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Apprentissage autochtone, Équité

Investir dans l’éducation des femmes autochtones

L’éducation des femmes et des filles autochtones liée à la sécurité et la prospérité économiques

Au Canada, les statistiques indiquent que les femmes et les filles autochtones obtiennent certains des pires résultats :

  • Les femmes autochtones âgées de 15 ans et plus sont de trois à cinq fois plus à risque de subir de la violence que les femmes non autochtones;
  • Le taux de violence conjugale pour les femmes autochtones est trois fois plus élevé que celui des femmes non autochtones;
  • Près du quart des femmes autochtones ont vécu une certaine forme de violence conjugale au cours des cinq années précédant l’Enquête sociale générale de 2004;
  • Entre 1997 et 2000, le taux d’homicide des femmes autochtones a été presque sept fois plus élevé que celui des femmes non autochtones;
  • Anciennement connu comme Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC), le rapport publié par Amnistie internationale Canada[1] indique que les femmes autochtones âgées entre 25 et 44 ans ayant le statut d’Indien sont cinq fois plus à risque que les autres femmes du même âge de connaître une mort violente[2].

Les femmes et les filles autochtones font face à des défis beaucoup plus considérables que ceux des autres Canadiennes. Leurs luttes sont plus grandes. Toutefois, si nous lisons les recherches et concluons qu’il ne s’agit que de leur lutte, nous manquons non seulement une occasion d’améliorer la vie des personnes les plus marginalisées, mais nous ne profitons pas non plus de ressources actuellement inutilisées. Les femmes et les filles autochtones sont un élément vital du pays et de la société. Elles comptent pour plus de la moitié de la population autochtone, celle qui connaît la plus forte croissance. Si le Canada en entier souhaite continuer à avancer et à maintenir son avantage économique tout en continuant de se proclamer chef de file en matière d’égalité et de droits de la personne, les luttes et les besoins des femmes autochtones doivent alors être une priorité pour tous les Canadiens. D’ailleurs, un élément fondamental de changement positif est l’amélioration des possibilités économiques pour les femmes et les filles autochtones.

On a montré l’important lien de causalité entre assurer et protéger l’éducation des femmes et des filles et certains changements positifs ayant la plus grande incidence au sein de la société. Il s’agit d’une affirmation fondée sur des données probantes de partout sur la planète. Les résultats positifs en vue d’augmenter l’accès à l’éducation pour les femmes ont été recueillis par l’organisme Educating Girls Matters[3] auprès d’organisations-clés mondiales des droits de la personne[4]:

  • Réduction de la mortalité juvénile et maternelle;
  • Amélioration de la nutrition et de la santé des enfants;
  • Taux de natalité plus faible;
  • Amélioration du rôle domestique des femmes et de leur participation politique;
  • Amélioration de la productivité et de la croissance économique;
  • Protection des filles contre le VIH/SIDA, l’abus et l’exploitation.

Le Fonds des Nations Unies pour la population, une agence créée afin de militer pour la santé et l’égalité des hommes, des femmes et des enfants dans le monde, reprend ces incidences positives à grande portée :

L’éducation est importante pour tous, mais elle a une signification particulière pour les filles et les femmes. Ceci est vrai non seulement parce que l’éducation pave la voie à d’autres possibilités, mais aussi parce que la réussite scolaire des femmes peut avoir des effets d’entraînement au sein de la famille et sur les générations. Investir dans l’éducation des filles est un des moyens les plus efficaces de réduire la pauvreté. (…) L’éducation des parents est liée à la réussite scolaire de leurs enfants, et l’éducation de la mère a généralement plus d’influence que celle du père. La plus grande influence de la mère au niveau des négociations familiales peut lui permettre de s’assurer davantage de ressources pour ses enfants.[5] (Traduction libre)

Les effets positifs se poursuivent et il existe un lien important : l’éducation mène non seulement à l’égalité, mais aussi à une plus grande prospérité économique, pour ces personnes, les familles, les communautés et plus encore. Des raisons de justice sociale devraient suffire pour en faire une priorité et assurer aux femmes et aux filles autochtones l’accès à une éducation de qualité. Pour les personnes ayant besoin de plus de raisons, on peut ajouter qu’il est possible de tirer des avantages économiques de l’inclusion de plus de femmes et de filles autochtones en éducation. Les rapports de Sharpe et d’Arsenault[6] sur les lacunes en éducation des Autochtones au Canada montrent qu’il y a d’importants incitatifs économiques à accorder la priorité à une éducation égalitaire des Autochtones. En calculant l’incidence financière, les auteurs peuvent affirmer – données probantes à l’appui – que la parité entre Autochtones et Canadiens est non seulement une affaire d’importance morale, mais que « c’est aussi un investissement sain qui rapportera des dividendes substantiels pour les décennies à venir. Plus précisément, la population autochtone du Canada pourrait jouer un rôle-clé pour réduire la pénurie de main-d’œuvre imminente due au vieillissement de la population canadienne et à son faible taux de natalité ». Les auteurs poursuivent en estimant que la « réduction complète des écarts en éducation et sur le marché du travail d’ici 2026 entraînerait des bénéfices cumulatifs de 400,5 milliards  (en dollars 2006) en montants supplémentaires et de 115 milliards en dépenses gouvernementales évitées au cours de la période 2001-2026 » .

Éducation et sécurité économique vont de pair. Nous avons besoin de celle-là pour assurer celle-ci. Des enfants en meilleure santé et une plus grande égalité pour les femmes découlent naturellement d’une meilleure éducation, ce qui amène de plus grands avantages économiques. En retour, les femmes autochtones auraient de meilleures chances d’échapper à la violence à mesure qu’elles s’éloignent des marges de la société et de la pauvreté. L’éducation est à la base d’un changement substantiel. Le fondement de tout ceci est de s’assurer que les femmes et filles autochtones obtiennent une éducation de qualité.

L’éducation autochtone est loin derrière l’éducation standard au Canada. Investir dans la création d’une éducation égale a des avantages clairs. La question demeure donc : quels sont les écarts, pour les femmes et les filles autochtones, dans la réalisation de cette éducation égale et de qualité et quels sont les meilleurs moyens de réduire l’écart?

Le récent rapport de l’Association des femmes autochtones du Canada sur l’éducation,[7] comprend de nombreuses recommandations pour améliorer l’éducation des femmes et des filles. Peu importe ce qui est mis en œuvre, l’incidence et la portée devront être grandes. L’initiative ne doit pas oublier les personnes touchées, les hommes et les femmes, les garçons et les filles. Toute approche qui ne reconnaît pas explicitement les différents besoins et préoccupations de ces deux groupes ne fera que perpétuer davantage les obstacles et l’injustice. On doit aussi développer des initiatives en éducation en collaboration avec les femmes autochtones et les organisations pertinentes travaillant avec elles.

Le gouvernement fédéral a récemment annoncé des changements substantiels à la Loi sur l’éducation des Premières Nations. Nous, de l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), accueillons favorablement ces changements. Cependant, il reste certaines priorités que nous jugeons importantes d’examiner. Nous aimerions voir davantage de financement destiné à améliorer l’accès des femmes autochtones à l’éducation, incluant l’accès à des métiers non traditionnels, la formation professionnelle et le développement économique. Nous aimerions voir davantage de soutien pour les mères autochtones monoparentales qui poursuivent leurs études. Sans soutien pour la garde d’enfants, les femmes autochtones sont constamment laissées de côté. Le curriculum doit être élargi tout comme le financement des ressources éducatives pour mettre fin à la violence envers les femmes et les filles autochtones. En soutenant ainsi le développement de relations saines, cela va contribuer à atténuer l’effet néfaste des nombreuses années de pensionnats indiens.

L’éducation des parents est liée à la réussite scolaire de leurs enfants, et l’éducation de la mère a généralement plus d’influence que celle du père.

Les résultats des recherches de l’AFAC en matière d’éducation demandent une attention soutenue pour les femmes et filles autochtones. On doit les repérer et les inclure de façon active dans tous nos projets. Leurs besoins peuvent être similaires, mais ils seront souvent différents. Ceci doit être respecté et honoré par le biais d’une considération et d’une inclusion continues.

Il existe de nombreuses stratégies concrètes pour les personnes réellement préoccupées à améliorer l’accès à l’éducation des femmes et des filles autochtones et ayant à cœur le développement économique des femmes, des familles et des communautés autochtones. Il est important de reconnaître d’une part l’interdépendance entre éducation et développement économique et, d’autre part, le rôle crucial que jouent les femmes et les filles. Cela est vrai non seulement pour leur propre développement, mais également pour accroître l’égalité, la prospérité et les possibilités économiques de tous les Canadiens.

Photo incluse avec permission du Saskatchewan School Boards Association

Première publication dans Éducation Canada, juin 2014


RECAP – Aboriginal women and girls face more formidable challenges than those of other female Canadians. The Native Women’s Association of Canada (NWAC) welcomes the recent changes announced by the Federal Government in support of First Nations, but would would like to see more funding to improve access to education for Aboriginal women, including access to non-traditional occupations, vocational training and economic development. NWAC would also like more support for single Aboriginal mothers who continue their studies. Social justice and equity considerations should justify quality education for Aboriginal women and girls. This would give them a better chance to escape violence and poverty, since education leads to greater equality and economic prosperity for Aboriginal mothers and their families.


[1] Rapport d’Amnistie internationale Canada « On a volé la vie de nos sœurs : Discrimination et violence contre les femmes autochtones ».

[2] Feuillet d’information de l’AFAC, n.d.

[3] www.educatinggirlsmatters.org/challenge.html

[4] Fonds mondial pour les femmes, Banque mondiale et Clinton Global Initiative.

[5] www.unfpa.org/gender/empowerment2.htm

[6] Sharpe et d’Arsenault de 2009 et de 2010.

[7] L’égalité des sexes dans la réforme de l’éducation chez les Premières Nations : Rapport final (2013).

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Michèle Audette

Michèle Audette est actuellement Présidente des Femmes autochtones du Canada. D’abord nommée Présidente des Femmes autochtones du Québec (FAQ) en 1998, elle a aussi été sous-ministre associée au ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration du gouvernement du Québec, chargée du Secrétariat à la condition féminine, entre 2004 et 2008.

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