Rôle du SEP pour les stagiaires

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Bien dans mon travail, Bienêtre, Enseignement

L’essentiel rôle du sentiment d’efficacité personnelle pour les stagiaires

La cible à privilégier lors de la formation initiale des enseignants

L’expérience du stage d’un nouvel enseignant participe incontestablement à la définition du sentiment d’efficacité personnelle à enseigner, c’est-à-dire au développement, par le stagiaire, d’une croyance plus ou moins forte en sa capacité d’organiser son action et de poser les gestes nécessaires pour obtenir les résultats souhaités.

Pour les futurs enseignants, le stage supervisé constitue une aventure remplie de défis. Il peut s’avérer stressant pour certains, anxiogène pour d’autres, voire devenir un véritable test d’endurance1. Durant cette période plus ou moins intensive et prolongée, le stagiaire tente, tant bien que mal, d’établir des relations significatives avec les élèves, mais aussi avec la personne enseignante associée (PEA) qui l’accompagne quotidiennement, ainsi qu’avec la personne superviseure universitaire (PSU). L’étudiant qu’il est veut vivre du succès, tout en étant amené à recadrer des visions idéalistes de lui-même comme enseignant, confronté à des enjeux qui souvent le dépassent, qui interrogent sa personnalité, ses valeurs, ses savoirs, son identité et ses aspirations professionnelles.

Il convient de rappeler que la transition vers l’université constitue, pour plusieurs étudiants, une période déstabilisante. Habités par le désir de performer sur le plan académique, ils peuvent ressentir du stress, des états dépressifs et vivre diverses difficultés d’ajustements d’ordres personnel et affectif2. Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner que des stagiaires en viennent à mettre en doute leurs capacités d’assumer avec succès leurs responsabilités d’enseignants. En ce sens, l’expérience du stage participe incontestablement à la définition du sentiment d’efficacité personnelle (SEP) à enseigner3, c’est-à-dire au développement, par le stagiaire, d’une croyance plus ou moins forte en sa capacité d’organiser son action et de poser les gestes nécessaires pour obtenir les résultats souhaités4.

Dans ce contexte, le SEP devient pour les accompagnateurs de stage une cible d’intervention à privilégier, un levier puissant pour aider les stagiaires à s’engager pleinement dans leur processus de formation ainsi qu’à se développer professionnellement en enseignement.

En effet, les stagiaires qui ont un SEP élevé sont animés par un état d’esprit5 qui les rend davantage disposés à apprendre le métier, pour les principales raisons suivantes :

  1. Ils manifestent un intérêt intrinsèque dans les activités de formation;
  2. Ils se fixent des buts élevés et persévèrent avec l’intention de les atteindre;
  3. Ils voient les tâches difficiles comme des défis plutôt que comme des dangers à éviter;
  4. Ils demeurent calmes et sereins devant les tâches plus difficiles;
  5. Ils redoublent d’efforts lorsqu’ils font face à l’adversité;
  6. Ils récupèrent plus facilement des échecs;
  7. Ils attribuent leurs échecs à un manque d’efforts ou de connaissances plutôt qu’à des habiletés insuffisantes, ce qui peut être plus facilement corrigé.

Bien que plusieurs éléments contribuent au développement du SEP des stagiaires au cours de l’expérience de stage, la PEA et la PSU sont reconnues comme étant des acteurs-clefs à cetégard6. Par leurs pratiques d’accompagnement, elles peuvent influencer et réguler le SEP des futurs enseignants en jouant délibérément sur une ou plusieurs des quatre sources de son développement7.

Concrètement, en tant que PEA ou PSU, je prends appui sur ses expériences antérieures de succès (ce qui est la première source du SEP) quand :

1. Je sonde ses forces et ses défis en puisant dans ses expériences passées (les expériences préprofessionnelles vécues à titre d’élève, de suppléant, de tuteur [aide aux devoirs], d’animateur auprès d’enfants d’âge préscolaire ou scolaire, etc.);

2. Je choisis d’investir à partir de ses forces pour construire son capital de confiance et ses croyances d’efficacité;

3. Je lui propose des défis progressifs, à sa mesure, à son rythme et à sa portée, tout en le poussant vers le dépassement de soi.

Comme accompagnateur de stage, j’ai recours à la persuasion verbale (seconde source du SEP) quand :

4. Je lui donne régulièrement des rétroactions signifiantes, structurantes et équilibrées;

5. Je lui formule des encouragements de manière récurrente;

6. Je lui propose des bilans périodiques afin de lui faire prendre conscience de ses progrès et de ses défis.

Comme formateur de futurs enseignants, je profite d’expériences vicariantes (troisième source du SEP) quand :

7. Je l’incite à m’observer à l’aide d’instruments précis qui nous aideront à réaliser un retour post-séance;

8. Je l’invite à observer des collègues enseignants et des stagiaires, avec leur accord, à l’aide d’instruments précis qui alimenteront nos échanges;

9. Je lui propose de co-enseigner avec moi ou avec un collègue selon différentes formules correspondant à son besoin développemental.

Enfin, je suis attentif à son état physiologique et émotionnel (quatrième source du SEP) quand :

10. Je suis sensible aux manifestations physiques et émotionnelles de stress (somatisation, propos défaitistes, etc.);

11. Je l’aide à trouver des stratégies qui lui permettent notamment de gérer son stress efficacement;

12. Je lui manifeste de la bienveillance, de la considération, de l’acceptation et du soutien;

13. Je le rassure en lui offrant de l’aide de différentes manières, non pas pour faire à sa place, mais pour l’aider à faire sa place.

Ces quatre sources qui viennent d’être évoquées mènent au développement, par les stagiaires, d’une croyance plus ou moins forte en leur efficacité personnelle à l’égard de différentes situations qu’ils rencontreront en contexte de stage. Chacune de ces sources est complémentaire d’une ou de plusieurs autres8. Car il faut savoir que les croyances en matière d’efficacité personnelle sont sensibles aux facteurs contextuels, mais aussi aux facteurs personnels (conceptions, valeurs, expériences antérieures, etc.).

Le SEP s’apprécie également au regard d’une tâche précise dans des circonstances précises. Cette considération suppose une appréciation du SEP par le stagiaire lui-même qui est répétée régulièrement. Par exemple, votre stagiaire peut se sentir capable de planifier une leçon ou une série de leçons sur une matière spécifique (par exemple, le soccer, pour un stagiaire en enseignement de l’éducation physique et à la santé) parce qu’il a de l’expertise dans celle-ci, mais il peut sentir son SEP très faible dans une autre matière (par exemple, la gymnastique), parce qu’il n’y connaît peut-être rien. Votre travail en tant qu’accompagnateur de stage ne sera pas le même dans ces deux cas, et ce, avec la considération que toute intervention est une démarche rationnelle et qu’elle doit donc viser une cible précise.

En conclusion, en tant qu’accompagnateurs de stage, nous avons avantage à contribuer au développement d’un sentiment d’efficacité élevé chez les futurs enseignants, en concentrant nos actions d’accompagnement autour des quatre sources du SEP comme mentionnées précédemment. En effet, à court et à moyen termes, les stagiaires s’engageront non seulement davantage dans leur processus de formation, ce qui aura possiblement un effet sur leurs apprentissages, mais ils auront également tendance, à plus long terme, à vivre du succès dans l’exercice de leur profession, à éprouver de la satisfaction au travail et à s’adapter plus adéquatement aux comportements des élèves. C’est finalement tout le système éducatif qui en sortira gagnant!

 


Photo : iStock

Première publication dans Éducation Canada, septembre 2018

 

1 Kosnik, C. « It is not just practice: conflicting goals, unclear expectations. » Dans F.-J. Benson & C. Riches (dir.), Engaging in conversations about ideas in teacher education (p. 65–71). New York, Falmer Press. 2009.

2 Flynn, D. & Chow, P. « Self-efficacy, self-worth and stress ». Education, 138, 1, 3–8. (2018).

3 Mukamurera, J., & Gingras, C. « La formation initiale vue par des enseignants du secondaire issus des programmes de formation en cours au Québec depuis 1970. » Dans C. Gervais, & L. Portelance (dir.), Des savoirs au cœur de la profession enseignante. Contextes de construction et modalités de partage (p. 45-63). Sherbrooke, QC : Éditions du CRP. 2005.

4 Bandura (2007, p. 12) parlera de « la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités ».

5 Flynn, D. & Chow, P., op. cit., 3–8

6 Ballinger, D.-A. & Bishop, J.-G. « Mentoring student teachers: Collaboration with physical education teacher education. » Strategies, 24, 4, 30–34. (2011). Peterson, S.-M, Valk, C, Baker, A.-C, Brugger, L & Hightower, A.-D. « Were not just interested in work: Social and emotional aspects of early educator mentor relationships. » Mentoring and Tutoring: Partership in Learning, 18. 2, 155–175. (2010).

7 Bandura, A. « Self-efficacy in health functioning. » Dans Ayers, S., Baum, A., McManus, I.-C., Newman, S., Wallston, K., Weinman, J. & West, R. (dir.), Cambridge handbook of psychology, health and medicine (2e éd.). New York: Cambridge University Press. 2007.

8 Bandura, A. «The anatomy of stages of change. » American journal of health promotion, 12, 8–10. (1997).

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Salem Amamou

Salem Amamou

Doctorant en éducation à la Faculté des sciences de l'activité physique (FASAP) de l’Université de Sherbrooke

Doctorant en éducation à la Faculté des sciences de l'activité physique de l’Université de Sherbrooke et étudiant chercheur au sein du centre de recherche interuniversitaire sur la formation e...

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DesbiensJean_Francois

Dr. Jean-François Desbiens

Professeur titulaire et directeur du département de kinanthropologie

Jean-François Desbiens, Ph. D., a obtenu son doctorat en psychopédagogie de l’Université Laval en 2001. Il est professeur titulaire à la Faculté des sciences de l’activité physique de l’Université de Sherbrooke, directeur du département de kinanthropologie et chercheur régulier au sein du CRIFPE-S.

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François Xavier Vandercleyen

Professeur Université de Sherbrooke

Il est professeur agrégé à la faculté des sciences de l’activité physique de l’Université de Sherbrooke, responsable de la formation pratique et des stages pour le baccalauréat en enseignement de l’éducation physique et à la santé et chercheur associé au sein du CRIFPE-S.

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