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École Marie-Anne : la ressource humaine, le ciment de la persévérance!

L’école Marie-Anne a pour mission de scolariser des jeunes de 16 à 22 ans qui ont décroché ou sont engagés sur la voie du décrochage. Jour après jour, le personnel de cette école livre un réel combat à la démotivation, au découragement et à l’abandon. Quel moyen a été choisi pour mener ce combat? Une relation tuteur-élève significative et un travail en concertation.

3 élèves, 3 histoires…

Victor, 18 ans, a reçu le prix du raccrocheur lors de la collation des grades de janvier 2015. Ses enseignants ont reconnu en lui son organisation et sa détermination. Pourquoi est-il arrivé à Marie-Anne à l’automne 2014? Après avoir été exclu d’une école privée, Victor se retrouve dans une nouvelle école complètement démotivé. Il commence à consommer des substances et a des problèmes avec la justice. L’école n’a plus aucun sens pour lui, il quitte. Après un certain temps, il s’inscrit dans un diplôme d’études professionnelles et réussit. Il travaille un an, mais il souhaite obtenir son diplôme d’études secondaires pour aller faire une technique au cégep. Il s’inscrit donc à Marie-Anne.

Renaud, 21 ans, est décrit par son enseignante de français comme un élève cultivé, intéressé, intéressant, bon lecteur, réfléchi, politisé, bonne tête, belle tête et conscient. Il a pourtant lui aussi été exclu d’une école privée pour avoir échoué à un cours. Il a fréquenté quelques écoles et tenté des cours par correspondance sans grand succès. Il a travaillé durant trois ans avant de s’inscrire à l’école Marie-Anne. Il veut aller au cégep, l’histoire l’intéresse beaucoup.

Isabelle, 19 ans, a fréquenté une école à vocation artistique. En quatrième secondaire, elle commence à consommer et décroche. Elle refait une tentative à l’école, mais échoue. Elle vit alors une relation amoureuse toxique qui l’éloigne de ses amis et de sa famille. C’est le vide autour d’elle. Après une période de grande déprime, elle met fin à sa relation et s’inscrit à Marie-Anne dans le but de suivre une formation en hôtellerie.

Ces trois élèves sont considérés comme des décrocheurs, car ils n’ont pas emprunté la voie régulière, ils ont un parcours différent. Ces trois histoires sont multipliées par 1200 à l’école Marie-Anne. Autant d’élèves autant d’histoires! Ces élèves ont pris la décision de revenir ou de poursuivre, mais une fois l’effet du changement passé (nouvel horaire, nouvel environnement, ambiance cégep grâce au groupe d’âge et de la formule session, etc), qu’est-ce qui les motivera à rester? Quand on a posé la question à chacun d’eux « Qu’est-ce qui a marché à l’école Marie-Anne? », une réponse unanime est ressortie : « les profs s’occupent de nous, ils nous respectent, ils nous connaissent. »

Être connu et reconnu

Être connu et reconnu, se fait d’abord dans l’œil d’un adulte significatif. À Marie-Anne, depuis maintenant 7 ans, chaque élève a un tuteur qui est un de ses professeurs. Ce tuteur a pour mission d’être responsable de l’élève de façon globale et de se préoccuper du bon déroulement de son projet de formation. Il doit le suivre, le rencontrer de façon individuelle, le référer aux services disponibles à l’école, l’accompagner tout au long de son projet de formation, le faire réfléchir sur ses choix et ses actions. C’est le filet de sécurité installé autour de l’élève pour éviter qu’il ne dévie de sa trajectoire.

Le premier geste du tuteur est de connaître l’élève. Savoir d’où il vient, où il désire aller, les difficultés qui pourraient entraver son projet de formation, ses forces et qualités, etc. Il accompagne l’élève dans la découverte de lui-même. Lors de l’évaluation de ce moyen du plan de réussite, des commentaires ont été recueillis auprès des élèves tels :

  • Mon tuteur m’a aidé à régler un problème que je croyais insurmontable et j’ai pu poursuivre;
  • J’avais l’impression d’être important quand ma tutrice me rencontrait seul;
  • Ça m’a encouragé à continuer après que j’aie échoué mon premier examen de mathématique;
  • Ça me fait drôle, on dirait qu’elle croit en moi plus que moi.

Les recherches sur la motivation scolaire nous ramènent irrémédiablement à l’importance de la qualité de la relation maître-élève. C’est ce qui est cultivé à l’école Marie-Anne. Chaque tuteur rencontre ses élèves de façon individuelle à différents moments de la session afin de faire le point et guider ce dernier vers les ressources appropriées en cas de besoin.

Pour les élèves, croire que l’on peut réussir parce que l’enseignant en face de nous cherche à nous connaître, nous accueille et nous légitime dans notre différence, peut vraiment faire dévier la trajectoire vers la réussite. Croire que l’on peut réussir parce que notre tutrice ou tuteur prend le temps de nous rencontrer individuellement pour s’intéresser à nous, se préoccuper de nous et nous ramener à nous. Croire que l’on peut réussir…et décider de poursuivre, oser se projeter, choisir de mettre des efforts et du temps.

Les conditions essentielles : action concertée et responsabilisation de l’élève.

L’accueil et le respect de l’élève sont certes des conditions incontournables pour que ce dernier se place dans une posture d’ouverture face à l’élaboration de son projet de formation et à sa réussite. Cependant, ces conditions sont tributaires de l’engagement de l’élève. L’engagement repose sur la responsabilisation. L’école ne peut faire à la place de l’élève et doit placer ce dernier face à des choix et devant des situations qu’il devra assumer.

Quand toutes les conditions ont été mises en place pour que l’élève se connaisse, sente qu’on le reconnaît dans ce qu’il est, sache ce que l’on attend de lui, quand tous les acteurs de l’école ont interpellé l’élève sur les mêmes enjeux, ce dernier doit s’engager.

Pour favoriser la responsabilisation, une approche concertée doit être soutenue par tous les acteurs de l’école. De même que la croyance qu’une relation significative avec l’élève sera un catalyseur de son engagement, une vision partagée, de la constance et de la cohérence dans toutes les interventions sont les éléments qui feront la différence.

Deux fois par session tous les intervenants, enseignants, techniciens, professionnels et membres de la direction se retrouvent réunis à la bibliothèque pour passer en revue l’ensemble des dossiers des élèves. Chaque tuteur recueille auprès des autres enseignants et professionnels les informations qui lui permettront d’intervenir adéquatement auprès de l’élève. Aucun élève ne demeure dans l’anonymat et les interventions se font de façon concertée.

Un modèle de relation

Si tous les enseignants de l’école Marie-Anne assument leur rôle de tuteur avec beaucoup de professionnalisme, certains se démarquent par leur engagement remarquable. Samir Kamel, un enseignant de mathématique de 72 ans, est un modèle d’une relation maître-élève tout à fait exceptionnelle. Un reportage de la série « Écoles à l’examen » diffusée à Télé-Québec lui a été consacré. Monsieur Kamel établit une relation authentique avec chacun de ses élèves et consacre beaucoup de temps à ces derniers. Il souhaite la réussite de tous et ne ménage aucun effort pour y parvenir. Vous pouvez le constater en visionnant l’émission du 18 septembre 2013 : L’école des raccrocheurs1.

Le trésor de Marie-Anne

Finalement, oui il se produit des miracles à l’école Marie-Anne. Plusieurs élèves vivent des réussites pour la première fois, augmentent leur estime d’eux-mêmes et prennent confiance en eux. Qu’est-ce qui explique ces miracles? C’est assurément dû à ce qui constitue le trésor de cette école, la ressource la plus précieuse : la ressource humaine. Enseignants, techniciens, professionnels et direction travaillent ensemble à accueillir l’élève dans ce qu’il est, le connaître, l’accepter et le guider vers la réussite. Sans cette cohésion humaine et professionnelle, l’école Marie-Anne ne ferait sans doute pas de miracles.

Recap – école Marie-Anne has chosen to invest in a school’s most valuable resource: human resources. Day after day, the school’s staff works together to counteract school failure and help students ages 16 to 21 stay in school, whether they have gone back to school or are at risk of dropping out. All students work with a tutor who follows them and their education goals. Tutors work closely with technicians, teachers and members of the administration to get to know students quickly and recognize their strengths, limitations and differences in order to provide the support needed to realize their potential and guide them towards success.

Photo: Chris Schmidt (iStock)

Première publication dans Éducation Canada, mai 2015



1 http://ecolesalexamen.telequebec.tv/emissions/2/l-ecole-des-raccrocheurs

 

Apprenez-en plus sur

Claire Poirier

Claire Poirier est directrice de l’école Marie-Anne où elle a instauré le système de tutorat avec l’ensemble de l’équipe-école. Elle est directrice de cet établissement scolaire depuis 10 ans.

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