La passage des notes: évaluer

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Enseignement, Évaluation

Des notes… pour qui, pour quoi?

La note de passage : évaluer l’apprentissage

Dans cet article, l’auteure partage ses multiples expériences comme enseignante dans divers pays en se concentrant particulièrement sur l’aspect de l’évaluation. Elle décrit des approches qui parfois se distinguent l’une de l’autre assez radicalement, mais qui ont le plus souvent des points communs. En se basant sur son parcours pédagogique comme élève et comme enseignante, elle offre des conseils qui ont pour but d’assurer le meilleur succès académique des élèves.

Je me souviens de ce moment d’attente après une évaluation et de cette question posée à l’enseignant concernant nos copies : « Madame est-ce que vous avez corrigé nos examens ? » Et de la déception sur nos visages lorsque ceux-ci n’avaient pas fait l’objet de l’évaluation tant attendue de tous. Cependant, le stress montait lorsque l’enseignant nous disait : « Oui, ils sont dans mon sac, je vous les donnerai à la fin du cours. » Le suspense restait complet. Avions-nous réussi ? La note allait-elle être à la hauteur de nos attentes ? Quelle allait-être la réaction de nos parents face à cette fameuse note ? Qui se souvient de ces enseignants qui plaçaient les copies par ordre croissant ? Si bien que plus l’attente était longue, plus la note était élevée. Ou encore des enseignants qui mettaient un point pour l’encre utilisée lors de l’écriture du travail pour ne pas mettre zéro. Il s’agissait bien entendu d’une boutade, d’un point totalement fictif et qui n’avait aucune valeur sinon celle de l’usure du crayon. Cette note, symbole de réussite pour certains et d’humiliation pour d’autres. Cette note tant redoutée, mais, en même temps, tant attendue. Alors, en 2019, la note fait encore débat. Doit-on noter nos élèves ? Que noter ? Quand noter ? Pourquoi noter ? Tant de questions qui restent en suspens. Alors des notes… Pour qui et pourquoi ?

Quand la note est une nécessité pour certains et un frein à l’apprentissage pour d’autres

Je suis le fruit d’une éducation à la française, un système dans lequel la note est le symbole de la réussite ou de l’échec. Il n’y a pas de seconde mesure ; tout est quantifié, évalué. Les élèves travaillent pour avoir des notes et l’enseignant se sent récompensé lorsque ses élèves réussissent. Un système de compétition se construit dans les salles de classe entre les élèves. Chacun veut « battre » la note de l’autre. Les enfants et les parents ont besoin de savoir ce qu’ils « valent ». D’ailleurs, lors des réunions parents/enseignants, il n’est pas rare que le parent demande que l’enseignant inscrive sur toutes les copies la note la plus haute, la note la plus basse et la moyenne du groupe dans le but de situer leur enfant dans une certaine moyenne et mesurer le niveau de la classe.

A contrario, certaines sociétés telles que le Québec ou la Finlande choisissent d’enlever ce système de notation qu’elles jugent trop compétitif. Les enfants progressent à leur rythme et se mesurent à eux-mêmes. Lors de la réforme de l’Éducation au Québec en 2001, puisque le ministère de l’Éducation du Québec n’avait alors donné que de grandes lignes de ce qui devait être évalué et n’avait pas publié de politique d’évaluation, les parents ont vu apparaitre dans plusieurs écoles un nouveau type de bulletin sur lequel étaient inscrites des émoticônes, sourire rouge, jaune ou vert, à la place de la fameuse note. Les parents avaient perdu tous leurs repères… Que voulaient dire ces couleurs. Il était important de lire la légende et là on pouvait lire : « en difficulté », « réussi bien », ou « réussi au-delà des attentes ». Certains parents ne voulaient même plus lire le bulletin et même les enseignants avaient beaucoup de mal à se retrouver dans ce nouveau système…

Cependant, quelle que soit la façon de noter, une des responsabilités de l’enseignant reste d’évaluer. Alors, si l’enfant est doué, la note devient un motivateur. Il cherchera toujours à obtenir le point qu’il lui manque et regardera attentivement sa copie pour voir où se trouvait sa fameuse erreur et il ne la refera pas deux fois.

L’évaluation fera toujours débat dans nos sociétés si semblables et si différentes, car la réussite c’est aussi une question de culture.

Cependant, la note rend certains enfants en état de stress intense. Le fait d’être noté réduit leurs performances. En Corée du Sud, les étudiants sont tellement stressés par leurs études qu’ils commettent parfois l’irréparable en se suicidant. Lorsque j’enseignais au Népal, je voyais des enfants ne plus dormir pour étudier et réussir à tout prix malgré les coupures d’électricité et le manque de ressources matérielles. Les notes des enfants représentaient des sacrifices financiers pour les parents. L’échec n’était donc pas une option. Certaines sociétés sont donc intransigeantes concernant la réussite.

Quand l’enfant échoue et qu’il voit sa copie barbouillée de rouge, la note devient le symbole de la démotivation. Au cours de ma carrière d’enseignante, j’ai souvent vu des enfants ne pas vouloir regarder leurs copies, car ils savaient pertinemment qu’ils avaient échoué. Alors, à quoi bon regarder chaque erreur une par une lorsqu’il y a en a des dizaines. L’échec est écrit dans le regard de ces enfants qui ne réussissent pas dans le système purement académique. Je me rappelle un élève de quatrième année qui échouait constamment à ses évaluations. Cependant, un jour, j’ai donné à ma classe le défi de fabriquer un instrument météorologique. Pour une fois, cet élève a réussi avec brio cet exercice qui n’était pourtant pas facile. Il avait enfin trouvé sa voie, il n’était peut-être pas doué pour les exercices purement académiques, mais il excellait dans les travaux manuels. Cette fierté dans son regard restera à jamais gravée dans ma mémoire. Et c’est à cet instant que j’ai réalisé que le métier d’enseignant n’était pas seulement d’évaluer, mais aussi, et surtout, de révéler les forces de nos élèves. Il est important de voir l’enfant de manière holistique. L’élève n’est pas seulement une note, mais une personne qui est forcément compétente.

Alors, comment trouver le juste milieu, lorsqu’on a vécu, comme moi, les deux extrêmes concernant la note ? En allemand, je voulais toujours avoir la meilleure note et nous étions deux dans la classe à se battre pour l’obtenir. Cela devenait un jeu. Cependant, mes résultats en mathématiques laissaient à désirer et, cette fois, ce même jeu se transformait à celui qui aurait la note la plus basse. Nous nous tirions vers le bas et cela nous faisait rire. Cette note redoutée devenait une blague, elle n’avait plus aucune importance à mes yeux ni à ceux de mes camarades, d’ailleurs… Alors, vous me direz, que faire ?

Des pistes de solutions concernant l’évaluation

Le contrôle continu

Certaines sociétés choisissent le contrôle continu comme mode d’évaluation. Il s’agit de mesurer l’évolution des apprentissages en tenant compte de tous les travaux réalisés sans vraiment faire de contrôle sommatif. Ce système convient particulièrement aux élèves toujours présents et dont l’évaluation sommative amène des contreperformances.

Le bulletin personnalisé et l’autoévaluation

Lorsque j’enseignais en maternelle, j’avais la liberté d’évaluer les apprentissages de mes élèves en construisant un bulletin personnalisé. Les enfants prenaient en charge leur évaluation et les défis qu’ils avaient à relever. Cela permettait de motiver les élèves et de les rendre responsables de leurs apprentissages. L’autonomie était développée et ils prenaient conscience de leurs forces et de leurs lacunes sans pour autant être découragés. Ils avaient compris que chacun était différent et que chacun devait avancer à son propre rythme. En ce qui me concerne, je préfère que l’enfant soit présent lors des rencontres avec les parents au sujet du bulletin, car on parle alors de lui et il doit être au courant de ce que l’on dit de lui. Ainsi, il peut poser des questions au même titre que le parent. Il devient un membre actif de ses apprentissages et de son évaluation.

Le portfolio

Le portfolio, qu’il soit en version papier ou électronique, est un bon moyen de voir l’évolution des apprentissages des élèves, car il brosse le portrait de l’enfant en colligeant des travaux signifiants. Cette méthode est très pratique et permet à l’enfant de s’exprimer au sujet de ses apprentissages. Il est intéressant d’inviter les parents à regarder le portfolio avec son enfant pour qu’il l’écoute et lui pose des questions. Le parent n’étant pas en classe, il ne peut pas tout comprendre et l’enfant devient un expert face à ses parents.

Pour conclure, je dois admettre que je n’ai pas vraiment de réponse à ma question de départ : des notes pour qui, pour quoi ? Cependant, il est important de tenir compte de l’enfant que l’on a devant soi en créant un bulletin individualisé représentant le fruit d’autoévaluations, de portfolios et de discussions. Il faut surtout arrêter de comparer l’incomparable ; la différenciation se fait aussi en évaluation.

Au fond, quoi que nous fassions, nous passons notre temps à être évalués non seulement dans la salle de classe, mais à l’extérieur. Que voulons-nous pour nos enfants ? Chacun a un désir de réussite. Cependant, la réussite n’aura pas le même sens pour tout le monde. Finalement, je ne pense pas qu’il y ait une solution unique lorsqu’on considère l’évaluation en général, car, en ce qui me concerne, cela dépend des enfants que nous avons devant nous et de la société dans laquelle nous vivons. L’évaluation fera toujours débat dans nos sociétés si semblables et si différentes, car la réussite c’est aussi une question de culture. Chaque pays établit ses propres règles et ce qui est applicable en Finlande, ne le sera pas forcément en France ou au Canada. Je pense que la solution réside dans le fait de reconnaitre ce que nous sommes et ce que nous désirons en tant que société. Cherchons nos valeurs dans le but de savoir ce que nous devons ou non évaluer et noter. Cherchons ensemble à quoi ressemblera notre société de demain et peut-être aurons-nous la solution face à l’évaluation.

 

Collage : Natacha Roudix

Première publication dans Éducation Canada, mars 2019

Apprenez-en plus sur

Natacha Roudeix

Enseignante et Doctorante, Simon Fraser University et INALCO

Natacha Roudeix est doctorante à l’Université Simon Fraser et à l’Institut national des langues et civilisations orientales. Actuellement enseignante...

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