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Le financement des petites écoles québécoises

Un choix de société

Aborder le financement des petites écoles, c’est traiter, surtout, d’un principe intrinsèque à la démocratisation de l’éducation : l’équité. Pierre d’assise du système d’éducation au Québec, ce principe a guidé et permis l’accès à tous les élèves de la province, dans les années soixante, à une scolarisation de qualité, et cela, en milieu rural comme en milieu urbain.

L’histoire

Le développement du réseau de l’éducation au Québec se déroule dans le contexte d’après-guerre, marqué par une croissance économique mondiale, associée à celle de la démographie et, par conséquent, de la construction de nouvelles écoles. Au cours des années soixante-dix, le réseau compte 1,5 million d’élèves sur une population d’environ 6 millions d’habitants1. Les décennies qui suivent indiquent un sérieux déclin du nombre d’élèves, provoquant un réel débat de société sur l’avenir des petites écoles de villages et de quartiers.

Au printemps 2000, la Fédération des Commissions scolaires du Québec (FCSQ) organise un colloque, portant spécifiquement sur les fluctuations de la clientèle2. Plus tard, un groupe de travail est créé par le gouvernement pour se pencher sur la question; il est présidé par M. André Caron, président de la FCSQ et M. Jacques Proulx, président de la coalition Solidarité rurale du Québec. Leur rapport3, déposé en 2003, entraîne des engagements des commissions scolaires et du gouvernement. Les consultations formelles des communautés touchées sont au programme, mais pour s’assurer du maintien des petites écoles, le financement doit être au rendez-vous. Bref, c’est le nerf de la guerre!

Un tournant

Les représentations de la FCSQ (1999-2002), combinées au rapport Proulx-Caron (2003), ont convaincu le gouvernement d’agir. Son premier geste fut de modifier les règles budgétaires en 2002-2003. Ainsi, les commissions scolaires ont reçu une allocation pour la gestion des écoles de 225 élèves et moins et un second ajustement pour l’aide aux petites écoles de moins de 100 élèves dans des municipalités de moins de 25 000 habitants. Une autre mesure dédiée au maintien de l’école de village pour la socialisation des élèves visait les écoles accueillant entre 50 et 100 élèves ainsi que celles de 50 élèves et moins. Dès lors, ces mesures marquèrent un tournant dans l’histoire des petites écoles. Elles ont permis d’en maintenir plusieurs au gré des grandes vagues de compressions budgétaires, sans freiner pour autant l’exode des jeunes vers les grands centres et la dévitalisation de certaines petites municipalités.

Dans cette perspective, faudrait-il des mesures différentes de financement pour s’assurer de maintenir les écoles qui sont de nouveau menacées ou qui le seront dans l’avenir? La FCSQ n’a pas de position arrêtée sur le sujet, sauf sur la forme d’autres mesures d’aide qui sont adoptées actuellement par le ministre de l’éducation. En effet, à notre demande, en collaboration avec les élus municipaux, un nouveau comité sur les écoles de villages a été formé récemment et a conduit à l’annonce d’un investissement de quatre millions de dollars du gouvernement pour supporter des besoins dans des petites écoles de villages. Malheureusement, le ministre a décidé de cibler lui-même les besoins et de diriger les sommes directement aux écoles, sans que les commissions scolaires n’aient droit de regard sur la distribution équitable des sommes concernées. Une sérieuse dérive, à notre avis.

Un enjeu plus que jamais actuel

La FCSQ appuie l’idée que la petite école de village est au cœur de la vitalité d’une communauté. Toute l’expérience vécue à travers les consultations menées par les élus scolaires par le passé démontre, sans équivoque, que l’école est un véritable symbole dans l’esprit des citoyens d’un village, voire même d’un quartier. L’établissement scolaire, c’est le dernier bastion après la fermeture de l’épicerie, du guichet automatique, du bureau de poste, de la station d’essence… L’école, on veut la garder à tout prix!

Nul doute que le développement de ces communautés repose sur des investissements, tant des secteurs privé (entrepreneuriat) que public. Il en va de la survie de certaines régions du Québec et du maintien du principe d’équité des services, dont ceux en éducation. Une vision s’impose. Des priorités doivent être établies et commandent le financement nécessaire, par exemple, à travers le virage numérique que nous nous apprêtons à prendre dans la province.

Ainsi, dans la région de Charlevoix4, située à l’est de la Capitale, plus de 70 % des écoles primaires comptent moins de 90 élèves, soit 10 établissements sur 14. Des régions comme la Gaspésie–les Îles-de-la-Madeleine, la Côte-Nord, le Saguenay–Lac-Saint-Jean, le nord de l’Outaouais, pour ne nommer que celles-là, présentent des taux de chômage élevés, mais l’espoir de leurs communautés de se développer davantage socialement et économiquement perdure. Leur solidarité a fait naître, aux premières heures du déclin démographique, les écoles communautaires. C’est dans leurs écoles que sont nés, aussi, les premiers projets d’écoles en réseau. Le programme « Villages branchés du Québec » ayant pour but de relier les écoles, les commissions scolaires et les municipalités du Québec par un réseau de télécommunication à haute vitesse, lancé à l’automne 2002, a contribué pour sa part à la multiplication de ces projets et au développement de cette expertise. Mais, il y a encore beaucoup à faire.

En effet, la stratégie numérique gouvernementale, en chantier actuellement, ne doit pas laisser pour compte des populations comme ce fut le cas jusqu’à maintenant. Internet est devenu un besoin essentiel. Plus nous permettrons la création d’outils efficients de communication par des investissements bien ciblés, plus nous donnerons aux élèves et à leur communauté la capacité de se développer. Même scénario pour la réponse aux besoins en formation continue et en formation professionnelle, alors que les commissions scolaires ne peuvent répondre rapidement aux besoins des entrepreneurs en région, en raison de règles de financement restrictives quant au nombre minimum d’élèves pour le démarrage d’une cohorte. Une situation insensée aux dires de tous les acteurs de la main-d’œuvre.

Bref, pour l’assurance de l’équité des services éducatifs en région et le développement dynamique des territoires, seule une vision claire du gouvernement, accompagnée d’investissements et de règles de financement adaptées, garantira leur croissance.

Recap: The author suggests that if we truly want to ensure the equity of educational services in remote regions and the dynamic development of these areas, there must be a clear government vision, backed by appropriate funding rules and spending, to guarantee their growth.

Illustration : Dave Donald

Première publication dans Éducation Canada, juin 2017


1 Données de l’Institut de la statistique du Québec.

2 FCSQ et ADIGECS. Fluctuations de la clientèle dans le secteur de l’éducation. Mémoire présenté à la Commission nationale de l’éducation de l’Assemblée nationale. Québec, Septembre 2002, 56 pages.

3 Groupe de travail sur le maintien de l’école de village. Mémoire du groupe de travail. Québec, Janvier 2003, 5 pages.

4 Commission scolaire de Charlevoix. Avis de la CSDC dans le cadre du projet de fusions des commissions scolaires, Décembre 2014.

Apprenez-en plus sur

Josée Bouchard

Présidente, Fédération des commissions scolaires du Québec

Présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), une organisation qui regroupe 61 commissions scolaires du Québec. La FCSQ contribue à promouvoir l’éducation et défend avec détermination les intérêts de ses membres depuis 1947.

President of the Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), an umbrella organization of 61 Quebec school boards. The FCSQ has helped promote education and steadfastly defended the interests of its members since 1947.

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