Des sciences en action
Transformer l’enseignement des sciences et technologie
Éduquer aux sciences et technologie à l’élémentaire est une des voies pour édifier une société du savoir composée de citoyens plus informés et plus critiques. Nombreux sont les enjeux environnementaux, scientifiques ou en santé qui demandent aux populations d’être mieux informées. Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi les sciences et technologie sont peu enseignées à l’école. Elles sont souvent vues comme des connaissances controversées et certaines croyances des enseignants peuvent interférer avec les croyances scientifiques.1 La formation initiale est souvent perçue comme déficiente. Une majorité d’enseignants de l’élémentaire ne sont pas spécialisés en sciences, et peu se sentent interpelés par ce domaine. Or, des enseignants peu préparés manqueraient de confiance pour sortir des schèmes de pratiques traditionnelles.
L’enseignant est au cœur de nos préoccupations car il constitue un pilier pour motiver les élèves par rapport aux sciences et technologie. Nos recherches auprès de communautés d’apprentissage ont démontré la pertinence de cette démarche pour procurer aux enseignants les outils pour parfaire leur enseignement. Toutes les communautés d’apprentissage ne sont pas identiques; certaines ont moins de succès que d’autres. Dans nos travaux, nous créons des communautés d’apprentissage qui respectent le libre-choix des participants d’y adhérer et se centrent par la recherche-action (R-A) autour des besoins des enseignants pour résoudre les problèmes de la classe. La R-A favorise le leadership des enseignants et l’adoption d’une posture d’agent de changement. Ledéveloppement professionnel passe ainsi d’une logique managériale à une logique écosystémique, ce qui permet aux enseignants de s’engager réellement dans une démarche professionnelle.
Les forces de la recherche-action (R-A)
La R-A est une forme de recherche ayant une portée directe sur l’action en se centrant sur l’amélioration des pratiques et la croissance professionnelle des individus.2 Trois processus interreliés la distinguent : l’action, la recherche et le développement professionnel. Trois conditions définissent un projet de R-A: le projet vise l’amélioration de la pratique; les praticiens sont engagés dans le projet; le projet se caractérise par une spirale de planifications, actions, observations et réflexions. La force de transformation de la R-A réside en sa capacité de développer une « sagesse pratique » en améliorant les compétences d’analyse et d’investigation, en favorisant l’efficacité et en aidant à clarifier la vision du rôle professionnel.3 Une autre force de la R-A consiste à générer des savoirs savants, des savoirs pratiques (méthodes, processus et solutions), et des savoirs d’expériences (donner sens à son expérience).
Une recherche-action pour transformer les pratiques en sciences et technologie
Entre 2008 et 2010, une communauté d’apprentissage pour le développement professionnel en sciences et technologie fut créée.45 Cette communauté était formée de huit enseignantes franco-ontariennes. Sept rencontres d’une journée ont permis aux enseignantes de construire leurs savoirs et de transformer leurs pratiques. La première rencontre a permis d’exposer ce que les enseignantes aimaient dans le curriculum et ce qui constituait pour elles des défis. Pour reprendre le processus en spirale propre à la R-A, les enseignantes exposaient les problèmes rencontrés, pour ensuite expérimenter des solutions dans la classe que nous discutions à la rencontre suivante.
Au niveau des planifications et actions, une enseignante de 6e année voulait diversifier ses leçons en électricité. Elle disait posséder beaucoup de petits moteurs mais ne savait pas comment les utiliser. En groupe, nous avons généré des idées pour utiliser ces moteurs. Finalement, elle a expérimenté la construction de bateaux motorisés. Une enseignante de 5e année possédait plusieurs kits de légos mais ignorait comment les intégrer dans sa planification. Nous avons exploré l’introduction des légos dans sa classe en construisant des structures et mécanismes comme des voitures, des leviers, des ponts-levis, puis décidé que le français pourrait être lié à ces constructions en amenant les élèves à élaborer un plan de leur structure. Une autre rencontre a servi à trois enseignantes de 6e année à discuter du développement d’un site web sur le système solaire. Ce projet visait ultimement à rendre les élèves plus actifs dans leur apprentissage.
Au niveau de la réflexion, des enseignantes ont témoigné que la communauté d’apprentissage leur a permis de repenser à leurs valeurs pédagogiques, comme cet extrait le démontre:
Je pense que mon enseignement a changé au niveau de ma philosophie. Il est davantage axé sur l’enfant pour le mettre en action dans son apprentissage. En sciences ce que j’ai découvert, c’est qu’ils apprennent beaucoup en manipulant puis en travaillant.6
La formation initiale est souvent perçue comme déficiente.
Au niveau des limites de cette recherche, des observations dans la classe des enseignantes n’ont pu être effectuées car l’analyse s’est centrée essentiellement sur le discours.
En conclusion…
Les enseignantes se sont engagées dans un processus de planifications, actions et réflexions pour améliorer l’enseignement en sciences et technologie. Nous croyons que la R-A intégrée à la communauté d’apprentissage pour le développement professionnel optimise le potentiel de croissance professionnelle et d’actions, puisque les enseignants s’engagent dans un processus de recherche et d’ajustements des pratiques. Les rencontres de la communauté d’apprentissage ont dynamisé la réflexion des enseignants, s’appuyant sur l’expertise de chaque collègue et l’apport de la chercheuse qui a aussi travaillé à maintenir un équilibre écosystémique.7 Le processus dynamique de la R-A permet à la communauté d’apprentissage d’opérer comme un système vivant, permettant à l’enseignant de mettre en œuvre ses talents pour améliorer ses pratiques, et rendre les sciences et technologie accessibles à tous les citoyens.
RECAP – Science and technology education is an ideal way to build a knowledge society composed of more informed and critical citizens. Yet these subjects are often given little attention in elementary school. Most elementary teachers are not science specialists and few are interested in the field. Initial teacher training is often perceived as being deficient in this regard and these poorly prepared teachers lack the confidence to look beyond traditional practices. Between 2008 and 2010, a learning community for professional development in science and technology was created among eight Franco-Ontarian teachers. They participated in a process that involved planning, activities and reflective exercises to improve science and technology instruction.
Photo: iStock
Première publication dans Éducation Canada, novembre 2014
NOTES
1 Shapiro, B. L. (1996). A case study of change in elementary student teacher thinking during an independent investigation in science: Learning about the “face of science that does not yet know.” Science Education, 80(5), 535–560.
2 Savoie-Zajc, L. (2001). La recherche-action en éducation : ses cadres épistémologiques, sa pertinence, ses limites. Dans M. Anadón, Nouvelles dynamiques de recherche en éducation (p. 15-49). Québec : PUL.
3 Ibid (Elliot, 1991 dans Savoie-Zajc, 2001).
4 Dionne, L. et Couture, C. (2010). Focus sur le développement professionnel en sciences d’enseignants de l’élémentaire. Éducation & Formation, e-293, 151–164. Repéré à http://ute3.umh.ac.be/revues/index.php?revue=9&page=1
5 Recherche financée par le CRSH.
6 Adapté de Catherine, entrevue finale, juin 2010.
7 Dionne, L., Savoie-Zajc, L. et Couture, C. (sous presse). Les rôles de l’accompagnant dans une communauté d’apprentissage d’enseignants. Revue Canadienne d’Éducation.