bénéficient largement de l’innovation, on ne peut toutefois assimiler l’apprentissage à l’usage des outils qui le soutiennent. En effet, qu’est-ce que la technologie en classe sinon l’incarnation de notre nouvel univers communicationnel et le raffinement de l’outil didactique pour faciliter le rapport au savoir?

MULTIMODALITÉ

Avec ce qu’il est maintenant convenu d’appeler L’âge de l’Information, les voies d’accès à la connaissance se sont multipliées et savoir gérer l’information devient une nécessité. De plus, afin de répondre aux exigences de la société du savoir, l’individu doit développer la capacité de créer son propre savoir, d’apprendre de ses expériences et de se déployer collectivement.

Entre la classe traditionnelle et les MOOC,[1] un monde de dispositifs se déploie.

Le nouvel environnement scolaire tend vers un concept de classe multimodale où sont mises en place une diversité d’approches dans un environnement ouvert où les apprenants évoluent de façon individuelle ou collective, en présence ou à distance, dans des activités libres ou dirigées, de façon synchrone ou asynchrone, avec plus ou moins d’assistance. Ce modèle est parfois présenté sous le vocable de « classe studio ».

La formation à distance, qui s’est beaucoup développée avec les technologies, n’échappe pas à cette multimodalité. En effet, alors qu’autrefois la frontière entre formation à distance et cours en établissement était clairement établie, on assiste à l’apparition d’une forme d’hybridité entre divers dispositifs utilisant la technologie et la distance. La typologie « COMPETICE »,[2] élaborée par le Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche français, l’illustre bien.

Types de dispositifs de formation utilisant les technologies[3]

Le présentiel enrichi ajoute en salle de classe l’utilisation d’outils et de ressources multimédia. Le présentiel amélioré rend disponible des ressources en amont ou en aval du cours. Le présentiel allégé est un dispositif mixte en mode présentiel avec quelques activités à distance (bimodal) tandis que le présentiel réduit propose une mixité inverse (bimodal). Le présentiel inexistant est quasi entièrement à distance, soutenu ou non par du tutorat à distance.

De nouveaux vocables ont aussi fait leur apparition dans le paysage éducatif. Pour s’y retrouver, quelques brèves définitions.

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Au-delà du tableau technologique brossé précédemment, ces nouveaux parcours portent aussi des enjeux majeurs au plan pédagogique. On le devine, ces dispositifs, moins linéaires et plus personnalisés, exigent des apprenants des capacités d’autonomie supérieures et, de la part des enseignants qui les accompagnent, des compétences en médiation et en facilitation.

MUTATION DU RÔLE DES ACTEURS

« Ce n’est pas L’âge de l’Information mais L’âge de l’Apprentissage; et le plus rapidement les gens comprendront cela, le mieux ce sera ! »[4]

Depuis les questionnements de Socrate jusqu’aux environnements numériques d’apprentissage, les activités d’enseignement ont pris différents visages selon les courants pédagogiques qui se sont succédés. Or, enseigner n’est pas apprendre. Et c’est bien l’apprenant qui peut construire ses propres stratégies et développer son propre savoir.

L’autoformation

Dans une société du savoir, la personne doit être capable de créer de nouvelles connaissances et de s’autoformer. L’intérêt de l’autoformation vient de ce besoin de s’adapter continuellement et d’évoluer harmonieusement dans un mode en perpétuel changement.

« Seul l’individu apprend (…) seulement l’individu (…) n’apprend pas sans l’autre. »[5]

Ce concept d’autoformation ne doit cependant pas être confondu avec celui d’autodidaxie, qui se définit comme le fait d’être son propre éducateur.[6] L’autoformation est vue ici comme la capacité de se déployer, d’autodiriger ses apprentissages : établir ses objectifs, comprendre son propre fonctionnement, réfléchir sur sa démarche, exploiter les ressources, collaborer.

Il serait tentant de croire qu’il suffit d’offrir à l’apprenant un dispositif performant pour qu’il y souscrive et s’y développe… Pourtant, plusieurs interventions doivent être mises en place pour soutenir les pratiques autoformatrices. Retenons celles, encore fort pertinentes, proposées par Philippe Carré,[7] les sept piliers de l’autoformation : le projet professionnel, pour définir ses propres objectifs de formation; le contrat pédagogique, pour baliser les ententes réciproques; un mécanisme de préformation, pour soutenir le développement d’habiletés autoformatrices; des formateurs facilitateurs, pour passer d’un rôle transmissif à un rôle d’accompagnement; un environnement ouvert de formation, pour laisser place à la personnalisation; un rythme binaire, pour alterner des périodes individuelles et collectives; un triple niveau de suivi, sur l’apprenant, l’équipe programme et l’établissement.

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L’accompagnement

Dans une approche par compétence, on s’entend pour dire que la tâche de l’enseignant est moins de transmettre que de guider la construction des compétences, pour bien préparer les apprenants à créer leur savoir dans le monde du travail et dans la société civile.

Cette mutation du rôle de l’enseignant, de dispensateur de savoirs vers celui de facilitateur, de médiateur, d’accompagnateur, trouve sa place, à plus forte raison, en autoformation.

Le déplacement de l’acte d’enseigner vers l’acte d’apprendre présente un défi pour plusieurs enseignants aux prises avec un conflit identitaire où ils interprètent, dans l’autonomie accrue de l’apprenant, une perte de responsabilité pédagogique, et qui questionnent leur rôle. Plusieurs enseignants tardent ainsi à mesurer l’immense portée de ce soutien à l’apprentissage.

La figure ci-dessous illustre cette mutation du rôle de l’enseignant et l’importance de son intervention dans la réussite de l’apprenant en situation d’autonomie.

« Le véritable rôle de l’enseignant n’est pas d’enseigner : il est de veiller à ce que les élèves apprennent. »[8]

L’enseignement cède le pas à l’apprentissage. Le formateur n’y est pas inactif ou simplement réactif, au contraire, son intervention proactive revêt une importance capitale dans le bon déroulement de l’apprentissage. Voici quelques exemples :

  • Assister l’apprenant dans l’analyse de ses objectifs et de ses besoins d’apprentissage;
  • Déterminer avec l’apprenant les modalités de suivi et d’évaluation;
  • Renforcer l’image de soi de l’apprenant;
  • Relier les contenus de formation aux intérêts de l’apprenant;
  • Soutenir l’apprenant dans le développement de ses stratégies d’apprentissage;
  • Encourager la prise de risques, l’expérimentation et l’initiative;
  • Encourager le recours aux autres et la collaboration.

L’établissement qui choisit des approches multimodales et ouvertes doit mesurer les exigences pédagogiques et technologiques de telles pratiques et se donner les moyens pour les déployer avec succès.

La direction pédagogique

S’il arrive que des enseignants intéressés par la technologie initient des activités multimodales dans leur enseignement, il revient à l’établissement scolaire de réfléchir à l’offre de services qu’il entend proposer. Celle-ci peut différer d’un pavillon à l’autre, d’un programme à l’autre, d’un cours à l’autre, en fonction des nombreux facteurs, comme l’expertise de l’établissement ou les besoins des clientèles, des milieux socio-économique et du monde du travail.

L’établissement qui choisit des approches multimodales et ouvertes doit mesurer les exigences pédagogiques et technologiques de telles pratiques et se donner les moyens pour les déployer avec succès. Les directions scolaires doivent, elles aussi, s’ouvrir à de nouveaux modèles éducatifs dynamiques et évolutifs, accepter l’incertitude associée et soutenir le personnel qui les porte, aux plans technologique et surtout, pédagogique.

Conclusion

On l’a vu, il ne suffit pas de mettre en place des approches de classe inversée, de classe studio, de formation à distance ou en ligne, d’enseignement individualisé ou d’alternance travail-études pour entrer dans l’ère de la formation au 21e siècle. Pour que ces pratiques soient porteuses de succès, encore faut-il soutenir pédagogiquement ces nouvelles approches et donner aux acteurs concernés les moyens de réussir.

Ville intelligente, société apprenante, le besoin d’apprendre en continu et de façon autodirigée est déjà présent dans nos vies.

La société d’aujourd’hui exige de ses citoyens de très fortes capacités d’adaptation. Comment préparer aujourd’hui nos apprenants aux réalités encore inconnues de demain? En mettant en place des dispositifs multimodaux, hybrides et ouverts, certes. Mais surtout, en développant chez les apprenants les capacités d’en bénéficier au maximum en leur ouvrant les portes de l’autoformation et en tournant résolument notre regard vers l’acte d’apprendre.

Première publication dans Éducation Canada, septembre 2014


RECAP – To meet the demands of the knowledge society, individuals must develop the ability to create their “own knowledge,” learn from their experiences and work in groups. In a competency-based approach, the teacher’s aim is not so much to transmit knowledge as to guide skills development and thus prepare learners to create their own knowledge in the workplace and civil society. According to the author, the use of approaches such as flipped classrooms, studio classrooms, online or distance learning, one-on-one teaching or cooperative education is not enough to bring us into the era of 21st century learning. For these practices to be successful, they must be supported by pedagogy and stakeholders must be equipped with the tools they need. To prepare our learners for the as-yet unknown realities of tomorrow, we must put multimodal, hybrid and open systems in place while remaining open to self-study and closely following the learning process.


[1] MOOC : Massive Open On line Course. Voir Stephen Downes et Georges Siemens, sur le connectivisme.

[2] http://eduscol.education.fr/bd/competice/superieur/competice/index.php

[3] http://www.imt-atlantique.fr/fr

www.supportsfoad.com/typologie_dispositifs/index.html

[4] www.heppell.net

[5] Giordan, André. (1998). Apprendre ! Éditions Berlin, Paris, p. 212.

[6] Adapté de Legendre, R. (2004). Dictionnaire actuel de l’éducation, 3e édition. Montréal, Guérin.

[7] Carré, P. & Pearn M. (1992). L’autoformation dans l’entreprise. Éditions Ententes, Paris.

[8] Develay, Michel. (1992). L’apprentissage à l’enseignement, ESF, Paris.

Apprenez-en plus sur

Marcelle Parr

Marcelle Parr est détentrice d’une maîtrise en gestion de l’éducation et de la formation. Elle est actuellement à l’emploi de la Société de formation à distance des commissions scolaires du Québec (SOFAD).

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