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Diversité, Évaluation

Le vrai défi de la classe d’accueil à l’école publique

La classe d’accueil demeure méconnue au sein des commissions scolaires et du grand public au Québec, bien qu’elle existe depuis une trentaine d’années. Elle est absente de plusieurs quartiers et peu de profs possèdent une expertise dans ce domaine. Les collègues du secteur régulier ont d’ailleurs une idée très vague du travail effectué par les enseignantes et les enseignants de l’accueil. De plus, les structures qui régissent le secteur de la francisation pour les jeunes (comme certaines parties du programme, des évaluations du niveau de langage à l’arrivée, des examens de fin d’étape, etc.) sont encore au stade de l’élaboration.

Malgré cette méconnaissance, le secteur de l’accueil constitue un service essentiel pour l’école montréalaise puisque la métropole accueille la majorité des immigrants du Québec, souvent non francophones. La classe d’accueil devient alors un outil majeur d’intégration, car elle incarne souvent le premier contact de la famille immigrante avec la société québécoise.

Le vrai portrait

Les groupes au primaire sont idéalement organisés selon l’âge des enfants quand le nombre de classes d’accueil, dans une même école, est suffisant. Fréquemment, les groupes comptent des enfants de deux niveaux (1re et 2e année, 3e et 4e année, etc.), mais il arrive de plus en plus souvent que les groupes soient composés d’élèves de trois niveaux et plus. Dans les cas où il n’y a qu’une seule classe d’accueil dans une école, on peut même voir cohabiter des élèves de 6 à 12 ans! Il faut aussi prendre en compte les arrivées, en cours d’année, de nouveaux élèves n’ayant souvent aucune connaissance du français.

Au secondaire, les groupes sont organisés en fonction de leur niveau d’acquisition de la langue, non de l’âge des élèves. Il y a aussi des groupes avancés où les élèves suivent deux ou trois cours au secteur régulier, selon leurs besoins et leurs capacités. Notons que les classes du secondaire comptent de plus en plus d’élèves en grand retard scolaire ou présentant diverses difficultés comme l’autisme, la dyslexie, la déficience intellectuelle légère, etc. Il n’existe toutefois pas de classe d’adaptation scolaire au secteur de l’accueil. Ces élèves demeurent alors dans les groupes d’accueil, mais sans services adaptés.

Il est frappant de mesurer le contraste entre l’image projetée par les différents paliers de gouvernement d’un Canada accueillant, mettant tout en œuvre pour soutenir les nouveaux arrivants, et la réalité constatée dans les écoles. Le quotidien n’est pas aussi idyllique : les élèves nouvellement arrivés sont souvent entassés dans des locaux de fortune avec des profs sans matériel ni soutien scolaire. Il est par ailleurs difficile d’évaluer les élèves qui présentent des troubles d’apprentissage ou de grands retards scolaires. Quand, par chance, le diagnostic tombe enfin, l’argent manque pour des services suffisants et adéquats. De plus, on force souvent les élèves à intégrer prématurément une classe régulière pour des raisons d’économie. Ces élèves se retrouvent alors souvent en échec et leurs chances de réussite sont compromises.

Le vrai défi

La classe d’accueil doit quotidiennement relever le défi de franciser et d’intégrer des enfants venant de tous les coins du monde dans des délais très courts et des conditions pas toujours idéales. Des enfants qui fréquentent une même classe peuvent avoir des profils de scolarisation très différents et des parcours migratoires aussi contrastés que parsemés d’embûches. Il faut aussi prendre en compte que les enfants sont souvent anxieux et déstabilisés d’être scolarisés dans une langue et un pays inconnus.

Malgré ces constats, beaucoup d’élèves issus des classes d’accueil réussissent dans le système scolaire. Il arrive souvent que ces élèves obtiennent de meilleurs résultats que les élèves nés ici. Les succès vécus au secteur de l’accueil des immigrants sont dus pour la plupart au dévouement des enseignantes et enseignants ainsi qu’à la résilience des élèves, bien plus qu’à un système éducatif bien structuré.

Un investissement important en ressources financières et en temps permettrait d’organiser le secteur de la francisation de façon efficace. Cela conduirait vers une réelle égalité des chances pour tous les élèves, peu importe leur origine et leur parcours.

 

Recap: In this article, the author explains the challenges faced by welcome classes as they try to teach French to children from all over the world and integrate them into society within a very short period of time. Major investments are needed to improve the organization, resources and teacher supports in this sector, to ensure that newcomer children are well prepared to integrate into mainstream schooling.

 


Photo : iStock

Première publication dans Éducation Canada, mars 2017

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Caroline Proulx-Trottier

Caroline Proulx-Trottier

Caroline Proulx-Trottier est vice-présidente à la vie syndicale du Syndicat de l’Enseignement de l’Ouest de Montréal.

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