Comment résoudre les pénuries de personnel dans les écoles primaires et secondaires ?
Établir des liens avec les leaders en éducation fait partie intégrante de mon travail en tant que directrice de programme de Bien dans mon travail d’ÉdCan. Partout au Canada, les leaders en éducation ont à cœur le bien-être de leur personnel. Ils voient l’impact de la charge de travail et des pénuries de personnel sur la santé et le bien-être des membres de leur personnel. S’il existait une solution facile pour résoudre efficacement tous ces problèmes au Canada, chaque leader du pays l’aurait déjà mise en place.
Le fait est qu’il n’y a pas de solution facile.
Le recrutement et le maintien en poste ainsi que la santé mentale du personnel ressortent comme les deux grandes priorités du sondage de 2024 sur le bien-être au travail d’ÉdCan. Les réponses qualitatives font d’ailleurs ressortir l’interdépendance de ces deux priorités : les problèmes liés à la charge de travail causent à la fois stress et épuisement professionnel et font, de ce fait, augmenter l’absentéisme. Le manque de personnel causé par l’absentéisme et les postes à combler aggravent la charge de travail. La perception que le « système ne fonctionne pas » est de plus en plus prévalente, ce qui, potentiellement, rend plus difficile de recruter du personnel en éducation.
S’il n’existe pas de solution facile pour échapper à ce cercle vicieux, comment peut-on surmonter ces défis?
Accepter que le défi est complexe nous donne des pistes de solution sur la façon d’aborder la situation. Les situations complexes comportent nombre d’éléments inconnus et les facteurs en cause sont interdépendants, ce qui rend difficile d’en discerner les causes et effets. Une situation complexe offre peu de consensus sur la nature du problème et sur la façon de le résoudre. Une situation complexe nécessite une action collaborative, souple et systémique pour la résoudre.
Dans le contexte de l’éducation primaire et secondaire, la résolution des pénuries actuelles de personnel et la promotion du bien-être du personnel à long terme et de manière durable exigent un engagement :
- à collaborer de la part des dirigeants des districts scolaires, des syndicats, des associations professionnelles, de chaque membre du personnel, des conseillères et conseillers scolaires et des ministères de l’Éducation;
- à apprendre par expérience, à essayer des stratégies pour surmonter les défis, à documenter ce qui fonctionne, à adapter les solutions en conséquence et à partager les initiatives réussies entre les différents districts scolaires; et
- à s’attaquer aux facteurs systémiques comme les structures organisationnelles et le milieu de travail.
La bonne nouvelle, c’est qu’une approche systémique et holistique peut produire un cercle vertueux d’amélioration sur de multiples fronts. Le bien-être, l’engagement et la productivité du personnel sont interdépendants, s’influencent mutuellement de façon positive et se sont avérés efficaces pour réduire le roulement de personnel et l’absentéisme. De plus, des employées et employés en bonne santé tissent des relations plus solides avec les élèves, leurs collègues et les parents et prodiguent un enseignement de meilleure qualité. Ces facteurs, mis ensemble, contribuent à de meilleurs résultats pour les élèves.
Le bien-être, l’engagement et la productivité du personnel sont interreliés. Illustration du Réseau ÉdCan.
Une étude effectuée par Gallup démontre « qu’un bon emploi et un travail stimulant sont à la base d’une vie enrichissante ». La question se pose alors : qu’est-ce qu’un bon emploi?
La sécurité psychologique est à la base du bien-être dans nos écoles et dans nos lieux de travail. Un examen des facteurs qui motivent une personne à quitter un poste ou à y demeurer révèle une corrélation notable avec les 13 facteurs identifiés dans la Norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail :
Facteurs qui influent sur le maintien en poste :
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Facteurs qui influent sur les départs :
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La manière dont ces facteurs influencent la décision d’une personne de rester dans un poste précis ou de le quitter dépend de façon significative du contexte. La théorie des deux facteurs élaborée par Hertzberg nous rappelle qu’il est possible d’être à la fois très motivé par notre poste et insatisfait de celui-ci. La recherche de Hertzberg identifie deux ensembles de facteurs indépendants qui influent sur la satisfaction au travail. Des facteurs motivants, comme un travail intéressant et valorisant, rehaussent de façon directe la satisfaction au travail. Des facteurs socio-économiques, comme le salaire ou l’accès aux ressources nécessaires pour effectuer un travail, ont peu d’influence sur la motivation ou la satisfaction. L’absence d’un de ces facteurs socio-économiques est toutefois cause d’insatisfaction.
Les membres du personnel qui peinent à joindre les deux bouts avec leur salaire peuvent voir dans la possibilité de gagner un peu plus dans un autre poste, ou un autre secteur, une motivation convaincante pour quitter un poste. Les membres du personnel qui vivent aisément avec leur salaire voient peu d’attrait dans un salaire plus élevé. En revanche, d’autres facteurs comme la charge de travail, la culture organisationnelle ou l’accès aux ressources nécessaires pour répondre aux besoins des élèves gagnent en importance.
Dans une situation complexe, l’accès à des données probantes peut nous guider à tracer le parcours à suivre. Des données quantitatives comme celles provenant du sondage Protégeons la santé mentale au travail peuvent nous aider à comprendre de façon générale comment différents membres du personnel perçoivent leur travail. Les données quantitatives ne répondent toutefois pas aux questions : « pourquoi ressentent-ils …? » ou « comment aborder ce problème ? ». C’est seulement en amorçant un dialogue authentique avec le personnel que nous aurons réponse à ces questions et que nous pourrons tracer le parcours à suivre pour soutenir le bien-être des employées et employés et résoudre les pénuries actuelles de personnel.
S’il est une chose qui m’apparaît évidente après deux ans dans le poste de directrice de Bien dans mon travail, c’est qu’aucune personne à elle seule ou aucun groupe à lui seul n’a toutes les réponses nécessaires pour surmonter les défis actuels en éducation. Pour appuyer la réussite de nos élèves, nous devons travailler en collaboration à tous les niveaux, de la maternelle à la 12e année, en vue de créer des milieux de travail et d’apprentissage plus sains qui permettront de recruter et de garder un personnel talentueux et passionné.
Photo: Pixabay
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
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Références
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