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Évaluation

L’engagement des élèves dans leurs apprentissages?

Sans l’engagement des profs, bernique!

Les potentialités des gens sont immenses. Ainsi, dans chaque quartier, chaque village de la Belgique, on peut créer une chorale, ouvrir des jardins partagés, monter des tournois d’échecs, initier aux arts du cirque. La condition est toujours la même : qu’un engagé, un enragé (ou qu’une équipe) s’y mette avec une détermination longue, un sens des autres élevé. Une autre condition est nécessaire : que le public n’ait pas été échaudé par une expérience malheureuse, que le désenchantement n’ait pas éteint les enthousiasmes.

Il en va de même à l’école. Tous les élèves, d’où qu’ils viennent, sont prêts, quand ils y entrent, à s’y mettre pour de bon. Leur curiosité naturelle les pousse à multiplier les essais, à demander de l’aide quand ils n’en sortent pas, sans peur de l’échec, en toute confiance … pourvu que leur professeur soit inoffensif et  propose des recherches passionnantes.

Dans le groupe classe se crée alors une atmosphère faite de sécurité, d’estime, de plaisir, d’envie de se dépasser. Ce sont alors les élèves qui demandent peu à peu des apprentissages,  proposent des sorties, apportent des musiques à entendre, montent des spectacles, organisent la réunion des parents, font de la soupe, prennent en charge les rangements et la propreté,  construisent un château, cultivent des légumes et des fleurs avec les vieux des environs, invitent un comédien pour apprendre à mieux faire du théâtre,  choisissent les livres à acheter,  renseignent sur les expositions ou les programmes de télévision à ne pas manquer, organisent des circuits sportifs, multiplient les gestes écologiques, bref qui insufflent la culture dans l’école.

Par un phénomène inattendu a priori, mais bien compréhensible à l’analyse, le scolaire devient culturel. Ainsi des enfants de dix ans raffolent d’écrire peu à peu sans faute les paroles d’une chanson de Georges Brassens choisie par eux. Ils se régalent à lire, imiter et écrire des poèmes. Après avoir tâté les tables de multiplication en en découpant tous les rectangles, ils bâtissent des expositions créatives et solidaires. Ils remplacent les devoirs traditionnels à rendre en un acte de soumission, par des recherches personnelles libres pour instruire les autres. Ils préparent en petits groupes des exposés interactifs sur les volcans, les parfums, la Route de la Soie, la déforestation. La géographie, l’histoire, les sciences les intéressent tous.

Comment ruiner, chez tous  les élèves, cet élan naturel et culturel à s’engager dans les apprentissages? Comment constituer des adolescents dégoûtés, refusant tout engagement?

« Comment ruiner, chez tous  les élèves, cet élan naturel et culturel à s’engager dans les apprentissages? Comment constituer des adolescents dégoûtés, refusant tout engagement? »

Tout simplement en remplaçant la motivation d’incitation à apprendre par son contraire : la motivation d’excitation. Autrement dit, en semant l’ennui puis en menaçant ceux qui ne s’engagent pas dans l’apprentissage, ceci par l’usage d’une panoplie de ficelles qui ligotent les apprenants : examens notés, dénonciations aux parents, punitions, récompenses, humiliation, exclusion, étiquetage, redoublement.  Les élèves échaudés craignent l’eau froide, ils se mettent en défensive et tarissent.  Remarquons que  ces moyens ne sont nullement recommandés par les textes légaux mais sont d’un (ab)usage courant partout dans le monde.

Bref, sans des profs engagés, bernique!

Avec des profs engagés à changer la société, hourra!

 

Première publication dans Éducation Canada, janvier 2013

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Charles Pepinster

Charles Pepinster se présente : « Piètre écolier ayant à l’âge de 8 ans, déjà redoublé deux fois, renvoyé du collège pour insoumission, instituteur, puis directeur/fondateur d’une école pour exclus, inspecteur/instigateur du Groupe Belge d’Éducation Nouvelle (GBEN), instituteur/fondateur d’une école d’Éducation Nouvelle (Buzet/Florereffe-Belgique) formateur dans divers pays (dont la Bolivie, la Tunisie…), chroniqueur, conférencier occasionnel à l’université. »

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