Créer un écosystème de l’enseignement primaire et secondaire qui soutient le bien-être

date : 23 avril 2024

Si vous apercevez une seule grenouille malade dans un étang, vous vous dites :

Je me demande pourquoi elle est malade…

Mais si vous en repérez plusieurs dans un étang, vous vous demanderez sans doute :

Mais qu’est-ce qui cloche dans cet étang ?

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Le monde est en mutation rapide. Le changement climatique, les troubles mondiaux, les pressions économiques, l’insécurité alimentaire et les inégalités croissantes contribuent à l’anxiété quotidienne qu’éprouvent le personnel et les élèves du primaire et du secondaire, surtout chez les populations les plus vulnérables. Nous constatons la présence de graves problèmes de santé mentale dans les écoles et dans les bureaux de districts scolaires. Les enfants et les jeunes manifestent des besoins d’apprentissage et des problèmes de comportement de plus en plus complexes. Les employés font face à de nouveaux défis, à des charges de travail croissantes, qui contribuent à des taux plus élevés d’épuisement professionnel, d’absentéisme et de roulement du personnel, alors que s’accentuent les pénuries de personnel d’un océan à l’autre.

Comme le suggère la métaphore des grenouilles dans un étang, le monde occidental s’est penché sur les grenouilles, et non sur l’étang, si bien que nous sommes devenus très doués pour cerner ces moments où les personnes sont en difficulté. Soucieux du bien-être de nos collègues et des élèves, nous avons érigé des systèmes qui permettent à ceux et celles qui sont en crise d’accéder au counseling et à d’autres formes d’aide professionnelle. Nous devenons également habiles à enseigner aux gens comment composer avec leur environnement stressant à l’aide de saines habitudes de vie. Songeons aux séances et aux ressources de sensibilisation qui traitent de l’alimentation, de l’activité physique ou de la gestion du stress.

Mais le nombre de personnes en difficulté est tel qu’il dépasse notre capacité d’apporter du soutien. On ne peut nier l’importance des interventions visant de sains comportements personnels, mais elles ne tiennent pas compte des raisons premières pour lesquelles autant de gens vivent de la détresse. Pour y arriver, nous devons considérer l’ensemble du système.

Depuis des décennies, les chercheurs en santé de la population reconnaissent l’effet important qu’a l’environnement sur le bien-être personnel. La Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé (1986) a établi que la paix, le logement, l’éducation, l’alimentation, le revenu, un écosystème stable, des ressources durables, la justice sociale et l’équité représentent des conditions fondamentales préalables à la santé. Des recherches approfondies démontrent qu’une approche globale de la santé dans les écoles améliore le bien-être des élèves et du personnel, qu’elle crée un sentiment d’appartenance et qu’elle rehausse l’apprentissage des élèves. Pareillement, de nouvelles recherches un peu partout dans le monde établissent que des environnements de travail favorables font partie des moyens les plus efficaces de promouvoir le bien-être au travail.

On entend de plus en plus parler de ces constatations. Le Réseau ÉdCan a lancé l’initiative Bien dans mon travail en 2019 afin de mettre en lumière l’importance du bien-être au travail dans les écoles primaires et secondaires. Voilà déjà plusieurs années que nos propos ont évolué, passant de la sensibilisation générale à l’importance d’une action systémique, à la collaboration avec des leaders à tous les niveaux afin de formuler des stratégies visant à créer des environnements de travail et d’apprentissage plus sains. Aujourd’hui, un nombre croissant d’employés et de dirigeants de systèmes scolaires primaires et secondaires reconnaissent qu’un réseau complexe de facteurs contribue au bien-être des élèves et du personnel. Ils comprennent l’importance d’agir sur ces facteurs environnementaux. La question qu’on nous pose aujourd’hui est la suivante : Comment s’y prendre?

L’idée d’influer sur cet énorme réseau complexe de facteurs propices au bien-être s’avère déconcertante. On se demande : « Mais comment puis-je le moindrement changer quelque chose d’aussi vaste et nébuleux que le système? » La bonne nouvelle est que ce n’est pas nécessaire. Aucune personne, à elle seule, n’a le pouvoir de changer tout un système, mais ensemble, nous pouvons lui donner une poussée dans la bonne direction, celle du bien-être.

Dans notre travail, nous constatons combien les petits gestes peuvent créer des vaguelettes de bien-être qui atteignent nos écoles, nos communautés et nos milieux de travail. Des muffins faits maison et du café frais, par exemple, peuvent rassembler les gens dans la salle du personnel et instaurer un sentiment d’appartenance et de rapprochement.

Chacun de nous peut contribuer à un environnement scolaire ou professionnel favorable en s’occupant de nous-mêmes et en nous comportant de manière à favoriser des liens positifs avec nos collègues et nos élèves. Si nos fonctions englobent de plus grandes responsabilités, nous pouvons encourager et appuyer la discussion portant sur les priorités, les politiques et les ressources qui ont un effet bienfaisant sur le bien-être de tous à l’école, au travail et dans le district scolaire.

La collaboration authentique s’est révélée un thème primordial dans notre recherche. Quoique le personnel dirigeant ait la responsabilité de fixer les attentes et de promouvoir un environnement favorable, il n’a pas à détenir toutes les réponses. Notre expérience fait écho à la recherche : non seulement une proche collaboration avec les employés pour cerner les priorités et concevoir les solutions maximise-t-elle l’impact de nos actions, mais le processus, en lui-même, soutient le bien-être.

L’Expérience de l’écoute générative démontre comment la mise en application des principes de la collaboration communautaire lors d’un programme d’apprentissage professionnel peut promouvoir le bien-être et créer un changement significatif. Ce projet pilote s’inspire de deux principes fondamentaux :

les dirigeants scolaires jouent un rôle important pour façonner des environnements scolaires accueillants et inclusifs;

les dirigeants ont plus de chances de créer des environnements scolaires favorables lorsqu’ils se portent bien.

La première étape de ce projet comportait une proche collaboration avec deux directions de districts et six directions scolaires pour concevoir ensemble le contenu et la structure d’un programme d’apprentissage professionnel qui serait dispensé à une cohorte comprenant jusqu’à 20 directions au cours de l’année scolaire 2023-2024. Le processus de conception collaborative a donné l’occasion de réfléchir, de nouer des liens et de faire l’essai d’outils de vivre-ensemble. Les directions scolaires ont accordé tellement de valeur à cette approche qu’elle a été intégrée au programme lui-même. Grâce au processus de collaboration et de conception concertée, les directions d’écoles qui ont pris part à l’Expérience de l’écoute générative favorisent à présent des écosystèmes sains dans leurs écoles, tout en découvrant, ou en redécouvrant, ce qu’est leur propre bien-être au travail.

Le fait d’employer cette approche collaborative et cette conception concertée à tous les échelons peut nous aider à créer un écosystème d’éducation primaire et secondaire qui soutient le bien-être du personnel, tout comme celui des élèves.

Photo: Pixabay